COUR D'APPEL
DE NÎMES
REFERES
ORDONNANCE N°
AFFAIRE : N° RG 22/00124 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IUKE
AFFAIRE : S.A.S. COLOMBI SPORTS IMPORTATEUR DISTRIBUTEUR C/ [O]
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RENDUE LE 10 Février 2023
A l'audience publique des RÉFÉRÉS de la COUR D'APPEL DE NÎMES du 27 Janvier 2023,
Nous, Nicole GIRONA, Présidente de Chambre à la Cour d'Appel de NÎMES, spécialement désignée pour suppléer le Premier Président dans les fonctions qui lui sont attribuées,
Assistée de Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et lors du prononcé,
Après avoir entendu en leurs conclusions et plaidoiries les représentants des parties, dans la procédure introduite
PAR :
S.A.S. COLOMBI SPORTS IMPORTATEUR DISTRIBUTEUR
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés es qualité audit siège social
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Jérémy CREPIN de la SELARL JC AVOCAT, avocat au barreau de NIMES
DEMANDERESSE
Madame [W] [O]
née le 27 Janvier 1974 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Loubna HASSANALY de la SELEURL LOUBNA HASSANALY, avocat au barreau de NIMES
DÉFENDERESSE
Avons fixé le prononcé au 10 Février 2023 et en avons ensuite délibéré conformément à la loi ;
A l'audience du 27 Janvier 2023, les conseils des parties ont été avisés que l'ordonnance sera rendue par sa mise à disposition au Greffe de la Cour le 10 Février 2023.
Par jugement en date du 6 octobre 2022, assorti de l'exécution provisoire, le Conseil de prud'hommes de Nîmes a condamné la Société Colombi Sports à payer à Mme [W] [O] les sommes suivantes :
-14 131.68 € à titre d'indemnité pour licenciement nul,
-4 710.56 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
-471.06 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents
-4 000.00 € nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,
-1 560.00 € en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il a également ordonné la remise des documents de fin de contrat et bulletin de paie rectifiés conformes à la décision, sous astreinte.
Par déclaration en date du 14 octobre 2022, la Société Colombi Sports a interjeté appel de l'ensemble des chefs de condamnation de cette décision.
Par acte d'huissier en date du 21 novembre 2022, la Société Colombi Sports a fait assigner Mme [O] devant le premier président de cette cour d'appel aux fins de voir ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire attachée aux dispositions dont appel sur le fondement de l'article 517-1 du code de procédure civile et, subsidiairement, d'être autorisée, au visa de l'article 521 du même code, à consigner :
-la somme de 5 181.62 euros, frappée de l'exécution provisoire de droit, auprès d'un séquestre qui devra verser à l'intimée la somme mensuelle de 100 euros jusqu'à épuisement des fonds consignés,
-celle de 19 691.58 euros, assortie d'une exécution provisoire ordonnée, entre les mains d'un séquestre à désigner.
Elle a sollicité que les dépens et les demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile soient réservés.
La Société Colombi Sports soutient que la décision critiquée ne motive pas l'application de l'article 515 du code de procédure civile, qu'elle rencontre actuellement des difficultés financières ne lui permettant pas d'honorer les condamnations prononcées à son encontre, que la situation de l'intimée ne permet pas d'assurer que son ancienne salairée sera en capacité de rembourser la somme versée dans l'hypothèse d'une réformation de la décision de première instance et que, sur le fond de l'affaire, elle fait valoir des moyens sérieux de réformation. À défaut d'une suspension de l'exécution provisoire, elle considère qu'une mesure de consignation s'impose.
Dans ses dernières écritures soutenues à l'audience, Mme [O] conclut au rejet des demandes de l'appelante et à sa condamnation à verser à son conseil la somme de 1 560 € sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, lequel s'engage à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient, au visa des article 514 et suivants du code de procédure civile :
-que la demanderesse doit être déboutée de ses prétentions, à défaut de rapporter la preuve des conditions exigées par les dispositions de l'article 517-1 du code de procédure civile,
-qu'elle ne démontre pas soutenir devant la cour des moyens sérieux d'annulation ou de réformation du jugement dont appel, le harcèlement moral dont elle a fait l'objet dans l'entreprise étant suffisamment caractérisé et prouvé,
-que, n'ayant jamais présenté d'observations particulières en première instance concernant l'exécution provisoire, elle est malvenue à arguer devant cette juridiction de prétendues difficultés financières qui l'empêcheraient de régler des condamnations prononcées à son encontre,
-que son ancien employeur ne rapporte pas la preuve d'un risque de non-restitution des fonds versés dès lors qu'elle a retrouvé un emploi en février 2022.
Il est renvoyé, pour le surplus de l'exposé des faits, moyens et prétentions des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.
SUR CE,
-Sur l'arrêt de l'exécution provisoire :
La Société Colombi Sports soutient au préalable que l'absence de motivation de la décision de première instance relativement à l'exécution provisoire suffirait à conduire à un arrêt de celle-ci. Or, non seulement le conseil des prud'hommes a motivé sa décision sur ce point, même succinctement, mais encore les dispositions légales applicables ne permettent pas d'arrêter l'exécution provisoire sur ce moyen.
