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14/02/2023 | FRANCE | N°19/02426

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ta, 14 février 2023, 19/02426


ARRÊT N°

CHAMBRE SOCIALE



R.G. : N° RG 19/02426 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HMOA



EM/DO



TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE MARSEILLE

01 octobre 2015



S/RENVOI CASSATION



RG:21302911







[H]



C/



S.A.S. [11]





















COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 14 FEVRIER 2023







APPELANT :



Mo

nsieur [F] [H]

né le 14 Février 1950 à [Localité 9] (33)

[Adresse 4]

[Localité 5]



représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, avocat au barreau de NIMES,

représenté par Me Sébastien RODRIGUEZ de la SELARL ALMENIDE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS





INTIMÉE :



SAS...

ARRÊT N°

CHAMBRE SOCIALE

R.G. : N° RG 19/02426 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HMOA

EM/DO

TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE MARSEILLE

01 octobre 2015

S/RENVOI CASSATION

RG:21302911

[H]

C/

S.A.S. [11]

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 14 FEVRIER 2023

APPELANT :

Monsieur [F] [H]

né le 14 Février 1950 à [Localité 9] (33)

[Adresse 4]

[Localité 5]

représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, avocat au barreau de NIMES,

représenté par Me Sébastien RODRIGUEZ de la SELARL ALMENIDE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

SAS [11]

[Adresse 14]

[Localité 1]

représentée par Me Jean-michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, avocat au barreau de NIMES,

représentée par Me Myrtille LAPUELLE du LLP CABINET EVERSHEDS SUTHERLAND, avocat au barreau de PARIS

Compagnie d'assurance [13]

[Adresse 3]

[Localité 6]

non comparante, non représentée

Monsieur MINISTRE CHARGE DE LA SECURITE SOCIALE

[Adresse 2]

[Localité 7]

non comparant, non représenté

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président,

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère,

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 Décembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 14 Février 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 14 Février 2023, sur renvoi de la Cour de Cassation, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

M. [F] [H] a été embauché, en qualité de «manager-coûts-projets» par la société [8], devenue la société [12] puis la Sas [11], du 1er septembre 1989 au 27 février 2011, date à laquelle il a demandé un départ volontaire dans le cadre d'un plan de sauvegarde.

Entre juin 1996 et décembre 2004, M. [F] [H] a exercé ses fonctions à l'étranger aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, puis a repris ses fonctions en France le 1er janvier 2005.

M. [F] [H] a procédé à la liquidation de sa pension de retraite de base le 1er mars 2015.

M. [F] [H] avait saisi le conseil des Prud'hommes de Martigues aux fins de:

- constater que certains éléments de rémunération servis au cours de la période de travail à l'étranger n'avaient pas été assujettis aux cotisations de retraite complémentaire,

- constater le préjudice en découlant pour lui,

- condamner la société à régulariser la situation auprès des caisses de retraite complémentaire, ou à défaut, de compenser le préjudice subi du fait du défaut de cotisations aux caisses de retraite complémentaire.

Sur appel de cette décision, la cour d'appel d'Aix en Provence, suivant arrêt du 27 septembre 2012, a confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Martigues du 11 janvier 2012 saisi par M. [F] [H] en ce qu'il s'est déclaré incompétent en raison de la matière au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône pour statuer sur un litige portant sur l'intégration dans le périmètre de l'assiette des cotisations de retraite complémentaire d'éléments de rémunération liés à son activité professionnelle accomplie à l'étranger.

Sur saisine de M. [F] [H], le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône, suivant jugement du 1er octobre 2015 a:

- rejeté la fin de non-recevoir pour prescription extinctive quinquennale opposée par la Sas [11] à M. [F] [H],

- débouté M. [F] [H] de ses prétentions, fins et moyens liés à l'assujettissement aux cotisations de retraite complémentaire de certains éléments de rémunération perçus au cours de sa période de mobilité européenne de juin 1996 à décembre 2004,

- débouté les parties de l'ensemble de leurs prétentions plus amples ou contraires,

- dit que la décision est opposable à la Caisse de prévoyance des Industries métallurgiques, mécaniques, électriques et connexes dites Capimmec,

