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21/03/2023 | FRANCE | N°20/01699

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ta, 21 mars 2023, 20/01699


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 20/01699 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HX65



CRL/DO



POLE SOCIAL DU TJ DE PRIVAS

18 juin 2020

RG :19/354







CPAM DE L'ARDECHE



C/



Société [5]



















Grosse délivrée

le 21.03.2023

à

CPAM ARDECHE

Me TIROLE









COUR D'AP

PEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale TA



ARRÊT DU 21 MARS 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de PRIVAS en date du 18 Juin 2020, N°19/354



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 20/01699 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HX65

CRL/DO

POLE SOCIAL DU TJ DE PRIVAS

18 juin 2020

RG :19/354

CPAM DE L'ARDECHE

C/

Société [5]

Grosse délivrée

le 21.03.2023

à

CPAM ARDECHE

Me TIROLE

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale TA

ARRÊT DU 21 MARS 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ de PRIVAS en date du 18 Juin 2020, N°19/354

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 Janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 21 Mars 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

CPAM DE L'ARDECHE

Service des affaires juridiques

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Mme [W] [D] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMÉE :

Société [5]

[Adresse 6]

[Localité 2]

représentée par Me TIROLE Quentin, avocat au barreau de LYON

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 21 Mars 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 9 novembre 2018, la SAS [5] a adressé à la Caisse Primaire d'assurance maladie de l'Ardèche une déclaration d'accident du travail concernant sa préposée, Mme [X] [P] salariée en qualité d'ouvrier qualifié, accident survenu le 5 novembre 2018 à 18h et ainsi décrit ' en changeant le doigts de plumeuse, le couteau a glissé' entraînant des contusions au niveau de la main gauche. Le certificat médical initial, établi le 6 novembre 2018 par le service des urgences de l'hôpital d'[Localité 4] mentionne ' main gauche : plaie de la main profonde face palmaire - main gauche : surinfection précoce'.

Le 9 novembre 2018, la Caisse Primaire d'assurance maladie de l'Ardèche a notifié à la SAS [5] la prise en charge de cet accident au titre de la législation relative aux risques professionnels.

En l'absence de décision de la Commission de Recours Amiable de la Caisse Primaire d'assurance maladie de l'Ardèche dans le mois de sa saisine, la SAS [5] a saisi le Pôle social du tribunal de grande instance de Privas d'un recours contre sa décision implicite de rejet.

Par jugement du 18 juin 2020, le tribunal judiciaire de Privas, désormais compétent pour connaître de ce litige, a :

- déclaré l'action de la SAS [5] recevable et bien fondée,

- dit que la prise en charge de l'accident du 5 novembre 2018 dont a été victime Mme [P] au titre de la législation professionnelle n'est pas opposable à la SAS [5],

- condamné la Caisse Primaire d'assurance maladie de l'Ardèche aux dépens.

Par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 9 juillet 2020, la Caisse Primaire d'assurance maladie de l'Ardèche a régulièrement interjeté appel de cette décision. Enregistrée sous le numéro RG 20 01699, l'examen de cette affaire a été appelé à l'audience du 10 janvier 2023.

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la Caisse Primaire d'assurance maladie de l'Ardèche demande à la cour de :

- la recevoir en son intervention,

- infirmer purement et simplement le jugement du 18/06/2020 dans toutes ses dispositions quant à la décision de déclarer inopposable à la SAS [5] la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident du 5/11/2015 dont a été victime Mme [X] [P],

- lui décerner acte de ce qu'elle a fait une exacte application des textes en vigueur,

- dire et juger que la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident du 05/11/2018 dont a été victime Mme [X] [P] ainsi que l'intégralité des soins et arrêts de travail pris en charge sont opposables à la société,

- en tout état de cause, condamner la SAS [5] à lui verser la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, la Caisse Primaire d'assurance maladie de l'Ardèche fait valoir que :

- l'accident s'est déroulé sur le temps et le lieu de travail de Mme [P], et les circonstances dans lequel il est survenu sont mentionnées dans la déclaration d'accident du travail établie par l'employeur qui a également indiqué quel était le siège des lésions ( 'main gauche contusion'),

- l'employeur indique avoir été informé de l'accident dans le délai de 24 heures des articles L 441-1 et R 441-25 du code de la sécurité sociale,

- le certificat médical daté du lendemain de l'accident corrobore les circonstances de l'accident et l'employeur n'a émis aucune réserve concernant cet accident, que ce soit lors de sa déclaration ou postérieurement,

- la présomption d'accident du travail est donc établie et il appartient à l'employeur de rapporter la preuve contraire c'est à dire d'une cause totalement étrangère au travail, ce qu'il ne fait pas,

- la continuité des soins et arrêts de travail est démontrée pour toute la période du 6 novembre 2018 au 1er février 2019, Mme [P] ayant été victime d'un 'flegmon gaine tendon fléchisseur de l'index gauche'.

Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la SAS [5] demande à la cour de :

- constater que la Caisse Primaire d'assurance maladie qui n'a pas estimé nécessaire d'ouvrir une instruction ne rapporte pas la preuve de matérialité de l'accident déclaré par Mme [P], ni que les lésions constatées seraient survenues au temps et au lieu de travail, dans les conditions décrites par Mme [P],

- en conséquence, confirmer le jugement rendu par le Pôle social du tribunal judiciaire de Privas du 18 juin 2020 lui ayant déclaré inopposable la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident du 13 février 2017 déclaré par Mme [P].

Au soutien de ses demandes, la SAS [5] fait valoir que :

- même en l'absence de réserves de sa part, la Caisse Primaire d'assurance maladie doit rapporter la preuve du fait accidentel survenu au temps et au lieu du travail,

- le certificat médical initial et la première prolongation d'arrêt de travail mentionnent une date d'accident au 6 novembre 2018 et non au 5 novembre 2018 comme indiquée par Mme [P] lorsqu'elle l'a informée le 6 février 2018 d'un accident qui serait survenu la veille et pour lequel il n'existe aucun témoin,

- il est surprenant que compte-tenu de la nature de l'accident de travail, Mme [P] n'ait informé personne sur le lieu de travail avant de quitter son poste, et qu'elle n'ait consulté son médecin que le lendemain.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

Selon l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail de toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

L'accident du travail se définit comme un évènement ou une série d'évènements survenus soudainement, à dates certaines, par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Le caractère soudain se définit comme l'élément imprévu, instantané ou brusque qui s'attache à la lésion ou à l'évènement. Le préjudice subi n'est pas forcément lié à un fait ou un geste de nature exceptionnelle.

L'accident survenu alors que la victime était au temps et au lieu de travail est présumé imputable au travail, cette présomption s'appliquant dans les rapports du salarié victime avec l'organisme social mais également en cas de litige entre l'employeur et l'organisme social.

Il appartient,par suite, à la caisse d'établir la matérialité de l'accident déclaré au temps et au lieu du travail, et à l'employeur qui conteste le caractère professionnel de l'accident de renverser la présomption d'imputabilité en apportant la preuve que cette lésion a une origine totalement étrangère au travail. Dans ce cas, il n'est pas nécessaire d'établir l'origine exacte de la pathologie dès lors qu'il est certain que celle-ci est indépendante du travail.

Au terme de l'article R 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable entre le 1er janvier 2010 et le 1er décembre 2019,

I. ' La déclaration d'accident du travail peut être assortie de réserves motivées de la part de l'employeur.

(...)

III. ' En cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès.

L'article R 441-2 du code de la sécurité sociale, dispose que la déclaration à laquelle la victime d'un accident du travail est tenue conformément à l'article L. 441-1 doit être effectuée dans la journée où l'accident s'est produit ou au plus tard dans les vingt-quatre heures et qu'elle doit être envoyée, par lettre recommandée, si elle n'est pas faite à l'employeur ou à son préposé sur le lieu de l'accident

Ainsi, la décision de la Caisse Primaire d'assurance maladie de prendre en charge un accident ou une maladie au titre de la législation professionnelle, n'est pas opposable à l'employeur, dès lors que celle-ci n'a pas préalablement à sa décision assuré son information sur la procédure d'instruction, sur les points susceptibles de lui faire grief, sur la possibilité de consulter le dossier et la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision.

La Caisse Primaire d'assurance maladie n'est dispensée de son obligation d'information préalable que lorsqu'elle prend sa décision au vu de la seule déclaration d'accident du travail transmise sans réserve par l'employeur et sans procéder à aucune mesure d'instruction ni se fonder sur aucun autre document qui n'ait été connu de l'employeur.

En cas de réserves de l'employeur au sens de l'article R.441-11 du code de la sécurité sociale, lesquelles s'entendant de la contestation du caractère professionnel de l'accident par l'employeur, ne peuvent porter que sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail, la Caisse Primaire d'assurance maladie est tenue d'adresser à l'employeur et à la victime un questionnaire ou de procéder auprès des intéressés à une enquête.

Le seul fait que l'employeur énonce qu'il émet des réserves ne suffit pas à contraindre la caisse primaire d'assurance maladie à procéder à l'envoi d'un questionnaire ou à une enquête, soit à une mesure d'instruction génératrice de l'obligation d'information préalable, dès lors que ces réserves ne portent pas sur le caractère professionnel de l'accident.

Pour autant, l'exigence de réserves motivées n'impose pas à l'employeur de rapporter, à ce stade de la procédure, la preuve des faits de nature à démontrer que l'accident n'a pas pu avoir lieu au temps et au lieu du travail.

Par ailleurs, dès lors que l'employeur émet des réserves sur la matérialité même du fait accidentel, la Caisse Primaire d'assurance maladie ne peut pas prendre de décision sans procéder à une instruction préalable.

Enfin, l'absence de réserves, quant au caractère professionnel de l'accident, portées par l'employeur sur la déclaration d'accident du travail qu'il adresse à l'organisme social ne vaut pas reconnaissance tacite de sa part d'un tel caractère et ne le prive pas de la possibilité de le contester par la suite.

En l'espèce, dans la déclaration d'accident de travail datée du 8 novembre 2018, établie par l'employeur, il est mentionné :

- date et heure de l'accident : 05/11/2018 à 18h,

- lieu de l'accident : 'service abattoir - plumeuses'

- la case 'lieu de travail habituel' est cochée,

- activité de la victime : ' en changeant les doigts de plumeuse',

- nature de l'accident : ' le couteau a glissé',

- objet dont le contact a blessé la victime : ' couteau',

- siège des lésions : ' main ( gauche)',

- nature des lésions : ' contusion(s)',

- horaire de travail de la victime le jour de l'accident : ' de 10h55 à 19h15",

la rubrique 'éventuelles réserves de l'employeur' n'est pas renseignée ; il n'est pas mentionné de témoin de l'accident et l'employeur en a été informé le lendemain.

Le certificat médical initial, établi le 6 novembre 2018 par le service des urgences de l'hôpital d'[Localité 4] mentionne ' main gauche : plaie de la main profonde face palmaire - main gauche : surinfection précoce' et une date d'accident du travail le 6 novembre 2018.

Même en l'absence de réserves de l'employeur, la Caisse Primaire d'assurance maladie ne pouvait que constater des discordances :

- quant à la date de l'accident : 5 novembre 2018 selon la déclaration d'accident du travail et 6 novembre 2018 selon le certificat médical initial,

- quant à la nature des lésions : 'contusions [ soit , selon le dictionnaire Larousse médical une meurtrissure provoquée par une coup, un choc ou une compression sans plaie des tissus]' sur la déclaration d'accident du travail et ' plaie [ soit une déchirure des tissus ]de la main profonde' et 'surinfection précoce' sur le certificat médical initial, les lésions médicalement décrites ne sont pas compatibles avec une consultation le lendemain de l'accident, mais également avec une poursuite de l'activité professionnelle même pendant une heure, sans intervention de tiers pour soigner la dite plaie.

De telles discordances ne permettaient pas à la Caisse Primaire d'assurance maladie de retenir la présomption d'imputabilité et auraient dû la conduire à procéder à une enquête avant de décider de la prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels des lésions ainsi survenues.

En conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la Caisse Primaire d'assurance maladie ne rapportait pas la preuve qui lui incombe de la matérialité d'un fait accidentel survenu à Mme [P] le 5 novembre 2016 au temps et au lieu de travail et qu'ils ont déclaré inopposable à la SAS [5] la décision de prendre en charge cet accident au titre de la législation relative aux risques professionnels.

Leur décision sera par suite confirmée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, en matière de sécurité sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 juin 2020 par le Pôle social du tribunal judiciaire de Privas,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne la Caisse Primaire d'assurance maladie de l'Ardèche aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ta
Numéro d'arrêt : 20/01699
Date de la décision : 21/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-21;20.01699 ?
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