RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 20/01536 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HXP6
CRL/ EB
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON
03 juin 2020
RG :18/00396
[Z]
C/
Société BIOCOOP
Grosse délivrée
le 14/02/2023
à
Me MOURET
Me DAVICO-HOARAU
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 14 FEVRIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVIGNON en date du 03 Juin 2020, N°18/00396
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 15 Novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 Janvier 2023 et prorogé ce jour.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANT :
Monsieur [V] [Z]
né le 10 Juillet 1978 à [Localité 6] (MAROC)
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Philippe MOURET, avocat au barreau D'AVIGNON
INTIMÉE :
Société BIOCOOP
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Catherine DAVICO-HOARAU de la SCP COBLENCE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 02 Novembre 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 14 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
M. [V] [Z] a été engagé par la SA coopérative Biocoop à compter du 24 octobre 2013 suivant contrat de travail à durée indéterminée en qualité de préparateur de commandes, employé, niveau 2 échelon 1 de la convention collective commerce de gros, avec une reprise d'ancienneté au 21 août 2013.
Du 17 mars 2016 au 12 octobre 2017, il était placé en arrêt de travail suite à un accident pris en charge par la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse au titre de la législation relative aux risques professionnels.
A compter du 31 janvier 2017, la Maison Départementale des Personnes Handicapées lui reconnaitra le statut de travailleur handicapé.
Le 12 octobre 2017, suite à une visite médicale de reprise, le médecin du travail déclarait M. [V] [Z] 'inapte en un seul examen. Après étude de poste et des conditions de travail dans l'entreprise et échanges avec l'employeur le 3 juillet 2017 et ce jour : inapte reprise à son poste tel qu'il existe actuellement. Reclassement envisagé à des tâches ne nécessitant pas de manutention lourde et répétitive ni de postures défavorables au rachis (inclinaison, rotation)'.
Par lettre du 13 novembre 2017, M. [V] [Z] était convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé le 23 novembre 2017.
Par lettre du 29 novembre 2017, il était licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, le 30 juillet 2018, M. [V] [Z] saisissait le conseil de prud'hommes d'Avignon afin de se voir allouer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et préjudice moral.
Par jugement contradictoire du 03 juin 2020, le conseil de prud'hommes d'Avignon a :
- dit que le licenciement de M. [V] [Z] en date du 29 novembre 2017 est intervenu pour une cause réelle et sérieuse,
- débouté M. [V] [Z] de l'ensemble de ses demandes au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- dit que chaque partie supportera ses propres frais et dépens,
- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par acte du 01 juillet 2020, M. [V] [Z] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance en date du 16 août 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 02 novembre 2022à 16 heures. L'affaire a été fixée à l'audience du 15 novembre 2022 à 14 heures.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 27 septembre 2022, M. [V] [Z] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes d'Avignon du 3 juin 2020,
Statuant à nouveau,
- dire et juger le licenciement dont il a fait l'objet sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la société coopérative Biocoop, prise en la personne de son représentant légal en exercice, d'avoir à lui payer à titre de :
* dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 24 000 euros,
* dommages et intérêts pour préjudice moral : 15 000 euros,
- ordonner la communication sous astreinte de 100 euros par jour de retard, l'avis des délégués du personnel sur son licenciement,
- dire et juger que ces sommes produiront intérêts à compter de la demande en justice,
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- constater que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élève à la somme de 2000 euros,
- débouter la société coopérative Biocoop de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- ordonner à la société coopérative Biocoop la rectification du certificat de travail sous astreinte de 100 euros par jour de retard faisant état de la date d'ancienneté au 21 août 2013,
- ordonner la communication de la lettre de la société coopérative Biocoop en réponse au médecin du travail du 9 mai 2016 sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
- condamner la société coopérative Biocoop, prise en la personne de son représentant légal en exercice, d'avoir à régler, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :
* une somme de 2000 euros pour frais irrépétibles en première instance,
* une somme de 2000 euros pour frais irrépétibles en cause d'appel,
- la condamner en tous les dépens.
M. [V] [Z] soutient que :
- la consultation des délégués du personnel, son compte-rendu et l'avis rendu sont irréguliers, faute pour l'employeur de justifier de la réalité de la consultation de l'ensemble des délégués, et de leur avoir fournis, avant qu'ils ne rendent leur avis, l'intégralité des informations dont ils devaient disposer, ainsi le compte-rendu mentionne qu'il était en arrêt de travail pour maladie alors qu'il s'agissait d'un accident du travail,
- son inaptitude est due au comportement fautif de son employeur, le tribunal judiciaire d'Avignon le 30 juin 2021 puis la cour d'appel de Nîmes le 20 septembre 2022 ont retenu l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur,
- par suite, le licenciement doit être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- il a été victime de deux accidents du travail les 15 mai 2015 et 15 mars 2016, et les préconisations du médecin du travail dans les deux cas n'ont pas été respectées, et qu'il était épuisé en raison des quotas imposés par l'employeur,
- l'employeur ne justifie pas du sérieux de sa recherche de postes de reclassement, en interne comme en externe, et notamment ne donne aucun élément sur le périmètre de sa recherche alors que BIOCOOP est le premier réseau de magasins bio en France avec notamment 4 plate-formes logistiques et une société de transport,
- sa formation initiale ( DEUG en droit ) et le fait qu'il devait suivre une formation en informatique de 114 heures en mars 2017, outre le fait qu'il soit titulaire du CACES, démontrent qu'il pouvait occuper un poste exempt de port de charges et d'efforts au niveau lombaire,
- il a sollicité d'occuper des postes de gestionnaire de stock et d'entretien ou d'agent d'expédition, compatibles avec son état de santé, lesquels lui ont été refusés,
- son employeur a exercé une forme de pression en le faisant contrôler à trois reprises pendant son arrêt de travail, puis une expertise médicale qui a conclu à une reprise sur un poste aménagé,
- les postes disponibles visés dans la lettre de licenciement ne lui ont jamais été proposés,
- sa demande indemnitaire au titre de son préjudice moral, sur laquelle le conseil de prud'hommes n'a pas statué, est fondée en raison des justificatifs médicaux qu'il dit verser aux débats,
- son certificat de travail doit être rectifié, puisqu'il indique un début d'activité le 24 octobre 2013 alors qu'il s'agissait du 21 août 2013.
En l'état de ses dernières écritures en date du 21 octobre 2022 , la SA coopérative Biocoop demande à la cour de :
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Avignon du 3 juin 2020 dans toutes ses dispositions,
- débouter M. [V] [Z] de l'ensemble de ses demandes,
- le condamner aux entier dépens.
Elle fait valoir que :
- la consultation puis la rédaction du compte-rendu de la réunion des délégués du personnel sont réguliers, qu'elle n'avait pas à convoquer M. [V] [Z], et que tous les documents nécessaires ont été fournis aux délégués qui auraient refusé de donner un avis dans le cas contraire, qu'au surplus le compte-rendu reprend expressément la mention de l'accident du travail à l'origine de l'inaptitude,
- le premier accident de mai 2015 est sans lien avec le second,
- elle ne peut être tenue pour responsable concernant le port des verres correcteurs et qu'elle a fait dispenser à M. [V] [Z] une formation concernant les gestes et postures en décembre 2015,
- M. [V] [Z] tente de jeter le discrédit sur elle en procédant par de fausses affirmations, que ce soit sur les conditions de travail ou les modalités de rémunération des heures supplémentaires,
- elle a mis en place des conditions de travail prenant en compte la nécessité de préserver les risques pour les pathologies du dos, zone la plus souvent touchée chez les manutentionnaires,
- l'ensemble des magasins BIOCOOP qui sont des magasins indépendants doivent être exclus du périmètre de recherche d'un poste de reclassement, qu'elle s'est en revanche rapprochée de toutes les plate-formes et des sociétés Biocoop Transports et Biocoop Restauration sans succès, de même qu'elle s'est malgré tout rapprochée des magasins à enseigne Biocoop et de son groupement de producteur,
- son obligation de reclassement est une obligation de moyen et non de résultat,
- M. [V] [Z] ne disposait ni des connaissances ni des compétences pour occuper les postes qu'il revendique, l'obligation de formation incombant dans ce cadre à l'employeur devant se limiter aux formations simples et de courte durée,
- à titre subsidiaire, l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse demandée est de presque 14 mois de salaire alors qu'il disposait d'une ancienneté de 4 ans, ce qui fixe cette indemnité à une somme représentant 3 à 5 mois de salaire,
- la demande de dommages et intérêts qui vise un préjudice né de son accident de travail est de la seule compétence du Pôle social du tribunal judiciaire,
- subsidiairement, il ne justifie pas de la réalité d'un préjudice à hauteur des 15.000 euros qu'il réclame,
- le certificat de travail est régulier, le contrat de travail à durée indéterminée n'ayant débuté qu'à la date mentionnée, la période précédente concernant du travail en qualité d'intérimaire.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS
A titre liminaire, la cour considère qu'elle est en capacité de statuer dans le présent litige à partir des pièces que les parties ont produit aux débats et qu'il n'est pas nécessaire d'ordonner les communications de pièces sollicitées par M. [V] [Z].
M. [V] [Z] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier en date du 29 novembre 2017 rédigé dans les termes suivants :
' Monsieur,
Nous faisons suite à notre entretien du 23 novembre 2017 auquel vous avez été régulièrement convoqué par courrier avec AR en date du 13/11/2017. Vous avez été assisté par M. [Y] [C], salairé de Biocoop et avez été reçu par Monsieur L. [O] directeur de la Plate-forme et par Monsieur [R] [P] responsable des Ressources Humaines.
Nous rappelons que vous avez été embauché par contrat de travail à durée indéterminée le 24 octobre 2013, en qualité de 'préparateur de commande' au service Sec, employé niveau 2, échelon 2.
A la suite de votre absence du 4 avril 2016 au 29 novembre 2017, due à un arrêt pour accident du travail survenu le 15 mars 2016, vous avez été examiné par le médecin du travail, le docteur [M] [T], dans le cadre de la visite réglementaire de reprise ( article R 4624-31 du code du travail).
Lors de cette visite de reprise datée du 12 octobre 2017, le médecin du travail a émis un avis dans les termes suivants : Après étude de poste et des conditions de travail dans l'entreprise et échanges avec l'employeur le 3 juillet 2017 : inapte reprise à son poste tel qu'il existe actuellement. Reclassement envisagé à des tâches ne nécessitant pas de manutention lourde et répétitive ni de postures défavorables au rachi (inclinaison, rotation)'.
Conformément aux propositions et recommandations du médecin du travail et après avis des délégués du personnel comme le prévoit l'article L 1226-10 du code du travail, nous avons mis en oeuvre notre obligation de recherches d 'un poste de reclassement, conforme aux préconisations énoncées dans l'avis de notre médecin du travail, et compatible avec votre état de santé et vos capacités personnelles.
Les plateformes et filiales du Groupe BIOCOOP ont été ainsi sollicitées afin de rechercher un poste de reclassement parmi les emplois disponibles, au regard d'une part des conclusions formulées dans l'avis du médecin du travail et, d'autre part, au regard de vos capacités et de vos compétences.
Suite à cette recherche, les postes suivants (y compris en CDD) ont été identifiés ( par entité):
1) Sur le site de [Localité 8] ( siège) :
a. Chargé de concepts - agent de maîtrise Niveau 5-CDI
2) Sur le site de [Localité 9] :
a. Chef d'équipe d'expédition - agent de maîtrise Niveau 5-CDI
b. Préparateur de commandes - employé Niveau 2 -CDI
3) Sur le site de [Localité 10] :
a. Agréeur Fruits et légumes - Technicien supérieur Niveau 6-CDD
b. Préparateur de commandes - employé Niveau 2 -CDI
c. Agent de quai - employé Niveau 3 -CDI
4) Sur le site de [Localité 7] :
a. Agréeur adjoint Fruits et légumes - employé Niveau 3 -CDI
b. Agent de réception nuit - employé Niveau 2 -CDI
c. Agent de quai - employé Niveau 3 -CDI
d. Acheteur épicerie situé à [Localité 5] - cadre Niveau 8 -CDI
e. Technicien qualité situé à [Localité 5]
5) Sur le site de [Localité 11] :
a. Chef d'équipe ( secteur expédition ) - agent de maîtrise Niveau 6-CDI
b. Préparateur de commandes ( secteur produits frais ) - employé Niveau 2 -CDI
c. Assistant transport - employé Niveau 3 -CDI
6) Sur la STB :
a. Chauffeur super lourd sur le site de [Localité 9]
b. Assistant transport sur le site de [Localité 11] -CDI
7) Groupements de producteurs : les groupements de coopérateurs nous ont informé qu'ils n'avaient pas de poste disponible à pourvoir.
Les postes disponibles étant soient incompatibles avec votre état de santé compte tenu des restrictions médicales précisées par l'avis médical, soit éloignées de cos compétence professionnelles ( aucune formation complémentaire à ce jour ne permettrait de répondre à court ou moyen terme aux exigences de ces postes ), aucun de ces postes ne pouvait vous être proposé pour reclassement.
Par ailleurs, les préconisations du médecin du travail impliquent qu'un reclassement n'est possible que pour l'exercice de tâches ne nécessitant pas de manutention lourde et répétitives ni des postures défavorables au rachi et pas d'inclinaison ni de rotation.
Actuellement aucun aménagement de poste pour répondre aux contre-indications du médecin du travail n'est possible. En effet, les préparations de commandes à destination des magasins ne peuvent faire l'objet d'une ventilation par poids de colis pour vous éviter de porter des colis trop lourds. Les bons de préparation étant générés informatiquement par magasin, vous risqueriez de porter des colis allant jusqu'à 25 kg de manière répétée, ce qui serait contraire aux préconisations de votre avis d'inaptitude.
De plus, aucun aménagement de votre temps de travail au sein de notre entreprise ne saurait répondre aux contraintes imposées par l'avis d'inaptitude. En effet, quel que soit l'aménagement du poste de travail, l'activité de préparation de commandes nécessite une manutention répétée de charges des inclinaisons et des rotations du corps.
Aussi, ne disposant d'aucun emploi disponible dans l'entreprise et dans le Groupe Biocoop nous sommes dans l'impossibilité de vous reclasser.
Compte tenu de cette impossibilité de reclassement, nous sommes dans l'obligation de vous notifier votre licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle.
Nous vous précisons que votre contrat de travail prend fin à la date d'envoi de cette lettre, soit le 29 novembre 2017.
De ce fait, vous n'effectuerez pas votre préavis mais vous percevrez une indemnité compensatrice d'un montant égal à l'indemnité compensatrice de préavis de droit commun, ainsi que l'indemnité de licenciement.
Nous vous rappelons qu'à compter de la rupture de votre contrat de travail, vous pourrez conserver le bénéfice des régimes de prévoyance et de mutuelle en vigueur au sein de notre entreprise. Cette possibilité vous est offerte dans les conditions légales en vigueur.
Vos indemnités et les sommes vous restant dues vous seront adressées par courrier ainsi que les documents obligatoires ( bulletins de salaire, certificat de travail, reçu pour solde de tout compte, attestation Pôle emploi).
Nous vous prions de croire, Monsieur, en l'assurance de notre considération distinguée.'
Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l'espèce, il ressort des termes de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, que le licenciement de M. [V] [Z] a été prononcé pour inaptitude d'origine professionnelle et impossibilité de reclassement.
* respect de la procédure de licenciement
L'article L 1226-10 du code du travail dispose que lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
Pour l'application du présent article, le groupe est défini, lorsque le siège social de l'entreprise dominante est situé sur le territoire français, conformément au I de l'article L. 2331-1 et, dans le cas contraire, comme constitué par l'ensemble des entreprises implantées sur le territoire français.
L'article L. 1226-15 du code du travail dispose quant à lui que le licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L 126-12 donne droit au salarié à une indemnité dont le montant est fixé conformément aux dispositions de l'article L 1235-3-1 du code du travail laquelle ne peut être inférieure à six mois de salaires.
Si l''article L. 1226-10 du code du travail n'impose aucune forme particulière pour recueillir l'avis des délégués du personnel, l'employeur est tenu cependant de fournir aux délégués du personnel toutes les informations nécessaires quant au reclassement du salarié, pour leur permettre de fournir un avis en toute connaissance de cause ; à défaut, la consultation des délégués du personnel est irrégulière et justifie la condamnation de l'employeur au paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 1226-15 du code du travail.
L'employeur n'est pas tenu de fournir ces informations préalablement à la réunion des délégués du personnel.
Les juges du fond apprécient souverainement si la consultation des délégués du personnel a eu lieu et si ces derniers ont disposé d'éléments suffisants pour donner un avis en toute connaissance de cause.
En l'espèce, il ressort du compte-rendu de réunion extraordinaire des délégués du personnel, auquel est joint une feuille de présence, que la consultation de ces derniers s'est tenue le 8 novembre 2017, 7 délégués étaient présents, 2 ayant donné un avis par courriel et trois absents, que ceux-ci ont été parfaitement informés, préalablement à la réunion et lors de la réunion, de la situation de M. [V] [Z] puisqu'il est mentionné que l'inaptitude résulte d'un accident du travail, les dates auxquelles il a été placé en arrêt de travail, les termes de l'avis d'inaptitude, les démarches en vue de rechercher un reclassement, les questions posées par les délégués du personnel et leur avis.