- dit n'y avoir lieu à statuer sur les frais et dépens dans le cadre de la présente situation en litige,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant sur l'appel interjeté par M. [F] [H], la cour d'appel d'Aix en Provence, suivant un arrêt du 31 août 2017, a:

- infirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône du 1er octobre 2015,

- dit que l'action de M. [F] [H] engagée le 14 juin 2010 était éteinte par la prescription quinquennale,

- déclaré irrecevables les demandes de M. [F] [H],

- l'a dispensé de payer le droit prévu à l'article R144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale,

- condamné M. [F] [H] à payer à la Sas [11] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant sur le pourvoi formé par M. [F] [H], la Cour de cassation, dans un arrêt du 03 avril 2019, a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 31 août 2017 entre les parties par la cour d'appel d'Aix en Provence, a mis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de céans, au motif que :

« pour dire l'action éteinte par la prescription quinquennale et déclarer irrecevables les demandes du salarié, l'arrêt retient que la demande doit être analysée au regard des textes relatifs au contentieux du paiement des cotisations sociales en général, et des cotisations de retraite complémentaire en particulier, que par application des articles 2277 du code civil et L143-14 du code du travail applicables avant la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile (actuellement les articles 2224 du code civil et L3243-1 du code du travail), le droit d'un salarié au paiement de salaires étant éteint du fait de la prescription extinctive de cinq ans, une action relevant du contentieux du paiement des cotisations de retraite assises sur ces salaires est nécessairement prescrite pour la même période;

qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que devant le tribunal puis devant elle, le salarié avait soutenu que le manquement de l'employeur à son obligation de verser des cotisations de retraite complémentaire sur tous les éléments de rémunération et avantages en nature lui avait occasionné un préjudice quant au montant de sa retraite par l'effet d'un manque de points, que la faute de l'employeur aurait été commise pendant toute la période de 1996 à 2004 au cours de laquelle il était rémunéré pour ses activités à l'étranger en minimisant l'assiette des cotisations sociales, que pour parvenir à l'évaluation de son dommage le salarié avait procédé à la réintégration des cotisations de retraite complémentaire, année par année, des éléments de rémunération payés par l'employeur et non compris dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale, ce dont elle aurait dû déduire que cette demande qui ne concernait pas des cotisations afférentes à des salaires non versés mais portait sur la contestation de l'assiette des cotisations retenue par l'employeur sur les salaires versés était, pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, soumise à la prescription trentenaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

Suivant arrêt du 10 novembre 2020, la cour d'appel de céans, constatant que l'institution [13] et le Ministre chargé de la sécurité sociale, parties à l'instance de cassation, n'étaient pas présents ni représentés à l'audience, a ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience du 19 janvier 2021 afin qu'il soit procédé conformément aux dispositions de l'article 1036 du code de procédure civile.

Dans son arrêt du 30 mars 2021, la présente cour a:

- dit que l'action engagée par M. [F] [H] n'est pas prescrite,

- rejeté l'exception de prescription soulevée par la Sas [11],

Avant dire droit,

- ordonné une expertise comptable confiée à M. [J] [M], expert inscrit auprès de la cour d'appel de Montpellier, avec la mission suivante:

- prendre connaissance de tous documents utiles à la solution du litige notamment des pièces suivantes :

- les contrats de travail et les avenants signés entre les parties de 1996 à 2004,

- les bulletins de salaire de M. [F] [H] des 31 décembre 1996, 31 décembre 1997, 31 décembre 1998, 31 décembre 1999, 31 décembre 1999, 31 décembre 2000, 31 décembre 2001, 31 décembre 2002, 31 décembre 2003, 31 décembre 2004,

- les décomptes de points du régime de retraite de cadres établis par la CAPIMMEC-AGIRC pour les exercices de 1996 à 2004, de 2006 et 2007,

- les déclarations annuelles des salaires de monsieur [F] [H] effectuées chaque année depuis 1996 auprès de la Capimmec-Agirc,

