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23/05/2023 | FRANCE | N°21/00365

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5e chambre pole social, 23 mai 2023, 21/00365


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 21/00365 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H5P7



EM/DO



POLE SOCIAL DU TJ DE NIMES

02 décembre 2020



RG :19/00693





[F]



C/



S.A.R.L. [6]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GARD



















Grosse délivrée le 23 MAI 2023 à :



- Me SOULIER

- Me BERGER

-

CPAM GARD











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social



ARRÊT DU 23 MAI 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de NIMES en date du 02 Décembre 2020, N°19/00693



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Madame Evelyne MARTIN,...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/00365 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H5P7

EM/DO

POLE SOCIAL DU TJ DE NIMES

02 décembre 2020

RG :19/00693

[F]

C/

S.A.R.L. [6]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GARD

Grosse délivrée le 23 MAI 2023 à :

- Me SOULIER

- Me BERGER

- CPAM GARD

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social

ARRÊT DU 23 MAI 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de NIMES en date du 02 Décembre 2020, N°19/00693

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 Mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 Mai 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [C] [F]

né le 06 Novembre 1959 à ORAN -ALGERIE

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représenté par Me Eve SOULIER de la SELARL EVE SOULIER - JEROME PRIVAT - THOMAS AUTRIC, avocat au barreau D'AVIGNON

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021-5144 du 09/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nîmes)

INTIMÉES :

S.A.R.L. [6]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Thierry BERGER, avocat au barreau de MONTPELLIER

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GARD

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par M. [M] [I] en vertu d'un pouvoir spécial

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 23 Mai 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

M. [C] [F] a été embauché par la Sarl [6], initialement, suivant contrat de travail saisonnier à temps complet à compter du 10 mars 2000, en qualité de manutentionnaire, puis, suivant contrat de travail à durée indéterminée verbal à compter du 1er septembre 2000 et enfin, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée établi le 07 novembre 2005.

Le 27 mars 2015, M. [C] [F] a fait l'objet d'une visite médicale par le médecin du travail qui a émis l'avis suivant : « Apte, aménagement du poste : apte à un poste de manutentionnaire en évitant le port répétitif de charges supérieures à 15kg, les contorsions, les tâches impliquant de surélever les membres supérieurs au niveau et au dessus de l'homoplate, privilégier une rotation sur des postes différents (sauf fabrication des têtes de cagettes) et une rotation pour chaque salarié sur chaque poste. Pas de limitation quant aux heures supplémentaires ('). NB : salarié en situation de travail confortable à la chaîne'.

Le 07 avril 2015, le Dr [K] a établi un certificat médical initial sans arrêt de travail, mentionnant : 'MP 57 A rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite et gauche'.

Le 10 juillet 2015, M. [C] [F] a établi une déclaration de maladie professionnelle pour la pathologie suivante : ' rupture des tendons des deux épaules'.

Le 22 janvier 2016, la caisse primaire d'assurance maladie du Gard a reconnu le caractère professionnel de la maladie déclarée, la rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite et gauche au titre du tableau n°57 des maladies professionnelles relatif aux 'affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail'.

Le 08 février 2016, la Sarl [6] a contesté la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Gard.

Du 08 mars 2016 au 04 décembre 2016, M. [C] [F] a été en arrêt de travail.

Le 03 novembre 2016, M. [C] [F] a fait l'objet d'une visite de pré-reprise à l'issue de laquelle le médecin du travail préconisait les aménagements suivants : « Sans geste répétitif, sans port de charges, sans contrainte ' bras en élévation ».

Le 21 novembre 2016, il était de nouveau examiné par le médecin du travail qui, à l'issue d'un seul examen, le déclarait inapte définitif à son poste dans les termes suivants : «Inaptitude définitive ou poste en un seul examen. Restriction: tout port de charge, gestes répétitifs et bras en élévation. Proposition : poste de surveillance. ».

M. [C] [F] a été licencié pour inaptitude par lettre du 10 janvier 2017.

Considérant que la maladie qu'il a déclarée résultait de la faute inexcusable de son employeur, M. [C] [F] a saisi le 09 novembre 2018 la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie d'une demande de reconnaissance de faute inexcusable ; après l'établissement d'un procès-verbal de non-conciliation le 21 novembre 2018, M. [C] [F] a saisi par requête du 25 juillet 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Nîmes aux mêmes fins.

