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16/05/2023 | FRANCE | N°20/02141

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5e chambre pole social, 16 mai 2023, 20/02141


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 20/02141 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HZD6



CRL/DO



POLE SOCIAL DU TJ D'AVIGNON

06 août 2020



RG :13/01017





S.A.R.L. [6]



C/



URSSAF PACA



















Grosse délivrée le 16 mai 2023 à :



- Me LE GOUES

- Me MALDONADO

- M. [N]

- CPAM VAUCLUSE

>








COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social



ARRÊT DU 16 MAI 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ d'AVIGNON en date du 06 Août 2020, N°13/01017



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a ent...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 20/02141 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HZD6

CRL/DO

POLE SOCIAL DU TJ D'AVIGNON

06 août 2020

RG :13/01017

S.A.R.L. [6]

C/

URSSAF PACA

Grosse délivrée le 16 mai 2023 à :

- Me LE GOUES

- Me MALDONADO

- M. [N]

- CPAM VAUCLUSE

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social

ARRÊT DU 16 MAI 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ d'AVIGNON en date du 06 Août 2020, N°13/01017

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 Février 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 18 Avril 2023 et prorogé ce jour.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.A.R.L. [6]

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représentée par Me Morgan LE GOUES, avocat au barreau D'AVIGNON

INTIMÉE :

URSSAF PACA

[Adresse 2]

[Localité 1] 20 décembre 2022

Représentée par Me Hélène MALDONADO, avocat au barreau de NIMES

Monsieur [M] [N]

[Adresse 3]

[Localité 8]

non comparant, non représenté

CPAM DE VAUCLUSE

[Adresse 4]

[Localité 5]

non comparante, non représentée

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 16 Mai 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La S.A.R.L. [6] a fait l'objet d'un contrôle dans le cadre de la recherche d'infractions de travail dissimulé, par les services de l'URSSAF pour la période du 1er avril 2011 au 31 décembre 2012.

Par une lettre d'observations du 15 mars 2013, l'URSSAF a fait part de son projet de procéder au redressement de la S.A.R.L. [6], pour un montant global en principal de 33.644 euros portant sur les points suivants:

- point n°1 : travail dissimulé avec verbalisation - dissimulation d'emploi salarié : assiette réelle pour 18.535 euros ,

- point n°2 : annulation des réductions Fillon suite au constat de travail dissimulé : 12.922 euros,

- point n°3: annulation de déductions patronales 'loi TEPA' suite constat de travail dissimulé : 2.187 euros.

En réponse aux observations de la S.A.R.L. [6] formulées par courrier du 30 avril 2013, l'URSSAF a maintenu l'ensemble des chefs de redressement.

Le 13 juin 2013, l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur a mis en demeure la S.A.R.L. [6] de lui régler, ensuite de ce contrôle, la somme de 38.250 euros correspondant à 33.644 euros de cotisations et contributions et 4.606 euros de majorations de retard.

La S.A.R.L. [6] a contesté cette mise en demeure en saisissant la Commission de Recours Amiable de l'URSSAF, le 1er juillet 2013 puis le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vaucluse le 9 septembre 2013 sur la décision implicite de rejet.

La Commission de Recours Amiable de l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur dans sa séance du 4 décembre 2013 a confirmé le montant du redressement.

Par jugement du 6 août 2020, le pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon, désormais compétent pour connaître de ce litige, a :

- débouté la S.A.R.L. [6] de l'ensemble de ses demandes,

- confirmé la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de l'URSSAF et la mise en demeure du 13juin 2013 pour un montant total de 38 250,00 euros soit

33 644,00 euros en cotisations et 4 606,00 euros en majorations de retard,

- condamné la S.A.R.L. [6] à payer à l'URSSAF PACA la somme de 38.250,00 euros,

- dit n'y avoir lieu a application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'URSSAF PACA,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné la S.A.R.L. [6], partie perdante, au paiement des entiers dépens de l'instance.

Par déclaration effectuée par voie électronique le 27 août 2020, la S.A.R.L. [6] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Enregistrée sous le numéro RG 20 02141, l'examen de cette affaire a été appelé à l'audience du 7 février 2023.

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la S.A.R.L. [6] demande à la cour de :

- réformer le jugement rendu le 6 août 2020 par le tribunal judiciaire d'Avignon en ce

qu'il a : - débouté la S.A.R.L. [6] de l'ensemble de ses demandes,

- confirmé la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de l'URSSAF et la mise en demeure du 13 juin 2013 pour un montant total de 38.250 euros soit 33.644 euros en cotisations et 4.606 euros en majorations de retard,

- condamné la S.A.R.L. [6] à payer à l'URSSAF PACA la somme de 38.250 euros,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné la S.A.R.L. [6], partie perdante, au paiement des entiers dépens de l'instance,

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

- annuler la décision de la commission de recours amiable du 20 décembre 2013,

- annuler en conséquence, la procédure de contrôle diligentée et de redressement qui a suivi pour un montant de cotisations en principal de 33.644 euros et pour un montant total de 38.250 euros (4.606 euros de majorations de retard),

- débouter en conséquence l'URSSAF de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions,

A titre subsidiaire,

- constater l'absence de travail dissimulé, soit l'absence de violation de l'article L. 8221-1 du code du travail,

- ordonner en conséquence l'abandon de l'ensemble des chefs de redressement,

- débouter l'URSSAF de ses demandes plus amples ou contraires,

En tout état de cause,

- condamner l'URSSAF au paiement à son profit d'une somme de 3.000 euros l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'URSSAF aux entiers dépens.

La S.A.R.L. [6] soutient que :

- la procédure de contrôle est irrégulière puisque les dispositions de l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale n'ont pas été respectées, M. [N] a été entendu non pas sur le lieu d'exploitation à [Localité 8] mais dans un autre établissement , à 6 km, exploité par une autre société la S.A.R.L. [10],

- l'inspecteur de l'URSSAF a refusé de lui communiquer le procès-verbal d'audition de M. [N], et n'a donc pas respecté le principe du contradictoire, et ce même après l'extinction de la procédure pénale, la jurisprudence invoquée pour justifier le refus étant inopposable en l'espèce puisqu'elle concernait des auditions par les services de gendarmerie,

- sur le fond, M. [N] était inscrit en qualité d'auto-entrepreneur depuis plus d'un an avant de lui proposer ses services, il n'avait pas de relation salariée avec elle avant ce contrat de prestation de service, négocié de part et d'autre,

- M. [N] n'assurait pas lui-même la prestation, le contrat mentionnant uniquement la présence d'un agent de sécurité,

- les manquements de M. [N] à ses obligations déclaratives ne suffisent pas à établir l'existence d'une relation salariée,

- M. [N] n'avait pas accès et n'a pas été formé au système informatique,

- il n'est pas démontré qu'il intervenait dans le cadre d'un service organisé, et elle ne lui a jamais adressé de directives particulières,

- le coût de la prestation, inférieur à celui du marché n'est pas un indice de relation salariée, et correspond au prix de revient pour une petite structure,

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur demande à la cour de :

- dire la SARL [6] infondée en son appel,

- confirmer le jugement rendu par le Pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon en date du 6 août 2020 en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- condamner la SARL [6] à lui payer la somme totale de 38.250 euros, soit 33.644 euros de cotisations 4.606 euros de majorations de retard, due au titre de la mise en demeure 0060862983 du 24 décembre 2014 en deniers et quittances,

- condamner La S.A.R.L. [6] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur fait valoir que :

- la procédure de contrôle s'inscrivant dans le cadre de la recherche d'infraction en matière de travail dissimulé, ce sont les dispositions de l'article L 8271-6-1 du code du travail qui s'appliquent aux auditions, lesquelles peuvent avoir lieu ' en quelque lieu',

- les procès-verbaux établis par les inspecteurs du recouvrement sont couverts par le secret de l'enquête pénale en cours et ne peuvent être communiqués le cas échéant que par l'autorité judiciaire, et n'ont pas à être joints à la lettre d'observations,

- la lettre d'observations n'est entachée d'aucune irrégularité et le principe du contradictoire a été respecté pendant toute la procédure, laquelle n'est pas suite entachée d'aucune nullité,

- l'activité de surveillance et de gardiennage est soumise à autorisation préalable obtenue auprès des services de la préfecture du département où la personne qui exerce cette activité est immatriculée au RCS,

- M. [M] [N] est inscrit en qualité d'auto-entrepreneur pour l'activité de sécurité privé, et a conclu une convention pour une année avec La S.A.R.L. [6], en avril 2011,

- La S.A.R.L. [6] n'a pu produire aucune des attestations qu'elle aurait dû solliciter dans le cadre de l'obligation de vigilance,

- M. [N] n'est pas inscrit auprès de l'INSEE ni du RCS, n'est pas titulaire d'une autorisation d'exercer ni d'une carte professionnelle, et n'a jamais déclaré de revenus à l'URSSAF,

- les éléments relevés lors du contrôle, exercice de son activité dans l'établissement et avec la clientèle de celui-ci dans le cadre d'un service organisé par La S.A.R.L. [6], permettent de caractériser une fausse sous-traitance,

- l'infraction de travail dissimulé dans le cadre de la procédure civile concernant le rappel des charges éludées ne nécessite pas que soit caractérisée, à la différence du plan pénal, une intentionnalité de son auteur,

- la situation de M. [N] doit s'analyser eu égard aux éléments de fait constatés comme relevant du salariat.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

* s'agissant de la régularité de la procédure de contrôle

- en raison du lieu d'audition de M. [N]

L'article L 243-7 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable jusqu'au 1er janvier 2015, dispose notamment que le contrôle de l'application des dispositions du présent code par les employeurs, personnes privées ou publiques, et par les travailleurs indépendants est confié aux organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général. Les agents chargés du contrôle sont assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale. Ces agents ont qualité pour dresser en cas d'infraction aux dites dispositions des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire. Les unions de recouvrement les transmettent, aux fins de poursuites, au procureur de la République s'il s'agit d'infractions pénalement sanctionnées.

Les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général sont également habilités dans le cadre de leurs contrôles à vérifier l'assiette, le taux et le calcul, d'une part, des cotisations destinées au financement des régimes de retraites complémentaires obligatoires mentionnés au chapitre Ier du titre II du livre IX du présent code pour le compte des institutions gestionnaires de ces régimes et, d'autre part, des contributions d'assurance chômage et des cotisations prévues par l'article L. 143-11-6 du code du travail pour le compte des institutions gestionnaires mentionnées à l'article L. 351-21 du même code. Le résultat de ces vérifications est transmis aux dites institutions aux fins de recouvrement.

L'article R 243-9 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, précise que lors de tout contrôle effectué en application de l'article L 243-7 du code de la sécurité sociale, les agents chargés du contrôle peuvent interroger les personnes rémunérées notamment pour connaître leurs nom et adresse ainsi que la nature des activités exercées et le montant des rémunérations y afférentes, y compris les avantages en nature.

L'article L. 8271-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n 2011-672 du 16 juin 2011,applicable au litige, dispose que les infractions constitutives de travail illégal mentionnées à l'article L. 8211-1 sont recherchées et constatées par les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-1-2 dans la limite de leurs compétences respectives en matière de travail illégal, parmi lesquels figurent les agents des organismes de sécurité sociale et des caisses de mutualité sociale agricole agréé à cet effet et assermentés.

Aux termes de l'article L. 8271-6-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la même loi, applicable à l'époque des faits, les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-1-2 sont habilités à entendre, en quelque lieu que ce soit et avec son consentement, tout employeur ou son

représentant et toute personne rémunérée ou présumée être ou avoir été rémunérée par l'employeur ou par un travailleur indépendant, afin de connaître la nature des activités de cette personne, ses conditions d'emploi et le montant des rémunérations s'y rapportant, y compris les avantages en nature.

De même, ils peuvent entendre toute personne susceptible de fournir des informations utiles à l'accomplissement de leur mission de lutte contre le travail illégal.

Ces auditions peuvent faire l'objet d'un procès-verbal signé des agents mentionnés au premier alinéa et des personnes entendues.

Le consentement des personnes entendues lors des opérations de contrôle réalisées dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé est toujours nécessaire et ne se limite pas au cas où un témoin est entendu pour recueillir ses dénonciations.

En cas de constat d'une irrégularité d'une audition, celle-ci n'entraîne la nullité du redressement que dans l'hypothèse où le redressement repose uniquement sur des déclarations irrégulièrement recueillies .

La lettre d'observations en date du 15 mars 2013 mentionne qu'elle intervient suite à un contrôle opéré dans le cadre des articles L 8221-1 et L 8221-2 du code du travail soit dans le cadre de la recherche d'infractions de travail dissimulé.

L'audition de M. [N] était donc soumise aux exigences de forme de l'article L 8271-6-1 du code du travail, et non pas à celles de l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale comme le soutient La S.A.R.L. [6], et pouvait par suite se dérouler en n'importe quel lieu.

Par ailleurs, la lettre d'observations du 15 mars 2013 ne mentionne pas cette audition de M. [N] et est argumentée par les constatations effectuées par l'inspecteur du recouvrement au sein de La S.A.R.L. [6].

En conséquence, aucune nullité n'est encourue de ce chef.

- en raison de la non-communication du procès-verbal d'audition de M. [N]

La S.A.R.L. [6] reproche à l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur de ne pas lui avoir communiqué le procès-verbal d'audition de M. [N] joint à la procédure pénale pour travail dissimulé adressée au procureur de la République d'Avignon.

De fait, la procédure pour travail dissimulée adressée au Parquet d'Avignon répond aux règles de la procédure pénale et se déroule sous l'autorité du Procureur de la République qui est seul habilité à délivrer le cas échéant aux parties des copies des pièces de procédure, dont font partie les éléments communiqués par les inspecteurs du recouvrement.

Par suite aucune nullité n'est encourue de ce chef.

* sur la qualification des relations contractuelles entre La S.A.R.L. [6] et M. [N]

Le contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles la prestation de travail s'est exécutée.

Pour déterminer l'existence ou non d'un lien de subordination la Chambre sociale retient la méthode du faisceau d'indices relatifs à l'activité en cause. Il appartient au juge de rechercher parmi les éléments du litige ceux qui caractérisent un lien de subordination.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements. Sont ainsi retenus comme éléments caractérisant un lien de subordination, les contraintes concernant les horaires, le contrôle exercé, notamment sur l'exécution de directives, l'activité dans un lieu déterminé et la fourniture du matériel

Le pouvoir et le contrôle de l'employeur doivent s'apprécier à des degrés différents selon la technicité et la spécificité du poste occupé par le salarié, celui-ci pouvant bénéficier d'une indépendance voire d'une autonomie dans l'exécution de sa prestation sans que pour autant la réalité de son contrat de travail puisse être mise en doute. Ni les modalités de la rémunération, ni la non-affiliation à la sécurité sociale, ni enfin le fait que l'intéressé aurait eu la possibilité de travailler pour d'autres personnes ne permettent d'exclure l'existence d'un contrat de travail.

C'est à celui qui se prévaut de l'existence d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la S.A.R.L. [6] et M. [N] ont été en relation contractuelle entre le 01/04/2011 et le 31/12/2012 , ainsi qu'en atteste les factures produites par La S.A.R.L. [6] dans le cadre de son contrôle et que cette relation a été formalisée entre eux par un contrat de prestation pour la période du 1er avril au 31 décembre 2011, conclu entre 'la société [9]' et la S.A.R.L. [6], étant observé que le contrat ne mentionne pas la forme de la première, que ce soit dans le corps du contrat ou sur le tampon humide apposé avec la signature, lequel ne mentionne qu'un numéro Siret.

Il est par ailleurs démontré par l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur que M. [M] [N] n'était pas déclaré auprès des organismes sociaux .

L'absence de vérification par La S.A.R.L. [6] de la réalité des informations produites par son cocontractant et de situation vis-à-vis de l'URSSAF, alors même qu'elle était soumise à une obligation de vigilance, ne lui permet pas de se dédouaner de sa responsabilité.

Ainsi, il ressort des constatations de l'inspecteur du recouvrement que:

- M. [M] [N] n'avait sollicité aucune autorisation professionnelle pour pouvoir exercer une activité de gardiennage, activité réglementée

- la mention de l'adresse portée sur les documents au nom de 'la société [9]' correspond à une ancienne adresse de M. [M] [N],

- M. [M] [N] n'a procédé à aucune démarche auprès de l'URSSAF en son nom ou à celui de sa société.

L'examen des facturations émises par 'la société [9]' établit que M. [N] a perçu de la S.A.R.L. [6] :

- pour l'année 2011( mois d'avril à décembre ) : 11.448 euros

- pour l'année 2012 : 17.388 euros

Ces facturations correspondent toutes à des prestations de gardiennage, et correspondent à des sommes mensuelles de l'ordre de 1.300 à 1.600 euros.

L'examen des factures produites par 'la société [9]' démontre par ailleurs qu'elle n'a pour seul client que la S.A.R.L. [6], les numéros de factures se suivant sur l'ensemble de la période.

Ainsi, il est manifeste que M. [M] [N], sous couvert de 'la société [9]', n'avait aucune clientèle en dehors de la SARL [6] et se trouvait en situation de dépendance vis-à-vis de cette dernière, son activité dépendant des missions de surveillance que cette dernière lui confiait.

Par ailleurs, l'inspecteur du recouvrement a constaté que M. [M] [N] ' exerce cette activité dans votre établissement et avec votre clientèle, dans le cadre du service organisé de votre hôtel. M. [M] [N] s'occupe des clients de votre hôtel, y compris en consultant l'ordinateur des réservations. Il exerce son activité dans votre établissement en toute liberté dans son organisation, mais selon vos directives, comme tout salarié exerçant la profession de gardien ou de veilleur de nuit. M. [M] [N] exerce donc son activité dans les mêmes conditions qu'un salarié que d'ailleurs il a remplacé à compter d'avril 2011.'

Pour remettre en cause ces constatations, la SARL [6] indique qu'elle a été démarchée par M. [M] [N], avec lequel elle n'avait jamais eu de relation contractuelle antérieurement, et produit en ce sens des échanges de courriels antérieurs à la conclusion du contrat de prestations, desquels il ressort que le prix proposé initialement à 14,50 euros de l'heure a été finalement ramené à 13,50 euros de l'heure.

La SARL [6] procède par affirmations pour remettre en cause les constatations de l'inspecteur du recouvrement qui font foi jusqu'à preuve du contraire, notamment pour contester le fait que M. [M] [N] avait accès à l'ordinateur des réservations.

Le fait que M. [M] [N] n'ait pas eu de relation salariale antérieure avec la S.A.R.L. [6] est sans incidence l'examen de sa situation professionnelle dans le cadre de la présente procédure.

Au surplus, la procédure pour travail dissimulé transmise au Parquet d'Avignon a donné lieu le 28 mai 2015, à un rappel à la loi pour l'emploi de M. [N] entre avril 2011 et le 23 janvier 2013, sans déclaration préalable à l'embauche.

En conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont confirmé la qualification de relation salariale retenue par l'URSSAF pour qualifier le lien professionnel entre la S.A.R.L. [6] et M. [M] [N] et leur décision sera confirmée sur ce point.

- sur le montant du redressement

Au terme de l'article L 311-2 du code de la sécurité sociale, sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d'une pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l'un ou de l'autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat.

En l'espèce, il résulte des éléments précédemment développés que la S.A.R.L. [6] aurait dû procéder aux déclarations relatives à l'embauche en qualité de salarié de M. [M] [N].

Les régularisations de cotisations sociales ne sont pas contestées dans leur quantum parla S.A.R.L. [6].

S'agissant des annulations de réduction Fillon et 'loi TEPA', qui sont la conséquence de la non déclaration d'un salarié, et non pas de l'infraction pénale de travail dissimulé, elles sont également justifiées eu égard aux faits précédemment rappelés.

En conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont validé la mise en demeure en date du 13 juin 2013 pour un montant de 38 250,00 euros soit 33 644,00 euros en cotisations et 4 606,00 euros en majorations de retard.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 août 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon,

Déboute la S.A.R.L. [6] de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne la S.A.R.L. [6] aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5e chambre pole social
Numéro d'arrêt : 20/02141
Date de la décision : 16/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-16;20.02141 ?
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