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09/05/2023 | FRANCE | N°20/02132

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5e chambre pole social, 09 mai 2023, 20/02132


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 20/02132 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HZDQ



CRL/DO



POLE SOCIAL DU TJ DE NIMES

08 juillet 2020



RG :18-128





S.A. [13]



C/



[L]

CPAM DU GARD



















Grosse délivrée le 18 AVRIL 2023 à :



- Me BIDAL

- Me MANSATE JAFFRE

- CPAM GARD













COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social



ARRÊT DU 09 MAI 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de NIMES en date du 08 Juillet 2020, N°18-128



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu l...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 20/02132 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HZDQ

CRL/DO

POLE SOCIAL DU TJ DE NIMES

08 juillet 2020

RG :18-128

S.A. [13]

C/

[L]

CPAM DU GARD

Grosse délivrée le 18 AVRIL 2023 à :

- Me BIDAL

- Me MANSATE JAFFRE

- CPAM GARD

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5e chambre Pole social

ARRÊT DU 09 MAI 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de NIMES en date du 08 Juillet 2020, N°18-128

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 Février 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 18 Avril 2023 et prorogé ce jour ;

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.A. [13] venant aux droits de la SA [10]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Christophe BIDAL de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON, substitué par Me Pierre CIAMPORCERO, avocat au barreau de LYON

INTIMÉS :

Monsieur [V] [L]

né le 07 Mai 1960 à [Localité 9]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représenté par Me Frédéric MANSAT JAFFRE de la SELARL MANSAT JAFFRE, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Cyril CAMBON, avocat au barreau de NARBONNE

CPAM DU GARD

Département des Affaires Juridiques

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Mme [D] [S] en vertu d'un pouvoir spécial

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 09 Mai 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 14 septembre 2015, la société [10], a établi une déclaration d'accident du travail concernant son préposé, M. [V] [L], salarié dans l'entreprise depuis le 27 juillet 1981 et occupant les fonctions de technicien principal, accident survenu le 9 septembre 2015 et ainsi décrit ' malaise suite à un mal-être au travail'. Le certificat médical initial, établi le 9 septembre 2015 par le Dr [A] mentionne 'malaise hypertensif sur les lieux du travail. Déstabilisation TA sur épuisement professionnel'.

L'accident a été pris en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels par la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard et a été déclaré consolidé à la date du 5 juin 2019.

Par décision en date 7 août 2019, la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard lui a alloué une rente sur la base d'un taux d'incapacité permanente partielle de 20% pour ' séquelles indemnisables d'un état de stress post-traumatique à type de persistance de syndrome dépressif chronique d'intensité modérée. Absence de séquelle indemnisable de malaises hypotensifs sur le lieu de travail et d'une déstabilisation tension artérielle transitoire.'

Sollicitant la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur et après échec de la procédure de conciliation mise en 'uvre par la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard, selon courrier de la société [10] en date du 10 janvier 2018, M. [V] [L] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Gard par requête en date du 29 janvier 2018 aux mêmes fins.

Par jugement du 8 juillet 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes, désormais compétent pour connaître de ce litige, a :

- dit que l'accident du travail dont a été victime M. [V] [L] le 9 septembre 2015 est dû à la faute inexcusable de son employeur la SA [10], aux droits de laquelle vient la SA [13],

- ordonné la majoration de la rente versée à M. [V] [L] selon les dispositions légales et réglementaires du code de la sécurité sociale,

- rappelé que le taux d'incapacité partielle permanente opposable à la SA [13] est fixé à 0% dans ses rapports avec la CPAM du Gard,

Et avant dire droit,

- ordonné sur la demande de réparation des préjudices une expertise médicale judiciaire,

- désigné pour y procéder le Dr [O] [Z], (....)

- renvoyé la cause et les parties à l'audience de mise en état du 21 janvier 2021 à 9 heures 30,

- rappelé aux parties que leur présence à l'audience de mise en état du 17 décembre 2020 à 9h30 n'est pas requise,

- réservé la demande de la CPAM du Gard tendant à condamner l'employeur à lui rembourser, sous délai de quinzaine, les sommes dont elle aurait fait l'avance, assorties des intérêts légaux en cas de retard,

- réservé les demandes au titre des frais irrépétibles,

- réservé les dépens.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée le 10 août 2020, la SA [13] a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée par courrier daté du 21 juillet 2020.

Enregistrée sous le numéro RG 20 02132, l'examen de cette affaire a été appelé à l'audience du 7 février 2013.

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la SA [13] venant aux droits de la société [10] demande à la cour de :

- réformer le jugement n°18/00128 du 8 juillet 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Nîmes,

En conséquence,

Au principal,

- débouter M. [V] [L] de sa demande en reconnaissance d'une faute inexcusable et de ses demandes indemnitaires subséquentes,

Subsidiairement,

- rejeter la demande d'expertise médicale,

- dire et juger que le seul taux d'incapacité permanente opposable à l'employeur a été fixé à 0% par décision de la CMRA d 'Occitanie du 4 février 2020,

- débouter la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard de son recours récursoire contre l'employeur exercé au titre de la majoration de la rente en application des articles L. 452-2 et L.452-3 du code de la sécurité sociale.

La SA [14], venant aux droits de la SA [13] elle-même venant aux droits de la société [10] soutient que :

- M. [V] [L] ne rapporte pas la preuve de la surcharge de travail qu'il invoque comme étant à l'origine de son malaise,

- il a pris son poste dans le cadre d'une mobilité interne, avec une parfaite connaissance des risques et une longue expérience professionnelle,

- ce qu'il considère être un double poste n'est que l'organisation classique de l'entreprise,

- il n'a jamais fait état d'une surcharge de travail, notamment lors de ses entretiens annuels, et a pu prendre de manière fractionnée ses congés et RTT,

- il ne s'est jamais plaint d'une surcharge de travail à la médecine du travail, même après ses malaises de 2014, étant observé qu'elle n'a pas accès au dossier du médecin du travail,

- elle ne pouvait dès lors avoir connaissance d'un quelconque danger auquel il aurait été exposé,

- sur les mesures de prévention, elle a réalisé le programme PRISME à partir de février 2013, soit à la période où M. [V] [L] a pris ses nouvelles fonctions, ce qui ne rend pas pertinentes les références à l'exercice de ces fonctions par ses prédécesseurs,

- la réorganisation de l'entreprise a été validée par le médecin du travail et présentée au CHSCT spécifiquement sur les rythmes et la charge de travail,

- le CHSCT a été contrairement à ce que soutient M. [V] [L] informé de sa situation, et des échanges ont également eu lieu avec l'inspection du travail,

- subsidiairement, avant de pouvoir prétendre à l'organisation d'une mesure d'expertise, il appartient à M. [V] [L] de justifier de la réalité des préjudices qu'il allègue,

- le cas échéant, l'action récursoire de la Caisse Primaire d'assurance maladie concernant la majoration de la rente ne pourra pas s'exercer puisque la CMRA a ramené suite à son recours dans le cadre des rapports Caisse/employeur le taux d'incapacité permanente partielle de 20% à 0%.

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, M. [V] [L], demande à la cour de :

- confirmer le jugement du pôle social du tribunal judiciaire du 08 juillet 2020,

- dire et juger que la SAS [10] devenue SA [13] a commis une faute inexcusable à l'origine de l'accident de travail dont M. [V] [L] a été victime,

- ordonner la majoration de la rente à venir dans les limites maximales prévues par l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale,

- avant dire droit sur l'indemnisation des préjudices subis par M. [V] [L], ordonner une expertise médicale confiée au médecin expert de son choix, ou confirmer l'expertise médicale ordonnée par le jugement dont appel, et donner pour mission à l'expert de:

- décrire les blessures subies par la victime,

- déterminer la nature et évaluer la gravité des souffrances physiques et morales endurées par M. [V] [L],

- évaluer l'existence et l'importance de ces préjudices esthétiques et d'agrément compte-tenu de l'âge de la victime, de son sexe, de sa condition sociale et professionnelle,

- donner tous les éléments médicaux d'informations utiles sur l'existence d'un préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle,

- dire que l'expert devra déposer son rapport dans le délai de trois mois à compter de la notification de la décision à intervenir,

- condamner la SAS [10] devenue SA [13] à la somme de 1 800,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

M. [V] [L] fait valoir que :

- il a été forcé de prendre le poste de chef d'exploitation de l'unité ClF3( triflorure de chlore), c'est-à-dire l'unité la plus dangereuse du site, et va avoir suite au programme PRISME une charge de travail bien plus importante que ses prédécesseurs,

- il a assuré avec son équipe en 2 ans 309 transports alors que ses prédécesseurs en assuraient 24 par an, ce qui lui a valu les félicitations du directeur de PRISME,

- il avait également la responsabilité de responsable du pôle d'activité CIF3,

- cette charge de travail éreintante et à grandes responsabilités a été soulignée lors de son entretien individuel en 2014, sans que lui soit reconnu le statut de cadre,

- suite à ce poste, il va être nommé planificateur de commande, et l'énorme charge de travail à laquelle il doit faire face conduira à son burn-out en septembre 2015, reconnu en accident du travail en janvier 2016, le certificat médical initial mentionnant un épuisement professionnel,

- son dossier médical mentionne les deux malaises survenus sur son lieu de travail le 15 avril puis le 15 mai 2014, la direction ayant été interrogé sur ces faits lors du CHSCT du 17 juin 2014, et lui-même a exercé son droit de retrait à ces deux occasions, ce qui lui donne le bénéfice de la faute inexcusable de l'employeur lors de son accident du travail de septembre 2015,

- la société [10] a obtenu de la Commission Médicale de Recours Amiable 'sur la base d'un avis médico-légal fallacieux' un taux à 0% dans les rapports caisse/employeur, cet avis n'étant pas recevable puisque le médecin qui l'a rendu ne l'a pas examiné.

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la Caisse Primaire d'assurance maladie demande à la cour de :

Sur la faute inexcusable ,

- lui donner acte de ce qu'elle déclare s'en remettre à justice sur le point de savoir l'accident du travail en cause est dû à une faute inexcusable de l'employeur,

Si la cour retient la faute inexcusable,

- fixer l'évaluation du montant de la majoration du montant de la rente,

- limiter l'éventuelle mission de l'expert à celle habituellement confiée en matière de faute inexcusable et mettre les frais d'expertise à la charge de l'employeur,

- condamner l'employeur à rembourser à la caisse primaire dans le délai de quinzaine les sommes dont elle aura fait l'avance, assorties des intérêts légaux en cas de retard.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

Selon l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail de toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise

Selon l'article L. 452-1 du Code de la Sécurité Sociale, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.

Le manquement à cette obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu aux salariés, mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.

La conscience du danger s'apprécie au moment ou pendant la période d'exposition au risque.

Il incombe en conséquence au salarié de prouver, en dehors des hypothèses de faute inexcusable présumée, que son employeur, qui devait avoir conscience du danger auquel il était exposé, n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

L'article L 4121-1 du code du travail, sans sa version applicable, dispose que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

1° des actions de préventions des risques professionnels et de la pénibilité au travail,

2° des actions d'information et de formation,

3° la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

En l'espèce, les circonstances matérielles de l'accident, qui ne sont pas contestées par les parties, sont décrites dans la déclaration d'accident du travail établie le 14 septembre 2015 : ' malaise suite à un mal-être au travail'. Elles sont compatibles avec le certificat médical initial, établi le 9 septembre 2015 par le Dr [A] qui mentionne 'malaise hypertensif sur les lieux du travail. Déstabilisation TA sur épuisement professionnel'.

Pour démontrer la faute inexcusable de son employeur, M. [V] [L] expose qu'il était soumis à une charge de travail particulièrement importante et stressante et que suite à ses malaises de 2014, la société [10] n'a pas réagi et n'a pris aucune mesure pour le protéger. Il verse aux débats :

- la note en date du 1er août 2013 le nommant chef d'exploitation de l'installation 'Stockage CIF3",

- un 'flash' en date du 26 juin 2015 correspondant à une communication interne sur '[8] : dernier transport CIF3" dans lequel il est indiqué que la période de juin 2013 à juin 2015 dans le cadre du programme PRISME se termine avec 309 transports réalisés pour acheminer '35 tonnes de CIF3 produites à la ST 600 de la conversion vers l'annexe U d'Eurodif', opérations dirigées par M. [V] [L], son adjoint et le chef d'installation,

- un rapport de l'inspecteur du travail en date du 10 mars 2016 qui mentionne sous la rubrique ' chsct/ Rapport de l'expert / délibérations' rédigés en termes généraux qui alerte l'employeur son obligation, malgré les efforts de reclassement entrepris des 'conditions de travail dégradées des travailleurs restants ainsi que des mauvaises conditions d'accueil des travailleurs reclassés sur le site dans d'autres entités ( par exemple : accident du travail du 9 septembre 2015 : malaise suite à un mal-être au travail )' et la nécessité de prendre des mesures d'accompagnement dans le cadre d'une restructuration génératrice de stress pour les salariés,

- une décision du conseil de prud'hommes de Montélimar en date du 5 avril 2017 dans une instance l'opposant à la société [10] aux fins de voir reconnaître une situation de discrimination à son encontre, laquelle ordonne la production sous astreinte de documents relatifs à la carrière d'autres salariés et l'arbre des causes de l'accident du travail du 9 septembre 2015,

- l'arbre des causes établi le 27 avril 2017 par l'employeur qui précise que l'accident a eu lieu au volant de son véhicule, sur les voies de circulation du site de [Localité 15] le 9 septembre 2015 à 13h30 et que M. [V] [L] s'est rendu au service de santé au travail et a déclaré être victime d'un malaise suite à un mal-être au travail, 'trois causes présumées à l'accident :

- anxiété liée au processus de mobilité professionnelle en cours vers [7],

- stress en lien avec la prise progressive d'un nouveau poste,

- départ de la société [10] après plus de 30 années passées au sein de ce collectif de travail',

- un extrait de l'expertise effectuée à la demande du CHSCT concernant ' le projet d'organisation du DPM pendant la phase PRISME' ( pages 56 à 63) , réalisé en mai 2012, qui décrivent les risques liés à la manipulation du CIF3,

- un courriel en date du 24 juin 2015 de M. [E] [B] [K] félicitant tous les contributeurs aux opérations de transports de containers de CIF3 ' et un bravo tout particulier à [V] [L] et [C] [G] qui ont été au coeur ce programme pendant ces 24 mois intenses',

- la copie de son dossier médical qui mentionne :

- en date du 15/04/2014 à 15h08: ' motif : Hypertension essentielle SAI stress - vient pour une poussée hypertensive. Stress +++, anxiété // travail + problèmes de sommeil, Vu par Dr [F] avant départ - a pris rdv avec son médecin traitant pour 16h30"

- en date du 15/05/2014 à 20h18: ' motif : Hypertension essentielle SAI - se sent serré au niveau des tempes + rougeur du visage - appel médecin de garde - transfert hopital de [Localité 12]'

- en date du 09/09/2015 à 14h10 : 'motif : mal être au travail - se présente seul pour contrôle tensionnel, dit ne pas se sentir bien = ne sent pas ses jambes et mal de tête - HTA connue, A l'auscultation par le Dr [T], Mr [L] craque et exprime ses difficultés sur son nouveau poste - son hiérarchique Mr [M] [U] a été informé de sa présence au médical ( pas d'élément médical donné, juste que ce se repose ) - pas de visite', aucune référence à des malaises n'est mentionnée,

- le compte-rendu de la réunion des délégués du personnel d'[10] en date du 17 juin 2014 qui mentionne en 'question 8" posée par [11] ' A quelle date précise comptez-vous affecter le renfort dans l'équipe HN pour gérer le surcroît de travail du chef exploitation du parc 970' Sachant que ce salarié gère toujours ses missions antérieurs ( référent Pigmée) et sachant aussi qu'il a été victime d'un accident du travail non déclaré comme tel lui occasionnant un malaise et une hospitalisation. Attendez-vous que ce soit plus grave pour intervenir'' et la réponse de la direction ' La direction n'a aucun commentaire sur les affirmations qu'elle réfute de la question posée',

- le compte-rendu de son entretien individuel, daté du 16 juin 2014 dans lequel ses qualités professionnelles sont soulignées, la synthèse de l'évaluation soulignant son implication et sa parfaite intégration au sein de l'Unité U, et précisant ' malgré une charge importante et constante dans le temps, [V] fait face avec brio et réussite de par sa motivation et son implication', dans la rubrique ' les souhaits d'évolution du collaborateur' il est indiqué ' passage cadre technique au vu du poste occupé ( cf. Prédécesseur )et de l'activité soutenue actuelle. Vision plus claire de l'après-Prisme', aucune référence à un surcharge de travail ou à une demande de voir redéfini son domaine de compétence et d'intervention n'apparaît.

Force est de constater que M. [V] [L] ne justifie pas autrement que par ses propres affirmations de la surcharge de travail qu'il invoque, l'ensemble des pièces qu'il produit montrant une parfaite adaptation à ses fonctions de 2013 à 2015 dans la gestion du projet PRISME, et une réussite reconnue par sa hiérarchie dans ce poste.

De même, alors qu'il soutient qu'il aurait été contraint d'accepter ce poste dans lequel il va faire ses preuves, et expose ses craintes liées à la dangerosité du produit sur lequel il travaillait, étant rappelé qu'il présentait une ancienneté de près de 30 ans et avait régulièrement progressé et vu ses responsabilités croître au cours de sa carrière, il n'apporte aucune explication sur le courriel en date du 4 juillet 2013, produit par la SA [14], par lequel il accepte ce nouveau poste dans les termes suivants:

' pour faire suite à notre entretien au sujet du poste de chef d'exploitation ClF3, je suis très intéressé par le poste présenté. Il s'agit d'un poste comportant des responsabilités importantes. J'en suis d'autant plus conscient, comme je vous l'ai exposé, que j'ai eu à traiter de 1994 à 2004 la gestion de ce produit dont je connais les risques et les caractéristiques.

En conclusion, j'accepte ce poste, tout en regrettant qu'un effort supplémentaire ne me soit pas consenti au regard des responsabilités que j'occuperai (...)'

Les éléments médicaux ainsi produits ne font état d'aucun malaise, mais de poussées hypertensives, à trois reprises:

- la première ayant donné lieu après examen par le médecin présent sur site à une orientation vers le médecin généraliste, M. [V] [L] ne justifiant pas des suites de cette consultation qui n'a pas donné lieu à arrêt de travail,

- la seconde un mois plus tard, pour le même motif, avec évacuation sur l'hopital en l'absence de médecin sur le site, sans qu'il ne soit justifié ensuite d'une hospitalisation, ou d'un arrêt de travail,

- la troisième, qui correspond à l'accident qui sera pris en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels, également décrit comme une poussée hypertensive, avec examen médical au cours duquel M. [V] [L] va 'craquer' et évoquer ses difficultés sur son nouveau poste, soit le poste de préparateur de commande.

A aucun moment, le médecin ne va informer ou alerter l'employeur de la situation de M. [V] [L], puisqu'il précisera au contraire lors de la troisième consultation qu'aucun élément médical n'a été donné au supérieur hiérarchique auquel il a seulement été indiqué que le salarié ' se repose'.

Ainsi, contrairement à ce qui a été avancé par les délégués du personnel dans le cadre d'une question sur les renforts en effectifs, M. [V] [L] ne justifie pas d'un malaise sur son lieu de travail en mai 2014, ni d'une hospitalisation puisqu'il ne verse aux débats qu'une demande de l'hopital pour compléter son dossier suite aux soins délivrés le 15 mai 2014 pour 29,00 euros. Au surplus, aucun certificat médical initial n'est produit par M. [V] [L] sur cet événement, ce qui contredit la remarque accompagnant la question du représentant syndical qui présente l'appelant comme ' victime d'un accident du travail non déclaré comme tel'.

Outre l'entretien de juin 2014, la SA [14] verse également aux débats l'entretien de mars 2015 ' entretien de performance et de développement' dans lequel il est de nouveau souligné la qualité du travail fourni ( '[V] maîtrise sa fonction de chef d'exploitation de façon exemplaire'), aucune mention d'une surcharge de travail n'est formulée par le salarié, qui indique en souhait d'évolution de carrière ' mobilité courant 2015 si possible sur un poste équivalent en terme de responsabilité' ce qui contredit le fait qu'il se considérerait en situation de surcharge de travail ou comme étant soumis à un stress professionnel trop important, lequel le conduirait à ne pas souhaiter un niveau de responsabilité équivalent.

Enfin, lors d'une visite médicale de contrôle en date du 15 octobre 2014, le médecin du travail a déclaré M. [V] [L] apte sans aucune restriction, alors même qu'il était informé des deux épisodes hypertensifs d'avril et mai 2014.

Par suite, c'est à juste titre que l'employeur explique qu'il n' a jamais été informé d'une situation de danger à laquelle aurait été exposé M. [V] [L] ou de problèmes de santé en lien avec le travail de ce dernier.

Par ailleurs, le rapport de l'inspecteur du travail daté de mars 2016, qui souligne une situation de mal être au travail pour certains salariés, fait le lien non pas avec les fonctions occupés par les salariés non visés nominativement, mais par la situation de réorganisation de l'entreprise qui créé un climat d'insécurité et nécessite des mesures d'accompagnement dans la mise en oeuvre de cette réorganisation. Par ailleurs, ce document postérieur à l'accident du travail de M. [V] [L] ne saurait constituer une alerte que l'employeur n'aurait pas prise en compte.

En conséquence, M. [V] [L] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que son employeur aurait eu conscience d'un danger auquel il exposait et qu'il n'aurait pris aucune mesure pour l'en préserver. Aucune faute inexcusable de la société [10] comme étant à l'origine de l'accident du travail dont M. [V] [L] a été victime n'est par suite démontrée et celui-ci sera débouté de l'ensemble des demandes présentées en ce sens.

La décision déférée sera infirmée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, en matière de sécurité sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Infirme le jugement rendu le 8 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Nîmes - Contentieux de la protection sociale,

Et statuant à nouveau,

Juge que la société [10], aux droits de laquelle vient la SA [14], n'a commis aucune faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail dont a été victime M. [V] [L] le 9 septembre 2015,

Déboute M. [V] [L] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires,

Déclare le présent arrêt commun et opposable à la Caisse Primaire d'assurance maladie du Gard,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne M. [V] [L] aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt signé par le présidente et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5e chambre pole social
Numéro d'arrêt : 20/02132
Date de la décision : 09/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-09;20.02132 ?
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