Par jugement du 02 décembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes a :

- dit qu'il n'est pas rapporté la preuve que les maladies professionnelles déclarées par M. [C] [F] résultent de la faute inexcusable de son employeur,

- dit n'y avoir lieu à expertise médicale,

- dit n'y avoir lieu à majoration au maximum du taux de la rente,

En conséquence,

- débouté M. [C] [F] de ses demandes,

- condamné M. [C] [F] à payer à la SARL [6] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [C] [F] aux dépens,

- dit que la décision est exécutoire de plein droit.

Par acte du 27 janvier 2021, M. [C] [F] a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 13 janvier 2021.

Suivant acte du 09 décembre 2022, l'affaire a été fixée à l'audience du 07 mars 2023 à laquelle elle a été retenue.

Par conclusions déposées et développées oralement à l'audience, M. [C] [F] demande à la cour de :

- recevoir son appel,

- le dire bien fondé en la forme et au fond,

En conséquence,

- réformer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes,

- dire et juger que la société [6] a manqué à son obligation de sécurité de résultat,

- dire et juger que la société [6] a commis une faute inexcusable,

En conséquence,

- ordonner avant dire droit la désignation d'un médecin expert qui aura pour mission de:

* procéder à son examen

* faire l'état de toutes les interventions subies par lui

* décrire les complications qui ont suivi, et en préciser les causes et les évolutions

* déterminer tous les préjudices, et les lésions subis par lui

* fixer la date de consolidation

* dire qu'il y aura lieu à majoration maximum du taux de la rente qui devra lui être allouée

* chiffrer l'ensemble du préjudice subi par lui.

- dire et juger qu'il y aura lieu à majoration au maximum du taux de la rente qui devra lui être allouée,

- condamner la société [6] au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les défendeurs aux entiers dépens,

- dire et juger que la décision à intervenir sera commune et opposable à la Caisse primaire d'assurance maladie du Gard.

Il soutient que :

- l'employeur a commis plusieurs manquements à son obligation de sécurité à l'origine de son inaptitude faute d'un aménagement de son poste de travail et d'avoir respecté les préconisations du médecin du travail ; la Sarl [6] n'a pas effectué d'aménagement de son poste de travail malgré les préconisations du médecin du travail mentionnées dans son avis du 27 mars 2015 ; la charge de la preuve incombe à l'employeur alors qu'il a poursuivi son activité professionnelle,

- l'employeur n'a pas mis en place des mesures pour le former et assurer l'adaptation de son poste de travail ; les formations qui lui ont été proposées n'ont pas pu lui permettre d'acquérir de nouvelles compétences ce qui aurait été utile lors des recherches de reclassement au cours desquelles il lui a été indiqué l'absence de compétence en matière de surveillance,

- dès lors qu'une faute inexcusable est reconnue la majoration de la rente doit être fixée au maximum et il conviendra d'ordonner une expertise médicale pour évaluer les préjudices subis résultant de la maladie professionnelle reconnue par la caisse primaire.

Par conclusions déposées et développées oralement à l'audience, la Sarl [6] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes du 02 décembre 2020 en toutes ses dispositions,

- débouter M. [C] [F] et la caisse primaire d'assurance maladie de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [C] [F] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle fait valoir que :

- M. [C] [F] n'apporte aucune argumentation ou pièce nouvelle par rapport à celles développées et produites en première instance,

- il ne peut pas être établi qu'elle avait conscience du danger auquel était exposé M. [C] [F] et n'avait pas pris les mesures nécessaires pour préserver sa sécurité et sa santé, dans la mesure où M. [C] [F] n'avait rien déclaré d'alarmant auparavant lors de ses entretiens individuels, le dernier datant du mois de février/mars 2015 ; depuis son entrée dans l'entreprise, lors de chaque visite de la médecine du travail, M. [C] [F] a été déclaré apte sans réserves au poste de manutentionnaire qu'il occupait ; contrairement à ce soutient M. [C] [F] et conformément aux prescriptions de la médecine du travail, ce dernier a été postérieurement affecté en rotation d'une heure sur les trois postes de cadreuse, fonceuse et surveillance et n'était donc plus affecté seulement au poste de la dérouleuse ; les constatations de l'enquêteur de la caisse primaire ont été établies après une visite sur les lieux le 29 septembre 2015 en présence de l'employeur puis le 13 octobre 2015 avec M. [C] [F] ; l'agent enquêteur confirme que c'est bien en suite de l'avis de la médecine du travail du 27 mars 2015 que M. [C] [F] a été réaffecté aux postes de cadreuse/fonceuse et de surveillance ; les postes sont équipés de tables élévatrices et aucune cadence n'est imposée aux salariés ; elle s'est donc efforcée d'adapter le poste de travail de M. [C] [F] aux préconisations du médecin du travail ;

- contrairement à ce que M. [C] [F] prétend, il a bénéficié de différentes formations par des organismes reconnus pour préserver sa sécurité ; elle a donc parfaitement respecté son obligation de formation, participant ainsi à préserver sa sécurité ; au surplus, lors de son entretien individuel de mars 2015, M. [C] [F] avait indiqué ne pas être intéressé par des formations.

Par conclusions déposées et développées oralement à l'audience, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Gard demande à la cour de :

- lui donner acte de ce qu'elle déclare s'en remettre à sa sagesse quant à la reconnaissance ou pas du caractère inexcusable de la faute éventuellement commise par l'employeur,

Si la cour retient la faute inexcusable,

- fixer l'évaluation du montant de la majoration des rentes,

- limiter l'éventuelle mission de l'expert à celle habituellement confiée en matière de faute inexcusable,

- condamner l'employeur à lui rembourser dans le délai de quinzaine les sommes dont elle aura fait l'avance, assorties des intérêts légaux en cas de retard.

Elle fait valoir que :

- elle intervient dans la présente instance en tant que partie liée puisqu'il lui appartiendra lorsque la cour se sera prononcée sur la reconnaissance de la faute inexcusable, de récupérer, le cas échéant, auprès de l'employeur, les sommes qu'elle sera amenée à verser à M. [C] [F] en application des articles L452-2 et L452-3 du code de la sécurité sociale,

- les préjudices déjà couverts totalement ou partiellement, forfaitairement ou avec limitation par le livre IV du code de la sécurité sociale, ne peuvent donner lieu à une indemnisation complémentaire,

- dans l'hypothèse où une expertise serait ordonnée, la mission de l'expert sera donc limitée à celle habituellement confiée en matière de faute inexcusable,

- la date de consolidation qui a été fixée par le médecin conseil au 04 décembre 2016 et qui a été notifiée à M. [C] [F] le 28 novembre 2016 est définitive à défaut d'avoir été contestée et ne peut donc pas faire l'objet d'une modification dans le cadre d'une expertise médicale,

- il n'appartient pas à l'expert, contrairement à ce que prétend M. [C] [F], de chiffrer les préjudices subis mais au demandeur de le faire.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens de parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il résulte de l'application combinée des articles L452-1 du code de la sécurité sociale, L4121-1 et L4121-2 du code du travail que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur et le fait qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, sont constitutifs d'une faute inexcusable.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié ou de la maladie l'affectant; il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire, même non exclusive ou indirecte, pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, étant précisé que la faute de la victime, dès lors qu'elle ne revêt pas le caractère d'une faute intentionnelle, n'a pas pour effet d'exonérer l'employeur de la responsabilité qu'il encourt en raison de sa faute inexcusable.

Il incombe, néanmoins, au salarié de rapporter la preuve de la faute inexcusable de l'employeur dont il se prévaut'; il lui appartient en conséquence de prouver, d'une part, que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait ses salariés et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires concernant ce risque, d'autre part, que ce manquement tenant au risque connu ou ayant dû être connu de l'employeur est une cause certaine et non simplement possible de l'accident ou de la maladie.

En l'espèce, M. [C] [F] soutient que son employeur a commis une faute inexcusable en n'ayant pas aménagé son poste de travail et en n'ayant pas respecté les préconisations de la médecine du travail.

Le 27 mars 2015, consécutivement à la visite de M. [C] [F], le médecin du travail a rendu l'avis suivant: « Apte, aménagement du poste : apte à un poste de manutentionnaire en évitant le port répétitif de charges supérieures à 15kg, les contorsions, les tâches impliquant de surélever les membres supérieurs au niveau et au dessus de l'homoplate, privilégier une rotation sur des postes différents (sauf fabrication des têtes de cagettes) et une rotation pour chaque salarié sur chaque poste. Pas de limitation quant aux heures supplémentaires ('). NB : salarié en situation de travail confortable à la chaîne ».

Au cours de l'instruction menée par la caisse primaire d'assurance maladie du Gard concernant la maladie déclarée par M. [C] [F] :

- le salarié a renseigné un questionnaire dans lequel il indique qu'il était manutentionnaire et affecté à la fabrication des cagettes : 'remplissage du distributeur de planches, mouvement rapide et répété car à la chaîne ; pendant 1h ensuite...1h pour porter les fonds de plateau lourd à mettre sur la chaîne et une troisième heure...pour enlever les plateaux ; quand la chaîne s'arrête, le moment le plus pénible...il faut lever les deux épaules et ne pas s'arrêter' ; 'il n'y a pas que les épaules, il y a aussi le dos, je suis opéré d'une hernie discale ; nous sommes constamment débout...prendre les plateaux par terre pour les remettre sur la chaîne.' ; M. [C] [F] donne des précisions sur les poids soulevés :' mettre les fonds de plateaux 7kgs, 8h par jour et 5 jours par semaine, mettre les planches 1kg , 8h par jour et 5 jours par semaine, enlever les plateaux 3kgs , 8h par jour et 5 jours par semaine '...répétitifs, lever constamment les bras...' ; il évalue la durée journalière de l'activité exposante à 8h/9h et 5 jours par semaine ; il estime à plus de 3,5h cumulées par journée d'activité les gestes nécessitant un décollement du bras par rapport au corps au-delà de 60° et la durée cumulée journalière d'activité les bras au-dessus des épaules supérieure à 1h ; enfin, il apporte d'autres précisions : 'la première heure on ne décolle pas les bras plus hauts, la 2ème heure oui car il faut enlever les plateaux de la chaîne, grand décollement des épaules, que je n'arrive pas ; et la 3ème heure le port de charge les fonds qu'il faut mettre dans la chaîne' ,

- la Sarl [6] a renseigné un questionnaire qui mentionne au titre de la description du poste : ' le salarié travaille sur trois postes chaque jour, par rotation chaque heure avec 2 pauses par jour d'environ 10 mns...poste 1 : manutentionnaire à la cadreuse : le salarié doit approvisionner 2 distributeurs de planchettes contenant 100 planchettes chacun à raison de 2 paquets de 25 planchettes (2,5kg) par distributeur et par minute ; il n'y a pas de cadence imposée...il dispose d'une table élévatrice....(dont) la hauteur est au niveau de préhension souhaité par le salarié et réglable par lui ; poste 3: manutentionnaire à la fonceuse ; le salarié doit approvisionner un tapis d'accumulation avec des paquets de 20 fonds ; il y 8 paquets sur le tapis ; il n'y a pas de cadence...1 paquet de 20 fonds pèse environ 2kg...il y a 3,10 minutes de non activité sur les 3,50 mns; il est équipé d'une table élévatrice...; poste 2: poste d'observation des produits semi finis qui passent sur un tapis entre le poste 1 et le poste 3 ; le salarié doit enlever du tapis les rebus et les produits réparables ; il n'y a pas de cadence et peu d'intervention et de manipulation ; 1 cagette sortie du tapis lors d'une intervention pèse 0,5 kg environ ; l'employeur précise que le salarié a : 15% de son temps de travail au poste 1 en manipulation, 9,5% au poste 3 et de 0 à 5% au poste 2 et que 'seul le poste 1 pour la moitié du temps de travail entraîne un décollement du bras au dessus de 60° pour environ 9,32 minutes par jour ; l'employeur évalue la durée cumulée journalière d'activité au-delà de 60° inférieure à 2h et la durée cumulée journalière d'activité les bras au-dessus des épaules à moins d'une 1h,

- un procès-verbal de constatation établi le 15 octobre 2015 par l'agent enquêteur de la caisse primaire d'assurance maladie du Gard qui indique : au poste de dérouleuse ' le travail consistant exclusivement à remplir les chariots, il peut être établi que M. [C] [F] sollicite ses bras avec un angle égal ou supérieur 60° et inférieur à 90° pendant environ 45mns par jour ( à savoir à peu près la moitié de 1/5 des 8h30 journalières de travail...) ; suite à l'avis de la médecine du travail du 27/03/2015, M. [C] [F] a été réaffecté au poste de fonceuse/cadreuse...depuis toujours, M. [C] [F] comme les autres salariés affectés à ce poste occupe 3 positions en rotation d'1 h pour chacune...'; concernant l'alimentation de la cadreuse, il évalue entre 4 et 8 mins par heure d'élévation des bras au-delà de 60° ; concernant l'alimentation de la fonceuse : il évalue entre 64 et 96 secondes par heure d'élévation des deux épaules avec un angle égal ou supérieur à 60° et inférieur à 90° ; le poste de surveillance, en cas d'anomalie, il convient de retirer ou remettre en place les cagettes, dont la masse unitaire n'excède pas 1kg...ces interventions sont ponctuelles et leur fréquence aléatoire impliquant d'élever une ou l'autre épaule avec un angle égal ou supérieur à 60° pour accéder au tapis...'.

Force est de constater que les éléments produits aux débats par les parties permettent d'établir que la recommandation du médecin du travail concernant le port répétitif de charges supérieures à 15kgs a été respectée par l'employeur tout comme celle relative aux gestes nécessitant des contorsions.

S'agissant de la rotation des postes, il ressort du procès-verbal de constatation de l'agent enquêteur qui n'est pas sérieusement remis en cause par M. [C] [F], que depuis l'avis du médecin du travail du 27 mars 2015, l'employeur a réaffecté le salarié au poste de fonceuse et cadreuse, de sorte qu'il était bien en rotation sur trois postes différents pendant la journée de travail .

Enfin, s'agissant des tâches nécessitant de surélever les membres supérieurs au niveau et au-dessus de l'homoplate, les indications données par M. [C] [F] ne sont pas confortées par les informations précises et détaillées transmises tant par l'employeur que par l'agent enquêteur dont il convient de rappeler qu'il a procédé à des visites sur place, desquelles il ressort qu'au total, sur une journée de travail, M. [C] [F] effectue des gestes nécessitant une élévation des bras dans un angle inférieur ou égal à 60° au poste 1 d'une durée maximale de 24 minutes, de 4mns au maximum au poste 3 et très occasionnellement au poste 2, évaluation légèrement supérieure à celle faite par l'employeur s'agissant du poste, lequel avait retenu une durée de 9,32 mns ; l'agent enquêteur n'a relevé par ailleurs aucun geste nécessitant un décollement des bras à un angle supérieur à 90° ; la restriction médicale du 27 mars 2015 a donc bien été respectée par l'employeur sur ce point.

Par ailleurs, lors de son entretien professionnel du 02 mars 2015, M. [C] [F] n'a formulé aucune observation concernant son poste de travail ou d'éventuelles difficultés qu'il pouvait rencontrer à l'occasion de l'accomplissement de sa mission.

Dans ces conditions, il y a lieu de constater que M. [C] [F] n'apporte pas d'élément de nature à établir que la Sarl [6] avait conscience ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il a été exposé.

Enfin s'agissant du manquement lié à une absence de mise en place de mesures pour le former et assurer son adaptation au poste de travail, force est de constater qu'outre le fait qu'il ne soit pas démontré, il n'a manifestement pas de lien direct avec une éventuelle faute inexcusable de l'employeur, étant rappelé que la cour est saisie d'un litige se rapportant au contentieux de la sécurité sociale et non pas d'un litige de nature prud'homal.

Au vu de l'ensemble de ces considérations, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale et en dernier ressort;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 02 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Nîmes, contentieux de la protection sociale,

Déboute M. [C] [F] de l'intégralité de ses prétentions,

Condamne M. [C] [F] à payer à la Sarl [6] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Déclare le présent arrêt commun et opposable à la caisse primaire d'assurance maladie du Gard,

Condamne M. [C] [F] aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5e chambre pole social
Numéro d'arrêt : 21/00365
Date de la décision : 23/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-23;21.00365 ?
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