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07/03/2023 | FRANCE | N°19/03079

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 07 mars 2023, 19/03079


ARRÊT N°



N° RG 19/03079 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HOER



GLG/DO



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON

09 juillet 2019



RG :18/00078





S.A.S. MARYANN





C/



[V]





































COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 07 MARS 2023





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APPELANTE :



S.A.S. MARYANN

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Martine BAHEUX de la SELAS SELAS BAHEUX, avocat au barreau de NICE

Représentée par Me Richard KITAEFF, avocat au barreau D'AVIGNON





INTIMÉ :



Monsieur [C] [V]

[Adresse 4]

[Localité 1]



Représenté par Me Marie MAZARS de la SELARL...

ARRÊT N°

N° RG 19/03079 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HOER

GLG/DO

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON

09 juillet 2019

RG :18/00078

S.A.S. MARYANN

C/

[V]

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 07 MARS 2023

APPELANTE :

S.A.S. MARYANN

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Martine BAHEUX de la SELAS SELAS BAHEUX, avocat au barreau de NICE

Représentée par Me Richard KITAEFF, avocat au barreau D'AVIGNON

INTIMÉ :

Monsieur [C] [V]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Marie MAZARS de la SELARL FAVRE DE THIERRENS BARNOUIN VRIGNAUD MAZARS DRIMARACCI, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Laëtitia CUBAUD-MAHUT de la SELARL ACT AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau des ALPES DE HAUTE-PROVENCE

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 05 Mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Monsieur Guénaël LE GALLO, Magistrat honoraire juridictionnel

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

M. Michel SORIANO, Conseiller

Monsieur Guénaël LE GALLO, Magistrat honoraire juridictionnel

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 Décembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 07 Mars 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 07 Mars 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

M. [C] [V] a été embauché par la SAS Maryann en qualité de moniteur auto-moto, échelon 2, dans lecadre d'un contrat de travail à durée déterminée du 6 au 30 novembre 2015, soumis à la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes.

Il a ensuite été engagé en qualité de moniteur auto-moto et responsable pédagogique pour l'apprentissage de la conduite à moto, échelon 5, suivant contrat de travail à durée indéterminée signé le 5 janvier 2016.

Après s'être vu notifier un avertissement pour des retards, le 1er juin 2017, il a été convoqué successivement, le 6 juillet 2017, à un entretien préparatoire à une rupture conventionnelle, fixé au 13 juillet 2017, puis le 17 juillet 2017, à un entretien préalable à une mesure de licenciement, fixé au 8 août 2017, à la suite duquel il a été licencié par lettre du 12 août 2017.

Contestant cette mesure, le salarié a, par requête reçue le 19 février 2018, saisi le conseil de prud'hommes d'Avignon, lequel a, par jugement du 9 juillet 2019, dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné l'employeur à lui payer la somme de 3 400 euros à titre de dommages et intérêts, outre 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Maryann a interjeté 'appel-nullité' de cette décision par déclaration du 26 juillet 2019.

L'appelante présente les demandes suivantes au dispositif de ses conclusions récapitulatives du 4 juillet 2020 :

'Vu l'article 455 du Code de Procédure Civile,

Constater que le Jugement rendu le 9 Juillet 2019 par le Conseil de Prud'hommes d'Avignon est dénué de toute motivation,

En prononcer la nullité.

En toute hypothèse, dire fonder le licenciement de Monsieur [V],

Le débouter de l'ensemble de ses demandes,

Le condamner à payer à la société MARYANN la somme de 4 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Le condamner à lui payer la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du CPC,

Le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.'

Elle fait valoir que :

' le jugement dénué de toute motivation est nul en application de l'article 455 du code de procédure civile ;

' M. [V] n'a pas tenu compte de l'avertissement qui lui a été notifié et son licenciement est bien fondé.

L'intimé demande au dispositif de ses conclusions récapitulatives du 3 juin 2022 de :

'REJETER la demande de nullité du jugement soulevée par la SAS MARYANN,

CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes d'Avignon le 9 juillet 2019 en ce qu'il a :

- DIT ET JUGÉ que le licenciement de Monsieur [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse

REFORMER le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes d'Avignon le 9 juillet 2019 en ce qu'il a :

- CONDAMNÉ la SAS MARYANN à verser à Monsieur [V] la somme de 3.400 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

STATUANT A NOUVEAU :

- CONDAMNER la SAS MARYANN à verser à Monsieur [V] la somme de 10.101,24 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

- CONDAMNER la SAS MARYANN à verser à Monsieur [V] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.'

Il réplique que :

' non seulement l'absence de motivation d'un jugement ne constitue pas un excès de pouvoir permettant d'en solliciter la nullité par voie d'appel-nullité, mais en outre le conseil de prud'hommes a parfaitement motivé et justifié sa décision ;

' les faits sont partiellement prescrits ; les attestations produites ne sont pas conformes à l'article 202 du code de procédure civile et ne sont pas probantes ; aucun des griefs invoqués n'est établi ; son licenciement notifié suite à son refus d'accepter une rupture conventionnelle est sans cause réelle et sérieuse ;

' l'importance de son préjudice financier et moral justifie la réévaluation des dommages et intérêts.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 5 mai 2022, à effet au 10 juin 2022. Par arrêt du 15 novembre 2022, la réouverture des débats a été ordonnée à l'audience du 9 décembre 2022.

MOTIFS DE L'ARRÊT

' sur la nullité du jugement

Selon l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.

Aux termes de l'article 455 du même code, le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé. Il énonce la décision sous forme de dispositif.

Il est constant que l'absence ou l'insuffisance de motifs d'une décision ne caractérise pas un excès de pouvoir ouvrant droit à l'appel-nullité.

Au surplus, le jugement dont appel est suffisamment motivé en ce qu'il comporte un exposé des faits et prétentions des parties et en ce qu'il énonce notamment que la réalité des retards invoqués ne peut être vérifiée, et qu'au vu des attestations produites de part et d'autre, le doute qui persiste profite au salarié.

Il n'y a donc pas lieu d'en prononcer la nullité.

' sur le licenciement

* sur sa cause

L'article L. 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L.1332-4 du même code, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

En application du principe 'non bis in idem', l'employeur ne peut sanctionner deux fois le salarié pour les mêmes faits fautifs.

En l'espèce, un avertissement a été notifié au salarié par lettre du 1er juin 2017, au motif que, malgré les nombreuses observations verbales qui lui avaient été adressées du fait qu'il était quotidiennement en retard depuis le 9 janvier 2017 et que son comportement avait entraîné la plainte de plusieurs parents d'élèves, la gérante avait constaté un nouveau retard.

La rupture conventionnelle dont il avait accepté le principe n'ayant pas abouti suite à l'entretien du 13 juillet 2017, le salarié a été licencié par lettre du 12 août 2017, ainsi motivée :

'Je fais suite à l'entretien préalable qui s'est déroulé le 08 août 2017.

Les explications que vous m'avez fournies ne m'ont pas permis de modifier ma décision.

En effet, je ne cesse de recevoir des plaintes de nos élèves concernant votre comportement au cours des heures de conduite.

Les élèves se plaignent de votre arrivée systématiquement en retard pour les leçons et de vos arrêts fréquents pour prendre un café ou une pause pendant vos heures d'apprentissage.

Certains élèves m'ont ainsi signalé qu'au lieu de conduire 50 min ils conduisaient uniquement 35 min.

Certains élèves m'ont également signalé que vous écoutiez la radio pendant les leçons et d'autres que vous jouiez avec votre téléphone portable pendant que les élèves étaient en train de conduire.

Il n'est donc pas envisageable pour moi de vous conserver au sein de notre petite société au risque de la mettre en péril.

La présente a donc pour objet de vous notifier votre licenciement qui deviendra effectif à l'issue de votre préavis de 1 mois qui débutera à la date de réception de la présente.

A l'expiration de votre préavis je tiendrai à votre disposition l'intégralité de vos documents sociaux.

Je vous prie d'agréer etc.'

Plusieurs lettres ou attestations produites par l'employeur au soutien des griefs invoqués, établies par des parents critiquant le comportement et l'enseignement du moniteur prénommé [C], sont antérieures à l'avertissement du 1er juin 2017 (Mme [A] du 17/01/2017 ; Mme [S] du 3/04/2017 ; Mlle [T] du 12/05/2017 ; Mme [B] du 18/05/2017).

Certains témoignages postérieurs relatent des faits qui étaient manifestement connus de l'employeur lorsque cet avertissement a été notifié (attestation de M. [R] du 01/03/2018, se plaignant de n'avoir pu passer le permis de conduire du fait de M. [V], le 21 mars 2017), ou ne précisent pas la période à laquelle ils se rapportent, sans que l'appelante ne démontre que les faits litigieux ont été portés à sa connaissance après la première sanction (attestations de Mlle [F] du 18/07/2017, M. [X] du 21/07/2017, Mlle [M] du 08/09/2017, Mlle [J] du 20/09/2017).

Il en est de même en ce qui concerne les témoignages de deux employées de l'auto-école (Mme [Z] - 01/03/2018 ; Mme [L] - 06/06/2018), relatant de manière générale les retards habituels de M. [V] et les plaintes de parents à son encontre concernant notamment les temps de pause et la durée des cours, et confirmant son accord sur le principe d'une rupture conventionnelle, sans évoquer aucun fait postérieur à l'avertissement.

D'autres élèves se plaignent exclusivement de la qualité de l'enseignement dispensé par M. [V], grief qui n'est pas visé dans la lettre de licenciement (M. [N], estimant avoir pris un retard préjudiciable dans son apprentissage ; [Y] et [U] [D], déclarant que l'auto-école leur a été déconseillée 'car M. [V] était un très mauvais moniteur.')

Dans son attestation du 29 juin 2017, Mme [G] se borne à faire part de son mécontentement concernant l'unique leçon de conduite du 20 juin 2017, au motif que M. [V] lui avait demandé de s'arrêter pour faire une pause pour éviter l'endormissement, ce que l'intéressé ne conteste pas, expliquant qu'il s'était senti mal et qu'il lui appartenait de veiller à la sécurité de son élève.

Enfin, l'attestation de M. [H], se plaignant du comportement de M. [V] pendant la période du 19 juillet 2017 au 1er août 2017, puis à compter du 17 août 2017, n'est pas probante des faits reprochés non seulement en ce qu'elle est entièrement dactylographiée et ne comporte aucune des mentions prévues par l'article 202 du code de procédure civile, mais en outre en ce qu'elle énumère de manière générale les divers griefs repris par l'employeur (retards répétés, longues pauses, heures écourtées, usage du téléphone portable et de la radio pendant les cours), sans relater aucun fait précis matériellement vérifiable.

Dès lors, les griefs étant contestés par le salarié, lequel produit les attestations de plusieurs élèves se déclarant pleinement satisfaits de ses cours, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit ce licenciement sans cause réelle et sérieuse.

* sur l'indemnisation

Alors âgé de 32 ans, titulaire d'une ancienneté inférieure à deux ans dans l'entreprise employant moins de onze salariés, M. [V] percevait un salaire mensuel brut de 1 683,54 euros.

Déclarant avoir retrouvé un emploi équivalent à compter du 10 octobre 2020, il justifie avoir perçu l'allocation de retour à l'emploi pendant la période du 7 novembre 2017 au 3 juillet 2018.

En l'état de ces éléments, son préjudice résultant de la perte injustifiée de son emploi ayant été exactement indemnisé en première instance sur le fondement de l'article L. 1235-5 du code du travail dans sa version applicable, le jugement sera également confirmé sur le montant des dommages et intérêts.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,

Rejette la demande de nullité du jugement,

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la SAS Maryann à payer à M. [V] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

La condamne aux dépens d'appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 19/03079
Date de la décision : 07/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-07;19.03079 ?
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