ARRÊT N°
N° RG 20/01658 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HX2U
EM/DO
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON
13 mai 2020
RG :18/00202
[W]
C/
S.A.S. CABINET [B] [A]
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 14 FEVRIER 2023
APPELANTE :
Madame [U] [W]
née le 28 Mai 1957 à [Localité 7] ([Localité 1])
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Stéphanie BAGNIS de la SELARL BAGNIS DURAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉE :
S.A.S. CABINET [B] [A]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Patrick LANOY de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Luc ALEMANY de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 08 Novembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et Madame Emmanuelle BERGERAS, Grefière, lors du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 22 Novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 31 Janvier 2023 prorogé à ce jour
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 14 février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Mme [U] [K] été engagée par la Sas Cabinet [B] [A] selon un contrat de travail à durée déterminée du 15 avril 2016 en qualité d'assistante transaction vente.
Par un avenant du 1er août 2016, la relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'assistante commerciale.
Après avoir été convoquée le 04 décembre 2017 à un premier entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 18 décembre 2017, puis à un second entretien préalable fixé au 24 janvier 2018, Mme [W] a été licenciée pour faute grave par lettre du 30 janvier 2018.
Par requête du 27 avril 2018, Mme [W] a saisi le conseil de prud'hommes d'Avignon aux fins de voir juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, que la procédure de licenciement n'a pas été respectée, qu'elle a été victime d'un harcèlement moral professionnel et voir condamner son employeur à lui verser diverses sommes à caractère indemnitaire.
Par jugement contradictoire du 13 mai 2020, le conseil de prud'hommes d'Avignon a :
- dit que le licenciement de Mme [W] en date du 30 janvier 2018 est intervenu pour une cause réelle et sérieuse, mais non constitutive d'une faute grave,
en conséquence,
- condamné le Cabinet [B] [A] prise en la personne de son représentant légal en exercice au paiement des sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter du prononcé:
* 1 634,42 euros au titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 163,42 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
* 1 634,42 euros net au titre de l'indemnité légale conventionnelle de licenciement,
* 750 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté Mme [W] du surplus de ses demandes,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- mis les dépens de l'instance ainsi que les éventuels frais d'exécution à la charge du Cabinet [B] [A].
Par acte du 10 juillet 2020, Mme [U] [W] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance d'incident du 08 octobre 2021, le conseiller de la mise en état a :
- dit l'appel de Mme [M] [N] recevable et régulier,
- débouté la SAS Cabinet [B] [A] de ses exceptions et demandes,
- déclaré les conclusions de la SAS Cabinet [B] [A] irrecevables,
- condamné la SAS Cabinet [B] [A] à payer à Mme [M] [N] la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SAS Cabinet [B] [A] aux éventuels dépens de la présente procédure sur incident.
Par ordonnance du 18 août 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 08 novembre 2022. L'affaire a été fixée à l'audience du 22 novembre 2022 à laquelle elle a été retenue.
Aux termes de ses dernières conclusions, Mme [U] [W] demande à la cour de :
- réformer le jugement rendu par la section commerce du conseil de prud'hommes d'Avignon en ce qu'il a :
* dit que son licenciement en date du 30 janvier 2018 est intervenu pour une cause réelle et sérieuse, mais non constitutive d'une faute grave,
* condamné le Cabinet [B] [A] prise en la personne de son représentant légal en exercice au paiement des sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter du prononcé
° 1634,42 euros au titre d'indemnité compensatrice de préavis,
° 163,42 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
° 1634,42 euros net au titre de l'indemnité légale conventionnelle de licenciement,
°750 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
* l'a débouté du surplus de ses demandes,
Statuant à nouveau,
- juger que le licenciement pour faute prononcé par la société Cabinet [B] [A] contre elle est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- juger que la procédure de licenciement n'a pas été respectée,
- juger qu'elle a été victime d'un harcèlement moral professionnel,
En conséquence :
- débouter la société Cabinet [B] [A] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Cabinet [B] [A] à payer les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine :
' 20 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse abusif,
' 1 634,42 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
' 1 634,42 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
' 1 634.42 euros, outre 163,44 euros de congés payés afférents, à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
' 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement brusque et vexatoire,
' 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
' 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle soutient que :
- les faits qui lui sont reprochés dans la lettre de licenciement ne sont pas fondés, qu'elle produit des éléments qui démontrent qu'elle n'a jamais eu aucune difficulté avec les autres salariés et qu'elle s'est toujours comportée de manière très professionnelle, qu'à l'inverse, Mme [L] [V] avec laquelle elle a eu une altercation, a été décrite comme une salariée agressive, qu'un salarié de la société, M. [G] [S] avait alerté le directeur de secteur du comportement intolérable de cette dernière tant à l'égard de ses collègues qu'à l'égard des clients, que non seulement il n'y a eu aucun témoin de l'altercation du 05 janvier 2018, mais elle a prouvé qu'elle n'était pas d'un naturel violent contrairement à Mme [L] [V], que s'agissant du deuxième grief, la confection de cartes de visites, la société ne manque pas d'audace en la sanctionnant pour ces faits alors que si elle a apposé une étiquette à son nom sur les cartes d'un ancien salarié , c'est uniquement sur ordre de son ancien supérieur hiérarchique M. [E] [X] dans le but de faire des économies,
- la procédure de licenciement n'a pas été respectée dans la mesure où l'employeur ne l'a pas sanctionnée dans le mois suivant le premier entretien préalable du 18 décembre 2017, que lors du deuxième entretien, il n'a pas été évoqué les faits se rapportant à la confection des cartes de visites de sorte qu'ils sont prescrits,
- elle n'a eu de cesse d'être harcelée par son employeur afin de se fournir des motifs de licenciement pour faute grave, ayant été convoquée à deux entretiens préalables, dont le premier n'a donné lieu à aucune sanction, alors qu'elle a toujours été jusqu'en décembre 2017 considérée comme une employée modèle ayant reçu les félicitations de ses supérieurs, n'ayant jamais fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire avant son licenciement, qu'elle n'a eu de cesse de s'expliquer, de trouver des solutions et de montrer sa bonne foi, que les agissements répétés de l'employeur ont eu pour effet de compromettre son avenir professionnel.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
MOTIFS :
Sur le licenciement :
S'agissant d'un licenciement prononcé à titre disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs formulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l'employeur qui l'invoque d'en rapporter la preuve.
La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire.
Si l'article L1332-4 du code du travail prévoit en principe qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur a eu connaissance, en revanche ce texte ne s'oppose à pas à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi dans ce délai.
La faute grave libère l'employeur des obligations attachées au préavis. Elle ne fait pas perdre au salarié le droit aux éléments de rémunération acquis antérieurement à la rupture du contrat, même s'ils ne sont exigibles que postérieurement.
La gravité du manquement retenu est appréciée au regard du contexte, de la nature et du caractère éventuellement répété des agissements, des fonctions exercées par le salarié dans l'entreprise, un niveau de responsabilité important étant le plus souvent un facteur aggravant, de son ancienneté, d'éventuels manquements antérieurs et des conséquences de ces agissements en résultant pour l'employeur.
Selon l'article L1332-4 du code du travail aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
L'article 1332-2 du même code dispose que lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié. Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise. Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié. La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé.
Le licenciement prononcé en raison de la faute disciplinaire du salarié doit donc respecter un délai maximum de deux mois entre la connaissance des faits et l'engagement de la procédure disciplinaire et un délai maximum d'un mois entre l'entretien préalable et la notification de la sanction, à défaut, le licenciement est irrégulier.
En l'espèce, en l'espèce, la lettre de licenciement datée du qui fixe les limites du litige, énonce les griefs suivants :
' ...lors de ce premier entretien auquel vous vous êtes présentée (18 décembre 2017), nous avons souhaité vous entendre concernant l'altercation verbale que vous aviez eue avec Mme [L] [V] au début du mois de décembre 2017.
Manifestement et d'après les témoignages recueillis auprès des personnes présentes à l'agence, vos relations professionnelles avec Madame [L] [V] sont une source de tension importante, qui crée d'importantes perturbations sur votre lieu de travail. Or, plutôt que d'apaiser les situations potentiellement conflictuelles avec votre collègue de travail, votre attitude s'inscrit plus dans la confrontation que dans la conciliation.
Votre supérieur hiérarchique vous a oralement alerté sur les conséquences néfastes de votre comportement et sur la nécessité de vous fournir les efforts nécessaires pour mettre un terme aux discordes qui vous opposent à Mme [L] [V].
Pour autant, l'altercation qui s'est produite au mois de décembre dernier illustre l'absence de toute amélioration de la situation.
Lors de l'entretien, vous avez persisté à rejeter la faute sur l'attitude de Mme [L] [V] à votre encontre, sans remise en cause de votre comportement. Vous n'avez manifestement pas pris conscience de la gêne générée auprès des autres membres de l'agence, par vos disputes régulières avec Mme [L] [V].
Plus encore, votre responsable hiérarchique s'est aperçu que vous aviez pris la liberté de "confectionner" vos propres cartes de visite, en apposant une étiquette élaborée par vos soins, qui a été collée sur des cartes de visite préexistantes et appartenant à un ancien membre de l'agence.
A cette occasion, vous vous êtes attribué une fonction qui ne correspond pas à l'intitulé de poste figurant sur vos feuilles de paie et sur votre contrat de travail.
Vous n'ignorez pas que la réalisation des cartes de visites ne fait pas partie de vos attributions et qu'un service dédié au sein de la société centralise les commandes à réaliser à cet effet, auprès d'un prestataire dédié, dans un souci de cohérence de présentation et de garantie de qualité.
Les cartes de visites correspondent à l'identité de notre enseigne et constituent un vecteur de communication important auprès de notre clientèle.
Ainsi, vous comprendrez que nous ne pouvons pas accepter une telle pratique au sein de l'une de nos agences.
Au-delà de ces manquements professionnels évoqués...votre supérieur hiérarchique a porté à notre connaissance le 10 janvier 2018 un nouvel incident qui s'est produit au sein de l'agence de [Localité 6]. C'est précisément la raison pour laquelle nous avons décidé de vous convoquer à un nouvel entretien préalable...
...Nous avons été informés d'une violente altercation que vous avez eu au sein de l'agence de [Localité 6] avec l'un de vos collègues de travail. D'après les éléments et les témoignages que nous avons pu recueillir, il apparaît que vous avez ainsi ceinturé et secoué Mme [L] [V] dans le but de lui arracher des mains le cahier des appels téléphoniques de l'agence.
En effet, et de votre propre initiative, vous avez manifestement pris soin de noter chaque jour les heures d'arrivée et de départ de votre collègue de travail, à son insu, et sans aucune justification, sur ce cahier dont la finalité est pourtant tout autre.
C'est précisément la raison pour laquelle Mme [L] [V] a souhaité consulter ledit cahier afin de vérifier ce qui jusqu'alors ne constituait qu'une simple 'rumeur'. Au-delà de cette agression physique à laquelle vous vous êtes livrée, de nombreuses injures ont également été échangées à cette occasion.
Vous comprendrez naturellement que nous ne pouvons accepter une telle démonstration de violence au sein de notre agence, dans laquelle nous recevons chaque jour notre clientèle.
Votre attitude est contraire aux valeurs que nous défendons au sein de la société, car elle traduit un manque de respect évident pour les autres membres de notre entreprise.
Nous ne pouvons malheureusement pas considérer cet incident comme étant isolé, puisque depuis plusieurs mois déjà, nous avons été amenés à vous sensibiliser et vous alerter sur les relations anormales entretenues avec votre collègue de travail.
Votre nouveau responsable a dû déjà intervenir oralement auprès de vous pour que vous mettiez un terme à de telles pratiques, dans un souci de préserver une ambiance de travail plus sereine et plus professionelle.
Ainsi, vos écarts de langage et la manifestation régulière de vos désaccords avec Mme [L] [V] entraînent un climat délétère au sein de l'agence ce qui engendra nécessairement une dégradation des conditions de travail des autres membres du personnel, également présents sur l'agence.
L'incident qui s'est produit démontre que contrairement aux préconisations qui vous ont été faites vos altercations avec Mme [L] [V] sont de plus en plus violentes.
La gêne occasionnée par votre comportement au sein de l'agence et l'emportement dont vous avez fait preuve ne sont pas acceptables. (...)
Par ailleurs, nous vous sommons d'avoir à restituer le véhicule que nous avions mis à votre disposition à des fins professionnelles et ce sous huitaine à compter de la réception de la présente. Nous vous précisons également que nous vous libérons de toute clause de non-concurrence que nous aurions éventuellement conclue et vous ne pourrez donc prétendre à aucune indemnité à ce titre. (...)'.
Sur la régularité de la procédure :
Selon l'article L1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement des poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
L'acte d'engagement des poursuites que constitue la convocation à l'entretien préalable interrompt le délai de prescription de deux mois, que l'entretien ait lieu ou non.
En l'espèce, Mme [U] [W] a été convoquée le 04 décembre 2017 pour un entretien préalable à un éventuel licenciement le 18 décembre 2017, puis a été convoquée le 11 janvier 2018 pour un second entretien préalable fixé au 24 janvier 2018 ; le licenciement a été prononcé le 30 janvier 2017, soit dans le délai légal d'un mois, et les faits visés dans la lettre de licenciement ne sont visés par la prescription.
Mme [U] [W] sera donc déboutée de ce chef de demande et le jugement entrepris confirmé sur ce point.
Sur les griefs visés dans la lettre de licenciement :
*Sur les faits de violences verbale et physique :
Force est de constater que dans la lettre de licenciement les faits de violences reprochés à Mme [U] [W] ne sont pas précisément datés, la lettre mentionnant seulement, s'agissant des violences verbales 'début du mois de décembre 2017" et s'agissant des violences verbales et physiques 'nouvel incident porté à notre connaissance le 10 janvier 2018".
Par ailleurs, il convient de relever que les premiers juges ne se sont référés à aucune pièce produite par les parties pour affirmer que 'les deux salariées ne faisaient aucun effort pour tenter d'apaiser la situation.Leur agence est ouverte au public et par conséquent les clients sont susceptibles d'assister aux confrontations des deux salariées et nuire à l'image de l'entreprise. L'attitude des deux salariés ne pouvait plus durer, leur maintien dans l'entreprise devenait de plus en plus problématique.' ' le 05 janvier 2018 une nouvelle altercation s'est produite entre Mme [U] [W] et Mme [V] bien plus violente que la première', et n'ont pas indiqué quel comportement répréhensible avait pu commettre précisément Mme [U] [W] à l'encontre de Mme [L] [V].
Or, les éléments produits par Mme [U] [W], soit :
- plusieurs attestations de salariés ou d'anciens salariés, M. [E] [Z], salarié du 1er septembre 2013 au 06 juin 2017 : n'a jamais été témoin d'un comportement agressif verbal ou physique de la part de Mme [U] [W] à son égard ou à l'encontre d'autres membres du personnel ; Mme [O] [H], comptable syndic jusqu'au 30 juin 2018 : a été témoin du grand professionnalisme de la part de Mme [U] [W] envers ses collègues de travail et la clientèle,
- transfert d'un courriel de [G] [S] le 17 janvier 2018 à Mme [U] [W], se rapportant à un courriel qu'il avait envoyé le 29 mars 2017 à '[J] (M. [J] [D] directeur de secteur département de [Localité 9]) pour parler de [L]' '...il n'est pas possible pour [L] de travailler en équipe...[L] considère mes acquéreurs pour ses clients et pas l'inverse. Madame dit à mes acquéreurs que j'ai quitté [Localité 6] et je suis sur Apte, sans leur dire que je m'occuperai toujours de mes mandats sur [Localité 6]. Madame agit seul sur [Localité 6] et ses alentours. Madame est allée voir [E] [X] pour découper le secteur en deux. Bien sûr, se préservant la plus grosse partie à mon grand étonnement...Madame comporte une attitude personnelle dans le rangement des dossiers, la façon de les classer comme il a toujours été dans l'entreprise. Madame quitte son travail tôt dans la journée n'assurant pas ses permanences, et ne revenant que le lendemain (madame exige des appels reçus pendant son absence). Madame apporte une ambiance délétère au sein de l'agence, des propos scandaleux devant les clients de l'agence. Je voulais vous voir rapidement car la situation est exécrable et invivable, nous avons failli venir aux mains par son attitude et ses propos.Car elle ne supporte pas qu'on lui dise les procès que nous devons faire au sein de l'entreprise. Elle ne supporte rien...Pour toutes ces raisons, il est temps de mettre les choses au clair avec [L]...',
- plusieurs courriels envoyés par M. [F] [R], conseiller transaction du 30/03/2017 'bonne personne', Mme [C] [T] 'parfait [U]', M. [J] [D] le 06/04/2017 'vous êtes au top',
mettent en évidence l'absence habituelle de toute attitude belliqueuse ou agressive de Mme [U] [W] et au contraire des difficultés relationnelles et de comportement de la part de Mme [L] [V].
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que ces griefs ne sont pas établis.
Sur la confection de cartes de visites :
Il convient de constater que ces faits de ne sont pas datés, que les éléments produits par Mme [U] [W], à savoir une facture du 07/10/2016, une note de contrôle et un échange de courriels avec M. [J] [D] (M. [J] [D] '...en complément des commandes de cartes de visites que j'ai sollicitées antérieurement, il faudrait ajouter 200 cartes de visites pour mon assistante Mme [M] dont vous trouverez la trame ci-jointe') permettent d'établir que l'employeur lui a remboursé des frais d'achat de cartes de visite et qu'elle était considérée comme l'assistante du directeur de secteur ; à ce titre, elle pouvait légitimement penser qu'elle était habilitée à confectionner elle-même des cartes de visites en apposant des étiquettes à son nom sur des cartes d'anciens salariés.
Les premiers juges ne font aucune référence à ces faits dans la motivation du jugement.
Enfin, aucun élément ne permet d'établir que Mme [U] [W] se serait attribuée sur des cartes de visites, une 'fonction qui ne correspondrait pas à l'intitulé de son poste figurant sur ses feuilles de paie et sur son contrat de travail'.
Il s'en déduit que ce grief n'est pas établi.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que les faits reprochés à Mme [U] [W] ne sont pas établis, de sorte que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences financières :
- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
L'article L1235-3 du code du travail dispose dans sa version applicable, que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous.
Ancienneté du salarié dans l'entreprise
(en années complètes)
Indemnité minimale
(en mois de salaire brut)
Indemnité maximale
(en mois de salaire brut)
1
1
2
Au moment de la rupture de la relation contractuelle, Mme [U] [W] avait une ancienneté d'un an et neuf mois, était âgée de 60 ans, percevait un salaire brut mensuel de 1634,42 euros ; elle ne justifie pas de sa situation professionnelle postérieurement à son licenciement ; elle indique percevoir des allocations versées par Pôle emploi de 980 euros par mois et avoir un enfant mineur à charge, sans pour autant en justifier.
Il convient au vu de ces éléments de lui accorder une somme de 3 268 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse réparant l'ensemble de son préjudice matériel et moral sur le fondement de l'article L. 1235-5 du code du travail.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis :
Mme [U] [W] est par ailleurs en droit de solliciter une indemnité compensatrice de préavis de 1 634,42 euros outre celle de 163,42 euros à titre d'indemnité de congés payés y afférents.
Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
- sur l'indemnité conventionnelle de licenciement :
L'article R1234-2 du code du travail dispose que l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants : 1° Un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans (...).
L'article 33 de la convention collective applicable stipule, dans sa version en vigueur, que pour les salariés ayant acquis 1 an d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur et moins de 2 ans d'ancienneté et conformément aux dispositions de l'article L. 1234-9 du code du travail, il est prévu une indemnité de licenciement, fixée à l'article R. 1234-2 du code du travail, qui ne peut être inférieure à 1/5 de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent 2/15 de mois par année au-delà de 10 ans d'ancienneté.
Après 2 ans de présence, les salariés licenciés par application de la procédure prévue aux articles 30 (sauf pour faute grave ou lourde) et 31 de la convention reçoivent une indemnité de licenciement calculée sur la base de 1/4 du salaire global brut mensuel contractuel défini à l'article 37.3.1 acquis à la date de cessation du contrat de travail et par année de présence pro rata temporis et sous réserve de l'application plus favorable du dispositif légal (art. R. 1234-1 à R. 1234-5 du code du travail) conduisant à une indemnité pouvant être plus favorable que la présente conventionnelle. (...).
Sur la base d'un salaire mensuel brut de 1 634,42 euros, Mme [U] [W] est en droit de solliciter une indemnité conventionnelle de licenciement de 749 euros.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.
- sur l'indemnité pour rupture vexatoire :
La rupture n'étant pas intervenue dans des conditions brutales ni vexatoires, la demande de dommages et intérêts à ce titre n'est pas justifiée.
Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur le harcèlement moral :
L'article L1152-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, lorsque survient un litige relatif à l'application de ces dispositions, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
En l'espèce, Mme [U] [W] soutient avoir subi des actes de harcèlement moral de la part de son employeur afin de se fournir des motifs de licenciement pour faute grave alors qu'elle a toujours été employée modèle et a reçu les félicitations de ses supérieurs régulièrement.
A l'appui de ses prétentions, Mme [U] [W] produits aux débats :
- la lettre recommandée de sa convocation à l'entretien préalable du 12 janvier 2018,
- un courriel que la salariée a envoyé relatif à une proposition d'affectation sur l'agence de [Localité 8],
- la lettre de notification de son licenciement,
- le courriel envoyé par M. [J] [D] mentionné précédemment,
- la facture relative à l'achat de cartes de visites et une note de frais évoqués précédemment.
Ces éléments pris dans leur ensemble ne permettent pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral au préjudice de Mme [U] [W].
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce sens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale et en dernier ressort ;
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Avignon le 13 mai 2020 en ce qu'il a :
- condamné le Cabinet [B] [A] prise en la personne de son représentant légal en exercice au paiement des sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter du prononcé:
* 1 634,42 euros au titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 163,42 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
* 750 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- mis les dépens de l'instance ainsi que les éventuels frais d'exécution à la charge du Cabinet [B] [A],
L'infirme pour le surplus,
Statuant sur les dispositions réformées et y ajoutant,
Juge que le licenciement prononcé par la Sas Cabinet [B] [A] à l'encontre de Mme [U] [W] le 30 janvier 2018 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne la Sas Cabinet [B] [A] à payer à Mme [U] [W] les sommes suivantes :
- 3 268 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 749 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
Condamne la Sas Cabinet [B] [A] à payer à Mme [U] [W] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne la Sas Cabinet [B] [A] aux dépens de la procédure d'appel.
Arrêt signé par le président et par la greffière.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,