ARRÊT N°
R.G : N° RG 21/04612 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IJNK
YRD/ID/DO
POLE SOCIAL DU TJ D'AVIGNON
16 décembre 2021
RG:18/01278
Société [17]
C/
[N]
[Y]
[Y]
[Y]
[W]
[W]
[W]
[W]
[P]
[W]
[W]
[W]
[W]
[W]
[W]
[JF]
[JF]
CPAM DE VAUCLUSE
Grosse délivrée
le 14/02/2023
à
Me CHAROT
Me ANDREU
Monsieur [MC] [W]
Madame [FZ] [W]
Monsieur [JY] [W]
Monsieur [I] [W]
Monsieur [H] [W]
Madame [B] [JF]
Monsieur [GS] [JF]
CPAM DE VAUCLUSE
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 14 FEVRIER 2023
APPELANTE :
Société [17]
[Adresse 19]
[Adresse 18]
[Localité 11]
représentée par Me Benoît CHAROT du PARTNERSHIPS REED SMITH LLP, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Arnaud RIVOAL, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Madame [L] [HU] [N] épouse [W]
[Adresse 5]
[Localité 11]
comparante en personne, assistée de Me Julie ANDREU de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
Madame [A] [HK] [Y] épouse [W]
[Adresse 13]
[Adresse 13]
[Localité 11]
comparante en personne, assistée de Me Julie ANDREU de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [AB] [Y]
Chez Mme [A] [W]
[Adresse 13]
[Localité 11]
comparant en personne, assisté de Me Julie ANDREU de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [K] [Y]
[Adresse 15]
[Adresse 14]
[Localité 9]
comparant en personne, assisté de Me Julie ANDREU de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [NX] [W]
[Adresse 4]
[Localité 12]
comparant en personne, assisté de Me Julie ANDREU de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [FG] [W]
[Adresse 4]
[Localité 12]
comparant en personne, assisté de Me Julie ANDREU de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [Z] [W]
[Adresse 1]
[Localité 6]
comparant en personne, assisté de Me Julie ANDREU de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
Madame [FP] [W]
[Adresse 8]
[Localité 3]
comparante en personne, assistée de Me Julie ANDREU de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [MV] [P]
[Adresse 8]
[Localité 3]
comparant en personne, assisté de Me Julie ANDREU de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
Madame [LA] [W] épouse [JF]
[Adresse 2]
[Adresse 16]
[Localité 11]
comparante en personne, assistée de Me Julie ANDREU de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [MC] [W]
[Adresse 1]
[Localité 6]
non comparant, ni représenté
Madame [FZ] [W]
[Adresse 1]
[Localité 6]
non comparante, ni représentée
Monsieur [JY] [W]
[Adresse 4]
[Localité 12]
non comparant, ni représenté
Monsieur [I] [W]
[Adresse 4]
[Localité 12]
non comparant, ni représenté
Monsieur [H] [W]
[Adresse 4]
[Localité 12]
non comparant, ni représenté
Madame [B] [JF]
[Adresse 2]
[Adresse 16]
[Localité 11]
non comparante, ni représentée
Monsieur [GS] [JF]
[Adresse 2]
[Adresse 16]
[Localité 11]
non comparant, ni représenté
CPAM DE VAUCLUSE
[Adresse 7]
[Localité 10]
représenté par M. [T] [U] en vertu d'un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, a entendu les plaidoiries en application de l'article 945-1 du code de Procédure Civile, sans opposition des parties.
en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et Madame Delphine OLLMANN, Greffier lors du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 16 Novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 Janvier 2023 et prorogé ce jour ;
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 14 février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Du 24 avril 1970 au 16 juin 2006, [ID] [W] a été salarié de la société [17].
Le 4 novembre 2015, [ID] [W] a souscrit une déclaration de maladie professionnelle sur la base d'un certificat médical initial faisant état d'un 'adénocarcinome neuroendocrine de haut grade type CPC pulmonaire'.
Par décision du 22 juillet 2016, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Vaucluse a pris en charge l'affection dont est atteint [ID] [W] au titre du tableau n°30 bis des maladies professionnelles.
Le 29 janvier 2017 [ID] [W] est décédé.
Par décision du 21 mars 2017, la CPAM de Vaucluse a attribué au de cujus une rente et a évalué son taux d'incapacité permanente partielle (IPP) à 100% à compter du 18 octobre 2016.
Les ayants droit ont alors sollicité la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur de [ID] [W] et la mise en 'uvre par la CPAM de Vaucluse de la procédure de conciliation.
Après échec de cette procédure, les ayants droit de [ID] [W] ont saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vaucluse.
Par jugement du 16 décembre 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Avignon a :
- dit que la maladie professionnelle déclarée par [ID] [W] est due à la faute inexcusable de l'employeur la société [17],
- fixé l'indemnisation des ayants droit [W] aux sommes suivantes au titre de l'action successorale : .
Déficit fonctionnel temporaire : 7 200 euros
Souffrances physiques : 35 000 euros
Souffrance morale : 20 000 euros
Préjudice d'agrément : 0 euro
Préjudice esthétique : 10 000 euros
Préjudice sexuel : 5 000 euros
- alloué à Mme [L] [W], née [N], l'indemnité forfaitaire en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale,
- fixé à son taux maximum la majoration de la rente servie à Mme [L] [W], née [N], veuve de [ID] [W], par application des dispositions de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale,
- alloué à Mme [L] [W], née [N], la somme de 30 000 euros au titre de son préjudice moral et d'accompagnement,
- alloué à Mmes [A] [W], [FP] [W],[LA] [W] et à MM. [FG] [W], [Z] [W], la somme de 15 000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral d'accompagnement,
- alloué à [K] [Y], [AB] [Y], [MV] [P], [JY] [W], [NX] [W], [H] [W], [I] [W], [MC] [W], [FZ] [W] [KH], [GS] [JF] et [B] [JF] la somme de 6 000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral et d'accompagnement,
- dit que la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse bénéficiera d'une action récursoire à l'encontre de la société [17] au titre de l'ensemble des conséquences financières de la faute inexcusable dont la caisse a fait ou fera l'avance, et rappelées ci-dessus,
- condamné la société [17] à payer aux consorts [W] la somme de 3 000 euros au titre de frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société [17] aux entiers dépens de l'instance,
- ordonné l'exécution provisoire.
Par acte du 29 décembre 2021, la société [17] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par conclusions déposées et développées oralement à l'audience, la société [17] demande à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon le 16 décembre 2021,
- faire droit à l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
Et,
- dire et juger que les ayants droit de [ID] [W] sont mal fondés dès lors qu'elle n'a commis aucune faute inexcusable à l'origine de la maladie ou du décès de [ID] [W],
En conséquence,
- débouter les ayants droit de [ID] [W] de toutes demandes, fins et conclusions à son encontre,
En tout état de cause,
- débouter les ayants droit de [ID] [W] de l'ensemble de leurs demandes tant au titre des préjudices de [ID] [W] que de leur préjudice moral ou, à tout le moins, les ramener à de plus juste proportions.
Elle soutient que :
- l'établissement où [ID] [W] était employé n'était pas une manufacture de production ou de transformation d'amiante ou de matériaux pouvant en contenir,
- jusqu'en 1996 les tableaux professionnels ne permettaient pas d'avoir conscience que des salariés pouvaient être exposés à un risque en utilisant des matériaux contenant de l'amiante comme protection contre la chaleur inhérente à leur activité professionnelle,
- que les travaux exécutés par [ID] [W] n'étaient pas mentionnées dans le tableau n°30 des maladies professionnelles, dont elle rappelle qu'il n'existait pas avant 1996,
- compte tenu des connaissances scientifiques, une industrie qui n'utilisait pas l'amiante comme matière première ne pouvait pas avoir conscience que l'utilisation de moyen d'isolation thermique employée pour éviter les risques liés à l'activité de ses salariés comportait un risque,
- elle ne pouvait pas mettre en 'uvre des mesures s'agissant d'un danger dont elle ne pouvait pas avoir conscience.
Par conclusions déposées et développées oralement à l'audience, les ayants droit de [ID] [W] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement en date du 16 décembre 2021 du pôle social du Tribunal Judicaire d'Avignon en ce qu'il a :
- dit que la maladie professionnelle déclarée par [ID] [W] est due à la faute inexcusable de l'employeur, la société [17]
- fixé l'indemnisation des ayants droit [W] aux sommes suivantes au titre de l'action successorale :
Déficit fonctionnel temporaire : 7 200 euros
Préjudice esthétique : 10 000 euros
Préjudice sexuel : 5 000 euros
- alloué à Mme [L] veuve [W] l'indemnité forfaitaire en application des dispositions de l'article L452-3 du code de la sécurité sociale,
- fixé à son taux maximum la majoration de la rente servie à Mme [L] [W], née [N], veuve de M. [ID] [W] par application des dispositions de l'article. L452-2 du code de la sécurité sociale,
- alloué à Madame [A] [W], [FP] [W], [FG] [W] [Z] [W], [LA] [W] la somme de 15 000 € chacun en réparation de leur préjudice moral et d'accompagnement,
- alloué à [K] [Y], [AB] [Y], [MV] [P], [JY] [W], [NX] [W], [H] [W], [I] [W], [MC] [W], [FZ] [W] [KH], [GS] [JF] et [B] [JF] la somme de 6 000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral et d'accompagnement,
- dit que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Vaucluse sera tenue de faire l'avance de l'ensemble de ces sommes
- dit que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Vaucluse bénéficiera d'une action récursoire à l'encontre de la Société [17] au titre de l'ensemble des conséquences financières de la faute inexcusable dont la Caisse a fait ou fera l'avance, et rappelées ci-dessus
Statuant à nouveau :
Au titre de l'action successorale :
- fixer la réparation du préjudice de la souffrance physique à 80 000 euros
Si la juridiction devait considérer que la rente a indemnisé une partie des souffrances physiques de [ID] [W] : Dire que la somme de 80 000 euros se décompose des sommes respectives de 60.000 euros pour la période avant consolidation et 20.000 euros pour la période après consolidation
- fixer la réparation du préjudice de la souffrance morale à 80.000 euros
- fixer la réparation du préjudice d'agrément de [ID] [W] à 20.000 euros
En réparation du préjudice personnel subi par Madame veuve [W]:
En réparation du préjudice moral subi par Madame veuve [W] ................ 50.000 euros
Condamner en outre l'employeur à verser aux ayants droit de [ID] [W] la somme de 2.000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.
Ils font valoir que :
- la société [17] utilisait l'amiante en grande quantité aux fins d'isolation, les salariés ont tous été exposés à l'inhalation de poussières d'amiante et l'entreprise n'a pas mis en 'uvre les moyens de protection nécessaires tout en imposant des travaux qui s'effectuaient au contact de ce matériau, de façon régulière et sans protection,
- depuis un arrêté daté du 19 mars 2010, pris en l'application de l'article 41 de la loi du 23 Décembre 1998, la société [17] située à [Localité 11], est inscrite sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA), pour la période de 1972 à 1996,
- le préjudice subi par la victime directe comme par les ayants droit est considérable.
La Caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse, reprenant oralement ses conclusions déposées lors de l'audience, demande à la cour de :
- à titre principal : sur la reconnaissance de la faute inexcusable et l'action récursoire de la Caisse :
- donner acte à la Caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse de ce qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour
-débouter la société [17] de ses plus amples prétentions,
au visa de l'article L.452-3-1 du code de la sécurité sociale dire et juger que l'employeur est de plein droit tenu de reverser à la Caisse l'ensemble des sommes ainsi avancées par elle au titre de la faute inexcusable commise par lui,
- en tout état de cause l'organisme social rappelle toutefois qu'il ne saurait être tenu à indemniser l'assuré au-delà des obligations mises à sa charge par l'article précité, notamment à il verser une somme allouée par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour viendrait à :
- infirmer la décision déférée, condamner les ayants droit de [ID] [W] au remboursement à la Caisse de :
- la somme totale de 248.200,00 au titre des différents préjudices
- la somme de 18 281,80 au titre de l'indemnité forfaitaire
- la majoration de la rente déjà versée à Mme [L] [W] née [N]
- partiellement infirmer la décision déférée, condamner les ayants droit de [ID] [W] au remboursement à la Caisse de :
- la différence entre les sommes allouées par la cour et celles allouées par le Pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures déposées et soutenues oralement lors de l'audience.
MOTIFS
Sur la faute inexcusable de l'employeur
Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Ces critères sont cumulatifs. Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié : il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes ont concouru au dommage. Mais une relation de causalité entre les manquements susceptibles d'être imputés à l'employeur et la survenance de l'accident doit exister à défaut de laquelle la faute inexcusable ne peut être retenue. La faute de la victime n'a pas pour effet d'exonérer l'employeur de la responsabilité qu'il encourt en raison de sa faute inexcusable.
Il appartient au salarié de prouver que les éléments constitutifs de la faute inexcusable ' conscience du danger et absence de mise en place des mesures nécessaires pour l'en préserver ' sont réunis. Lorsque le salarié ne peut rapporter cette preuve ou même lorsque les circonstances de l'accident demeurent inconnues, la faute inexcusable ne peut être retenue.
En l'espèce, les ayants droit de [ID] [W] attribuent le carcinome neuro-endocrine de haut grade CPC pulmonaire, maladie professionnelle inscrite au tableau 30 bis, dont est décédé leur auteur et révélé en octobre 2015 à l'activité professionnelle de celui-ci au sein de la société [17] dans laquelle il a travaillé du 27 avril 1970 au 16 juin 2006, en qualités successives d'aide de ligne (1970-1976), d'auxiliaire coquille (1977- 1989), d'agent charges palettisées (1989-2002) puis d'agent de nettoyage (2002-2006).
Ils soutiennent que [ID] [W] était en contact avec l'amiante présent dans l'établissement.
- Sur le contact avec l'amiante et l'origine du cancer à l'activité professionnelle du salarié :
Les ayants droit de [ID] [W] produisent aux débats les éléments suivants:
- les attestations d'anciens salariés dont :
- M. [X] [S] « Depuis 1979, je travaille à l'usine d'[17] à [Localité 11] comme électricien exactement comme Monsieur [JO] [R].
Nous avons fait des travaux de calorifugeage et décalorifugeage régulièrement sur les emballeuses et les Bacs Bitume. Nous enlevions, découpions des plaques d'amiante sans aucune protection individuelle et collective.
Aucune directive de la direction, information n'était faite pour nous informer des risques.
Nous intervenions également au four, la machine coquille, les étuves, les massicots (freins)....
Je certifie avoir procédé à des travaux au contact de l'amiante sur les installations suivantes :
Bac chauffant le bitume des lignes 1, 2, 3 et 4 :
Surface de chaque bac 3m2. Le travail consistait à enlever les anciennes plaques d'amiante devenues très friables, découper de nouvelles plaques et les remonter. Pour le démontage, et le remontage, le travail ne pouvait s'effectuer qu'en s'allongeant sous le bac. Les particules nous tombaient sur la tête. Chaque bac se trouve dans une cave (cave à papier), un lieu très confiné et non ventilé. Les plaques servaient à isoler les résistances électriques. Les fils et les gaines électriques étaient aussi en amiante.
Fours à verre, fours de contrôle qualité, rouleaux chauffant étuves des lignes 1, 2, 3 et 4 :
Sur ces lieux, le travail consistait au remplacement de plaques, de fils, d'isolants en amiante.
L'environnement des fours et des feeders était très pollué car des toiles d'amiante étaient utilisées pour éviter les pertes de chaleur. J'ai été amené à porter des vêtements en amiante (gant, casquette, pantalon, veste) pour me protéger contre les fortes chaleurs.
Tous ces travaux ont été effectués sans aucune protection individuelle ou collective(') »
- M. [M] [C] : « Nous avons procédé ensemble à des travaux qui consistaient à des découpes et des ajustages de plaques d'amiante dans des caissons aluminium pour protéger le matériel électrique de la chaleur.
On changeait très souvent des caissons qui nécessitaient au moins 4 heures de travail.
Le même travail de protection contre la chaleur était effectué pour le remplacement des résistances sous les bacs bitume pour la protection des résistances et des fils (gaine amiante) ; travaux qui nécessitaient 2 jours de travail.
Pour les travaux sur le four et feeders, on se protégeait avec des casques, vestes, pantalons en amiante ; idem lors de la granulation des fours.
A aucun moment la direction ne nous a informé du risque couru du à l'inhalation de poussières d'amiante.
Aucune protection individuelle ou collective n'était préconisée pour travailler les plaques et bourrelets d'amiante. »
- M. [E] [EX] « Durant mon poste, j'étais responsable du fonctionnement du Four et du Fibrage.
Dès qu'un incident avait lieu ou une intervention de maintenance était programmée, j'appelais l'équipe de dépannage dont faisait partie Monsieur [R].
Ces interventions se faisaient à chaud et sans arrêter la fusion ou le fibrage (changement de moteurs, cannes de température, pièces électriques, mécaniques, régulation et autres).
Le décalorifugeage et recalorifugeage de ces pièces étaient nécessaires (utilisation de plaques,
tresses, cordons, toiles d'amiante).
Durant toutes ces années nous n'avons jamais été informés de la dangerosité de l'amiante. (')»
- M. [LJ] [GI] : « J'affirme que moi-même comme Monsieur [R] [JO] avons travaillé dans un milieu très chaud et très amianté ; avec manipulation et découpe de celle-ci, sans précaution et sans équipement puisque personne ne nous avait prévenu de la dangerosité de l'amiante (').
J'ajoute que moi-même je suis atteint de plaques pleurales (') »
- M. [D] [G] : « 1972 à 1984 : en tant que dessinateur industriel production pour études et modifications d'installations de production et à ce titre avoir été mis en contact et avoir travaillé sur des machines contenant de l'amiante.
1984 à 1997 : en tant que chef de poste Four fibrage et à ce titre :
-avoir effectué quotidiennement du calorifugeage et décalorifugeage à l'amiante sur les fours et canneur de transport de verre en fusion,
-avoir découpé, mis en forme des plaques et des bourrelets d'amiante, afin d'optimiser le rendement des fours et économiser de l'énergie,
-avoir porté au début des vêtements de protection en amiante non aluminisés (veste, pantalon, cagoules, gants) -avoir travaillé sans protection respiratoire spécifique contre l'amiante et sans avoir été prévenu des dangers de l'amiante. »
- M. [V] [F] : « Cette machine servait à fabriquer des isolants pour les tuyaux. Il y avait une étuve chauffée entre 250 et 280°.
- 2 bruleurs à gaz avec gaines de ventilation amiantée que l'on nettoyait périodiquement quant elles étaient HS nous les changions avec le mécanicien d'équipe ;
- Une zone de cuisson avec des parois en amiante, la dépose et repose se faisait avec le mécanicien d'équipe ;
- Un tapis de graissage en amiante. Changement fréquents dus aux incendies. Découpe du tapis avec un couteau et fixation avec du fil de fer ;
- Un poste d'extraction. Rouleaux extracteurs, garniture en ferrodos, intervention sur bourrage avec des gants en amiante. Dégagement de poussières des garnitures au contact de la laine de verre. (')
A chaque changement de fabrication, dysfonctionnement, chutes de mandrins, il fallait rentrer à l'intérieur de l'étuve. (')
Nous n'avions pas de masques. Pour la manipulation de l'amiante il n'y avait pas de recommandation particulière du médecin du travail, ni du service de sécurité de l'usine....
j'ai travaillé sur la machine coquille de 1973 à 1978 en qualité d'auxiliaire coquille. J'ai formé M. [ID] [W] pendant trois mois pour le même poste.
Cette machine comportait beaucoup d'amiante, paroi de l'étuve, poste d'enroulement, gaine de chauffage, rouleaux extracteurs, verin d'éjection, nappe de graissage, moteurs, embrayage,
freins pour le fonctionnement de ladite machine. Ces moteurs nécessitaient un nettoyage régulier avec une soufflette à air comprimé.
Cette machine avait une température de cuisson de 250° et à chaque intervention, suite à de nombreux dysfonctionnements, changement de fabrication, nous portions casquette, veste, gants (gants parfois en lambeaux).
Ces équipements collectifs de protection en amiante étaient à disposition des conducteurs et auxiliaires des 4 équipes. Ces équipements se dégradaient rapidement. (')
Nous n'avons jamais été formés et informés de la dangerosité de l'amiante. »
- M. [OG] [J] : « Je devais faire des prélèvements de produits isolants qui sortaient de la machine coquilles où travaillait Monsieur [ID] [W].
J'ai pu constater que les intervenions sur la machine s'effectuaient avec des protections en amiante , les gants et pantalons, vestes ainsi que pour la tête. Ces tenues collectives et l'usine généraient un délitement et beaucoup de poussières d'amiante.
Je voyais Monsieur [W] manipuler des éléments de fonctionnement en amiante sur les embrayages, frein des rouleaux d'entrainement du produit de fabrication.
Il intervenait sur le vérin d'éjection protégé par de l'amiante.
Pour accéder à ce vérin, une porte métallique avec de gros joints en amiante, qui se délite rapidement.
J'atteste que M. [W] était exposé et a manipulé de l'amiante régulièrement dans son travail, sans formation et sans connaissance de la dangerosité de cet amiante. »
- M. [HB] [IW] : « J'ai vu [ID] [W] travailler à la coquille ou les conditions de travail étaient particulièrement lourdes. Cette machine connaissait de gros dysfonctionnements qui nécessitaient à chaque intervention le port de casquette, veste et gants en amiante. »
- un courrier de l'inspectrice du travail adressé à la CPAM de Vaucluse en date du 22 août 2008, relatif à une déclaration de maladie professionnelle n°030 bis : « Il (l'établissement) a utilisé dès sa création des produits à base d'amiante sous forme de calorifugeage dans le processus de fabrication de la laine de verre pour faire face aux hautes températures. »
- un procès verbal de la réunion du 15 juillet 2004 du Comité d'Etablissement du site d'[Localité 11] de [17] mentionnant les propos du président « (') il est certain que depuis que l'entreprise a été construite, en feu continu, à haute température, de l'amiante a été utilisé sur le site. Il n'y a aucune ambiguïté sur le sujet. (') »
- l'arrêté du 19 mars 2010, pris en l'application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, par lequel la Société [17] située à [Localité 11], a été inscrite sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA), pour la période de 1972 à 1996.
- une attestation d'exposition à l'amiante délivrée à [ID] [W]
- le questionnaire envoyé à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie par [ID] [W] décrivant ses conditions de travail : « - fabrication de coquilles isolants de plusieurs diamètres Changement du tapis de graissage en amiante cause incendie
Nombreux bourrage au rouleaux extracteurs garniture en ferrodo
Intervention sur bourrage avec des gants en amiante. (')
Je rentrai dans l'étuve équipe en amiante, casque, gants, veste avec une chaleur de 250 à 280°c à cause de bourrages et incendie et chute des mandrins. (')
Fabrication de coquilles isolants de plusieurs diamètres, de nombreuses chutes de mandrins à l'intérieur de la machine, on rentrait à l'intérieur équipé en amiante, et une chaleur de 250 à 280° avec aucune aspiration et ni de masque approprié. (')
Il y avait beaucoup de poussière et de l'amiante. Freins. Rouleaux extracteur à ferrodo, embrayage. On soufflait l'intérieur de la machine port de gants. Cagoule. Veste. »
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que [ID] [W] a bien été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante dans le cadre de ses activités habituelles, sans protection ni information.
- Sur la connaissance qu'avait l'employeur du danger auquel était exposé le salarié :
La circonstance que la réglementation française ait autorisé de manière résiduelle après 1996 des moyens de protection au feu et aux températures élevées comportant de l'amiante n'est pas de nature à exonérer l'employeur.
La société [17] fait également observer qu'elle utilisait des produits exclusifs d'amiante ce qui ne remet pas en cause la teneur des témoignages rapportés plus avant.
L'asbestose a été incluse dans un tableau des maladie professionnelle par une ordonnance de 1945 et était inscrite en 1950 dans un tableau spécifique (n°30).
Les mésothéliomes et les cancers broncho-pulmonaires liés à l'amiante sont reconnus comme maladie autonome à partir de 1976.
Le décret n° 77-949 du 17 août 1977, venu compléter, par référence à la poussière d'amiante, les dispositions des décrets des 10 juillet 1913 et décembre 1948 qui imposaient la ventilation des locaux fermés et l'évacuation des poussières, s'il concernait les mesures particulières d'hygiène applicable dans les établissements où le personnel était exposé à l'inhalation de poussières d'amiante et consacrait un usage contrôlé de l'amiante en fixant une valeur limite d'exposition moyenne révélait les risques liés à l'exposition à l'amiante.
Le décret du 22 mai 1996 a créé un tableau spécifique pour le cancer broncho-pulmonaire primitif pour les travaux suivants :
Travaux directement associés à la production des matériaux contenant de l'amiante.
Travaux nécessitant l'utilisation d'amiante en vrac.
Travaux d'isolation utilisant des matériaux contenant de l'amiante.
Travaux de retrait d'amiante.
Travaux de pose et de dépose de matériaux isolants à base d'amiante.
Travaux de construction et de réparation navale.
Travaux d'usinage, de découpe et de ponçage de matériaux contenant de l'amiante.
Fabrication de matériels de friction contenant de l'amiante.
Travaux d'entretien ou de maintenance effectués sur des équipements contenant des matériaux à base d'amiante.
Pour autant il ne peut être soutenu qu'en l'état de la littérature médicale existante les risques liés à ces travaux antérieurement au décret étaient ignorés.
S'il est acquis que la société [17] dans son établissement d'[Localité 11] n'utilisait pas l'amiante comme matière première mais seulement pour la protection de ses salariés et de ses outils de production contre la chaleur intense inhérente à son activité de fabrication d'éléments d'isolation en laine de verre ; le process de fabrication induisant des températures de l'ordre de 1 400°C, il n'en demeure pas moins que :
- En dehors de la réglementation spécifique à l'amiante, plusieurs textes légaux et règlementaires avaient pour objet de prévenir les dangers consécutifs à l'inhalation de poussières en général parmi lesquelles figuraient notamment les poussières d'amiante, tels la loi du 12 juin 1893.
Bien que généraux, ces textes étaient applicables.
- Le tableau 30 des maladies professionnelles liées à l'amiante, dans sa rédaction issue du décret du 3 octobre 1951, mentionnait comme travaux susceptibles de provoquer des affections pulmonaires consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante les travaux de calorifugeage et de décalorifugeage. Les dangers de l'amiante dans cette configuration d'utilisation étaient parfaitement connus, des normes précises étaient définies par le décret du 17 août 1977 qui imposait la mise à disposition d'appareils respiratoires anti-poussière et l'information par l'employeur de tout salarié susceptible d'être exposé à l'amiante sur les risques encourus.
- La société [17], usine d'[Localité 11], disposait de médecins du travail et des services techniques et juridiques d'une grande entreprise, ce qui s'oppose à ce qu'elle puisse prétendre ignorer les connaissances médicales et les textes applicables contemporains à la période d'exercice professionnel de [ID] [W], exposé aux dangers de l'inhalation de fibres d'amiante.
Ainsi, compte tenu notamment de son importance, de son organisation, de la nature de son activité et des travaux auxquels était affecté son salarié, la société [17] aurait dû avoir conscience du danger auquel [ID] [W] était exposé.
Par ailleurs, la société [17] ne rapporte pas la preuve que des équipements de protection individuelle ont été mis à la disposition des salariés pour se protéger des dangers liés à la présence de particules d'amiante et les attestations reproduites ci- avant démontrent l'absence de toute protection tant individuelle que collective.
Il en résulte que l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur est rapportée.
Il convient tant pour les motifs qui précèdent que ceux non contraires des premiers juges de confirmer de ce chef le jugement déféré.
Sur les indemnisations au titre de l'action successorale
- Sur l'indemnité forfaitaire :
Selon l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale «Si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanent de 100%, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de la consolidation ».
[ID] [W] est décédé des suites d'un cancer broncho-pulmonaire le 29 janvier 2017, par courriers en date du 22 juillet 2016et du 12 avril 2017, la CPAM a notifié à Mme [W] la prise en charge de la maladie et du décès de [ID] [W], par décision en date du 21 mars 2017, la CPAM a attribué de manière post mortem une rente à [ID] [W], et évalué son taux d'incapacité permanente à hauteur de 100%.
Dès lors les ayants droit de [ID] [W] sont fondés à solliciter le bénéfice de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article susvisé.
- Sur la réparation des préjudices subis par [ID] [W] :
Selon l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale «Indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.
De même, en cas d'accident suivi de mort, les ayants droit de la victime mentionnés aux articles L. 434-7 et suivants ainsi que les ascendants et descendants qui n'ont pas droit à une rente en vertu desdits articles, peuvent demander à l'employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction précitée.»
Si l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision (Cons. const., 18 juin 2010, décision n° 2010-8 QPC), dispose qu'en cas de faute inexcusable , la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle peut demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation d'autres chefs de préjudice que ceux énumérés par le texte précité, c'est à la condition que ces préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.
Il résulte, par ailleurs, des articles L. 434-1, L. 434-2 et L. 452-2 du même code que la rente versée à la victime d'un accident du travail et sa majoration en cas de faute inexcusable de l'employeur indemnisent, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent.
Au titre du déficit fonctionnel temporaire :
Ce poste de préjudice cherche à indemniser l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c'est à dire jusqu'à sa consolidation.
En l'espèce il s'est donc écoulé douze mois entre les premiers signes de la maladie de [ID] [W] et l'attribution de sa rente.
Au regard de son âge au moment des faits (63 ans), et de son état de santé, il peut être alloué une indemnité d'un montant de 600 euros x 12 mois = 7 200 euros.
Le jugement sera confirmé de ce chef
- Sur la réparation des souffrances physiques et morales :
Il s'agit des souffrances subies à compter de la date de consolidation à partir de laquelle la victime perçoit une rente qui répare d'une part les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent.
La société appelante soutient que ce poste de préjudice est déjà indemnisé par le versement de la rente à la victime dans la mesure où [ID] [W] se trouvait à la retraite en sorte que la rente ne pouvait indemniser les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité.
Or, la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent ( Cass. Ass. Plen. 20 janvier 2023 n° 21-23.947 et 20-23.673)
Le déficit fonctionnel permanent est défini par la Commission européenne (conférence de Trèves de juin 2000) et par le rapport Dintilhac comme :
'la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, donc appréciable par un examen clinique approprié complété par l'étude des examens complémentaires produits, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l'atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte à la vie de tous les jours'.
Le cancer broncho pulmonaire de [ID] [W] a été diagnostiqué en octobre 2015, le décès des suites de sa maladie est intervenu le 29 janvier 2017 après avoir subi six cycles de chimiothérapie pour atteindre le poids de 46 kg avant décès, il en résulte que ce dernier a souffert du traitement médical tant sur le plan physique que moral. Il lui sera alloué à ce titre la somme globale de 55.000,00 euros.
- Sur le préjudice d'agrément :
L'indemnisation d'un préjudice d'agrément suppose que soit rapportée la preuve de l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisir.
A part les seuls propos des ayants droit de [ID] [W], il n'est démontré la pratique d'aucune activité spécifique susceptible d'ouvrir droit à réparation.
Ils ont été déboutés à juste titre de leurs prétentions à ce titre.
- Sur le préjudice esthétique :
Le traitement radio-chimiothérapique subi par [ID] [W] l'a extrêmement affaibli, il ne pesait que 46 Kg avant son décès.
C'est à juste titre que le premier juge a alloué la somme de 10.000,00 euros à ce titre.
- Sur le préjudice sexuel :
Affecté par sa maladie à l'âge de 63 ans, [ID] [W] pouvait prétendre à une pratique sexuelle dont il a été privé en raison de sa maladie et des souffrances endurées.
C'est par une saine appréciation des faits de l'espèce que le premier juge a alloué la somme de 5.000,00 euros à ce titre.
Sur la réparations des préjudices personnels
- Sur la réparation du préjudice moral de Mme [BC] [O] :
Mme [L] [W] a assisté à la déchéance physique et morale de son époux avec lequel elle partageait sa vie depuis 48 ans, l'a accompagné jusqu'à ses derniers instants.
Les liens d'affection unissant les époux n'étaient pas altérés. La souffrance morale endurée par Mme [W] a été justement appréciée à la somme de 30.000,00 euros par le premier juge.
- Sur la réparation du préjudice moral subi par les enfants de [ID] [W]:
Les cinq enfants du couple que formaient [ID] [W] et son épouse entretenaient des liens de proximité avec leur père, c'est par une juste appréciation des faits de l'espèce que le premier juge leur a alloué la somme de 15 000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral d'accompagnement.
- Sur la réparation du préjudice moral subi par les petits-enfants de [ID] [W] :
Il est justifié des liens d'affection réciproques existants entre [ID] [W] et ses petits-enfants, c'est par une juste appréciation des faits de l'espèce que le premier juge leur a alloué la somme de 6 000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral d'accompagnement.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la société [17] à payer aux ayants droit de [ID] [W] la somme de 3.000,00 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS
Par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale et en dernier ressort,
- Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré sauf à préciser que le préjudice subi au titre des souffrances physiques et morales est réparé par l'allocation de la somme de 55.000,00 euros,
- Et y ajoutant,
- Condamne la société [17] à payer aux ayants droit de [ID] [W] la somme de 3.000,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne la société [17] aux éventuels dépens de l'instance.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT