Ordonnance N°23/159
N° RG 23/00168 - N° Portalis DBVH-V-B7H-IXA2
J.L.D. NIMES
17 février 2023
[G]
C/
LE PREFET DE HAUTE CORSE
COUR D'APPEL DE NÎMES
Cabinet du Premier Président
Ordonnance du 20 FEVRIER 2023
Nous, Madame Corinne RIEU, Présidente de Chambre à la Cour d'Appel de NÎMES, conseiller désigné par le Premier Président de la Cour d'Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assisté de Mme Emmanuelle PRATX, Greffière,
Vu l'arrêté préfectoral portant obligation de quitter le territoire national en date du 05 septembre 2022 notifié le 6 septembre 2022, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 14 février 2023, notifiée le même jour à 09h20 concernant :
M. [F] [G]
né le 19 Mars 2001 à [Localité 3] (TUNISIE)
de nationalité Tunisienne
Vu la requête reçue au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes le 15 février 2023 à 08h35, enregistrée sous le N°RG 23/828 présentée par M. le Préfet de la Haute Corse ;
Vu l'ordonnance rendue le 17 Février 2023 à 11h56 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de NÎMES, qui a :
* Ordonné pour une durée maximale de 28 jours commençant 48H après la notification de la décision de placement en rétention, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, de M. [F] [G];
* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l'expiration d'un délai de 28 jours à compter du 16 février 2023 à 09h20,
Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [F] [G] le 18 Février 2023 à 12h04 ;
Vu l'absence du Ministère Public près la Cour d'appel de NIMES régulièrement avisé ;
Vu la présence de Monsieur [D] [T], représentant le Préfet de la Haute Corse, agissant au nom de l'Etat, désigné pour le représenter devant la Cour d'Appel en matière de Rétention administrative des étrangers, entendu en ses observations ;
Vu l'assistance de Monsieur [N] [P] interprète en langue arabe inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Nîmes,
Vu la comparution de Monsieur [F] [G], régulièrement convoqué ;
Vu la présence de Me Abdelghani MERAH, avocat de Monsieur [F] [G] qui a été entendu en sa plaidoirie ;
MOTIFS
Monsieur [F] [G] a reçu notification le 6 septembre 2022 d'un arrêté du Préfet de Haute-Corse en date du 5 septembre 2022 jour lui faisant obligation de quitter le territoire national sans délai assortie d'une interdiction de retour d'un an.
Monsieur [F] [G] a fait l'objet d'un contrôle d'identité le 13 février 2023 à [Localité 2] sur un chantier dans le cadre d'un contrôle du personnel sur réquisitions du parquet.
Par arrêté de la préfecture de Haute-Corse en date du 14 février 2023 et qui lui a été notifié le jour même à 9h20, il a été placé en rétention administrative aux fins d'exécution de la mesure d'éloignement.
Par requête du 15 février 2023, le Préfet de Haute-Corse a saisi le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes d'une demande en prolongation de la mesure.
Par ordonnance prononcée le 17 février 2023 à 11h56, le Juge des libertés et de la détention de Nîmes a rejeté les exceptions de nullité soulevées ainsi que les moyens présentés par Monsieur [F] [G] et ordonné la prolongation de sa rétention administrative pour vingt-huit jours.
Monsieur [F] [G] a interjeté appel de cette ordonnance le 18 février 2023 à 12h04 soutenant l'irrégularité de la requête justifiant la main-levée de sa rétention administrative.
Sur l'audience, Monsieur [F] [G] déclare qu'il était titulaire d'un titre de séjour italien, qui s'il a expiré, l'autorisait à en solliciter le renouvellement, que ses parents résident en Italie, qu'il se trouvait lors du contrôle en train de travailler sur un chantier en Corse, à la demande d'une connaissance.
Il expose souhaiter retourner en Italie et ne pas rester sur le territoire français.
Son avocat soutient que Monsieur [F] [G], qui est de nationalité tunisienne, résidait en Italie depuis 2017 où il avait le droit de séjourner et où résident ses parents, qui attestent de sa capacité à être hébergé.
Monsieur le Préfet de Haute-Corse pris en la personne de son représentant demande la confirmation de l'ordonnance dont appel, considérant que les délégations de signature contestées figurent au dossier et que Monsieur [F] [G] n'est pas en situation régulière en Italie, comme cela résulte des vérifications effectuées auprès des CCPD de [Localité 4] et [Localité 7].
SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL :
L'appel interjeté le 18 février à 12h04 par Monsieur [F] [G] à l'encontre d'une ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Nîmes prononcée en sa présence le 17 février 2023 à 11h56, a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il est donc recevable.
SUR LES MOYENS NOUVEAUX ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D'APPEL:
L'article 563 du code de procédure civile dispose : « Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »
L'article 565 du même code précise : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».
Sauf s'ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l'article 74 du code de procédure civile, les moyens nouveaux sont donc recevables en cause d'appel.
