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30/05/2023 | FRANCE | N°20/00812

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 30 mai 2023, 20/00812


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 20/00812 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HVN2



CRL/JLB



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ORANGE

13 février 2020



RG :18/00087







[J]



C/



S.A.S. VOYAGES ARNAUD CARPENTRAS





















Grosse délivrée le 30 MAI 2023 à :



- Me MOURET

- Me SER

GENT













COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 30 MAI 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ORANGE en date du 13 Février 2020, N°18/00087



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 20/00812 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HVN2

CRL/JLB

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ORANGE

13 février 2020

RG :18/00087

[J]

C/

S.A.S. VOYAGES ARNAUD CARPENTRAS

Grosse délivrée le 30 MAI 2023 à :

- Me MOURET

- Me SERGENT

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 30 MAI 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ORANGE en date du 13 Février 2020, N°18/00087

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et Monsieur Julian LAUNAY BESTOSO, Greffier, lors du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 28 Mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 30 Mai 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [Y] [J]

né le 09 Mars 1959 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Philippe MOURET, avocat au barreau D'AVIGNON

INTIMÉE :

S.A.S. VOYAGES ARNAUD CARPENTRAS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Vincent VINOT de la SELARL SYNAPSE AVOCATS, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Sylvie SERGENT de la SELARL DELRAN-BARGETON DYENS-SERGENT- ALCALDE, avocat au barreau de NIMES

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 30 Mai 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [Y] [J] a été engagé à compter du 2 mai 2014, suivant contrat à durée déterminée à temps partiel, en qualité de conducteur- receveur par la SAS Voyages Arnaud, lequel s'est poursuivi à compter du 29 décembre 2014, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à raison de 27,70 heures de travail hebdomadaire.

La convention collective applicable est celle des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.

Le 9 décembre 2014, M. [Y] [J] a été victime d'un accident de travail, reconnu comme tel par la Caisse Primaire d'assurance maladie.

Le 23 janvier 2018, lors de la visite de reprise, le médecin du travail a conclu que 'l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, inapte à son poste de chauffeur receveur du fait des restrictions : pas de mobilisation de l'épaule gauche et de la main gauche (pas de tenue possible du volant correcte) '.

Par courrier du 14 février 2018, M. [Y] [J] a été informé, par la SAS Voyages Arnaud, de son impossibilité de reclassement.

Par courrier du 5 mars 2018, suite à l'entretien préalable du 28 février 2018, M. [Y] [J] a été licencié pour impossibilité de reclassement.

Par requête du 24 mai 2018, M. [Y] [J] a saisi le conseil de prud'hommes d'Orange aux fins de dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et de condamner la SAS Voyages Arnaud au paiement de diverses sommes indemnitaires.

Par jugement du 13 février 2020, le conseil de prud'hommes d'Orange a :

- débouté M. [Y] [J] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la SAS Voyages Arnaud de sa demande reconventionnelle,

- condamné M. [Y] [J] aux entiers dépens de l'instance.

Par acte du 3 mars 2020, M. [Y] [J] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance en date du 11 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a révoqué la clôture de la procédure initialement fixée au 27 septembre 2022, dans l'attente de la décision relative à la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, prononcé la clôture de la procédure à effet au 27 mars 2023 et renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 28 mars 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 1er février 2023, M. [Y] [J] demande à la cour de :

- dire et juger que le licenciement dont il a fait l'objet sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la SAS Voyages Arnaud prise en la personne de son représentant légal en exercice d'avoir à lui payer à titre de :

- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 15.096 euros,

- indemnité compensatrice de préavis : 3.774 euros,

- congés payés sur indemnité compensatrice de préavis : 377, 40 euros,

- dommages et intérêts pour préjudice moral : 5.000 euros,

- ordonner la délivrance d'un certificat de travail faisant état du dernier jour d'activité : 6 mai 2018, sous astreinte de 50, 00 euros par jour de retard,

- dire et juger que ces sommes produiront intérêts à compter de la demande en justice,

- constater que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élève à la somme de 1.258 euros,

- débouter la SAS Voyages Arnaud de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la SAS Voyages Arnaud , prise en la personne de son représentant légal en exercice d'avoir à lui régler une somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour frais irrépétibles en cause d'appel,

- la condamner en tous les dépens.

M. [Y] [J] soutient que :

- même si la faute inexcusable de l'employeur comme étant à l'origine de son accident du travail n'a pas été retenue, ce dernier a malgré tout manqué à son obligation de sécurité de résultat,

- lors de la consultation des délégués du personnel, il leur a été donné des informations insuffisantes, les pièces produites ne mentionnent pas l'existence de l'accident du travail ni sa date, ni ses conséquences,

- seuls 4 délégués sur les 10 étaient présents et l'employeur ne donne aucune explication sur la manière dont ils ont donné leur avis,

- son inaptitude a une origine professionnelle, la Caisse Primaire d'assurance maladie a pris son accident en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels et c'est le comportement fautif de l'employeur qui est à l'origine de son accident,

- l'employeur n'a pas procédé à une recherche sérieuse de reclassement en interne et en externe au sein du groupe auquel il appartient,

- pour l'ensemble de ces motifs, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et ses demandes indemnitaires sont fondées.

En l'état de ses dernières écritures en date du 3 août 2022, la SAS Voyages Arnaud a demandé de :

- confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a :

- jugé le licenciement de M. [Y] [J] motivé par une cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [Y] [J] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [Y] [J] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis,

- débouté M. [Y] [J] de sa demande de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,

- débouté M. [Y] [J] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- débouté M. [Y] [J] de sa demande de délivrance d'un certificat de travail faisant état du dernier jour d'activité au 6 mai 2018 sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

- débouté M. [Y] [J] de sa demande de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

En toute hypothèse,

- débouter M. [Y] [J] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner M. [Y] [J] à payer à la SAS Voyages Arnaud une indemnité de 3.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens d'instance.

La SAS Voyages Arnaud fait valoir que :

- l'inaptitude concerne l'ensemble des sociétés du groupe dans la mesure où, comme l'a précisé le médecin du travail, elles sont toutes identiques,

- la recherche de reclassement a été faite malgré cet avis du médecin du travail, dans le souci de permettre malgré tout à M. [Y] [J] de conserver son emploi,

- les délégués du personnel ont également constaté cette impossibilité de reclassement, lesquels étaient parfaitement informés de la situation de M. [Y] [J], ainsi qu'en attestent les pièces jointes à la convocation,

- au surplus, en raison de la dispense de recherche de reclassement, la consultation des délégués du personnel n'est pas requise,

- M. [Y] [J] procède par voie d'affirmation pour soutenir que son inaptitude est due au comportement de son employeur alors que c'est un événement climatique majeur qui a emporté le mobil home,

- par suite aucun manquement à l'obligation de sécurité de résultat ne lui est imputable,

- l'article L.5213-9 du Code du travail n'a pas vocation à s'appliquer en cas de licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle,

- l'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis a un caractère indemnitaire et ne génère pas de droit à congés payés,

- la demande de dommages et intérêts n'est accompagnée d'aucune démonstration de la réalité d'un préjudice.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

M. [Y] [J] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier en date du 5 mars 2018 rédigé dans les termes suivants :

'Monsieur,

Nous faisons suite à l'entretien préalable a votre licenciement en date du 28 février 2017, auquel vous vous êtes présenté accompagné par M.[X] et vous notifions, par la présente, votre licenciement pour inaptitude physique à l'emploi et impossibilité de procéder à votre reclassement.

Nous vous informons que vous percevrez l'indemnité spéciale de licenciement outre l|'indemnité spéciale prévue à l'article L. 1226-14 du Code du travail étant précisé que cette indemnité n'étant pas une indemnité compensatrice de préavis elle n'a pas pour effet de retarder la date de fin de contrat et n'ouvre pas droit à congés payés.

Compte tenu de la nature de ce licenciement, et conformément aux dispositions légales applicables, la date d'envoi de la présenté fixera la date de rupture de votre contrat de travail, votre licenciement prenant effet sans préavis, en raison de votre inaptitude.

En application de l'article L 911-8 du Code de la Sécurité sociale, vous bénéficierez, à compter da la date de cessation de votre contrat de travail, du maintien s titre gratuit de la prévoyance prévues par les contrats souscrits par l'entreprise et ce, pour une période égale au maximum à la durée d'indemnisation du chômage et dans la limite du dernier contrat de travail, sans pouvoir excéder 12 mois.

Les garanties maintenues sont identiques à celles en vigueur dans l'entreprise et seront applicables dans les mêmes conditions aux ayants droit du salarié qui en bénéficiaient effectivement à la date de cessation du contrat de travail.

Nous vous adresserons, dans les jours à venir, les notices explicatives correspondantes que nous vous invitons à lire avec attention.

Nous vous ferons parvenir par pli séparé le solde de votre compte, votre certificat de travail et l'attestation destinée au Pôle Emploi.

En ce qui concerne les motifs de ce licenciement, il s'agit de votre inaptitude à votre poste de travail ainsi que l'absence de toute possibilité de reclassement.

Vous avez été recruté au sein de la société le 02 mai 2014. et exercez à ce jour, les fonctions de Conducteur receveur.

Depuis le 09 décembre 2014, vous bénéficiez d'un arrêt de travail d'origine professionnelle.

Le 16 janvier 2018, vous avez bénéficié d'une première visite médicale. Consécutivement, le 17 janvier 2018, l'étude de votre poste et de vos conditions de travail a été effectuée par le médecin du travail au sein de la société.

A cette occasion, nous avons longuement échangé avec le médecin du travail sur vos missions ainsi que sur les postes existants au sein de la société.

Le 23 janvier 2018, à l'issue de la visite médicale de reprise, vous avec définitivement été déclaré inapte àvotre emploi de conducteur receveur dans les termes suivants : ' inapte à son poste de chauffeur receveur du fait des restrictions: pas de mobilisation de l'épaule gauche et de la main gauche (pas de tenue possible de volant correcte)'.

Par courrier recommandé du 30 janvier 2018, nous avons de nouveau pris attache avec le médecin du travail.

Dans ce cadre, nous lui avons rappelé les constats auxquels il était parvenu lors de l'étude de votre poste et de vos conditions de travail, à savoir l'impossibilité de mettre en oeuvre votre reclassement au sein de la société, que ce soit sur votre poste de travail mais également sur les différentes catégories de postes existantes au sein de la société.

En effet, nous lui avons rappelé les différents échanges portant sur l'éventualité d'un aménagement horaire (réduction du temps de travail ou nouvelle répartition du temps de travail), d'un aménagement ergonomique (réaménagement de l'espace de travail ou mise à disposition d'outils ergonomiques qui faciliteraient ses conditions de travail) ou encore d'un aménagement organisationnel (assistance d'une tierce personne par exemple) de votre poste de travail.

Ceci étant, compte tenu des conclusions du médecin du travail selon lesquelles ' l'état de santé du salarie fait obstacle à tout reclassement dans un emploi', un reclassement s'est avéré impossible à mettre en oeuvre.

Nous l'avons également sollicité sur nos éventuelles recherches de reclassement au sein du groupe auquel nous appartenons.

Par courrier du 30janvier 2018, Ie Docteur [F] a définitivement exclu toute possibilité de reclassement tant interne qu'au sein du groupe auquel nous appartenons et nous a confirmé que ' Monsieur [J] est inapte à son emploi et son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi au sein de votre entreprise ainsi que dans les autres sociétés puisqu'elles sont identiques'.