Contrairement à ce que soutient M. [V] [Z], il n'avait pas à être convoqué à cette consultation, et rien de s'oppose au fait que le compte-rendu ait été rédigé par l'employeur.
S'agissant de l'interprétation de la mention concernant l'avis donné par ceux qui se sont prononcés par courriel ' ok par mail', la lecture du compte-rendu établit que l'employeur a informé au terme de la réunion l'impossibilité de procéder au reclassement, la réponse ainsi apportée vient valider cette conclusion. Au demeurant cette interprétation est sans incidence sur la régularité de la consultation puisque l'employeur a uniquement l'obligation de recueillir l'avis des délégués du personnel, et non de prendre une décision conforme à cet avis.
En conséquence, les délégués du personnel ont été consultés en ayant disposé d'éléments suffisants pour rendre leur décision en toute connaissance de cause, les prescriptions de l'article L 1226-10 du code du travail sur ce point ont été respectées et c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté M. [V] [Z] de la demande indemnitaire présentée de ce chef.
* existence d'une cause réelle et sérieuse
Le licenciement pour inaptitude physique est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.
Il est constant que par arrêt définitif en date du 20 septembre 2022, la présente cour a confirmé le jugement rendu le 30 juin 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon qui a dit que l'accident du travail dont a été victime M. [V] [Z] le 15 mars 2016 avait pour origine la faute inexcusable de l'employeur, la SA coopérative Biocoop. Cette décision, conformément à l'article 1355 du code civil, constitue une présomption légale et suffit à établir le manquement de l'employeur.
Il n'est par ailleurs pas contesté que suite à cet accident de travail du 15 mars 2016, M. [V] [Z] a été placé en arrêt de travail jusqu'au 12 octobre 2017, jour de la visite de reprise au terme de laquelle le médecin du travail le déclarait inapte.
Par suite, le licenciement pour inaptitude physique prononcé à l'encontre de M. [V] [Z] doit être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse sans qu'il soit nécessaire de rechercher si l'employeur a ou non respecté son obligation de reclassement.
La décision déférée sera infirmée en ce sens.
* conséquences indemnitaires du licenciement sans cause réelle et sérieuse
L'article L1235-3 du code du travail dispose, dans sa version applicable du 24 septembre 2017 au 1er avril 2018, que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieur aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice le cas échéant de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L 1234-9.
M. [V] [Z] présentait à la date de son licenciement une ancienneté dans l'entreprise d'un peu plus de quatre années. Force est de constater qu'il ne produit aucun élément qui justifierait de lui allouer une indemnité supérieure à une somme équivalente à 6 mois de salaires, soit 12.000 euros.
S'agissant de la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, qui est fondée sur les conséquences de l'accident du travail ( dépression, affection longue durée et soins de kinésithérapie ), elle sera rejetée puisque les conséquences physiques et morales de l'accident du travail à l'origine de son inaptitude sont indemnisées par la Caisse Primaire d'assurance maladie et dans le cadre de l'instance relative à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.
* demande relative à la rectification du certificat de travail
M. [V] [Z] sollicite que son certificat de travail mentionne la date du 21 août 2013 comme date d'entrée dans la société.
Ceci étant, le contrat de travail a été conclu le 24 octobre 2013, M. [V] [Z] étant intervenu au préalable en qualité d'intérimaire, dans le cadre de contrat de mission.
En conséquence c'est à juste titre que les premiers juges l'ont débouté de cette demande et leur décision sera confirmée sur ce point.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Infirme le jugement rendu le 3 juin 2020 par le conseil de prud'hommes d'Avignon sauf en ce qu'il a débouté M. [V] [Z] de sa demande de rectification de son contrat de travail,
Et statuant à nouveau,
Déboute M. [V] [Z] de ses demandes de communication de pièces,
Juge que le licenciement notifié à M. [V] [Z] par la SA coopérative Biocoop selon courrier du 29 novembre 2017 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne la SA coopérative Biocoop à verser à M. [V] [Z] les sommes de :
- 12.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ,
- 800 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et 800 euros au titre de la procédure d'appel,
Déboute M. [V] [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,
Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, que s'agissant des créances salariales à venir au moment de la demande, les intérêts moratoires courent à compter de chaque échéance devenue exigible, et qu'ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire, à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne la SA coopérative Biocoop aux dépens de la procédure d'appel.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,