A l'inverse, pour être recevables en appel, les exceptions de nullité relatives aux contrôle d'identité, conditions de la garde à vue ou de la retenue et d'une manière générale celles tenant à la procédure précédant immédiatement le placement en rétention doivent avoir été soulevées in « limine litis » en première instance.
En l'espèce, Monsieur [F] [G] soulève l'irrégularité de la requête aux fins de prolongation de la mesure de rétention, ce moyen est donc recevable.
SUR LA RECEVABILITE DE LA REQUETE EN PROLONGATION :
- en ce que son signataire n'aurait pas compétence pour ce faire :
Monsieur [F] [G] soutient qu'il appartient au juge judiciaire de vérifier la compétence du signataire de la requête en prolongation et la mention des empêchements éventuels des délégataires de signature. En l'espèce, le signataire de la requête ne serait pas compétent.
C'est à tort qu'il est argué de l'incompétence du signataire de la requête en prolongation signée pour le Préfet de Haute Corse le 15 février 2023 par Monsieur [K] [H], chef du bureau des libertés publiques, alors qu'est précisément joint à cette requête un arrêté préfectoral en date du 28 décembre 2022 lui portant délégation de signature.
L'apposition de sa signature sur ladite requête présuppose l'empêchement des autres personnes ayant délégation par préférence, le retenu ne démontrant pas le contraire alors qu'en application de l'article 9 du code de procédure civile c'est bien à lui qu'il incombe d'apporter la preuve du bienfondé de ses prétentions.
Le moyen d'irrecevabilité doit donc être écarté.
SUR LE FOND :
L'article L.611-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose des cas dans lesquels un étranger peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et/ou l'article L.612-6 du même code d'une interdiction de retour sur le territoire français tandis que l'article L611-3 du même code liste de manière limitative les situations dans lesquelles de telles mesures sont exclues.
L'article L.741-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise qu'en tout état de cause «un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.»
Au motif de fond sur son appel, Monsieur [F] [G] soutient que la mesure de rétention dont il fait l'objet ne se justifie pas, disposant de garanties d'hébergement et d'un document l'autorisant à séjourner en Italie et doit donc être levée.
En l'espèce, Monsieur [F] [G] ne disposait au moment de son contrôle d'aucun document de voyage en cours de validité, son titre de séjour italien étant expiré depuis le 7 juillet 2022, et selon les autorités italiennes, aucune demande de renouvellement n'était en cours, même s'il a produit sur l'audience un document relatif à une convocation à cette fin.
L'administration justifie d'une demande de routing vers la Tunisie le 14 février 2023.
Il s'en déduit qu'il y a lieu de dire et juger que l'administration n' a pas failli à ses obligations et qu'aucun élément ne permet d'affirmer qu'il n'existe pas de perspectives raisonnables d'éloignement de Monsieur [F] [G] dès lors que les démarches sont en cours et peuvent trouver leur issue du jour au lendemain.
SUR LA SITUATION PERSONNELLE DE MONSIEUR [F] [G]:
Monsieur [F] [G], présent irrégulièrement en France ne peut présenter de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, de telle sorte qu'une assignation à résidence judiciaire est en tout état de cause exclue par les dispositions de l'article L743-13 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement le 5 septembre 2022 décidée par la Préfecture de Haute Corse à laquelle il s'est soustrait.
Il résulte des éléments versés par l'administration qu'il a été mis en cause le 5 septembre 2022 pour des faits de conduite sous l'empire d'un état alcoolique et usage de stupéfiants à [Localité 6].
Il ne justifie de plus d'aucune adresse ni domicile stables en France, où il travaillait sans autorisation, et s'il a indiqué souhaiter retourner en Italie où se trouverait sa famille, son titre de séjour était expiré.
Il est l'objet d'une mesure d'éloignement en vigueur, telle que précitée, et qui fait obstacle à sa présence sur le sol français et ne permet pas d'envisager sa remise aux autorités italiennes.
Il s'en déduit que la prolongation de sa rétention administrative demeure justifiée et nécessaire aux fins qu'il puisse être procédé effectivement à son éloignement.
Il convient par voie de conséquence de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9 ; R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
DÉCLARONS recevable l'appel interjeté par Monsieur [F] [G] ;
CONFIRMONS l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
RAPPELONS que, conformément à l'article R.743-20 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1].
Fait à la Cour d'Appel de NÎMES,
le 20 Février 2023 à
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
' Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 5] à M. [F] [G], par l'intermédiaire d'un interprète en langue arabe.
Le à H
Signature du retenu
Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :
- Monsieur [F] [G], par le Directeur du centre de rétention de [Localité 5],
- Me Abdelghani MERAH, avocat
(de permanence),
- M. Le Préfet de la Haute Corse
,
- M. Le Directeur du CRA de [Localité 5],
- Le Ministère Public près la Cour d'Appel de NIMES
- Mme/M. Le Juge des libertés et de la détention,