Par conséquent, les restrictions médicales ainsi émises mettent un terme à toute possibilité de reclassement au sein de la société ainsi qu'au sein du groupe auquel nous appartenons.

Malgré l'importance des restrictions émises par le médecin du travail, soucieux de permettre votre reclassement, nous avons diligenté des recherches actives de reclassement externe.

De fait, par courrier recommandé avec AR du 30 janvier 2018, afin de permettre votre éventuel reclassement, nous vous avons demandé de nous transmettre votre curriculum vitae à jour ainsi que vos souhaits et possibilités de mobilité.

Les différentes réponses reçues à ce jour sont toutes négatives, les sociétés sollicitées n'ayant pas de postes à vous proposer correspondant aux restrictions médicales mises en exergue par le médecin du travail.

Les délégués du personnel consultés lors de la réunion extraordinaire qui s'est tenue le 13 février 2018 nous ont confirmé cette analyse, constatant l'impossibilite de trouver une mesure de reclassement tant interne qu'externe.

Le 14 février 2018, par courrier recommandé avec accusé de réception, nous vous avons informé de l'impossibilité de procéder à votre reclassement.

Le 15 février 2018, nous vous avons également adresse un courrier recommandé de convocation à un entretien préalable à licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement devant se dérouler le 28février 2018.

Lors de cet entretien, nous avons longuement échangé sur les recherches de reclassement menées et l'impossibilité de reclassement sur d'autres postes au sein de la société.

Par conséquent, compte tenu de ce qui précède, la société ne peut que conclure à l'impossibilité de procéder a votre reclassement.

Dans ce contexte, nous ne pouvons que vous notifier votre licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Nous vous rappelons que, conformément aux dispositions légales et réglementaires, vous disposez d'un délai de quinze jours à compter de la notification de ce licenciement, pour former une demande de précision des motifs du licenciement énoncés dans la présente lettre.

Nous disposerons en pareil cas d'un délai de quinze jours pour y répondre.

Nous avons égalementla possibilité, le cas échéant et dans les mêmes formes, de prendre l'initiative d'apporter des précisions à ces motifs dans un délai de quinze jours suivant la notification de votre licenciement.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur, nos salutations distinguées'.

Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, il ressort des termes de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, que le licenciement de M. [Y] [J] a été prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

* sur l'absence de cause réelle et sérieuse au licenciement en raison d'une irrégularité dans la consultation des représentants du personnel

L'article L 1226-10 du code du travail dispose que lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Pour l'application du présent article, le groupe est défini, lorsque le siège social de l'entreprise dominante est situé sur le territoire français, conformément au I de l'article L. 2331-1 et, dans le cas contraire, comme constitué par l'ensemble des entreprises implantées sur le territoire français.

L'article L. 1226-15 du code du travail dispose quant à lui que le licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L 126-12 donne droit au salarié à une indemnité dont le montant est fixé conformément aux dispositions de l'article L 1235-3-1 du code du travail laquelle ne peut être inférieure à six mois de salaires.

Si l''article L. 1226-10 du code du travail n'impose aucune forme particulière pour recueillir l'avis des délégués du personnel, l'employeur est tenu cependant de fournir aux délégués du personnel toutes les informations nécessaires quant au reclassement du salarié, pour leur permettre de fournir un avis en toute connaissance de cause ; à défaut, la consultation des délégués du personnel est irrégulière et justifie la condamnation de l'employeur au paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 1226-15 du code du travail.

L'employeur n'est pas tenu de fournir ces informations préalablement à la réunion des représentants du personnel.

Les juges du fond apprécient souverainement si la consultation des délégués du personnel a eu lieu et si ces derniers ont disposé d'éléments suffisants pour donner un avis en toute connaissance de cause.

En l'espèce, il ressort du compte-rendu de réunion extraordinaire des délégués du personnel, auquel est joint une feuille de présence, que la consultation de ces derniers s'est tenue le 13 février 2018, 10 délégués étaient convoqués et ont été parfaitement informés, préalablement à la réunion, de la situation de M. [Y] [J] puisqu'il est mentionné la chronologie des visites médicales et des démarches avec le médecin du travail, les termes de l'avis d'inaptitude, les démarches en vue de rechercher un reclassement.

Si le procès-verbal de réunion ne supporte que 4 signatures, il mentionne en indiquant leurs noms et prénoms que les 10 délégués du personnel ont donné leur avis. La signature apposée par certains d'entre eux sur le procès-verbal en authentifie le contenu, et la validation de l'avis des 10 représentants ne saurait être remis en cause.

L'absence de mention de l'origine professionnelle de l'inaptitude est sans incidence sur la régularité de la consultation des représentants du personnel dès lors qu'ils sont consultés non pas sur les causes de l'inaptitude mais sur les recherches de reclassement, lesquelles doivent être effectuées de manière identique quelle que soit l'origine de l'inaptitude.

En conséquence, les délégués du personnel ont été consultés en ayant disposé d'éléments suffisants pour rendre leur décision en toute connaissance de cause, les prescriptions de l'article L 1226-10 du code du travail sur ce point ont été respectées et c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté M. [Y] [J] de la demande indemnitaire présentée de ce chef.

* sur l'absence de cause réelle et sérieuse en raison d'une inaptitude consécutive à manquement de l'employeur

Le licenciement pour inaptitude physique est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.

Il est constant que l'accident dont a été victime M. [Y] [J] le 29 décembre 2014, à l'origine de son inaptitude, a été pris en charge par la Caisse Primaire d'assurance maladie au titre de la législation relative aux risques professionnels et que par arrêt en date du 17 janvier 2023, la présente cour a confirmé le jugement rendu le 4 novembre 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon qui a dit que la SAS Voyages Arnaud n'avait commis aucune faute inexcusable à l'origine de l'accident dont a été victime son salarié.

Pour établir l'existence d'un manquement de son employeur à l'origine de son accident, M. [Y] [J] procède par affirmation en indiquant que l'accident trouve son origine dans l'état défectueux de l'algéco qui s'est 'envolé compte tenu de la puissance du vent ce jour-là'.

Par ailleurs, s'il n'est pas contesté par la SAS Voyages Arnaud que l'algéco n'était pas attaché au sol, M. [Y] [J] ne rapporte pas la preuve que ce type d'équipement aurait dû être installé différemment.

Enfin, comme l'ont retenu les premiers juges, 'l'événement climatique majeur ayant emporté le mobil home et générant l'accident du requérant peut être considéré comme un cas de force majeure' dont la responsabilité ne peut être imputée à l'employeur.

En conséquence, M. [Y] [J] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'un manquement de son employeur à l'origine de son inaptitude.

* existence d'une cause réelle et sérieuse - recherches de reclassement loyales et sérieuses

En cas de constat d'inaptitude à reprendre l'emploi précédemment occupé, le salarié bénéficie d'un droit au reclassement affirmé dans son principe par les articles L.1226-2 et L.1226-10 du code du travail. Qu'elle soit totale ou partielle, temporaire ou permanente l'inaptitude ouvre droit à cette obligation.

L'obligation de reclassement est mise à la charge de l'employeur qui doit rechercher un autre emploi approprié aux capacités du salarié, en tenant compte des conclusions écrites du médecin du travail, notamment des indications qu'il formule sur l'aptitude de l'intéressé à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

Les recherches et propositions de reclassement doivent être «sérieuses». L 'emploi offert doit être aussi comparable que possible à celui précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

Le médecin du travail a la possibilité de « dispenser » l'employeur de rechercher un reclassement par une mention expresse dans l'avis d'inaptitude, quelle que soit l'origine de l'inaptitude et quelle que soit la nature du contrat de travail dans l'hypothèse où « le maintien du salarié dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé » et dans l'hypothèse où « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi »

Les propositions de reclassement faites par l'employeur doivent être loyales et sérieuses. L'emploi proposé doit être aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. L'appréciation du caractère sérieux de la recherche de reclassement relève du pouvoir souverain des juges du fond. L'obligation de recherche n'implique pas que l'employeur soit tenu de proposer un poste qui n'est pas disponible ou d'imposer à un autre salarié une modification de son contrat de travail afin de libérer son poste pour le proposer en reclassement au salarié inapte.

S'agissant de la charge de la preuve, il incombe à l'employeur de prouver qu'il a mis

en oeuvre toutes les possibilités de reclassement.

En l'espèce, l'avis d'inaptitude en date du 23 janvier 2018 mentionne 'l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, inapte à son poste de chauffeur receveur du fait des restrictions : pas de mobilisation de l'épaule gauche et de la main gauche (pas de tenue possible du volant correcte)'.

Il en résulte que l'employeur était dispensé de rechercher une proposition de reclassement pour M. [Y] [J].

Le fait que l'employeur ait malgré cette dispense procédé à des recherches de reclassement n'est pas générateur de droit et M. [Y] [J] sera débouté de sa demande tendant à voir qualifier les recherches ainsi entreprises comme n'étant pas loyales et sérieuses et de la demande indemnitaire subséquente.

La décision déférée sera confirmée sur ce point.

* sur l'indemnité compensatrice

L'article L 1226-14 du code du travail dispose que la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.

Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif.

Les dispositions du présent article ne se cumulent pas avec les avantages de même nature prévus par des dispositions conventionnelles ou contractuelles en vigueur au 7 janvier 1981 et destinés à compenser le préjudice résultant de la perte de l'emploi consécutive à l'accident du travail ou à la maladie professionnelle.

L'article L 5213-9 du code du travail dispose que n cas de licenciement, la durée du préavis déterminée en application de l'article L. 1234-1 est doublée pour les bénéficiaires du chapitre II [les travailleurs handicapés], sans toutefois que cette mesure puisse avoir pour effet de porter au-delà de trois mois la durée de ce préavis.

De manière constante, la Cour de cassation juge qu'il résulte de ces textes :

- que le travailleur handicapé licencié pour inaptitude physique lorsqu'elle résulte d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, bénéficie de l'indemnité spéciale de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis conformément à l'article L.1226-14 du code du travail,

- que le doublement de la durée de préavis en faveur des salariés handicapés n'est pas applicable à l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail.

Il résulte de la lecture du solde de tout compte que la SAS Voyages Arnaud s'est acquittée d'une somme de 2.796,08 euros net correspondant à l'indemnité compensatrice égale au montant de l'indemnité de préavis prévue à l'article L 1226-14 du code du travail, outre une somme de 2.542,73 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement.

Cette somme à caractère indemnitaire n'est pas génératrice de congés payés.

Ainsi que l'ont constaté les premiers juges, M. [Y] [J] a donc été justement rempli de ses droits.

* sur les dommages et intérêts pour préjudice moral

M. [Y] [J] sollicite la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts au motif que son inaptitude est due au comportement de son employeur qui l'a particulièrement affecté.

Aucun manquement de l'employeur n'étant caractérisé, les premiers juges ont justement débouté M. [Y] [J] de cette demande.

Enfin, le contrat de travail a été rompu à la date d'envoi de la lettre de licenciement soit le 5 mars 2018, et non le lendemain 6 mars 2018 comme le soutient M. [Y] [J]. Aucune rectification du certificat de travail n'est par suite à ordonner.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 février 2020 par le conseil de prud'hommes d'Orange,

Condamne M. [Y] [J] à verser à la SAS Voyages Arnaud la somme de 400 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne M. [Y] [J] aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par le président et par le greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 20/00812
Date de la décision : 30/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-30;20.00812 ?
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