Le jugement de première instance, dont les dispositions déférées à la connaissance de la cour d'appel ont été reprises ci-dessus, comporte des condamnations assorties de l'exécution provisoire de droit et d'autres pour lesquelles l'exécution provisoire est facultative. Il convient donc de distinguer en fonction des textes légaux applicables.
Au vu des dispositions de l'article R 1454-28 du code du travail, est exécutoire de droit, par provision, les dispositions de jugement qui ordonnent le paiement des rémunérations et des indemnités visées à l'article R 1454'14 du code du travail, dans la limite de 9 mois de salaire.
Ainsi, les condamnations à verser des rémunérations et des indemnités visées à l'article R 1454'14 du code du travail sont exécutoire de droit dans la limite de 9 mois de salaire calculée sur la moyenne des trois derniers mois de salaire et le surplus des condamnations relèvent de l'exécution provisoire facultative.
Ainsi, les condamnations à verser la somme de 4 710.56 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de 471.06 € au titre des congés payés y afférent sont exécutoires de droit. Le surplus des condamnations pécuniaires n'a pas à être exécuté par provision.
En considération du cas d'espèce, il sera observé que les articles 514-3 et 517-1 exigent, pour que l'exécution provisoire soit arrêtée, d'une part, la preuve de moyens sérieux d'annulation ou de réformation de la décision et, d'autre part, que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
Sans entrer dans le détail de l'argumentation de chacune des parties, il ne résulte pas de l'examen des pièces produites des moyens sérieux de réformation de la décision de première instance. Par ailleurs, la Société Colombi Sports est défaillante dans l'administration de la preuve des difficultés financières qu'elle invoque sans produire le moindre document comptable, étant observé que la dépense d'une somme importante pour faire réaliser une enquête sur la vie privée de sa salariée pendant son arrêt de travail ne plaide pas en faveur d'une trésorerie exsangue. Enfin, les risques de non-restitution des sommes versées dans l'hypothèse d'une réformation de la décision de première instance ne sont pas sérieux. En effet, Mme [O] a retrouvé un travail rémunéré et elle est parfaitement consciente que toute somme, qui ne serait pas confirmée par la cour d'appel, devrait être restituée, sous peine de voir diligenter à son encontre des voies d'exécution.
Dans ces conditions, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire assortissant l'intégralité des condamnations pécuniaires prononcées par le jugement du 6 octobre 2022 sera rejetée.
-Sur l'aménagement des dispositions du jugement assorties de l'exécution provisoire :
L'article 521 du code de procédure civile dispose:
« La partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation. En cas de condamnation au versement d'un capital en réparation d'un dommage corporel, le juge peut aussi ordonner que ce capital sera confié à un séquestre à charge d'en verser périodiquement à la victime la part que le juge détermine. »
Pour les dispositions des articles 514-5 et 517-1 du code de procédure civile prévoient que le premier président peut prendre les mesures prévues à l'article 521. Il en résulte que la possibilité d'aménager l'exécution provisoire n'est pas subordonnée à la condition que cette exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. Elle est laissée à la discrétion du premier président.
Considérant que Mme [O] n'ignore pas que l'exécution d'une décision de justice exécutoire à titre provisoire n'a lieu qu'aux risques de celui qui la poursuit, à charge pour lui, si le titre est ultérieurement modifié, d'en réparer les conséquences dommageables, au vu du montant des sommes allouées et de la carence de la Société Colombi Sports dans l'administration de la preuve quant aux difficultés financières qu'elle invoque, il n'y a pas lieu d'ordonner une mesure de consignation, tant pour les condamnations assorties de l'exécution provisoire de droit que pour celles concernées par l'exécution provisoire facultative.
-Sur les dépens :
La procédure suivie devant le premier président est autonome de l'instance au fond. Les dépens doivent donc être liquidés.
La Société Colombi Sports, qui succombe dans le soutien de ses prétentions, supportera les dépens de cette procédure. Une somme de 1 500 euros sera allouée à Me Hassanaly, avocat de Mme [O], en contrepartie des frais irrépétibles que celle-ci a dû engager dans l'instance, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, modifiée, étant précisé que ce conseil s'engage à renoncer à la part contributive de l'Etat à laquelle il a droit au titre de l'aide juridictionnelle.
PAR CES MOTIFS :
Statuant en référé, contradictoirement et par décision mise à disposition au greffe,
Déboutons la Société Colombi Sports de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire dont est assorti le jugement rendu le 6 octobre 2022 par le conseil de prud'hommes de Nîmes,
La déboutons de ses demandes d'aménagement de l'exécution provisoire assortissant cette même décision,
Condamnons la Société Colombi Sports à payer une somme de 1 500 euros à Me Hassanaly, avocat de Mme [O], en contrepartie des frais irrépétibles que celle-ci a dû engager dans l'instance, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, modifiée, étant précisé que ce conseil s'engage à renoncer à la part contributive de l'Etat à laquelle il a droit au titre de l'aide juridictionnelle.
Condamnons la Société Colombi Sports aux dépens de la présente procédure.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE