La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/05/2023 | FRANCE | N°20/02467

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5e chambre pole social, 23 mai 2023, 20/02467


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 20/02467 - N° Portalis DBVH-V-B7E-H2AA



EM/DO



POLE SOCIAL DU TJ DE NIMES

09 septembre 2020



RG :18/00922





[C]



C/



CARSAT LANGUEDOC ROUSSILLON



















Grosse délivrée le 23 MAI 2023 à :



- Me COMTE

- Me AURAN-VISTE









r>
COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social



ARRÊT DU 23 MAI 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de NIMES en date du 09 Septembre 2020, N°18/00922



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoirie...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 20/02467 - N° Portalis DBVH-V-B7E-H2AA

EM/DO

POLE SOCIAL DU TJ DE NIMES

09 septembre 2020

RG :18/00922

[C]

C/

CARSAT LANGUEDOC ROUSSILLON

Grosse délivrée le 23 MAI 2023 à :

- Me COMTE

- Me AURAN-VISTE

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social

ARRÊT DU 23 MAI 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de NIMES en date du 09 Septembre 2020, N°18/00922

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 Mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 Mai 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [T] [C]

né le 03 Juillet 1951 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Pascale COMTE de la SCP AKCIO BDCC AVOCATS, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

CARSAT LANGUEDOC ROUSSILLON

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Françoise AURAN-VISTE de la SCP AURAN-VISTE & ASSOCIES, avocat au barreau de BEZIERS

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 23 Mai 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Suivant notification du 07 septembre 2012, M. [T] [C] a été destinataire du montant de la liquidation de ses droits à la retraite au taux réduit de 35,75% sur la justification de 65 trimestres valables au régime général de la sécurité sociale, après avoir été informé par courrier du 23 août 2012 qu'il pouvait opter pour une retraite au taux de 50% maximum à compter du 1er novembre 2016.

Par courrier réceptionné le 29 mai 2017, puis par requête déposée le 12 septembre 2017, M. [T] [C] a sollicité auprès de la Carsat Languedoc Roussillon, l'attribution d'une retraite à taux plein au motif qu'il a atteint l'âge de 65 ans et que sa situation d'aidant familial d'enfants handicapés lui permet d'accéder au bénéfice des dispositions relatives aux parents d'enfants lourdement handicapés octroyant le taux plein quel que soit la durée de trimestres acquis.

Le 26 mars 2018, la Carsat Languedoc Roussillon a opposé un courriel de refus à la demande formée par M. [T] [C].

Le 25 juillet 2018, M. [T] [C] a saisi la commission de recours amiable en contestation de la décision de la Carsat du Languedoc Roussillon.

Suivant requête en date du 17 octobre 2018, M. [T] [C] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Gard en contestation de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

Par jugement du 09 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Nîmes, contentieux de la protection sociale, a :

- déclaré le recours formé recevable,

- rejeté la demande de M. [T] [C] en contestation de la décision implicite rendue par la commission de recours amiable de la Carsat du Languedoc Roussillon en date du 25 septembre 2018,

- confirmé la décision de la commission de recours amiable,

- dit n'y avoir lieu à revalorisation de ses droits à la retraite,

- rejeté les autres demandes plus amples ou contraires,

- condamné M. [T] [C] aux entiers dépens.

Par acte du 02 octobre 2020, M. [T] [C] a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 15 septembre 2020.

Suivant acte du 01 décembre 2022, l'affaire a été fixée à l'audience du 07 mars 2023 à laquelle elle a été retenue.

Par conclusions écrites, déposées et développées oralement à l'audience, M. [T] [C] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes en date du 9 septembre 2020 RG n° 18/00922 sauf en ce qu'il a :

* rejeté sa demande en contestation de la décision implicite rendue par la commission de recours amiable de la Carsat du Languedoc Roussillon en date du 25 septembre 2018,

* confirmé la décision de la commission de recours amiable,

* dit n'y avoir lieu à revalorisation de ses droits à la retraite.

* rejeté les autres demandes plus amples ou contraires,

* de l'avoir condamné aux entiers dépens,

Statuant à nouveau,

- ordonner la révision de la pension de sa retraite,

- dire qu'après revalorisation de la retraite, la Carsat est débitrice depuis le 1er mai 2012 de la somme de 28 438,30 euros à parfaire jusqu'au complet paiement avec intérêt au taux légal à compter de dette date,

Subsidiairement,

- condamner la Carsat sur le fondement de la responsabilité délictuelle au paiement de dommages et intérêts égaux au montant de la révision de la pension de retraite qui s'impose, soit 28 438,30 euros,

En tout état de cause,

- condamner la Carsat au paiement de la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner la Carsat au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

Il soutient que :

- son recours auprès de la commission de recours amiable est recevable dans la mesure où aucune mention des voie et délai de recours n'apparaît sur la décision contestée qu'il a produite ; la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail se prévaut d'un exemplaire qui diffère de celui qu'il a produit depuis le début de la procédure que l'organisme n'avait jamais remis en question ; l'authenticité de cette pièce peut être sérieusement remise en cause; aucune forclusion ne peut donc lui être opposable,

- sur le fond : à titre principal, le courrier que la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail lui a adressé, daté du 23 août 2012, est plus qu'approximatif ; la caisse a annoncé des estimations sans donner l'ensemble des éléments sur lesquels elle s'est basée ; ce n'est que le 07 septembre 2012 qu'elle lui a révélé les modalités de calcul du montant de la pension estimée ; le courrier du 23 août 2012 repose sur des postulats incorrects et est rempli d'informations erronées qui l'ont déterminé dans son choix,

- il pouvait bénéficier du dispositif de majoration de durée d'assurance puisqu'il a assumé la charge des deux enfants de sa compagne lourdement handicapés, qu'il avait adoptés le 05 janvier 2000 ; il avait dû interrompre à cette fin sa vie professionnelle en 1987 pour assister sa compagne puis se substituer à elle du fait de son âge ; la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail était informée de cette situation puisqu'il lui avait adressé la décision d'adoption du tribunal du tribunal de grande instance de Nîmes et qu'il avait rempli un questionnaire sur lequel il avait indiqué qu'il s'était arrêté de travailler pour s'occuper 'd'enfants handicapé aveugle et autiste' ; suite au décès de sa compagne, il s'est vu attribuer la tutelle de l'un des deux enfants, [R] suivant jugement du 15 octobre 2013, sa soeur, [W] étant décédée en 2000 et leur mère en 2016 ; les deux enfants ont bénéficié d'une tierce personne depuis la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975 ; il avait la qualité d'aide familiale depuis 1971 ; il justifie donc, à l'âge de 65 ans, remplir les conditions requises pour une révision de sa pension de retraite,

- à titre subsidiaire : il démontre que la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail a commis une faute en ne lui ayant pas fourni la bonne information quant à la teneur de ses droits et en ne l'ayant pas mis en mesure d'effectuer un choix éclairé ; la perte de chance d'opter pour la liquidation de ses droits la plus adaptée à sa situation et la plus favorable.

Dans une note en délibérée du 06 avril 2023 qu'il a été autorisé à produire à l'audience du 07 mars 2023, M. [T] [C] fait observer :

- il avait conclu depuis janvier 2021 ; en l'absence de retour de la Caisse, il a été contraint de lui faire sommation de conclure le 18 novembre 2022 ; le 29 novembre suivant, la cour a convoqué les parties pour l'audience du 07 mars

2023 ; la Caisse n'a communiqué ses conclusions que la veille de l'audience, ce qui explique qu'il n'ait pas pu répondre avant l'audience,

- la Carsat explique que l'exemplaire de la notification de retraite du 07 septembre 2012 qu'elle produit pour la première fois devant la cour et qui comporte les voies de recours ouvertes est le document qu'elle lui aurait envoyé ; or, comme elle le confirme elle-même, sa version du courrier de notification ne comporte pas la série de chiffres attestant de l'envoi ; l'exemplaire de la notification litigieuse qu'il produit et qui n'a jamais été contesté jusque-là par la caisse comporte la série de chiffres attestant de son envoi et ne comporte pas les voies de recours ; aucun délai de contestation n'a donc couru à son encontre de sorte que sa saisine de la Commission de recours amiable en date du 18 octobre 2018 était donc parfaitement recevable.

