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14/02/2023 | FRANCE | N°19/02432

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ta, 14 février 2023, 19/02432


ARRÊT N°

CHAMBRE SOCIALE



R.G. : N° RG 19/02432 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HMOQ



EM/DO



TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE MARSEILLE

01 octobre 2015



S/RENVOI CASSATION



RG:21302909









[K]



C/



S.A.S. [11]





















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 14 FEVRIER 2023







APPELANT :

r>
Monsieur [X] [K]

né le 29 Avril 1946 à Royaume Uni

[Adresse 3]

[Localité 7]



représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, avocat au barreau de NIMES,

représenté par Me Sébastien RODRIGUEZ de la SELARL ALMENIDE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS





INTIMÉE :



SAS [11]
...

ARRÊT N°

CHAMBRE SOCIALE

R.G. : N° RG 19/02432 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HMOQ

EM/DO

TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE MARSEILLE

01 octobre 2015

S/RENVOI CASSATION

RG:21302909

[K]

C/

S.A.S. [11]

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 14 FEVRIER 2023

APPELANT :

Monsieur [X] [K]

né le 29 Avril 1946 à Royaume Uni

[Adresse 3]

[Localité 7]

représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, avocat au barreau de NIMES,

représenté par Me Sébastien RODRIGUEZ de la SELARL ALMENIDE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

SAS [11]

[Adresse 12]

[Localité 1]

représentée par Me Jean-michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, avocat au barreau de NIMES,

représentée par Me Myrtille LAPUELLE du LLP CABINET EVERSHEDS SUTHERLAND, avocat au barreau de PARIS

Compagnie d'assurance [10]

[Adresse 4]

[Localité 5]

non comparante, non représentée

Monsieur LE MINISTRE CHARGE DE LA SECURITE SOCIALE

[Adresse 2]

[Localité 6]

non comparant, non représenté

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président,

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère,

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 Décembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 14 Février 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 14 Février 2023, sur renvoi de la Cour de Cassation, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

M. [X] [K] a été embauché, en qualité de Directeur de projets par la société [8], devenue la société [9] puis la Sas [11], du 04 janvier 1989 au29 novembre 2010, date à laquelle il a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

M. [X] [K] a exercé ses fonctions à l'étranger, aux Pays-Bas et au Royaume Uni entre 1993 et 2005 puis entre 2007 et 2009 aux Pays Bas, et en Chine à compter du 1er septembre 2009 jusqu'au 31 janvier 2010.

M. [X] [K] a procédé à la liquidation de sa pension de retraite de base avec effet au 1er novembre 2011.

M. [X] [K] avait saisi le conseil des Prud'hommes de Martigues aux fins de:

- constater que certains éléments de rémunération servis au cours de la période de travail à l'étranger n'avaient pas été assujettis aux cotisations de retraite

complémentaire,

- constater le préjudice en découlant pour lui,

-condamner la société à régulariser la situation auprès des caisses de retraite complémentaire, ou à défaut, de compenser le préjudice subi du fait du défaut de cotisations aux caisses de retraite complémentaire.

Par arrêt du 27 septembre 2012, la cour d'appel d'Aix en Provence a confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Martigues du 11 janvier 2012 en ce qu'il s'est déclaré incompétent en raison de la matière au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône pour statuer sur un litige portant sur l'intégration dans le périmètre de l'assiette des cotisations de retraite complémentaire d'éléments de rémunération liés à son activité professionnelle accomplie à l'étranger.

Sur saisine de M. [X] [K], le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône, suivant jugement du 1er octobre 2015, a :

- rejeté la fin de non-recevoir pour prescription extinctive quinquennale opposée par la Sas [11] à M. [X] [K],

-débouté M. [X] [K] de ses prétentions, fins et moyens liés à l'assujettissement aux cotisations de retraite complémentaire de certains éléments de rémunération perçus au cours de sa période de mobilité européenne de juin 1996 à décembre 2004,

- débouté les parties de l'ensemble de leurs prétentions plus amples ou contraires,

- dit que la décision est opposable à la Caisse de prévoyance des Industries métallurgiques, mécaniques, électriques et connexes dites Capimmec,

- dit n'y avoir lieu à statuer sur les frais et dépens dans le cadre de la présente situation en litige,

-dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant sur l'appel interjeté par M. [X] [K], la cour d'appel d'Aix en Provence, suivant un arrêt du 31 août 2017, a :

-infirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône du 1er octobre 2015,

- dit que l'action de M. [X] [K] engagée le 14 juin 2010 était éteinte par la prescription quinquennale,

- déclaré irrecevables les demandes de M. [X] [K],

-l'a dispensé de payer le droit prévu à l'article R144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale,

- condamné M. [X] [K] à payer à la Sas [11] la

somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant sur le pourvoi formé par M. [X] [K], la Cour de cassation, dans un arrêt du 03 avril 2019, a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 31 août 2017 entre les parties par la cour d'appel d'Aix en Provence, a remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et les a renvoyées devant la cour d'appel de céans, au motif que :

«pour dire l'action éteinte par la prescription quinquennale et déclarer irrecevables les demandes du salarié, l'arrêt retient que la demande doit être analysée au regard des textes relatifs au contentieux du paiement des cotisations sociales en général, et des cotisations de retraite complémentaire en particulier, que par application des articles 2277 du code civil et L143-14du code du travail applicables avant la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile (actuellement les articles 2224 du code civil

et L3243-1 du code du travail), le droit d'un salarié au paiement de salaires étant éteint du fait de la prescription extinctive de cinq ans, une action relevant du contentieux du paiement des cotisations de retraite assises sur ces salaires est nécessairement prescrite pour la même période;

qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que devant le tribunal, puis devant elle, le salarié avait soutenu que le manquement de l'employeur à son obligation de verser des cotisations de retraite complémentaire sur tous les éléments de rémunération et avantages en nature lui avait occasionné un préjudice quant au montant de sa retraite par l'effet d'un manque de points, que la faute de l'employeur aurait été commise pendant toute la période de 1989 à2010 au cours de laquelle il était rémunéré pour ses activités à l'étranger en minimisant l'assiette des cotisations sociales, que pour parvenir à l'évaluation de son dommage le salarié avait procédé à la réintégration dans l'assiette des cotisations de retraite complémentaire, année par année, des éléments de rémunération payés par l'employeur et non compris dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale, ce dont elle aurait dû déduire que cette demande qui ne concernait pas des cotisations afférentes à des salaires non versés mais portait sur la contestation de l'assiette des cotisations retenue par l'employeur sur les salaires versés était, pour la période antérieur à l'entrée en vigueur de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, soumise à la prescription trentenaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés».

Suivant arrêt du 10 novembre 2020, la cour d'appel de céans, constatant que l'institution [10] et le Ministre chargé de la sécurité sociale, parties à l'instance en cassation, n'étaient pas présents ni représentés à l'audience, a ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience du 19 janvier 2021 pour qu'il soit procédé conformément aux dispositions de l'article1036 du code de procédure civile.

Suivant arrêt du 30 mars 2021, la cour d'appel de céans a :

- dit que l'action engagée par M. [X] [K] n'est pas prescrite,

- rejeté l'exception de prescription soulevée par la Sas [11],

Avant dire droit,

- ordonné une expertise comptable confiée à M. [B] [L], expert inscrit auprès de la cour d'appel de Montpellier, qui pourra s'adjoindre tout sachant,

avec la mission suivante:

-prendre connaissance de tous documents utiles à la solution du litige et notamment des pièces suivantes:

* les contrats de travail et avenants aux contrats de travail signés entre les parties pour la période comprise entre1993 et 2004,

* les bulletins de salaire de M. [X] [K] des 31 décembre 1993,1994, 1995, 1996, 1997, 1998, 1999, 2000, 2001, 2002, 2003 et 2004,

* les décomptes de points du régime de retraite de cadres établis par la CAPIMMEC-AGIRC pour les exercices de 1993 à 2004,

* les déclarations annuelles des salaires de M. [X] [K] effectuées chaque année depuis 1993 auprès de la Capimmec-Agirc,

- déterminer les éléments d'appréciation des différents préjudices subis par M. [X] [K], compte tenu, d'une part, du montant de la retraite complémentaire qui lui aurait été servie si l'assiette des cotisations avait été déterminée comme mentionnée ci-dessus, en fonction du nombre de points qu'il aurait acquis jusqu'à la liquidation de sa retraite intervenue le 1er novembre 2011 et de la valeur de ces points au jour de cette liquidation, d'autre part, de son espérance de vie.

L'expert a rédigé son rapport le 23 septembre 2021 et l'a déposé à la cour.

Suivant arrêt du 15 février 2022, la cour d'appel de céans a :

Vu le rapport d'expertise de M. [B] [L] en date du 23 septembre 2021,

- ordonné un complément d'expertise confiée à M. [B] [L], avec pour mission de :

- procéder à une nouvelle évaluation du nombre de points de retraite manquants au préjudice de M. [X] [K], en tenant compte de l'évolution du taux de cotisations Agirc des tranches B et C: 10% en 1994, 12% en 1995, 13% en 1996, 14% en 1997 et 15% en 1998 et 16% pour les années postérieures, et procéder à une vérification du nombre de points manquants pour l'année 2004,

- procéder à une nouvelle évaluation du préjudice financier annuel subi par M. [X] [K] en tenant compte d'une majoration pour enfants à charge selon le régime Agirc, à un taux de 8% du total des points compte tenu de la situation familiales de M. [X] [K], trois enfants nés ou élevés, et en prenant compte, si nécessaire, en fonction des dispositions légales et réglementaires applicables, un plafonnement pour la période concernée,

-réintégrer dans le préjudice financier subi par M. [X] [K] les avantages financiers qu'il a pu tirer de son activité à l'étranger sur l'intégralité de la période, à défaut pour celui-ci d'avoir justifié le remboursement effectifde ces avantages à la Sas [11],

-réévaluer le montant de l'incidence fiscale en fonction des nouveaux calculs précédents et en tenant compte des observations et critiques formulées par M. [X] [K] s'agissant du déplafonnement de l'abattement forfaitaire à 3 850 euros,

Dit que la Sas [11] devra consigner au greffe de la cour la somme de 1 500 euros à valoir sur la rémunération de l'expert dans un délai de un mois à compter du prononcé de la décision,

Dit que cette somme devra être versée au régisseur d'avances et de recettes de la cour d 'appel de Nîmes,

Sursis à statuer sur les prétentions des parties relatives au montant du préjudice subi par M. [X] [K], sur l'application d'intérêts de retard et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Réservé les dépens.

L'expert a adressé le rapport complémentaire le 26 septembre 2022.

L'affaire a été appelée à l'audience du 06 décembre 2022 à laquelle elle a été retenue.

Suivant conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l'audience, M. [X] [K] demande à la cour de :

Statuant sur son appel, à l'encontre de la décision rendue le 1er octobre 2015 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Marseille,

Le déclarant recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle :

* l'a débouté de ses prétentions, fins et moyens liés à l'assujettissement aux cotisations de retraite complémentaire de certains éléments de rémunération perçus au cours de sa période de mobilité européenne de juillet 1993 à décembre 2004 ;

* a débouté les parties de l'ensemble de leurs prétentions plus amples ou contraires,

Statuant à nouveau,

- débouter la SAS [11], de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires et de tout appel incident,

- dire et juger que les éléments de rémunération liés à sa mobilité auraient dû être assujettis aux cotisations de retraite complémentaire,

- en conséquence, constater qu'il a subi un préjudice du fait de la soustraction frauduleuse de ces éléments de rémunération de la base de calcul des cotisations de retraite complémentaire,

En conséquence :

- condamner la société [11] à verser une indemnité d'un montant de 819 755 euros afin de compenser son préjudice subi du fait du défaut de cotisations aux caisses de retraite complémentaire et son préjudice fiscal,

- condamner la SAS [11] à lui payer, la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.

- dire et juger que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'homme de Martigues soit le 09 juin 2010, ou subsidiairement, dire et juger que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la date de son départ en retraite, le 1er mai 2011,

- dire et juger que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la date de départ en retraite soit le 1er mai 2011.

Il soutient que :

- le fait de minorer la base de calcul des cotisations de retraite complémentaire a entraîné inéluctablement la diminution du montant de la pension versée au titre de la retraite complémentaire et lui a causé un préjudice qui s'obtient en réintégrant dans l'assiette des cotisations de retraite complémentaire, année par année, le montant des divers éléments de rémunération frauduleusement soustraits, ce qui permet de déterminer le nombre de points de retraite complémentaire qui auraient été acquis si la Sas [11] avait correctement assujetti ces éléments de rémunération, que comme l'a calculé l'expert judiciaire, la réintégration des éléments de rémunération liés à sa mobilité dans l'assiette de calcul des cotisations de retraite complémentaire ouvrirait droit à 39 190 points lesquels auraient augmenté le montant de sa pension de retraite de 18 248 euros par année de versement de la pension, que l'expert a réalisé une étude actuarielle qui permet de procéder à une évaluation réflétant la réalité du préjudice qu'il a subi et que ce calcul confirme en de nombreux points celui qu'il a présenté à la cour, que son préjudice correspond au résultat du calcul actuariel déterminant le montant du capital équivalent au versement à vie de la fraction de retraite complémentaire, qu'en près de dix ans de procédure, la [11] n'a pas fourni de calcul de préjudice fiable,

- son préjudice a été aggravé par l'incidence fiscale dans la mesure où le capital que la Sas [11] devra lui verser au titre de la réparation de son préjudice sera soumis à l'impôt sur le revenu, alors qu'au moment où il a liquidé sa retraite, cette imposition n'existait pas, qu'il subira donc un préjudice complémentaire équivalent à l'application du taux marginal de l'impôt sur le revenu au versement qu'il recevra de la société, que la jurisprudence de la Cour de cassation prévoit le principe d'une réparation intégrale du préjudice qui oblige parfois à inclure l'impôt, qu'il ne sollicite pas le remboursement de l'impôt sur le revenu dû sur ses pensions de retraite, mais la prise en compte de l'imposition supplémentaire que le versement tardif des pensions en capital va générer,

- il aurait dû percevoir sa pension dès 2011 et qu'il est en droit de solliciter des intérêts de retard au taux légal, soit à compter du jour de la saisine initiale du conseil de prud'hommes de Martigues, le 09 juin 2010, soit à compter de la date à laquelle il a liquidé sa retraite à taux plein, le 1er mai 2011.

Suivant conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l'audience, la Sas [11] demande à la cour de :

A titre principal,

- débouter M. [X] [K] de ses demandes en l'absence de calculs conformes à la décision de la cour du 15 février 2022,

A titre subsidiaire,

- limiter le quantum des condamnations à la somme de 346 556 euros,

En conséquence,

- débouter M. [X] [K] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [X] [K] à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle fait valoir que :

- le constat de l'absence de toute faute de sa part a été clairement fait par les différents organismes sociaux, l'Urssaf qui n'a formulé aucune observations sur les points relevés par le salarié concernant l'assiette des cotisations de retraite complémentaire à l'occasion d'un contrôle et l'Agirc qui a indiqué à M. [X] [K] que le fait qu'un accord contractuel avec son employeur ait abouti à une réduction de l'assiette des cotisations de sécurité sociale n'est pas de son ressort, que ces positions ont une portée juridique à l'égard des parties,

- les conditions matérielles dans lesquelles les salariés exerçaient leur mobilité au sein du groupe étaient clairement définies : le salarié en mission doit bénéficier des mêmes avantages que le salarié qui n'est pas en mission à l'étranger, que l'esprit 'indemnitaire' de la politique de mobilité ressort parfaitement des pièces produites par M. [X] [K], qu'il s'agisse de la prise en charge du logement laquelle varie selon la région dans laquelle est situé le logement, du bénéfice de l'indemnité de vie chère et se retrouve en ce qui concerne les relations entretenues avec les organismes fiscaux et sociaux, que faute d'accord contraire exprès entre les parties, M. [X] [K] ne pouvait prétendre à aucun avantage supplémentaire que ceux dont il bénéficiait alors qu'il était en poste sur le territoire français,

- c'est en vain que M. [X] [K] prétend que la politique de la société ne saurait lui-même être appliquée ou qu'elle lui est inopposable,

- si la cour devait considérer que M. [X] [K] était bien travailleur détaché et qu'à ce titre l'ensemble de ses rémunérations devaient entrer dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale, et de retraite complémentaire, il lui faudra se prononcer sur la véritable nature des sommes dont le non-assujettissement à cotisations a prétendument causé un préjudice à M. [X] [K], et dire notamment si les primes liées à l'expatriation constituaient une rémunération au sens de l'article L242-1 du code de la sécurité sociale,

- ne constitue pas un avantage et notamment les sommes qui ont pour objet de compenser un préjudice spécialement subi par le salarié à raison ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ne sauraient entrer dans l'assiette de cotisations de sécurité sociale, que le salarié ne bénéficie d'aucun enrichissement par le travail, que cette solution de principe est unanimement et invariablement retenue par la doctrine comme par la Cour de cassation , que c'est également la solution adoptée par la doctrine fiscale et le Conseil d'Etat en matière d'impôt sur le revenu,

- il ne fait aucun doute qu'elle n'a jamais eu l'intention de verser à M. [X] [K] une rémunération au sens de l'article L242-1, qu'il aurait été à l'Urssaf à l'Agirc de prétendre que les versements litigieux allaient au-delà de ce qui était strictement nécessaire pour indemniser M. [X] [K], que si le salarié devait avoir une même prétention, il lui faudrait démontrer le principe et le montant de ces versements supérieurs à l'indemnisation, qu'il ne peut pas sérieusement prétendre que la mobilité internationale n'engendre pas de surcoûts qu'il s'agisse des dépenses fiscales supplémentaires ou des dépenses de la vie courante, qu'il y a donc bien une fraction des sommes litigieuses qui relève d'une indemnisation et qui est en tout état de cause exonérée de cotisations de sécurité sociale et de retraite complémentaire, qu'il ne distingue pas au sein de l'ensemble de ces sommes, la fraction qui représente un avantage au-delà de l'indemnisation, qu'il s'en déduit que M. [X] [K] ne démontre pas la faute qu'elle aurait commise en n'intégrant pas dans l'assiette de cotisations les éléments litigieux,

- à titre subsidiaire, le premier rapport d'expertise judiciaire comporte des erreurs de calcul concernant le taux de cotisation sur les tranches Agirc B et C, le calcul des points manquants sur la tranche C, la détermination de la majoration pour enfant,

- que dans son rapport définitif l'expert a supprimé l'avantage financier qu'il avait précédemment calculé du fait du non paiement par les salariés des cotisations sociales, que l'expert a mentionné sans fondement et aucune justification que les salariés avaient remboursé à la société tout avantage dû à leur expatriation, que cela est parfaitement faux et que l'expert devra réintégrer dans ses calculs l'avantage financier pour les salariés, que contrairement à la demande de la cour, l'expert ne le fait pas dans son rapport du 14 septembre 2022, que l'impact fiscal devra donc être réévalué en conséquence,

- M. [X] [K] aurait dû en tout état de cause supporter l'imposition fiscale de ses rémunérations de sorte que cette imposition n'a pas à être supportée par elle-même,

- si par extraordinaire la cour entrait en voie de condamnation, elle devra réduire le quantum à la somme de 346 556 euros.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens de parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

L'expert conclut dans son rapport complémentaire que le montant du préjudice de M. [X] [K] du fait des erreurs et omissions de son employeur durant sa période de travail à l'étranger s'élève en tenant compte de l'incidence fiscale à 819 755 euros, somme sollicitée par M. [X] [K], et reprend chacun des points qui avaient été soulevés dans l'arrêt du 15 février 2022 :

- s'agissant de l'évaluation du nombre de points de retraite manquants :

- dans son premier rapport, M. [B] [L] indique que durant la période de travail de M. [X] [K] à l'étranger, la société a cotisé au titre de la retraite tranche C sur des bases erronées et qu'il y a lieu de re-déterminer les bonnes assiettes et a établi à cette fin, un tableau dans lequel sont mentionnés les années de cotisations pour la période comprise entre1994 et 2008, le montant du salaire brut, la retenue pour impôt réduite à tort, les primes liées à l'expatriation, l'indemnité de vie chère, les impôts britannique et néerlandais pris en charge et l'assiette de cotisations corrigée à partir de laquelle il a calculé le nombre de points retraite manquants en se basant sur la formule de calcul suivante nombre de points = (salaire brut x 16%): salaire de référence ; pour les années 2005 à 2008, M. [B] [L] a reconstitué année par année le nombre de points manquants et est parvenu à un total de 39 190 points,

- dans son rapport complémentaire, l'expert précise qu'il n'y a pas lieu de modifier la base du taux sur la tranche C Agirc dans la mesure où 'il s'agissait là d'un taux minimum, le législateur laissant la possibilité à l'employeur d'opter pour un taux supérieur', ce que la Sas [11] a choisi de faire dans la mesure où il a relevé que depuis 1993 elle a opté pour un taux de 16%. A l'appui de ces affirmations, l'expert a joint en annexe (pièce1) un document 'décompte de points régime de retraite des cadres' émis par la Capimmec concernant M. [X] [K] pour l'exercice 1993 qui confirme que ce taux était bien appliqué dès cette date par la société;

- s'agissant de la majoration pour enfants à charge selon le régime Agirc:

- l'expert mentionne que pour le régime Agirc la majoration pour enfants nés ou élevés est de 8% pour les points obtenus jusqu'en 2011 et de 10% pour ceux obtenus à compter de 2012 et qu'il existait un plafond annuel d'un montant de 2113,22 euros depuis le 1er novembre 2021. Il conclut que le nombre de points retraite Agirc tranche C manquants pour la période de 1994 à 2008 après correction du nombre de points évalués dans le premier rapport pour l'année 2004 s'élève à 36 320 et que suite aux observations du conseil du salarié, selon lesquelles M. [X] [K] s'est vu attribuer 2 807 points tranche B au lieu de 87 5523 euros X16%/4,2158 soit 3323 euros correspondant à 516 points, de sorte qu'il manquait 39 706 points et que sur cette base en appliquant un taux de 8% , la majoration pour enfants s'élevait à 3176 points, soit un manque de points au total de 42 882 points ; l'expert a calculé le montant du préjudice subi avant incidence fiscale à la somme de 527 565 euros en tenant compte d'un départ à la retraite à taux plein en 2011 et une valeur de point à 0,4233 euros, et la table de survie utilisée (TGF05),

- s'agissant du mécanisme d'égalisation fiscale :

- si la cour d'appel avait relevé que M. [X] [K] n'avait pas justifié des remboursements des avantages financiers qu'il avait pu tirer de son activité à l'étranger, force est de constater que l'expert produit en annexe de son rapport d'expertise (pièce3) plusieurs documents établis par le cabinet HSD Ernst &Young que M. [X] [K] avait justifié du remboursement des différentiels d'impôt sur le revenu entre le montant payé à l'étranger et son correspondant français; l'expert a relevé que la société n'avait produit aucun document de nature à remettre en cause cette situation,

- s'agissant du plafonnement de l'abattement de 10% :

- l'expert indique qu'en 2021 l'abattement de 10% des pensions et retraites était plafonné à 3912 euros et a recalculé le montant d'IRPP supplémentaire pour parvenir à un montant de 58 290 euros sur une période de 29 ans.

Force est de constater que l'expert a répondu à tous les points qui avaient fait l'objet de critiques ou d'observations de la part tant de M. [X] [K] que de la société après le dépôt de son premier rapport d'expertise, et que la Sas [11] n'apporte pas d'autres éléments pertinents et objectifs de nature à remettre en cause sérieusement les calculs ainsi présentés par M. [B] [L] dans son rapport définitif.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône du 1er octobre 2015, de faire droit à la demande de M. [X] [K], de fixer le montant total de son préjudice résultant de l'absence de paiement des cotisations de retraite complémentaire en ce compris l'incidence fiscale à la somme de 819 755 euros et de condamner la Sas [11] à lui payer cette somme.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale et en dernier ressort ;

Infirme le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône du 1er octobre 2015,

Statuant sur les dispositions réformées et y ajoutant,

Fixe le préjudice subi par M. [X] [K] du fait du défaut de paiement par la Sas [11] des cotisations aux caisses de retraite complémentaire en ce compris son préjudice fiscal, à la somme de 819 755 euros,

Condamne la Sas [11] à payer à M. [X] [K] la somme de 819 755 euros,

Dit que cette somme portera intérêt au taux légal sur le capital, d'un montant de 527 565 euros, à compter du 11 mars 2013 correspondant à la date de saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône,

Condamne la Sas [11] à payer à M. [X] [K] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne la Sas [11] aux dépens de la procédure d'appel en ce compris les frais d'expertise.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ta
Numéro d'arrêt : 19/02432
Date de la décision : 14/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-14;19.02432 ?
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