Ordonnance n° 23/143
N° RG 23/00152 - N° Portalis DBVH-V-B7H-IW4Q
J.L.D. NIMES
14 février 2023
[R]
C/
LE PREFET DES ALPES DE HAUTE PROVENCE
COUR D'APPEL DE NÎMES
Cabinet du Premier Président
Ordonnance du 15 FEVRIER 2023
Nous, Mme Chantal RODIER, Présidente de chambre à la Cour d'Appel de NÎMES, conseiller désigné par le Premier Président de la Cour d'Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assisté de Mme Emmanuelle PRATX, Greffière,
Vu l'arrêté de M. Le Préfet des Alpes-de-Haute-Provence portant obligation de quitter le territoire national en date du 15 janvier 2023 notifié le même jour, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 15 janvier 2023, notifiée le même jour à 14h30 concernant :
M. [P] [R]
né le 01 Avril 1991 à [Localité 5] (ALGERIE)
de nationalité Algérienne
Vu l'ordonnance en date du 18 janvier 2023 rendue par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes portant prolongation du maintien en rétention administrative de la personne désignée ci-dessus ;
Vu la requête reçue au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes le 10 février 2023 à 12h13, enregistrée sous le N°RG 23/772 présentée par M. le Préfet des Alpes-de-Haute-Provence ;
Vu l'ordonnance rendue le 14 Février 2023 à 12h15 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de NÎMES sur seconde prolongation, qui a :
* Ordonné pour une durée maximale de 30 jours commençant à l'expiration du précédent délai de 28 jours déjà accordé, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, de M. [P] [R];
* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l'expiration d'un délai de 30 jours à compter du 14 février 2023 à 14h30,
Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [P] [R] le 14 Février 2023 à 16h49 ;
Vu l'absence du Ministère Public près la Cour d'appel de NIMES régulièrement avisé ;
Vu la présence de Monsieur [U] [B], représentant le Préfet des Alpes-de-Haute-Provence, agissant au nom de l'Etat, désigné pour le représenter devant la Cour d'Appel en matière de Rétention administrative des étrangers, entendu en ses observations ;
Vu l'assistance de Monsieur [E] [M] interprète en langue arabe inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de [Localité 4],
Vu la comparution de Monsieur [P] [R], régulièrement convoqué ;
Vu la présence de Me Philippa DEBUREAU, avocat de Monsieur [P] [R] qui a été entendu en sa plaidoirie ;
MOTIFS
Monsieur [P] [R] a fait l'objet d'un contrôle d'identité le 14 janvier 2023, à [Localité 2] et a été placé en retenue administrative.
A la suite des vérifications de sa situation irrégulière en France, Monsieur [P] [R] a reçu notification le 15 janvier 2023 de deux arrêtés du Préfet des Alpes-de-Hautes-Provence du même jour, le premier lui faisant obligation de quitter le territoire national sans délai avec interdiction de retour pendant deux ans, et le second portant placement en rétention administrative aux fins d'exécution de la mesure d'éloignement.
Par requête du 17 janvier 2023, le Préfet des Alpes-de-Hautes-Provence a saisi le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes d'une demande en prolongation de la mesure.
Par ordonnance prononcée le 18 janvier 2023, confirmée en appel le 19 janvier 2023, le Juge des libertés et de la détention de Nîmes a rejeté les exceptions de nullité soulevées ainsi que les moyens présentés par Monsieur [P] [R] et ordonné la prolongation de sa rétention administrative pour vingt-huit jours.
Monsieur [P] [R] faisait alors valoir qu'il va avoir un fils, sa compagne de nationalité Française étant enceinte de sept mois, et qu'il voulait bien quitter le territoire mais seulement avec son fils et sa compagne. Dépourvu de passeport, il n'était pas en mesure de justifier de sa situation familiale et exposait être hébergé en foyer.
Par jugement du 20 janvier 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête en annulation de l'arrêté du Préfet des Alpes-de-Hautes-Provence lui faisant obligation de quitter le territoire national sans délai avec interdiction de retour pendant deux ans, en relevant notamment dans ses motifs que s'il soutient vivre avec une ressortissante française enceinte de ses 'uvres et que son frère résiderait depuis presque 30 ans sur le territoire français, il ne l'établit pas.
Par requête en date du 10 février 2023, le Préfet des Alpes-de-Hautes-Provence a sollicité que la mesure de rétention administrative de Monsieur [P] [R] soit de nouveau prolongée pour trente jours et le 14 février 2023 à 12h15, le Juge des libertés et de la détention de Nîmes a fait droit à cette demande.
Monsieur [P] [R] a interjeté appel de cette ordonnance le 14 février 2023 à 16h49.
Sur l'audience,
Monsieur [P] [R] indique que sa compagne est actuellement enceinte de 8 mois et qu'elle est chez ses parents. Elle n'a pas pu lui transmettre les documents car il y a des problèmes avec ses parents.
Son avocat soutient que l'administration n'a pas fait preuve d'assez de diligences puisqu'après la déclaration de l'Algérie ne le reconnaissant pas comme ressortissant, elle n'a pas sollicité les consulats des autres pays du Maghreb comme c'est souvent le cas dans des situations similaires.
Monsieur le Préfet des Alpes-de-Hautes-Provence pris en la personne de son représentant demande la confirmation de l'ordonnance dont appel, en indiquant que devant le tribunal administratif, Monsieur [P] [R] n'a pas dû mentir sur sa nationalité. Il a donné des indications précises comme le nom du village où il a été scolarisé. C'est pourquoi la préfecture a demandé aux autorités algériennes un ré-examen de sa situation. La cour de cassation estime qu'une seule démarche dans le délai suffit à considérer que l'administration a effectué des diligences suffisantes.
SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL :
L'appel interjeté le 14 février 2023 à 16h49 par Monsieur [P] [R] à l'encontre d'une ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de [Localité 4] prononcée en sa présence le jour même à 12h15, a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il est donc recevable.
SUR LES MOYENS ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D'APPEL:
L'article L.743-11 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose: « A peine d'irrecevabilité, prononcée d'office, aucune irrégularité antérieure à une audience à l'issue de laquelle le juge des libertés et de la détention a prolongé la mesure ne peut être soulevée lors d'une audience ultérieure »
L'article 563 du Code de Procédure Civile ajoute encore que « pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »
En l'espèce, Monsieur [P] [R] fait valoir dans sa déclaration d'appel le moyen unique d'absence de perspective d'éloignement, au motif que le 27 janvier 2023 les autorités consulaires algériennes ont déclaré qu'elles ne le reconnaissaient pas comme l'un de leurs ressortissants. Ce moyen de fond, même nouveau est recevable en appel.
SUR LE FOND :
Au motif de fond sur son appel, Monsieur [P] [R] soutient qu'il n'existe à son sujet aucune perspective d'éloignement parce que le 27 janvier 2023 les autorités consulaires algériennes ont déclaré qu'elles ne le reconnaissaient pas comme l'un de leurs ressortissants ; qu'en l'espèce, si une demande de réexamen a été faite par la Préfecture aux autorités consulaires, il n'y a aucune preuve qu'elles vont répondre positivement dans les prochains jours et qu'un éloignement effectif pourrait avoir lieu. Il n'y a pas eu de saisine d'autres consulats.
Selon l'article L.742-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après la première période de prolongation de 28 jours depuis l'expiration du délai de quarante-huit heures mentionné à l'article L.742-1, le juge peut être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours dans les cas suivants:
« 1° en cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public,
2° lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement,
3° lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement,
b) de l'absence de moyens de transport. »
La prolongation de la rétention court alors « à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours ».
Ces dispositions doivent s'articuler avec celles de l'article L.741-3 du même code, selon lesquelles il appartient au juge judiciaire d'apprécier la nécessité du maintien en rétention et de mettre fin à la rétention administrative lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient, un étranger ne pouvant être placé ou maintenu en rétention « que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet ».
En l'espèce, Monsieur [P] [R] s'est dit ressortissant algérien mais n'est pas reconnu par les autorités consulaires algériennes.
Or, la délivrance d'un laissez-passer ou tout autre document de voyage ne peut être délivré que dès lors que la nationalité et donc l'identité de l'intéressé a été formellement établie. En l'état d'une personne dépourvue de pièces d'identité et de droit au séjour, les recherches propres à identifier l'origine et la nationalité de celle-ci sont incontournables et retardent d'autant la délivrance du titre de voyage.
Force est de constater que malgré les diligences démontrées par l'administration, la mesure d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé.
Le 8 février 2023, la préfecture a demandé aux autorités algériennes un réexamen de sa situation en leur fournissant des éléments complémentaires précis qu'elles ont obtenus, tels le nom du village où l'intéressé a dit avoir été scolarisé.
Au stade de cette seconde prolongation et au regard des critères de l'article L.742-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'administration qui n'a pas manqué de diligences en l'espèce est bien fondé à solliciter qu'il lui soit accordé une prolongation de 30 jours, ce délai étant encore susceptible de permettre une reconnaissance par les autorités consulaires au cours du ré-examen de sa situation et la délivrance d'un laissez-passer afin d'organiser son éloignement.
Aucun élément ne permet d'affirmer à ce stade qu'il n'existe pas de perspectives raisonnables d'éloignement dès lors que les démarches sont en cours et peuvent encore trouver une issue.
Les circonstances et conditions exigées par l'article L742-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont donc satisfaites et la requête en prolongation de la rétention administrative de Monsieur [P] [R] fondée en droit.
SUR LA SITUATION PERSONNELLE DE MONSIEUR [R] :
Monsieur [P] [R], présent irrégulièrement en France est dépourvu de passeport et de pièces administratives pouvant justifier de son identité et de son origine de telle sorte qu'une assignation à résidence judiciaire est en tout état de cause exclue par les dispositions de l'article L743-13 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
S'il a fait état à nouveau de sa situation familiale, en ce que sa compagne serait enceinte de 8 mois de ses 'uvres, il n'apporte pas le moindre justificatif en ce sens, alors même que c'est ce manque de justification par des documents que le tribunal administratif a retenu pour rejeter sa requête et donc confirmer l'arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire français.
Il est l'objet d'une mesure d'éloignement en vigueur, telle que précitée, confirmée par le tribunal administratif qui a rejeté sa requête en annulation, cette mesure faisant obstacle à sa présence sur le sol français. La prolongation de sa rétention administrative demeure justifiée et nécessaire aux fins qu'il puisse être procédé effectivement à son éloignement.
Il convient par voie de conséquence de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9, R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
DÉCLARONS recevable l'appel interjeté par Monsieur [P] [R] ;
CONFIRMONS l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
RAPPELONS que, conformément à l'article R.743-20 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1].
Fait à la Cour d'Appel de NÎMES,
le 15 Février 2023 à
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
' Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 4] à [P] [R], par l'intermédiaire d'un interprète en langue arabe.
Le à H
Signature du retenu
Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :
Monsieur [P] [R], pour notification au CRA
Me Philippa DEBUREAU, avocat
M. Le Préfet des Alpes-de-Haute-Provence
M.Le Directeur du CRA de [Localité 3]
Le Ministère Public près la Cour d'Appel de NIMES
M. / Mme Le Juge des libertés et de la détention