- déterminer les éléments d'appréciation des différents préjudices subis par M. [F] [H], compte tenu, d'une part, du montant de la retraite complémentaire qui lui aurait été servie si l'assiette des cotisations avait été déterminée comme mentionnée ci-dessus, en fonction du nombre de points qu'il aurait acquis jusqu'à la liquidation de sa retraite intervenue le 1er mars 2015 et de la valeur de ces points au jour de cette liquidation, d'autre part, de son espérance de vie,

- dit que l'expert devra déposer son rapport le 30 septembre 2021, en double exemplaire à la cour,

- dit que l'affaire sera remise au rôle de la cour en tout état de cause à l'audience du 23 novembre 2021,

- réservée les dépens et l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant arrêt du 15 février 2022, la cour de céans a :

Vu le rapport d'expertise de M. [J] [M] en date du 23 septembre 2021,

- ordonné un complément d'expertise confiée à M. [J] [M] expert inscrit auprès de la cour d'appel de Montpellier, avec pour mission de :

- réintégrer dans le préjudice financier subi par M. [F] [H] les avantages financiersqu'il a pu tirer de son activité à l'étranger sur l'intégralité de la période, à défaut pour celui-ci d'avoir justifié le remboursement effectif de ces avantages à la Sas [11],

- réévaluer le montant de l'incidence fiscale en fonction des nouveaux calculs précédents et en tenant compte des observations et critiques formulées par M. [F] [H] s'agissant du déplafonnement de l'abattement forfaitaire à 3 850 euros,

- dit que la Sas [11] devra consigner au greffe de la cour la somme de 1 000 euros à valoir sur la rémunération de l'expert dans un délai de un mois à compter du prononcé de la décision,

- dit que cette somme devra être versée au régisseur d'avances et de recettes de la cour d 'appel de Nîmes,

- désigné M. [Z] [X], ou son délégataire, magistrat chargé de suivre la procédure pour contrôler les opérations d'expertise,

- dit que l'expert devra déposer son rapport le 30 mai 2022, en double exemplaire à la cour,

- dit que l'expert devra remettre à chaque partie un exemplaire de son rapport,

- renvoyé l'affaire à l'audience du 14 juin 2022 à 14 heures,

- dit que la notification du présent arrêt vaudra convocation à l'audience,

- sursis à statuer sur les prétentions des parties relatives au montant du préjudice subi par M. [F] [H], sur l'application d'intérêts de retard et au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- réservé les dépens.

L'affaire a été appelée à l'audience du 06 décembre 2022 à laquelle elle a été retenue.

Suivant conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l'audience, M. [F] [H] demande à la cour de :

Statuant sur son appel, à l'encontre de la décision rendue le 1er octobre 2015 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Marseille,

Le déclarant recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

* l'a débouté de ses prétentions, fins et moyens liés à l'assujettissement aux cotisations de retraite complémentaire de certains éléments de rémunération perçus au cours de sa période de mobilité européenne de juin 1996 à décembre 2004 ;

* débouté les parties de l'ensemble de leurs prétentions plus amples ou contraires.

Statuant à nouveau,

- débouter la SAS [11], de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires et de tout appel incident,

- dire et juger que les éléments de rémunération liés à sa mobilité auraient dû être assujettis aux cotisations de retraite complémentaire,

- en conséquence, constater qu'il a subi un préjudice du fait de la soustraction frauduleuse de ces éléments de rémunération de la base de calcul des cotisations de retraite complémentaire,

En conséquence :

- condamner la société [11] à verser une indemnité d'un montant de 539 553 euros afin de compenser son préjudice subi du fait du défaut de cotisations aux caisses de retraite complémentaire et son préjudice fiscal,

- condamner la SAS [11] à lui payer, la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel,

- dire et juger que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'homme de Martigues soit le 9 juin 2010, ou subsidiairement, dire et juger que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la date de son départ en retraite, le 1er mai 2015.

Il soutient que :

- il est parfaitement établi qu'il était détaché du régime français de sécurité sociale, que la société [11] a volontairement éludé une disposition légale afin de minorer la base de calcul des cotisations de retraites complémentaires et de ce fait n'a pas respecté l'accord entre les parties, que la cour ne pourra donc que retenir la responsabilité de la société [11] dans cette affaire,

- les dispositions contractuelles convenues avec la société [11] prévoyaient clairement les conditions dans lesquelles se dérouleraient ses missions à l'étranger, que contrairement à ce qu'avance la société [11], son employeur avait clairement fait le choix que son salarié puisse bénéficier du système du détachement que ce soit au travers des différents avenants au contrat de travail qui ont été signés ou au travers des politiques internes à l'entreprise, notamment l'« International Project Assignment Plan »,

- en déconnectant le paiement de l'impôt néerlandais de la sécurité sociales française, la société [11] a sciemment minoré les bases cotisables et imposables dans chacun des deux pays ; ce qui lui a permis de réaliser des économies non négligeables, que la société [11] assurait une uniformité dans le traitement des missions de ses salariés à l'étranger via l'application de politiques internes, que la politique de mobilité de Lyondell prévoyait également la mise en place d'une égalisation fiscale afin de lisser la situation du salarié en mission, que la mise en place de cette disposition nécessite que chaque année la société [11] mandate un conseil fiscal pour effectuer un calcul comparatif entre les charges sociales et fiscales qu'il avait effectivement payées pendant sa mission à l'étranger et ce qu'il aurait dû payer s'il était resté dans son pays d'origine,

- au cours de sa mission à l'étranger, il a perçu trois types d'éléments de rémunération frauduleusement soustraits aux cotisations de retraite complémentaire :

diverses primes liées à sa mobilité, la prise en charge de son logement et la prise en charge de son impôt étranger, qu'en l'absence de dispositions légales dérogatoires permettant d'exclure ces éléments de rémunération de l'assiette des cotisations de sécurité sociale, ces primes auraient dû être soumises à cotisations conformément aux dispositions de l'article L 242-1 du code de la sécurité,

- pour déterminer le montant de son préjudice, il convient de réintégrer dans l'assiette des cotisations de retraite complémentaire, année par année, le montant des divers éléments de rémunération frauduleusement soustraits, comme l'a calculé M. [J] [M] dans son rapport, la réintégration des éléments de rémunération liés à la mobilité dans l'assiette de calcul des cotisations de retraite complémentaire ouvrirait droit à 34 084 points, que ces 34 084 points de retraite auraient augmenté le montant de sa pension de retraite de 14 833 euros par année de versement de la pension, que l'expert mandaté par la cour d'appel a donc réalisé une étude actuarielle permettant de procéder à une évaluation reflétant la réalité du préjudice subi conformément aux règles de l'art, que la cour ne manquera pas de constater que le calcul réalisé confirme en de nombreux points celui qu'il présente depuis le début de cette procédure et qui était critiqué manifestement à tort par la Société [11], qu'en se basant sur les données statistiques, il ressort du calcul actuariel que le montant du capital équivalent au versement à vie de la fraction de retraite complémentaire manquante est de 415 060 euros,

- qu'en dix années de procédure, la société [11] n'a jamais présenté de calcul de contestation mais toutefois n'a pas manqué de critiquer celui qu'il a antérieurement fourni et critiquera probablement encore celui fourni par M. [M] sans élément convaincant, que le calcul préparé par M. [M] est d'autant plus complet qu'il prend en compte une revalorisation des rentes de 1% basé sur la moyenne des revalorisations passées,

- le montant des primes de mobilité étant garanti en net au salarié, le montant devant être inclus dans la base de calcul des cotisations aurait dû être majoré du montant des cotisations sociales y étant afférent afin que le montant effectivement versé corresponde au montant net prévu dans la politique de mobilité de la société [11], d'autre part, l'impôt étranger pris en charge par la société [11] constitue un avantage en argent qui doit être inclus dans la base de calcul des cotisations sociales conformément aux dispositions de l'article L 242-1 du code de sécurité sociale, qu'en termes d'assiette de cotisations sociales, le principe de l'égalisation fiscale comporte deux phases: dans un premier temps, on déduit le montant d'un impôt théorique, correspondant à l'impôt français que le salarié aurait payé s'il était resté en France, du salaire brut (avant calcul des cotisations sociales), dans un second temps, l'on réintègre dans l'assiette des cotisations sociales le montant de l'impôt étranger pris en charge par la société qui s'analyse en un avantage en argent, qu'en l'espèce, si le montant de l'impôt théorique a bien été déduit de son salaire brut, minorant ainsi frauduleusement la base de calcul des cotisations sociales, le montant de l'impôt étranger pris en charge par la société [11] n'a jamais été réintégré dans cette base de calcul, de la sorte, l'assiette des cotisations sociales a été minorée pendant toute la durée de sa mission à un niveau inférieur à celui qu'il aurait eu s'il avait travaillé en France, que le préjudice entrainé par cette minoration de la base des cotisations ne concerne pas que le calcul des cotisations employeur mais aussi les cotisations salariales, qu'en réduisant à tort la base de calcul des cotisations, la société [11] ne lui a pas permis de cotiser pleinement à sa retraite complémentaire, que le préjudice subi est donc d'autant plus grand qu'il ne se limite pas aux seules cotisations employeur,

- le montant de son préjudice correspond au résultat du calcul actuariel déterminant le montant du capital équivalent au versement à vie de la fraction de retraite complémentaire manquante réalisé par un professionnel de la matière conformément aux règles de l'art,

- que son préjudice a été aggravé par l'incidence fiscale , qu'au vu du rapport de l'expert, il a subi un manque à gagner de 14 833 euros par année pour un préjudice total (présent et futur) de 415 060 euros, que toutefois, que cette première évaluation du préjudice ne prend pas en compte le préjudice fiscal dans la mesure où la fiscalité des pensions de retraite a changé, que si au moment où il a liquidé ses droits à la retraite, les versements en capital n'étaient pas imposés, ce n'est plus le cas aujourd'hui et ces derniers sont soumis à l'impôt sur le revenu dans les mêmes conditions que les autres revenus, qu'en outre, si la société [11] avait correctement soumis aux cotisations les éléments de rémunération de ses salariés, il aurait perçu sa retraite sous forme de rente et non en capital ce qui lui aurait permis de payer son impôt sur le revenu de manière échelonnée, que cependant il verra sa pension tardivement versée imposée suivant les tranches les plus hautes du barème de l'impôt sur le revenu (45%) et probablement à la contribution sur les hauts revenus, qu'il subira donc un préjudice supplémentaire équivalent à l'application du taux marginal de l'impôt sur le revenu au versement qu'il recevra de la société [11], que la Cour de cassation a rappelé le principe de réparation intégrale du préjudice qui prévoit que le responsable d'un dommage doit indemniser tout le dommage sans qu'il en résulte ni appauvrissement, ni enrichissement de la victime, que l'expert a calculé dans son rapport cet impact fiscal et l'a intégré à l'évaluation du préjudice, que la cour ne pourra que constater qu'il a subi un préjudice du fait des erreurs et omissions de son employeur durant sa période de travail à l'étranger s'élevant à 539 553 euros,

- la cour ne pourra que considérer comme point de départ de calcul des intérêts légaux que le jour de la saisine initiale du Conseil de prud'hommes de Martigues soit le 9 juin 2010 ou à minima le 1er mars 2015, date à laquelle il a liquidé sa retraite à taux plein à 65 ans révolus, qu'il serait injuste que la société [11] bénéficie de la mauvaise foi manifeste dont elle a fait preuve tout au long de ces dix années de procédure et évite les intérêts sur le capital de 415 060 euros.

Suivant conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l'audience, la Sas [11] demande à la cour de :

- débouter M. [H] de ses demandes en l'absence de calculs conformes à la décision de la cour du 15 février 2022

en conséquence,

- débouter M. [H] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner M. [H] à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.

Elle fait valoir que :

- le constat de l'absence de toute faute de sa part a été clairement fait par les différents organismes sociaux, l'Urssaf en premier lieu avait été saisie de façon opportune et opportuniste par M. [F] [H], par courrier en date du 10 février 2006, celui-ci avait interrogé l'Urssaf sur la conformité de la pratique de la société, l'Urssaf conclut son courrier de réponse de la manière suivante : « Concernant les risques encourus par votre employeur, ceux-ci seront examinés lors d'un contrôle de l'application de la législation de sécurité sociale», l'AGIRC, également interpelé de façon opportune et opportuniste, par M. [F] [H] fut plus claire encore sur la conformité de l'accord trouvé entre la Société et le salarié «si en principe les cotisations de retraite complémentaire et les droits qui en résultent sont calculés sur les éléments de rémunération entrant dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale, y compris la prime de détachement (') le fait qu'un accord contractuel avec votre employeur ait abouti à une réduction de l'assiette des cotisations de sécurité sociale n'est pas de (notre) ressort », qu'il ne fait aucun doute que tel était le cas puisque l'Urssaf avait été spécialement informée en amont du contrôle de la pratique de la Société, il en résulte que l'Urssaf a reconnu tacitement mais nécessairement la conformité de la pratique décidée ensemble par la Société et M. [F] [H], que sa pratique contractuelle a été approuvée par M. [F] [H], que la situation juridique aujourd'hui présentée à la cour est donc celle où un salarié, M. [F] [H] a expressément accepté l'application de la règle unilatérale qu'elle a fixée,

- si la cour de céans devait toutefois considérer que M. [F] [H] était bien un travailleur détaché et que, à ce titre, l'ensemble de ses « rémunérations » devaient entrer dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale et de retraite complémentaire, il y a lieu de considérer que les éléments supplémentaires versés aux salariés en mobilité internationale poursuivent une finalité très claire ' elle est répétée tant dans la politique d'expatriation que dans les documents contractuels ' compenser les surcoûts liés à l'expatriation, c'est-à-dire compenser les dépenses supplémentaires qu'engendre, pour le salarié, la mobilité internationale, qu'il ne fait aucun doute qu'elle n'a jamais eu l'intention de verser à M. [F] [H] une «rémunération » au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, que M. [F] [H] ne peut pas sérieusement prétendre que la mobilité internationale, a fortiori dans les Etats où il travaillait, n'engendre pas de surcoûts qu'il s'agisse des dépenses fiscales supplémentaires ou des dépenses de la vie courante : il y a donc bien une fraction des sommes litigieuses qui relèvent d'une indemnisation et qui est, en tout état de cause, exonérée de cotisations de sécurité sociale et de retraite complémentaire, qu' il ne distingue pas au sein de l'ensemble de ces sommes, la fraction qui représente un avantage au-delà de l'indemnisation, que dès lors il ne démontre nullement la faute qu'elle aurait commise en n'intégrant pas dans l'assiette des cotisations les éléments litigieux,

- si, par extraordinaire, la cour décidait toutefois que la Société aurait dû assujettir à cotisation de retraite complémentaire les sommes versées au titre de la mobilité internationale et de la compensation fiscale, il lui faudrait alors mesurer le préjudice subi par M. [F] [H], qu'aucun des calculs fournis par M. [F] [H] ne peut utilement servir à l'estimation de son préjudice, qu'en dépit du sérieux apparent du rapport d'expertise déposé en septembre 2022 , il convient de relever des incohérences grossières, par exemple : date de départ en retraite : le §3 du rapport indique « Date de départ en retraite 01/04/2017 » mais le §4 indique que « Monsieur [H] a liquidé sa retraite le 1er mars 2015 », que dans la mesure où les calculs ne sont pas détaillés, il est impossible de savoir quelle date a été effectivement prise en compte par les auteurs du rapport ; taux technique : le §3 du rapport indique « Taux technique 0% (prévision du taux au 01/04/2017) et, effectivement, le §4 confirme cette hypothèse en indiquant que les auteurs anticipent un taux technique de 0% au 1er janvier 2017, qu'une autre question apparaît dès lors : le rapport prend-il en compte le prétendu préjudice pour les années 2015 et 2016, la lecture du rapport ne permet pas de savoir ce qui est précisément mesuré,

- soudainement dans son rapport définitif l'expert supprimait l'avantage financier qu'il avait précédemment calculé du fait du non-paiement par les salariés des cotisations sociales, que l'expert mentionne alors sans fondement et sans aucune justification que les salariés auraient remboursé à la société tout avantage dû à leur expatriation, que cela est parfaitement faux et l'expert devra réintégrer dans ses calculs l'avantage financier pour les salariés. Il est à nouveau précisé que contrairement à la demande de la cour, l'expert ne le fait pas dans son rapport du 14 septembre 2022, que l'impact fiscal devra donc être réévalué en conséquence,

- la cour constatera que M. [F] [H] aurait dû en tout état de cause supporter l'imposition fiscale de ses rémunérations de sorte que cette imposition n'a pas à être supportée par la société,

- si par extraordinaire malgré les arguments incontestables évoqués ci-dessus, la cour entrait en voie de condamnation elle réduirait le quantum à la somme de 406 305 euros conformément au pré-rapport de l'expert du 26 juillet 2021,

- si la cour prononçait une condamnation à l'égard de la société, la somme allouée aurait la nature d'une indemnité couvrant le préjudice subi, par conséquent les intérêts ne peuvent courir qu'à compter du prononcé de la décision.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

MOTIFS

L'expert conclut dans son rapport complémentaire que le montant du préjudice de M. [F] [H] du fait des erreurs et omissions de son employeur durant sa période de travail à l'étranger s'élève en tenant compte de l'incidence fiscale à 539 553 euros, somme sollicitée par M. [F] [H], et reprend chacun des points qui avaient été soulevés dans l'arrêt du 15 février 2022 :

- s'agissant du mécanisme d'égalisation fiscale :

- si la cour d'appel avait relevé que M. [F] [H] n'avait pas justifié des remboursements des avantages financiers qu'il avait pu tirer de son activité à l'étranger, force est de constater que l'expert produit en annexe de son rapport d'expertise (pièce 1) plusieurs documents émanant du cabinet [10] qui établissent que M. [F] [H] justifiait du remboursement des différentiels d'impôt sur le revenu entre le montant payé à l'étranger et son correspondant français ; l'expert a relevé que la société n'avait produit de son côté, aucun document de nature à remettre en cause cette situation,

- s'agissant du plafonnement de l'abattement de 10% :

- l'expert indique qu'en 2021 l'abattement de 10% des pensions et retraites était plafonné à 3 912 euros et a recalculé le montant d'IRPP supplémentaire pour parvenir à un montant de 124600 euros sur une période de 28 ans.

Les erreurs dont fait référence la société dans ses conclusions soutenues oralement à l'audience se rapportent non pas au dernier rapport déposé par l'expert mais au premier rapport qui avait été déposé en septembre 2021 ; or, à la lecture de ce premier rapport, il convient de relever que l'expert a bien noté, en page 11, que M. [F] [H] était parti à la retraite le 1er mars 2015 de sorte que les calculs qui suivent ne comportent pas d'erreur.

S'agissant d'un taux technique de 0% pris en compte par M. [J] [M] pour déterminer le montant du préjudice avant incidence, la société n'explique pas pour quelles raisons la prise en compte de ce taux aurait pour effet de vicier la validité des calculs présentés par l'expert.

Force est de constater que l'expert a répondu à tous les points qui avaient fait l'objet de critiques ou d'observations des deux parties après le dépôt de son premier rapport d'expertise, et que la Sas [11] n'apporte pas d'autres éléments pertinents et objectifs de nature à remettre en cause sérieusement les calculs ainsi présentés par M. [J] [M] dans son rapport définitif.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône du 1er octobre 2015, de faire droit à la demande de M. [F] [H], de fixer le montant total de son préjudice résultant de l'absence de paiement des cotisations de retraite complémentaire en ce compris l'incidence fiscale à la somme de 539 553 euros et de condamner la Sas [11] à lui payer cette somme.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale et en dernier ressort ;

Infirme le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône du 1er octobre 2015,

Statuant sur les dispositions réformées et y ajoutant,

Fixe le préjudice subi par M. [F] [H] du fait du défaut de paiement par la Sas [11] des cotisations aux caisses de retraite complémentaire en ce compris son préjudice fiscal, à la somme de 539 553 euros,

Condamne la Sas [11] à payer à M. [F] [H] la somme de 539 553 euros,

Dit que cette somme portera intérêt au taux légal sur le capital, d'un montant de 415 060 euros, à compter du 11 mars 2013 correspondant à la date de saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône,

Condamne la Sas [11] à payer à M. [F] [H] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne la Sas [11] aux dépens de la procédure d'appel en ce compris les frais d'expertise.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ta
Numéro d'arrêt : 19/02426
Date de la décision : 14/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-14;19.02426 ?
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