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09/05/2023 | FRANCE | N°20/02314

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5e chambre pole social, 09 mai 2023, 20/02314


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 20/02314 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HZUB



EM/DO



POLE SOCIAL DU TJ DE NIMES

09 septembre 2020



RG :19/00659





[C]



C/



S.A.S. [7]

CPAM



















Grosse délivrée le 09 MAI 2023 à :



- Me SOULIER

- Me MICHEL

- LA CPAM






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COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social



ARRÊT DU 09 MAI 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de NIMES en date du 09 Septembre 2020, N°19/00659



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 20/02314 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HZUB

EM/DO

POLE SOCIAL DU TJ DE NIMES

09 septembre 2020

RG :19/00659

[C]

C/

S.A.S. [7]

CPAM

Grosse délivrée le 09 MAI 2023 à :

- Me SOULIER

- Me MICHEL

- LA CPAM

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social

ARRÊT DU 09 MAI 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de NIMES en date du 09 Septembre 2020, N°19/00659

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier lors des débats et Madame Delphine OLLMANN, Greffière lors du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 14 Février 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 09 Mai 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [X] [C]

né le 16 Octobre 1965 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me PRIVAT Jérôme, substituant Me Eve SOULIER de la SELARL EVE SOULIER - JEROME PRIVAT - THOMAS AUTRIC, avocat au barreau d'AVIGNON

INTIMÉES :

S.A.S. [7]

[Adresse 8]

[Localité 5]

Représentée par Me BENAMARA Mathilde, substituant Me Barbara MICHEL, avocat au barreau de NIMES

CPAM

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Mme [W] [Y] (Autre) en vertu d'un pouvoir spécial

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 09 Mai 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Le 30 mai 2018, M. [X] [C], salarié de la Sas [7] en qualité de chef de secteur comptage, a été victime d'un accident pour lequel son employeur a établi une déclaration d'accident du travail le 1er juin 2018 qui mentionnait : ' M. [K] [X] est rentré de manière illégale au sein de l'entreprise, s'est dirigé vers le bureau de M. [X] [C] et l'a frappé à plusieurs reprises. Deux salariés de l'entreprise sont venus pour aider Monsieur [C]'.

Le certificat médical établi le 30 mai 2018 par le Docteur [B] mentionnait: 'traumatisme facial(..)'.

L'accident a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie du Gard au titre de la législation sur les risques professionnels.

M. [X] [C] a été déclaré guéri en date du 28 août 2019.

Par courrier du 19 mars 2019, M. [X] [C] a saisi la caisse primaire d'assurance maladie d'une demande de reconnaissance d'une faute inexcusable à l'encontre de la Sas [7].

Après l'échec de la procédure amiable et la signature d'un procès-verbal de non conciliation le 18 avril 2019, par requête du 11 juillet 2019, M. [X] [C] a saisi le tribunal judiciaire de Nîmes, pôle social, aux mêmes fins.

Suivant jugement du 09 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Nîmes, contentieux de la protection soiale :

- a débouté M. [C] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société [7],

- l'a débouté de l'intégralité de ses demandes,

- a condamné M. [C] à payer à la Sas [7] une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a débouté de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamné au paiement des dépens.

Par acte du 21 septembre 2020, M. [X] [C] a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 10 septembre 2020.

Par acte du 22 novembre 2022, les parties ont été convoquées à l'audience du 14 février 2023 à laquelle elle a été retenue.

Par conclusions déposées et développées oralement à l'audience, M. [X] [C] demande à la cour de :

- recevoir son appel,

- le dire bien fondé,

En conséquence,

- réformer le jugement rendu par le pôle social,

- dire et juger que la société [7] a manqué à son obligation de sécurité de résultat,

- dire et juger que la société [7] a commis une faute inexcusable,

En conséquence,

- ordonner avant dire droit la désignation d'un médecin expert qui aura pour mission de:

* de procéder à son examen,

* de faire l'état de toutes ses interventions subies,

* de décrire les complications qui ont suivi, et d'en préciser les causes et les évolutions,

* déterminer tous ses préjudices, et ses lésions subis,

* de fixer la date de consolidation,

* de dire qu'il y aura lieu à majoration maximum du taux de la rente qui devra lui être allouée

* de chiffrer l'ensemble de son préjudice subi,

- dire et juger qu'il y aura lieu à majoration au maximum du taux de la rente qui devra lui être allouée,

- condamner la société [7] au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les défendeurs aux entiers dépens,

- dire et juger que la décision à intervenir sera commune et opposable à la Caisse primaire d'assurance maladie du Gard.

Il soutient que :

- au visa de l'article L4121-1 du code du travail, il a été agressé le 30 mai 2018 alors qu'il se trouvait en temps et lieu de travail ; aucune sécurisation du site n'avait été mise en place par l'employeur puisque l'accès au lieu de travail était ouvert sans difficulté, multipliant ainsi les problématiques potentielles d'agression de salariés au sein de l'entreprise ; l'employeur a été informé des difficultés de sécurité à plusieurs reprises notamment du fait que seuls les salariés d'un contrat à durée indéterminée étaient munis d'un badge pour entrer ; la responsabilité de l'employeur est entière quant au fait qu'il n'ait pas assuré sa sécurité sur son lieu de travail ; il n'a mis en place aucune mesure préventive,

- la rente attribuée devra être majorée au taux maximum prévue par la loi,

- avant dire droit sur son indemnisation, une expertise médicale est nécessaire pour évaluer les préjudices subis.

Par conclusions déposées et développées oralement à l'audience, la Sas [7] demande à la cour de :

- dire et juger M. [C] mal fondé en son appel tendant à la reconnaissance d'une

faute inexcusable à sa charge, l'en débouter,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

A titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où une expertise serait ordonnée,

- dire que l'expert aura pour mission de déterminer les postes de préjudice subis par M. [C] ne faisant pas l'objet de la réparation forfaitaire prévue par le code de la sécurité Sociale en matière d'accidents du travail,

- condamner M. [C] à lui verser une indemnité complémentaire à hauteur d'appel de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Elle soutient que :

- il n'apparaît pas raisonnable intellectuellement de considérer que le libre accès prétendu des salariés intérimaires à l'entreprise puisse constituer en soi un danger, dès lors que ceux-ci ne peuvent, par nature être tenus pour dangereux et qu'ils sont considérés comme des collaborateurs à part entière de l'entreprise ; il s'agissait ici, en outre d'un ancien salarié de l'entreprise, dont la venue elle-même n'était pas prévisible ; il ne peut donc pas lui être reproché de n'avoir pas eu conscience d'un danger qui n'existait pas ; quand bien même M. [K] aurait été équipé d'un badge pour pénétrer dans l'entreprise, il n'aurait pas été dissuadé d'agresser M. [X] [C] et, comme l'a retenu fort justement le Tribunal, le seul fait de ne pas disposer de badges d'accès à l'entreprise est sans lien causal avec cette agression ; comme il le souligne lui-même, la conscience du danger renvoie à l'exigence de prévision raisonnable des risques, ceux-ci devant être entendus comme inhérents à l'activité professionnelle de l'entreprise, au nombre desquels ne peut figurer, par nature, le comportement individuel des personnes totalement détachables de leur fonction, a fortiori s'agissant d'un ancien salarié ne se trouvant plus sous l'autorité et le contrôle de celle-ci ;

- contrairement à ce qu'affirme M. [X] [C], elle est particulièrement vigilante quant aux mesures de sécurité relatives à l'accès dans l'entreprise et, au cas d'espèce, elle n'a pas laissé M. [K] entrer librement au sein de l'usine de [Localité 9] puisque c'est grâce à la complicité d'un autre salarié, M. [F] [D] qu'il a pu y pénétrer le 30 mai 2018 ; ce dernier, convoqué le 11 juin 2018 à un entretien préalable à licenciement à raison de ce fait, a reconnu l'avoir laissé entrer en même temps que lui lorsqu'il a badgé pour sa prise de poste, version confirmée par le système de vidéosurveillance ; la faute de M. [D] a été considérée d'autant plus grave qu'il avait assisté le 25 mai précédent à une dispute entre son responsable, M. [X] [C] et M. [K] concernant l'arrêt de sa mission, ce qui est confirmé par la déposition faite en gendarmerie par M. [E], Directeur d'établissement,

- elle démontre que soucieuse de la sécurité quant à l'accès au site de [Localité 9], elle a mis en 'uvre les mesures appropriées, au regard d'une prévision raisonnable des risques, de sorte que l'existence d'une faute inexcusable à sa charge ne saurait être retenue,

- à toutes fins, sur l'expertise sollicitée, si, par extraordinaire, la cour reconnaissait une faute inexcusable à sa charge, elle ne pourrait confier à l'expert qui serait nommé la mission présentée par M. [X] [C] dans ses conclusions ; en effet, celle-ci ne peut porter que sur les préjudices non couverts par la réparation forfaitaire de règle en matière d'accidents du travail ; en aucune façon l'expert ne saurait se prononcer sur l'ensemble de l'état de santé de M. [X] [C], encore moins, « dire s'il y a lieu à majoration maximum de la rente qui devra lui être allouée » (sic), ni chiffrer l'ensemble du préjudice subi par « lui » « (sic), cette dernière mission incombant à M. [X] [C] lui même.

La Caisse primaire d'assurance maladie du Gard, reprenant oralement ses conclusions déposées à l'audience, demande à la cour de :

Sur la faute inexcusable :

- lui donner acte de ce qu'elle déclare s'en remettre à justice sur le point de savoir si l'accident du travail en cause est dû à une faute inexcusable de l'employeur,

Si la cour retient la faute inexcusable :

- constater que M. [X] [C] ne bénéficie d'aucun taux d'incapacité permanente,

- limiter l'éventuelle mission de l'expert à celle habituellement confiée en matière de faute inexcusable et mettre les frais d'expertise à la charge de l'employeur,

- condamner l'employeur à lui rembourser dans le délai de quinzaine les sommes dont elle aura fait l'avance, assorties des intérêts légaux en cas de retard.

Elle fait valoir que :

- au visa des articles L452-1, L452-2, L452-3 du code de la sécurité sociale et de la jurisprudence de la Cour de cassation, elle intervient en tant que partie liée puisqu'il lui appartiendra lorsque la cour se sera prononcée sur la reconnaissance de la faute inexcusable de récupérer auprès de l'employeur les sommes qu'elle sera amenée à verser à M. [X] [C],

- les préjudices qui sont déjà couverts totalement ou partiellement forfaitairement ou avec limitation par le livre IV du code de la sécurité sociale ne peuvent donner lieu à une indemnisation complémentaire,

- l'état de santé de M. [X] [C] a été considéré comme guéri le 28 août 2019 ; cette décision n'a pas été contestée, de sorte qu'elle est devenue définitive à son égard,

- M. [X] [C] ne bénéficie d'aucun taux d' incapacité permanente ; en tout état de cause, si une expertise était ordonnée, la mission de l'expert devra être limitée à celle habituellement confiée en matière de faute inexcusable.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures déposées et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS

Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il résulte de l'application combinée des articles L452-1 du code de la sécurité sociale, L4121-1 et L4121-2 du code du travail que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur et le fait qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, sont constitutifs d'une faute inexcusable.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié ou de la maladie l'affectant; il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire, même non exclusive ou indirecte, pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, étant précisé que la faute de la victime, dès lors qu'elle ne revêt pas le caractère d'une faute intentionnelle, n'a pas pour effet d'exonérer l'employeur de la responsabilité qu'il encourt en raison de sa faute inexcusable.

Il incombe, néanmoins, au salarié de rapporter la preuve de la faute inexcusable de l'employeur dont il se prévaut'; il lui appartient en conséquence de prouver, d'une part, que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait ses salariés et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires concernant ce risque, d'autre part, que ce manquement tenant au risque connu ou ayant dû être connu de l'employeur est une cause certaine et non simplement possible de l'accident ou de la maladie.

En l'espèce, les circonstances de l'accident de travail dont M. [X] [C] a été victime le 30 mai 2018 peuvent être déterminées au vu de :

- la déclaration d'accident de travail qui mentionne un accident survenu à 14h10 dans les circonstances suivantes : 'agression physique : M. [K] [X] est rentré de manière illégale au sein de l'entreprise, s'est dirigé vers le bureau de M. [X] [C] et l'a frappé à plusieurs reprises. Deux salariés de l'entreprise sont venus pour aider M. [X] [C]. M. [X] [K] (ancien intérimaire) a frappé à plusieurs reprises M. [X] [C]',

- un procès-verbal d'audition de M. [X] [C] par les services de gendarmerie du 01 juin 2018 : 'dans la matinée du ...25 mai 2018, j'ai affiché le service de la semaine suivante. A midi, M. [K] [X], intérimaire est venu à ma rencontre...Il m'a demandé la raison pour laquelle il était inscrit...en fin de mission...Dans l'après-midi il a enlevé une partie de sa tenue et s'est assis sur un tapis...En qualité de responsable, je suis allé le voir. Il s'est emporté et criait. Il m'a demandé à plusieurs reprises la raison pour laquelle son contrat n'était pas reconduit. J'ai informé mon responsable de la situation, M. [K] continuait à s'emporter. Il continuait toujours à crier. Il ne comprenait pas que l'on ne pouvait pas le garder en permanence. Cet échange a eu lieu verbalement entre lui-moi et M. [M], responsable de production.

Au vu de la situation, M. [K] a été invité à quitter les lieux ce qu'il a fait avant 19h. M [M] a informé la boîte intérimaire Synergie à [Localité 3] du comportement de l'intéressé.

Vers 17h, j'ai appris par M. [E] directeur de l'entreprise, que le nommé [K] [X] se trouvait dans la cour de l'entreprise à bord de son véhicule et qu'il attendait ma sortie.

Avant que je termine mon service, M [E] a demandé à l'intéressé de quitter les lieux...M. [E] est à nouveau intervenu et lui a demandé de quitter les lieux sinon il faisait appel à la gendarmerie. Voyant cela, M. [K] est parti.

Le...30 mai 2018, vers 14h je me trouvait assis à mon bureau...Pendant que je regardais mes papiers, j'ai reçu deux coups violents sur la tête. J'ai été totalement surpris. J'ai vu que l'auteur des coups était M. [K]..L'intéressé m'a indiqué, maintenant tu peux déposer plainte. A aucun moment, je ne me suis adressé à cette personne et je ne l'ai frappé. Je n'ai pas eu le temps de réagir...M. [K] a travaillé pendant deux mois à temps plein dans la société. Ces derniers temps, il était régulièrement absent. Il n'a jamais eu de problème de comportement.

- le procès-verbal d'audition de M. [H] [E] par les services de gendarmerie : '...le 30 mai 2018 à 14 heures 10, je revenais de ma pose déjeuné. En arrivant dans mon bureau, j'ai aperçu par ma fenêtre [K] [X] sortir de l'enceinte de l'établissement une paire de chaussures à la main. Il regagnait le parking. Ensuite, j'ai vu [C] [X] arriver dans mon bureau. Il m'a indiqué que [K] [X] l'avait frappé dans son bureau... J'ai visionné les caméras de la société..on voit [K] [X] arriver sur le parking en véhicule, seul. Il attend une vingtaine de minutes sur place. Il entre dans l'établissement une fois que j'ai franchi la porte des bureaux. Il se dirige dans les vestiaires communs. Il reste cinq minutes sur place. II ressort avec une paire de chaussures de sécurité lui appartenant. Il se dirige vers les ateliers de production...Ensuite, on le revoit sur la caméra sur le quai d'expédition, marcher rapidement en direction du bureau de M. [X] [C]. En arrivant face au bureau, il ne marque pas d'arrêt. II jette ses chaussures sur une palette et il ouvre la porte du bureau.

Après, on ne voit pas la scène...

A ma connaissance, il n'y a jamais eu de problème entre [C] et [K]. Ce dernier a été violent car il n'a pas accepté que [C] [X] ne lui donne pas une autre mission. [K] [X] a effectué plusieurs missions au sein de la société pour une durée totale de deux ou trois mois. Je n'ai jamais rencontré de problème avec lui. Depuis les faits, [K] [X] ne s'est plus présenté è l'entreprise...',

- la lettre de licenciement pour faute d'un salarié M. [F] [D] du 18 juin 2018, la Sa [10] lui reprochant d'avoir permis à M. [X] [K] d'entrer dans l'enceinte de la société : '...Le 30 mai 2018 vers 14h10, vous avez permis à une personne extérieure ne travaillant plus sur notre site de pénétrer dans nos locaux. Cette personne s'est dirigée vers le bureau du Responsable de Secteur expédition/compostage et l'a frappé à plusieurs reprises au visage, entraînant ainsi une IPP (Incapacité Permanente Partielle) de plusieurs semaines, qui est à ce jour toujours en cours...

Lors de l'entretien vous nous avez dit : je faisais la sieste dans ma voiture et il est en rentré en même temps que moi quand j'ai badgé. Je n'ai pas échangé avec lui avant d'être devant la porte. Puis vous nous avez dit qu'il avait un badge d'accès. Cette contradiction dans vos explications nous interroge, d'autant qu'après visionnage des vidéos et témoignages, il ressort qu'il n'a pas de badge puisque c'est vous qui lui avez ouvert la porte. De même, nous constatons que vous avez discuté avec lui 10 mn sur le parking et que c'est ensemble que vous êtes arrivés devant la porte d'entrée. Une fois à l'intérieur, vous avez de nouveaux échangé ensemble dans le vestiaire selon des témoins. Cela ne correspond pas du tout à vos dires et à la réalité des faits.

Nous sommes forcés de constater que vous avez délibérément laissé entrer une personne qui ne devait pas être sur notre site en ayant connaissance d'une relation particulièrement tendue sans en alerter la direction... Les explications que vous nous avez fournies au cours de notre entretien du 11 juin 2018 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits...'

Au vu des éléments qui précèdent, il apparaît que M. [X] [C] a été agressé physiquement à la tête à plusieurs reprises le 30 mai 2018 vers 14h10 alors qu'il se trouvait dans son bureau en action de travail par M. [X] [K], ancien salarié intérimaire, lequel s'était déjà emporté contre lui le 25 mai précédant en raison du non-renouvellement de son contrat d'intérim.

M. [X] [C] soutient que la Sas [7] n'a pris aucune mesure de nature à sécuriser l'entrée de l'établissement, précisant que si les salariés intérimaires ne disposaient pas effectivement de badge, ils pouvaient facilement entrer après avoir forcé les 'portes qui s'ouvraient facilement' et produit aux débats :

- plusieurs attestations de :

* Mme [Z] [S], responsable du magasin, déléguée syndicale : 'les portes d'entrée ayant accès à la production ne sont plus sécurisées ; seuls les ouvriers en contrat à durée indéterminée ont un badge d'accès ; les intérimaires pour rentrer travailler forcent les portes qui s'ouvrent facilement ; cette situation a été évoquée plusieurs fois à notre direction ; à ce jour le problème est identique et non résolu',

* M. [J] [G], technicien maintenance : 'a signalé à plusieurs reprises à la direction l'accès mal sécurisé du site ; les portes d'accès en PVC à fermeture magnétique sont forcées par le personnel qui n'a pas de badge et s'ouvre facilement, ce qui facilite l'accès à n'importe quel personnel de pouvoir s'introduire dans les ateliers ; à ce jour, la direction n'a apporté aucune solution d'amélioration',

* Mme [O] [N], employée au service expédition : 'les intérimaires n'ont pas de badge pour accéder dans l'usine et de ce fait forcent les portes d'entrée ; la sécurité sur le site est inexistante ; elle est amenée à ouvrir une porte d'entrée avec interphone, à aucun moment la direction ne l'a prévenue de l'interdiction d'entrée de 'cette personne', ce qui aurait pu éviter cet acte'.

Le directeur d'établissement confirme le fait que le 25 mai 2018, M. [X] [K] s'était énervé lorsqu'il a su que son contrat n'était pas renouvelé et que M. [X] [C] a dû appeler son responsable de production pour 'gérer la situation' ; lors de son audition par les gendarmes, M. [H] [E] a précisé que peu de temps après, le salarié intérimaire attendait M. [X] [C] sur le parking, qu'il est allé à sa rencontre pour lui rappeler qu'il n'avait pas à avoir des explications avec M. [X] [C], avant de partir, reconnaissant de fait une attitude d'animosité de l'ancien intérimaire à l'encontre de son supérieur.

Par ailleurs, M. [X] [C] soutient, sans être sérieusement contredit par l'employeur, que le responsable de production, M. [M], aurait avisé la société d'intérim du comportement de M. [X] [K], ce qui démontre que son attitude n'avait pas été considérée comme anodine, contredisant ainsi la motivation retenue par les premiers juges sur ce point selon laquelle ' M. [X] [C] se borne à arguer du comportement virulent de M. [X] [K] sans rapporter le moindre commencement de preuve'.

Cependant, si l'employeur était effectivement avisé d'un incident entre M. [X] [C] et M. [X] [K] quelques jours avant la survenue de l'accident de travail, il n'en demeure pas moins qu'il n'était pas en mesure d'anticiper et de prévenir l'introduction impromptue de M. [X] [K] à l'intérieur de l'usine et son intention belliqueuse à l'encontre de son ancien responsable, peu importe le moyen par lequel il a pu pénétrer dans l'usine.

Comme l'ont justement retenu les premiers juges 'le seul fait pour les salariés intérimaires de ne pas disposer de badges d'accès est sans lien causal avec l'agression dont M. [X] [C] a été victime' et que ' M. [X] [C] échoue à démontrer avant même d'aborder les mesures de prévention ou de protection nécessaire, que la Sas [7] avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé'.

Il y a lieu en conséquence de débouter M. [X] [C] de sa demande de reconnaissance de faute inexcusable à l'encontre de la Sas [7].

Le jugement entrepris sera confirmé.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale et en dernier ressort ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nîmes, contentieux de la protection sociale, le 09 septembre 2020,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [X] [C] aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par le Président, et par la Greffière.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5e chambre pole social
Numéro d'arrêt : 20/02314
Date de la décision : 09/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-09;20.02314 ?
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