ARRÊT N°
R.G : N° RG 20/01508 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HXNU
CRL/DO
TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE NIMES
10 juin 2020
RG:20/00080
[P]
C/
[5]
Grosse délivrée
le 21.03.2023
à
Me CASSEVILLE
Me PORTES
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 21 MARS 2023
APPELANTE :
Madame [I] [P]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Pascal CASSEVILLE, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉE :
[5]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Rémi PORTES, avocat au barreau de NIMES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 945-1 du code de Procédure Civile, sans opposition des parties.
Elle en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 10 Janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 21 Mars 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 21 Mars 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 11 février 2019, la Caisse d'allocations familiales du Gard a mis en demeure Mme [I] [P] et M. [S] [P] de lui régler la somme de 4.749,54 euros correspondant à :
- un indu de prestations familiales de 2.396,04 euros pour la période du 01/04/2016 au 31/08/2017,
- un indu d'allocation de soutien familial pour un montant de 2.353,50 euros pour la période du 01/04/2016 au 31/08/2017.
Faute de paiement intégral de ces sommes, la Caisse d'allocations familiales du Gard a émis le 10 janvier 2020 une contrainte du même montant, 4.4749, 54 euros.
Par courrier adressé le lundi 27 janvier 2020, Mme [I] [P] et M. [S] [P] ont saisi le tribunal judiciaire de Nîmes d'une opposition à cette contrainte.
Par ordonnance en date du 10 juin 2020, la présidente du Pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes a constaté l'irrecevabilité de l'opposition à contrainte pour défaut de motivation.
Par déclaration effectuée par voie électronique le 26 juin 2020, Mme [I] [P] a régulièrement interjeté 'appel nullité' de cette ordonnance.
Enregistrée sous le numéro RG 20 01508, l'examen de cette affaire a été appelé à l'audience du 10 janvier 2023.
Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, Mme [I] [P] demande à la cour de :
- statuant à nouveau, réformer l'ordonnance rendue par le tribunal judiciaire de Nîmes en date du 10 juin 2020,
le mettant à néant dans son ensemble,
- déclarer recevable la procédure d'appel,
- constater la recevabilité du recours effectué dans le délai de 10 jours par l'appelante,
- constater la prescription de deux sur (sic) les sommes réclamées par la Caisse d'allocations familiales du Gard respectivement de 2.396,04 euros du 01/04/2016 et 2.353,50 euros du 01/04/2016 soit 4.749,54 euros.
Au soutien de ses demandes, Mme [I] [P] fait valoir que :
- le tribunal a refusé de statuer et la décision est entachée d'une erreur matérielle faisant grief puisqu'il est constaté que le mot 'contraire' remplace le mot 'contrainte',
- statuer par ordonnance en procédant à une lecture partielle du dossier ne respecte pas les dispositions de l'article 16 du code de procédure civile qui ne peut s'effacer devant une disposition réglementaire,
- l'opposition a été formée dans le délai imparti,
- les dettes dont la Caisse d'allocations familiales demande le paiement sont prescrites
- la procédure n'est entachée d'aucune caducité puisqu'elle a conclu dès le 20 septembre 2020 et que ses conclusions ont été notifiées à la Caisse d'allocations familiales.
Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la Caisse d'allocations familiales du Gard demande à la cour de :
A titre principal,
- prononcer la caducité de l'appel interjeté par Mme [I] [P], et ce, tenant la tardiveté de ses conclusions d'appelant,
A titre subsidiaire,
- confirmer l'ordonnance rendue par le Pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes le 10 juin 2020 en toutes ses énonciations,
A titre infiniment subsidiaire,
- dire et juger qu'elle a fait une juste application de la législation,
- dire et juger non prescrites les créances dont elle sollicite le remboursement,
- confirmer l'ensemble des décisions contestées par Mme [I] [P],
- condamner Mme [I] [P] au paiement de la somme de 4.759,54 euros au titre de l'allocation de soutien familial et des allocations familiales indûment perçues sur la période d'avril 2016 à janvier 2018,
En tout état de cause,
- rejeter l'ensemble des demandes portées par Mme [I] [P],
- condamner Mme [I] [P] aux entiers dépens outre le paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, la Caisse d'allocations familiales du Gard fait valoir que :
- Mme [I] [P] n'a pas respecté le délai de trois mois de l'article 908 du code de procédure civile en déposant ses conclusions le 15 janvier 2021, alors que son appel est du 19 juin 2020, ce non-respect du délai pour conclure entraînant la caducité de l'instance,
- le président du Pôle social a statué conformément aux dispositions de l'article R 142-10-2 du code de la sécurité sociale en constatant que les prescriptions de l'article R 133-3 du code de la sécurité sociale n'étaient pas respectées, l'opposition à contrainte n'étant pas motivée,
- Mme [I] [P] ne s'explique pas plus sur cette absence de motivation à hauteur de cour que devant le premier juge,
- les dettes résultent du recalcul rétroactifs des droits de Mme [I] [P] qui avait déclaré vivre seule avec ses deux enfants, et qui le 26 février 2018 va déclarer une vie maritale depuis le 12 avril 2009,
- la prescription de l'article L 553-1 du code de la sécurité sociale s'applique, soit la prescription biennale qui a été respectée, puisque les indus réclamés le 3 avril 2018 portent sur la période d'avril 2016 à janvier 2018.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS
* sur l'appel nullité
L'appel nullité, qui tend à l'annulation de la décision déférée et non à sa réformation, n'est recevable qu'à la double condition qu'aucune voie de recours, immédiate, soit ouverte et que soit caractérisé un cas d'excès de pouvoir du premier juge, étant rappelé que l' appel-nullité doit être formé dans le délai d'appel.