Par conclusions déposées et développées oralement à l'audience, la Carsat du Languedoc Roussillon demande à la cour de :

A titre principal,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré le recours de M. [T] [C] recevable,

- déclarer le recours irrecevable pour cause de forclusion,

A titre subsidiaire,

- confirmer purement et simplement le jugement entrepris,

En tout état de cause,

- débouter M. [T] [C] de l'ensemble de ses prétentions y compris celle qu'il formule sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner éventuellement aux dépens.

Elle fait valoir que:

- au visa de l'article R142-1 du code de la sécurité sociale, le recours exercé par M. [T] [C] à l'encontre de la notification du 07 septembre 2012 porte mention des voie et délai de recours ; M. [T] [C] n'a jamais contesté avoir reçu cette notification et il est justifié qu'à compter de celle-ci, il a régulièrement perçu les arrérages de sa pension de vieillesse sans les discuter ; M. [T] [C] s'est manifesté pour la première fois pour solliciter la révision de sa pension de retraite par courrier du 25 mai 2017 ; il est manifeste que la contestation de M. [T] [C] est tardive et doit être déclarée irrecevable pour cause de forclusion,

- au visa notamment des articles 2 du code civil et R351-10 du code de la sécurité sociale et de la jurisprudence de la Cour de cassation, il est constant qu'à l'expiration du délai de recours contentieux de deux mois suivant la notification d'attribution, la liquidation de la pension de retraite devient définitive, de sorte que les bases de calcul de celle-ci ne peuvent plus être modifiées à l'initiative des parties ; réunissant seulement 74 trimestres tous régimes confondus le 1er mai 2012, premier jour suivant sa demande, M. [T] [C] ouvrait à cette date une retraite calculée au taux réduit ; contrairement à ce qu'il prétend, M. [T] [C] a été parfaitement informé des options qui s'offraient à lui et c'est en toute connaissance de cause qu'il a opté, par imprimé signé le 31 août 2012, pour la liquidation de son droit à retraite au taux réduit à effet du 1er mai 2012 ; l'absence de contestation de sa part dans le délai de deux mois imparti, la liquidation de sa pension de vieillesse est devenue définitive ; l'intangibilité de sa pension liquidée à effet du 1er mai 2012 s'oppose à toute révision,

- les calculs opérés par M. [T] [C] s'agissant des conséquences pécuniaires de la révision réclamées par l'appelant, sont manifestement erronés en ce qu'il ne ramène pas la pension calculé au prorata de sa durée d'assurance au régime général,

- concernant son obligation d'information, elle n'est tenue de renseigner que sur ce dont elle est expressément saisie ; or, M. [T] [C] ne justifie pas l'avoir expressément interrogée sur les éventuels droits que pouvaient lui procurer le fait d'avoir assumé la charge d'enfant handicapé ; il a donc été clairement informé qu'il pouvait obtenir une retraite au taux plein de 50% au cours de l'année 2018, année de son 65ème anniversaire ; aucun défaut d'information ne saurait lui être reproché ; la demande de réparation formulée par M. [T] [C] est par ailleurs, tout à fait excessive.

Dans une note en délibéré qu'elle a été autorisée à produire lors de l'audience du 07 mars 2023, la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail fait observer que :

- aux termes des dernières écritures de son Conseil communiquées la veille de l'audience, M. [T] [C] avance qu'elle se prévaut d'une notification d'attribution de retraite en date du 07 septembre 2012 comportant 2 pages, la seconde portant la mention des voie et délai de recours, alors qu'il prétend n'avoir reçu que la première page ; en vertu de l'article 561 du code de procédure civile, l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel, de sorte que cette dernière est appelée à statuer sur l'entier litige, y compris sur la question de la recevabilité du recours ; elle est fondée à critiquer, par la voie de l'appel incident, ce point et à produire en cause d'appel un double de la notification d'attribution de retraite qui a été envoyée le 07 décembre 2012 à l'intéressé et qui comportait bien, sur la seconde page du document, la mention des voie et délai de recours ; la suite de chiffres évoquée par l'appelant sur la notification est une référence au lot d'envoi du courrier, raison pour laquelle il ne figure pas sur le double de la notification conservé dans le dossier informatisé de l'assuré ; concernant la mention 'Voir page suivante' figurant au bas de la première page de la notification, il peut être relevé que la photocopie produite par M. [T] [C] apparaît décentrée vers le bas, ce qui est susceptible d'avoir conduit à tronquer le bas de la page et à faire disparaître de cette photocopie la mention en question,

- l'affirmation de l'assuré selon lequel la notification du 07 septembre 2012 serait remplie d'informations erronées est parfaitement fausse ; les calculs effectués par l'appelant sont, par contre, erronés ; M. [T] [C] est mal fondé à soutenir qu'il ouvrait droit au taux plein à compter du mois de juillet 2016 ; son argument selon lequel il lui manquerait seulement 17 trimestres entre les mois de mai 2012 et juillet 2016 est infondé dans la mesure ou la période qu'il retient pour ce décompte est erronée.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures déposées et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS

Sur la recevabilité du recours de M. [T] [C] :

Selon l'article R142-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, les réclamations relevant de l'article L. 142-1 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil d'administration de chaque organisme.

Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation. La forclusion ne peut être opposée aux intéressés que si cette notification porte mention de ce délai.

Toutefois, les contestations formées à l'encontre des décisions prises par les organismes chargés du recouvrement des cotisations, des majorations et des pénalités de retard doivent être présentées à la commission de recours amiable dans un délai d'un mois à compter de la notification de la mise en demeure.

Le défaut de notification d'une décision d'un organisme de sécurité sociale a pour seul effet de permettre à son destinataire d'en contester le bien-fondé devant la Commission de recours amiable sans condition de délai.

En l'espèce, il n'est pas contesté que M. [T] [C] a été destinataire d'une notification de retraite que la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail lui a adressée, datée du 07 septembre 2012 pour l'informer qu'à compter du 1er mai 2012, elle lui attribuera une retraite personnelle dont le montant mensuel s'élevera à 131,84 euros à compter du 1er septembre 2012.

M. [T] [C] soutient n'avoir reçu que la première page de cette notification et produit une copie de ce document.

De son côté, la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail produit une copie d'une notification datée du même jour avec, au recto, la mention située en bas de la première page, 'voir page suivante' et au verso, les modalités et voie de recours.

Or, force est de constater qu'un simple examen de la première page des deux documents produits par les deux parties permet de mettre en évidence des divergences de forme : absence de la mention 'voir page suivante' sur l'exemplaire de l'appelant qui ne peut pas s'expliquer seulement par le fait que la photocopie produite par l'appelant soit 'décentrée', longueurs différentes du tableau dans lequel sont mentionnés les éléments de retraite et les montants mensuels, différences dans les écarts de caractères, de sorte que manifestement les deux documents ne sont pas identiques.

Il s'en déduit que la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail ne justifie pas que M. [T] [C] ait bien été destinataire de la seconde page de la notification litigieuse et ait été informé de façon effective des modalités des voie et delai de recours, de sorte que le délai mentionné aux dispositions réglementaires susvisées n'a pas commencé à courir à compter de cette date ; il ne peut donc pas être opposé à l'appelant la forclusion du délai de recours.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur la demande de révision :

Comme exposé précédemment, le délai de forclusion pour contester le montant de la retraite notifié par la caisse n'étant pas acquis, la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail ne peut pas se prévaloir du principe de l'intangibilité des pensions lequel suppose que le délai de recours contentieux soit passé, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, puisque le présent litige porte précisément sur le montant de la retraite personnelle à laquelle M. [T] [C] peut prétendre.

En l'espèce, le 23 août 2012, la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail a adressé à M. [T] [C] :

- un courrier lui rappelant qu'il avait demandé une retraite personnelle avec un point de départ au 01/05/2012, qu'à compter de cette date il pouvait obtenir une retraite calculée avec un taux de 35,75%, qu'il aurait droit à une retraite au taux maximum de 50% à compter du 1er novembre 2016 et le montant mensuel de sa retraite s'éleverait à 181,63 euros,

- un document intitulé ' imprimé à retourner avant le 22/09/2012", réceptionné par la caisse le 03 septembre 2012, dans lequel il est indiqué qu'il a deux possibilités, soit il demande sa retraite calculée avec un taux réduit, soit il annule sa demande ; M. [T] [C] a coché la case correspondant à une demande de paiement de sa retraite au 01/05/2012 au taux de 35,75% et selon les éléments indiqués sur 'l'évaluation jointe', à savoir : montant brut mensuel de sa retraite à compter du 1er mai 2012 fixé à 131,84 euros calculée sur la base d'un salaire de 11 097,80 euros, un taux de 35,75%, et 65 trimestres cotisés au régime général.

- sur le montant de la retraite :

L'appelant produit les modalités de décote d'une retraite à taux réduit prévue par une circulaire CNAV du 25 janvier 2012 qui mentionne un abattement applicable sur le taux de 50% par trimestre manquant de 01,75 pour les assurés nés en 1951. Etant né le 03 juillet 1951, le calcul qu'il propose dans ses écritures soutenues oralement à l'audience, sur la base de 17 trimestres manquants - de mai 2012 à juillet 2016 - met en évidence un taux de décote de 37,25% et non pas de 35,75%.

M. [T] [C] évalue le montant de sa pension calculée sur la base d'un salaire de référence de 11 097,80 euros et un taux de décote de 37,25% à 172,25 euros, alors que, d'une part, le résultat de son calcul qu'il propose dans ses écritures s'élève à 344,49 euros et non pas à 172,25 euros comme il le soutient ; d'autre part, l'appelant n'a pas appliqué la bonne formule de calcul qui doit tenir compte d'une réduction au prorata de la durée d'assurance accomplie ( salaire de base X taux X [durée d'assurance au régime général / 163 trimestres]).

- sur les conséquences de la prise en charge d'enfants handicapés:

L'article L351-8 du code de la sécurité sociale, en vigueur du 01 juillet 2011 au 22 janvier 2014 stipule que bénéficient du taux plein même s'ils ne justifient pas de la durée requise d'assurance ou de périodes équivalentes dans le régime général et un ou plusieurs autres régimes obligatoires :(...) 1° bis Les assurés ayant interrompu leur activité professionnelle en raison de leur qualité d'aidant familial telle que définie à l'article L. 245-12 du code de l'action sociale et des familles qui atteignent l'âge de soixante-cinq ans dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat.

L'article L245-12 du code de l'action sociale et des familles dispose dans sa version applicable que l'élément mentionné au 1° de l'article L. 245-3 peut être employé, selon le choix de la personne handicapée, à rémunérer directement un ou plusieurs salariés, notamment un membre de la famille dans les conditions prévues au deuxième alinéa du présent article, ou à rémunérer un service prestataire d'aide à domicile agréé dans les conditions prévues à l'article L. 129-1 du code du travail, ainsi qu'à dédommager un aidant familial qui n'a pas de lien de subordination avec la personne handicapée au sens du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code du travail.

La personne handicapée remplissant des conditions fixées par décret peut employer un ou plusieurs membres de sa famille, y compris son conjoint, son concubin ou la personne avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité dans des conditions fixées par décret.

Lorsqu'elle choisit de rémunérer directement un ou plusieurs salariés, la personne handicapée peut désigner un organisme mandataire agréé dans les conditions prévues à l'article L. 129-1 du code du travail ou un centre communal d'action sociale comme mandataire de l'élément mentionné au 1° de l'article L. 245-3 du présent code. L'organisme agréé assure, pour le compte du bénéficiaire, l'accomplissement des formalités administratives et des déclarations sociales liées à l'emploi de ses aides à domicile. La personne handicapée reste l'employeur légal.

L'article D351-1-7 du même code, dans sa version issue de l'article 20 de la loi n°2010-1330 du 09 novembre 2010 en vigueur du 01 juillet 2011 au 22 janvier 2014, dispose que le taux prévu à l'article L. 351-4-2 est égal ou supérieur à 80 %. Il est apprécié d'après le guide-barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées figurant à l'annexe 2-4 du code de l'action sociale et des familles (partie réglementaire).

L'article R355-1 du même code dispose que l'âge avant lequel les conditions d'attribution de la majoration pour tierce personne doivent être remplies, conformément aux dispositions de l'article L. 355-1, est celui prévu au 1° de l'article L. 351-8.

La majoration pour aide constante d'une tierce personne prévue à l'article L. 355-1 est accordée pour son montant intégral si les conditions d'attribution sont remplies, quelle que soit la durée d'assurance accomplie par l'assuré.

Cette majoration est due à la date d'entrée en jouissance de la pension si, à cette date, les conditions d'attribution sont remplies. Dans le cas contraire, elle est due à compter du premier jour du mois suivant la date de réception de la demande de majoration, dès lors que ces conditions sont remplies.

En l'espèce, M. [T] [C] soutient avoir atteint l'âge de 65 ans après l'entrée en vigueur de la loi du 20 janvier 2014 et remplir les conditions requises pour une révision de sa pension de retraite.

A l'appui de ses prétentions, M. [T] [C] produit aux débats :

- plusieurs décisions de la Cotorep concernant l'enfant de sa compagne, [W] [B] : du 20/03/1992 lui attribuant un taux d'incapacité de 100% et l'attribution d'une allocation compensatrice du 01/03/1992 au 01/03/1997, du 08/08/1994 lui accordant un taux d'incapacité de 95% et l'attribution de l'allocation compensatrice pour tierce personne du 01/04/1994 au 01/04/1999,

- plusieurs décisions de la Cotorep concernant M. [R] [B], autre enfant de sa compagne, né le 21/04/1956 : du 29/04/1992 lui attribuant un taux d'incapacité de 100% et l'attribution de l'allocation compensatrice du 01/03/1992 au 01/03/1997, renouvelée le 23/06/1992 du 01/03/1992 au 28/02/1997 ; du 03/10/1995 lui attribuant un taux d'incapacité de 95% et l'attribution de l'allocation compensatrice pour l'aide d'une tierce personne pour 5 ans à compter du 01/06/1995, du 19/01/2000 lui attibuant un taux d'incapacité de 95% et le maintien de l'allocation jusqu'au 01/06/2005 ; une décision de la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du 14/04/2010 lui attribuant un taux d'incapacité de supérieur ou égal à 80%, le maintien de l'AAH du 01/06/2010 au 01/06/2015 et le maintien du complément de ressources ; une décision du 03/12/2015 relative au renouvellement de l'allocation compensatrice du 01/06/2015 au 31/05/2025,

- la première page d'un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nîmes relatif à une adoption simple du 05 janvier 2000 concernant [W] [B] et M. [R] [B],

- un jugement de révision du maintien de la tutelle de M. [R] [B] du 15 octobre 2013 lequel rappelle que celui-ci bénéficie d'une mesure de tutelle depuis le 17 décembre 1975 et qui a désigné sa mère Mme [Y] [B] en qualité de tuteur aux biens et M. [T] [C] en qualité de tuteur à la personne,

- un courrier et un questionnaire de la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du 11 mai 2012 dans lequel M. [T] [C] indique joindre au questionnaire 'les documents d'adoption de la personne en question...je touche encore une tierce personne pour m'en occuper', et qui précise que pour les périodes de 1984 à 1985 puis du 01/01/1986 au 31/12/2004, de 2005 à 2008 et du 01/01/2009 au 31/12/2011, il était parent au foyer pour enfant handicapé aveugle et autiste,

- des extraits d'acte de naissance qui établissent que [Y] [B] est décédée le 16 août 2016,

- un certificat de vie commune établi le 05 décembre 1987 attestant que M. [T] [C] et [Y] née [F] vivent maritalement depuis le 04 septembre 1987.

Les documents produits par M. [T] [C] établissent qu'il était domicilié à la même adresse que celle des deux enfants handicapés de sa compagne [W] et [R] [B], qu'ils vivaient ainsi sous le même toit, à [Localité 3] puis à [Localité 4] et que depuis 1984, il n'exerçait plus d'activité professionnelle et que les deux enfants dont il avait la charge présentaient un taux d'incapacité supérieur à 80%.

Il s'en déduit que M. [T] [C] justifie remplir, avant le dépôt de sa demande de retraite et postérieurement à 2014, les conditions lui permettant de bénéficier d'une retraite personnelle à taux plein à l'âge de 65 ans, soit au 03 juillet 2016.

Sur les conséquences pécuniaires :

Au vu des éléments qui précèdent, il apparaît que M. [T] [C] aurait dû percevoir une retraite personnelle du 01 mai 2012 au 03 juillet 2016, date de son 65ème anniversaire, sur la base d'un taux réduit de 37,25% et non pas de 35,75% et bénéficier d'un taux plein à compter du 03 juillet 2016.

La cour n'ayant pas tous les éléments utiles pour calculer les montants ainsi dus par la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail à M. [T] [C] au titre de sa retraite personnelle, il convient de surseoir à statuer et d'inviter la caisse à produire un décompte détaillé des sommes dues pour la période comprise entre le 1er mai 2012 et le 01 janvier 2021 en prenant en considération les coefficients de revalorisation des retraites.

Sur la demande de dommages et intérêts :

Si la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Languedoc Roussillon a commis des erreurs sur la fixation du taux de décote à appliquer à compter du 1er mai 2012 et la date à laquelle M. [T] [C] pouvait prétendre à une retraite à taux plein, lors de la notification du 07 septembre 2012, il n'en demeure pas moins que les conséquences financières résultant de ces erreurs ne sont pas aussi 'grossières' qu'il le prétend et n'ont pas été déterminantes dans le choix qu'il a dû opérer le 23 août 2012.

S'agissant des avantages résultant de la prise en charge des enfants handicapés de sa compagne, il ne peut pas être reproché à la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de ne pas l'en avoir informé alors que sur le questionnaire qu'il a rempli lors du dépôt de sa demande le 27 avril 2012, M. [T] [C] n'avait pas coché les cases correspondant aux questions de savoir s'il élevait ou avait élevé un ou plusieurs enfants atteints d'une incapacité d'au moins 80% et s'il percevait ou avait perçu personnellement une allocation à ce titre.

M. [T] [C] n'établit donc pas que la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail ait commis une faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle.

M. [T] [C] sera donc débouté de ce chef de demande.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale et en dernier ressort ;

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nîmes, contentieux de la protection sociale du 09 septembre 2020 en ce qu'il a déclaré le recours formé recevable,

L'infirme pour le surplus,

Statuant sur les dispositions réformées et y ajoutant,

Juge que M. [T] [C] peut prétendre à compter du 1er mai 2012 à une retraite personnelle sur la base d'un taux réduit de 37,25% et à compter du 03 juillet 2016 sur la base d'un taux plein,

Renvoie M. [T] [C] devant la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Languedoc Roussillon pour faire valoir ses droits pour la période comprise entre le 01 mai 2012 et le 01 janvier 2021,

Condamne la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Languedoc Roussillon à payer à M. [T] [C] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Languedoc Roussillon aux dépens de première instance et de la procédure d'appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5e chambre pole social
Numéro d'arrêt : 20/02467
Date de la décision : 23/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-23;20.02467 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award