Ordonnance n° 23/167
N° RG 23/00177 - N° Portalis DBVH-V-B7H-IXDB
J.L.D. NIMES
20 février 2023
[M]
C/
LE PREFET DES BOUCHES DU RHONE
COUR D'APPEL DE NÎMES
Cabinet du Premier Président
Ordonnance du 21 FEVRIER 2023
Nous, Madame Corinne RIEU, Présidente de chambre à la Cour d'Appel de NÎMES, conseiller désigné par le Premier Président de la Cour d'Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assisté de Mme Emmanuelle PRATX, Greffière,
Vu l'arrêté préfectoral portant obligation de quitter le territoire national en date du 23 novembre 2022 notifié le même jour, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 19 janvier 2023, notifiée le même jour à 16h55 concernant :
M. [S] [M]
né le 26 Juin 1997 à [Localité 2]
de nationalité Algérienne
Vu l'ordonnance en date du 22 janvier 2023 rendue par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes portant prolongation du maintien en rétention administrative de la personne désignée ci-dessus ;
Vu la requête reçue au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes le 18 février 2023 à 15h08, enregistrée sous le N°RG 23/860 présentée par M. le Préfet des Bouches du Rhone ;
Vu l'ordonnance rendue le 20 Février 2023 à 12h18 notifiée au retenu à 14h45 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de NÎMES sur seconde prolongation, qui a :
* Ordonné pour une durée maximale de 30 jours commençant à l'expiration du précédent délai de 28 jours déjà accordé, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, de M. [S] [M];
* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l'expiration d'un délai de 30 jours à compter du 18 février 2023 à 16h55,
Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [S] [M] le 20 Février 2023 à 16h20 ;
Vu l'absence du Ministère Public près la Cour d'appel de NIMES régulièrement avisé ;
Vu la présence de Monsieur [L] [T], représentant le Préfet des Bouches du Rhone, agissant au nom de l'Etat, désigné pour le représenter devant la Cour d'Appel en matière de Rétention administrative des étrangers, entendu en ses observations ;
Vu l'assistance de Monsieur [J] [B] interprète en langue arabe inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Nîmes,
Vu la comparution de Monsieur [S] [M], régulièrement convoqué ;
Vu la présence de Me Caroline GREFFIER, avocat de Monsieur [S] [M] qui a été entendu en sa plaidoirie ;
MOTIFS
Monsieur [S] [M] a fait l'objet d'un arrêté de Monsieur le Préfet des Bouches du Rhône en date du 23 novembre 2022 emportant obligation de quitter le territoire national français avec interdiction de retour pendant 2 ans, arrêté qui lui a été notifié le même jour.
Il a été interpellé le 18 janvier 2023 à [Localité 4] à la suite d'une contravention à la police des transports et suite à la vérification de sa situation, il a été placé en retenue administrative.
Le 19 janvier 2023, il a fait l'objet d'une rétention administrative par arrêté de la Préfecture qui lui a été notifié le jour même à 16h55.
Sur requête du Préfet, le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes a, par ordonnance prononcée en présence de Monsieur [S] [M] le 22 janvier 2023 et confirmée en appel le 24 janvier 2023, ordonné la prolongation de cette mesure de rétention pour vingt-huit jours.
Par requête en date du 18 février 2023, le Préfet des Bouches du Rhône a sollicité que la mesure de rétention administrative de Monsieur [S] [M] soit de nouveau prolongée pour trente jours et le 20 février 2023 à 12h18, le Juge des libertés et de la détention de Nîmes a fait droit à cette demande.
Monsieur [S] [M] a interjeté appel de cette ordonnance le 20 février 2023 à 16h20, soutenant le défaut de diligence de l'administration et l'absence de perspectives d'éloignement, justifiant qu'il soit mis fin à la rétention ou qu'à titre subsidiaire, une assignation à résidence soit ordonnée.
Sur l'audience, Monsieur [S] [M] fait valoir qu'il a fait l'objet d'un OQTF pour la première fois et ne pas avoir compris qu'il devait quitter le territoire français où il se trouvait depuis 2 ans, vivant chez son oncle et travaillant dans la maçonnerie, sans avoir entrepris de démarches pour régulariser sa situation.
Son avocat s'en rapporte à la déclaration d'appel.
Monsieur le Préfet pris en la personne de son représentant demande la confirmation de l'ordonnance dont appel, relevant l'existence de perspectives d'éloignement, malgré les vérifications requises par la copie illisible du passeport de Monsieur [S] [M].
SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL :
L'appel interjeté le 20 février 2023 à 16h20 par Monsieur [S] [M] à l'encontre d'une ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Nîmes prononcée en sa présence le 20 février à 12h18, a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il est donc recevable.
SUR LES MOYENS ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D'APPEL:
L'article L.743-11 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose: « A peine d'irrecevabilité, prononcée d'office, aucune irrégularité antérieure à une audience à l'issue de laquelle le juge des libertés et de la détention a prolongé la mesure ne peut être soulevée lors d'une audience ultérieure »
L'article 563 du Code de Procédure Civile ajoute encore que « pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »
En l'espèce, Monsieur [S] [M] soulevant le défaut de diligence de l'Administration et l'absence de perspective d'éloignement, ses moyens nouveaux sont recevables.
SUR LE FOND :
Au motif de fond sur son appel, Monsieur [S] [M] soutient que l'administration française ne démontre pas avoir engagé les démarches utiles et nécessaires à son départ, et que par voie de conséquence sa rétention ne se justifie plus.
Selon l'article L.742-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après la première période de prolongation de 28 jours depuis l'expiration du délai de quarante-huit heures mentionné à l'article L.742-1, le juge peut être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours dans les cas suivants:
« 1° en cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public,
2° lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement,
3° lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement,
b) de l'absence de moyens de transport. »
La prolongation de la rétention court alors « à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours ».
Ces dispositions doivent s'articuler avec celles de l'article L.741-3 du même code, selon lesquelles il appartient au juge judiciaire d'apprécier la nécessité du maintien en rétention et de mettre fin à la rétention administrative lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient, un étranger ne pouvant être placé ou maintenu en rétention « que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet ».
En l'espèce, il résulte de la procédure que Monsieur [S] [M] n'est détenteur d'aucun document d'identité ou de voyage et qu'il est connu sous plusieurs identités.
L'administration justifie avoir saisi le 19 janvier 2023 les autorités algériennes aux fins de délivrance d'un laisser passer consulaire, autorités relancées le 14 février 2023.
La délivrance d'un laissez-passer ou tout autre document de voyage ne peut être délivré que dès lors que la nationalité et donc l'identité de l'intéressé a été formellement établie. En l'état d'une personne dépourvue de pièces d'identité et de droit au séjour, les recherches propres à identifier l'origine et la nationalité de celle-ci sont incontournables et retardent d'autant la délivrance du titre de voyage.
Force est de constater que malgré les diligences démontrées par l'administration, la mesure d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé.
Le Préfet n'ayant aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires étrangères, il ne peut lui être reproché le temps pris par celles ci pour leur réponse. Il s'en déduit qu'il y a lieu de dire et juger que l'administration n'a pas failli à ses obligations et qu'il est établi que la délivrance des documents de voyage doit intervenir à bref délai ' la mise à disposition des moyens de transport doit intervenir à bref délai.
Les circonstances et conditions exigées par l'article L742-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont donc satisfaites et la requête en prolongation de la rétention administrative de Monsieur [S] [M] fondée en droit.
Par ailleurs, les difficultés diplomatiques actuelles et récentes entre la France et l'Algérie ne permettent pas d'affirmer qu'il n'existe pas de perspectives raisonnables d'éloignement.
SUR LA SITUATION PERSONNELLE DE MONSIEUR [M] :
Monsieur [S] [M], présent irrégulièrement en France est dépourvu de passeport et de pièces administratives pouvant justifier de son identité et de son origine de telle sorte qu'une assignation à résidence judiciaire est en tout état de cause exclue par les dispositions de l'article L743-13 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
S'il se dit domicilié chez sa tante, il ne démontre aucune activité professionnelle et ne dispose d'aucun revenu ni possibilité de financement pour assurer son retour dans son pays.
Il est l'objet d'une mesure d'éloignement en vigueur, telle que précitée, qui fait obstacle à sa présence sur le sol français et qu'il n'a pas exécutée volontairement, ayant indiqué, dans le cadre de la procédure, ne pas souhaiter quitter la France pour aider sa tante et eu égard à des problèmes de santé, même s'il a déclaré à l'audience souhaiter partir volontairement.
Il s'en déduit que la prolongation de sa rétention administrative demeure justifiée et nécessaire aux fins qu'il puisse être procédé effectivement à son éloignement.
Il convient par voie de conséquence de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9, R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
DÉCLARONS recevable l'appel interjeté par Monsieur [S] [M] ;
CONFIRMONS l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
RAPPELONS que, conformément à l'article R.743-20 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1].
Fait à la Cour d'Appel de NÎMES,
le 21 Février 2023 à
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
' Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de Nîmes à [S] [M], par l'intermédiaire d'un interprète en langue arabe.
Le à H
Signature du retenu
Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :
Monsieur [S] [M], pour notification au CRA
Me Caroline GREFFIER, avocat
M. Le Préfet des Bouches du Rhone
M.Le Directeur du CRA de [Localité 3]
Le Ministère Public près la Cour d'Appel de NIMES
M. / Mme Le Juge des libertés et de la détention