En l'espèce, la décision déférée a été rendue en premier ressort, elle est susceptible d'appel.
En conséquence, l'appel nullité s'analyse en fait en un appel classique.
* sur la caducité de l'appel
La Caisse d'allocations familiales du Gard demande à la cour au visa de l'article 908 du code de procédure civile de constater la caducité de l'appel interjeté par Mme [I] [P] faute pour cette dernière de lui avoir communiqué ses conclusions dans le délai de trois mois de son acte d'appel.
Ceci étant, les dispositions ainsi invoquées par la Caisse d'allocations familiales du Gard sont relatives à la procédure avec représentation obligatoire, ce qui n'est pas le cas des juridictions statuant en matière de contentieux de la sécurité sociale qui appliquent la procédure orale, sans représentation obligatoire.
Aucune caducité de l'appel n'est en conséquence encourue
* sur la compétence du président du Pôle social en cas d'irrecevabilité manifeste
Par application des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
Par application des dispositions de l'article 142-10-2 du code de la sécurité sociale, le président de la formation de jugement peut, par ordonnance motivée, rejeter les requêtes manifestement irrecevables.
L'article R 133-3 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à la date de l'opposition à contrainte, dispose que si la mise en demeure ou l'avertissement reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, les directeurs des organismes créanciers peuvent décerner, dans les domaines mentionnés aux articles L. 161-1-5 ou L. 244-9, une contrainte comportant les effets mentionnés à ces articles. La contrainte est notifiée au débiteur par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception ou lui est signifiée par acte d'huissier de justice. La contrainte est signifiée au débiteur par acte d'huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A peine de nullité, l'acte d'huissier ou la notification mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l'opposition doit être formée, l'adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine.
L'huissier de justice avise dans les huit jours l'organisme créancier de la date de signification.
Le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort duquel il est domicilié ou pour les débiteurs domiciliés à l'étranger, au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort de l'organisme créancier par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat dudit tribunal dans les quinze jours à compter de la notification ou de la signification. L'opposition doit être motivée ; une copie de la contrainte contestée doit lui être jointe. Le secrétariat du tribunal informe l'organisme créancier dans les huit jours de la réception de l'opposition.
La décision du tribunal, statuant sur opposition, est exécutoire de droit à titre provisoire.
En l'espèce, Mme [I] [P] a formé opposition à la contrainte en date du 10 janvier 2020, notifiée le 15 janvier 2020 par la Caisse d'allocations familiales du Gard par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée le 27 janvier 2020 ainsi formulée : ' par ce courrier nous vous notifions notre opposition à la contrainte ci-jointe pour nous permettre de nous défendre de ses accusations'.
Le 12 février 2020, le greffe du Pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes a invité Mme [P] [I] et la Caisse d'allocations familiales du Gard à faire connaître leurs observations sur la 'recevabilité de votre recours, faute de motivation de l'opposition'.
Par courriel en date du 13 février 2020, la Caisse d'allocations familiales du Gard a répondu qu'elle considérait que l'opposition était irrecevable pour défaut de motivation.
Par courriel en date du 4 mars 2020, Mme [I] [P] par la voie de son conseil a développé les motifs de son opposition à contrainte.
La requête en opposition à contrainte formée par Mme [I] [P] ne mentionne pas les motifs pour lesquels elle est formulée, 'nous permettre de nous défendre de ses accusations' n'étant pas une motivation mais uniquement la formulation de l'opposition.
Ce défaut de motivation constitue une irrecevabilité manifeste de l'opposition à contrainte, sur laquelle les parties ont été invitées à faire valoir leurs observations.
En statuant par ordonnance, après avoir recueilli les observations des parties, la présidente du Pôle social a respecté les dispositions de l'article 16 du code de procédure civile et de l'article R 142-10-2 du code de la sécurité sociale.
Le fait qu'il soit mentionné dans l'ordonnance : ' En l'espèce le tribunal relève que l'opposition n'est pas motivée, alors que le document portant contrainte précise expressément que 'l'opposition doit être motivée et accompagnée de la présente contraire'' au lieu de contrainte ne remet pas en cause sa motivation, s'agissant d'une erreur matérielle dans la reproduction de la mention portée sur la contrainte, dont la simple lecture établit qu'elle porte effectivement mention de la nécessité de motiver l'opposition éventuelle.
L'ordonnance ainsi rendue est régulière tant sur la forme que sur le fond et sera confirmée.
L'opposition à contrainte ayant été déclarée irrecevable, il n'y a pas lieu à en examiner le fond.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, en matière de sécurité sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Déclare Mme [I] [P] recevable en son appel,
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 10 juin 2020 par la présidente du Pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne Mme [I] [P] aux dépens de la procédure d'appel.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT