RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/00723 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H6PA
MS/EB
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE NIMES
25 janvier 2021
RG :20/00560
Etablissement Public ÉTABLISSEMENT PUBLIC ADMINISTRATIF NATIONAL PÔLE E MPLOI
C/
[W]
S.A.S. TEXA SERVICES
Grosse délivrée le 16 MAI 2023 à :
- Me Jean-charles JULLIEN
- Me Olga OBERSON
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 16 MAI 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NIMES en date du 25 Janvier 2021, N°20/00560
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
M. Michel SORIANO, Conseiller
Madame Leila REMILI, Conseillère
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l'audience publique du 16 Février 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 Mai 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
ÉTABLISSEMENT PUBLIC ADMINISTRATIF NATIONAL PÔLE E MPLOI
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Jean-charles JULLIEN de la SCP LAICK ISENBERG JULLIEN SAUNIER GARCIA, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉES :
Madame [O] [W]
assignée par procès verbal de recherches infructueuses
[Adresse 1]
[Localité 2]
S.A.S. TEXA SERVICES
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentée par Me Olga OBERSON, avocat au barreau de PARIS
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 02 Février 2023
ARRÊT :
Arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 16 Mai 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :
Par requête du 7 septembre 2020, Pôle emploi a saisi le conseil de prud'hommes de Nîmes en omission de statuer concernant le remboursement des indemnités de chômage de Mme [O] [W], suite au jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 26 juin 2019 ainsi que la condamnation de la SAS Texa Services au paiement de six mois d'indemnités chômage.
Par jugement du 25 janvier 2021, le conseil de prud'hommes de Nîmes en formation de départage a :
- constaté les dispositions du dernier alinéa de l'article L 123 5-4 du code du travail sont contraires aux dispositions de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques du 16 décembre 1966 ratifié par la République Française et applicable sur le territoire national à compter du 4 février 1981 selon décret n°81-76 du 29 janvier 1981 publié au journal officiel du 1er février 1981,
- dit par conséquent qu'il convient dans les espèces, d'écarter les dispositions du dernier alinéa de l'article L 1235-4 du code du travail,
- constaté que Pôle Emploi ne justifie pas avoir comparu lors de l'audience du bureau de jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 15 avril 2019,
- dit par conséquent que Pôle Emploi n'a pu formuler aucune demande de remboursement des indemnités chômages à l'encontre de la SAS Texa services,
- déclaré irrecevable la requête en omission de statuer presentée par Pôle Emploi afin qu'il soit statuer par la juridiction prud'homale sur la demande en remboursement des indemnités chômages à l'encontre de la SAS Texa services,
- condamné Pôle Emploi au paiement des entiers dépens.
Par acte du 19 février 2021, Pôle emploi a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 16 juillet 2021, Pôle emploi demande à la cour de :
Réformer la décision rendue.
Dire et juger la requête en omission de statuer présentée par l'Établissement Public National Administratif POLE EMPLOI recevable et non tardive.
Dire et juger la requête en omission de statuer présentée par l'Établissement Public National Administratif POLE EMPLOI recevable puisqu'on ne peut considérer que les dispositions du dernier alinéa de l'article L.1235-4 du Code du Travail sont contraires aux dispositions de l'article 14 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques du 16 décembre 1966
Condamner la SAS TEXAS SERVICES à payer à l'Établissement Public National Administratif POLE EMPLOI une somme de 3.808,48 € en application de l'article L.1235-4 du Code du Travail.
Statuer ce que de droit sur les dépens.
Pôle Emploi soutient que :
- la Cour de cassation a été amenée, depuis le 16 février 1987 (Bulletin Civil V N° 80), à considérer que, l'ASSEDIC étant partie au litige, il lui appartenait de présenter des requêtes en rectification lorsque la juridiction prud'homale avait omis d'ordonner d'office à l'employeur de lui rembourser les indemnités chômage versées par elle au salarié,
- le juge prud'homal ne pouvait rejeter la requête de Pôle emploi au seul motif que les
dispositions du dernier alinéa de l'article L.1235-4 du code du travail étaient contraires aux
dispositions de l'article 14 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques du 16
décembre 1966,
- sur la tardiveté de la requête en omission de statuer :
- la Cour de cassation, par un arrêt du 05 mars 1997 (Bulletin Civil V, N° 100D1997IR103) a rappelé que les règles de computation des délais de recours de l'article 528 du code de procédure civile s'appliquaient pour le point de départ d'un an de l'article 463 du code de procédure civile à l'égard de l'ASSEDIC,
- la décision ne lui ayant jamais été notifiée, le conseil de prud'hommes ne peut déclarer sa requête en omission de statuer irrecevable en raison de sa tardiveté,
- sur le fond :
- les allocations chômage réglées à Mme [W] correspondent à la période du 17 janvier 2017 au 30 avril 2017,
- l'employeur ne démontre pas qu'il aurait trop versé à la salariée,
- sa demande porte sur une demande de remboursement de 104 jours d'indemnité chômage dès lors que Mme [W] a relativement rapidement trouvé une activité professionnelle.
En l'état de ses dernières écritures en date du 28 mai 2021, la SAS Texa Services a demandé de :
- confirmer le jugement dont appel,
- déclarer irrecevable la requête de l'établissement public national administratif Pôle Emploi,
En toute hypothèse,
- débouter l'établissement public national administratif Pôle Emploi,
A titre subsidiaire,
- réduire la condamnation à de plus justes proportions,
- condamner l'établissement public national administratif Pôle Emploi, à payer à la SAS Texa services la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens.
La SAS Texa Services fait valoir que :
- le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 28 juin 2019 lui a été notifié le 4 juillet 2019, soit un délai d'appel expirant le 4 août 2019,
- la requête en omission de Pôle emploi est du 7 septembre 2020 soit plus d'un an après la
date de notification du jugement,
- Pôle emploi n'a pas justifié de la date à laquelle le jugement a été porté à sa connaissance,
- Pôle emploi avait connaissance du jugement à tout le moins le 10 février 2020, date à laquelle le relevé « ETAT DES DROITS A INDEMNISATION DE Mme [W] [O] SUITE A SON LICENCIEMENT de la SAS TEXA SERVICES » a été établi,
- Pôle emploi ne pouvait ignorer les délais de recours en la matière,
- l'article L1235-4 du code du travail crée une inégalité entre les justiciables, en contradiction avec l'article 14 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques du 16 décembre 1966.
En accordant la possibilité pour Pôle emploi de se voir allouer des sommes sans les
demander et sans comparaître à l'audience, l'article précité rompt l'égalité entre les parties,
- la demande de condamnation à payer l'intégralité des sommes versées à Mme [W] n'est pas motivée.
Mme [W] n'a pas comparu.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 28 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 2 février 2023 et fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 16 février 2023.
MOTIFS
Sur la recevabilité de la requête en omission de statuer
Il résulte des articles 463 et 528, alinéa 1er, du code de procédure civile que la juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande peut compléter son jugement et que la demande à cette fin doit être présentée un an au plus tard après que la décision est passée en force de chose jugée. Le délai à l'expiration duquel un recours ne peut plus être exercé court à compter de la notification du jugement, à moins que ce délai n'ait commencé à courir, en vertu de la loi, dès la date du jugement.
Le jugement du conseil de prud'hommes du 28 juin 2019 a été notifié à la société Texa Services le 4 juillet 2019.
Il n'est aucunement démontré que ce jugement a été notifié ou communiqué pour information à Pôle emploi comportant les mentions relatives aux voies de recours (article 680 du code de procédure civile), de telle sorte que le délai prévu par l'article 463 du code de procédure civile n'a pas couru à l'encontre de ce dernier, une simple connaissance du jugement étant insuffisante pour faire courir le délai de recours au regard des dispositions de l'article 680 du code de procédure civile.
La requête en omission de statuer de Pôle emploi, partie au litige, n'est donc pas tardive.
Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur la conventionnalité de l'article L1235-4 du code du travail
Selon l'article L.1235-4 du Code du travail, en sa version applicable, le tribunal qui, saisi par le salarié licencié, décide que le licenciement ne procédait pas d'une cause répondant aux exigences de ce texte, ordonne le remboursement par l'employeur ainsi reconnu fautif, à l'organisme concerné, partie au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage payées à ce travailleur et, sur le fondement de cette décision, les institutions qui ont versé les prestations doivent en poursuivre le recouvrement devant le tribunal d'instance suivant une procédure fixée par les articles R. 1235-2 à R. 1235-17 du même code.
Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Il résulte de l'article R 1235-13 que si l'employeur prétend que le remboursement a été ordonné dans un cas où cette mesure est interdite par la loi, l'affaire est renvoyée devant la juridiction qui a statué aux fins d'une rétractation éventuelle du jugement sur ce point.
Dès lors, l'employeur et son conseil connaissant la disposition légale permettant au juge d'ordonner d'office la condamnation aux allocations chômage éventuellement versées au salarié licencié en application du principe de solidarité envers les salariés privés d'emploi, dans la limite de six mois, est donc mis à même de contester devant ces juridictions le principe de sa responsabilité, ainsi que les conditions du remboursement devant un tribunal indépendant et impartial, quand bien même le salarié, qui n'y a aucun intérêt, n'aurait pas formulé de demande en ce sens et n'aurait pas appelé Pôle emploi dans la procédure.
Il est ainsi instauré sur les obligations envers Pôle emploi de l'employeur, un procès équitable au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et de l'article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques ouvert à la signature à New York le 19 décembre 1966.
Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le fond
Dans la mesure où le licenciement litigieux a été déclaré sans cause réelle et sérieuse sans qu'il soit fait application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, dès lors que la salariée justifiait d'une ancienneté de plus de deux années à la date de la rupture de son contrat de travail et que la société disposait d'un effectif supérieur à 11 salariés, il y a lieu de déclarer la requête en omission de statuer bien fondée.
Aucun élément versé aux débats ne permet de réduire la condamnation de l'employeur et ce d'autant plus que la somme réclamée et justifiée par Pôle emploi est limitée à 104 jours, Mme [W] ayant retrouvé un emploi avant les 6 mois prévus par l'article L 1234-5 du code du travail.
Il convient de faire droit à la demande de l'établissement Pôle Emploi et de condamner la SAS Texa Services au remboursement des allocations chômage versées à la salariée dans la limite de six mois, soit la somme de 3.808,48 euros, le jugement querellé devant être réformé en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
LA COUR ,
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire en matière prud'homale, par mise à disposition,
Infirme le jugement rendu le 25 janvier 2021 par le conseil de prud'hommes de Nîmes en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
Déclare recevable la requête en omission de statuer présentée par l'Etablissement public national administratif Pôle emploi pris en son établissement Pôle emploi Occitane,
Condamne la SAS Texa Services à payer à l'établissement public administratif national pôle emploi pris en son établissement Pôle emploi Occitanie la somme de 3.808,48 euros en application de l'article L1235-4 du code du travail,
Condamne la SAS Texa Services aux dépens de première instance et d'appel,
Arrêt signé par le président et par la greffière.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,