RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/00867 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H63B
CC
TRIBUNAL DE COMMERCE D'AVIGNON
15 février 2021 RG :2020008778
SAS PHILIPPE REY
C/
S.A.R.L. LUBERON INVESTISSEMENTPATRIMOINE
Maître [H][V]
Grosse délivrée
le
à
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 08 FEVRIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce d'AVIGNON en date du 15 Février 2021, N°2020008778
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre
Madame Claire OUGIER, Conseillère
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
DÉBATS :
A l'audience publique du 23 Janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 08 Février 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
SAS PHILIPPE REY, immatriculée au RCS de PERPIGNAN sous le N° 554 200 816 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es-qualité au siège social sis
Saint Charles International
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Valérie VERNET SIBEL de la SELAS FIDAL, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER
Représentée par Me Georges POMIES RICHAUD, Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉES :
S.A.R.L. LUBERON INVESTISSEMENT PATRIMOINE Société à responsabilité limitée au capital de 7 622,45 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés d'AVIGNON sous le numéro 423 993 039, représentée par son gérant domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 8]
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Pauline REGE, Plaidant, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
SELARL [H] [V], représentée par Maître [H] [V] agissant en qualité de mandataire judiciaire de la SARL LUBERON INVESTISSEMENT PATRIMOINE, désigné à cette fonction par un jugement du Tribunal de commerce d'Avignon en date du 31 mai 2017,
[Adresse 1]
Hôtel d'Entreprises
[Localité 3]
Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Pauline REGE, Plaidant, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 12 Janvier 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 08 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSÉ
Vu l'appel interjeté le 1er mars 2021 par la SAS Philippe Rey à l'encontre du jugement prononcé le 15 février 2021 par le tribunal de commerce d'Avignon dans l'instance n°2020008778.
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 18 novembre 2021 par l'appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 27 août 2021 par la société Luberon Investissement Patrimoine et la SELARL [H] [V] es qualités, intimées, et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu la communication de la procédure au Ministère Public qui, par conclusions notifiées aux parties le 9 décembre 2022, a indiqué qu'il « conclut à la confirmation par la Cour de la décision entreprise au vu des motifs pertinents des premiers juges ».
Vu l'ordonnance du 25 octobre 2022 de clôture de la procédure à effet différé au 12 janvier 2023.
* * *
Par acte sous signature privée du 30 novembre 2006, la société Luberon Investissement Patrimoine a donné à bail commercial à la société Philippe Rey des locaux neufs situés à [Localité 6], aménagés en entrepôt frigorifique, bail conclu pour une durée de 9 ans.
Ce bail a été renouvelé par tacite prolongation pour une période de 3 ans à compter du 28 février 2016.
Le bail a pris fin en mars 2019 à à la suite du congé donné par la société Philippe Rey. Les locaux ont été restitués à la bailleresse.
Parallèlement, par jugement du 6 avril 2017, le tribunal de commerce d'Avignon a déclaré la SARL Luberon Investissement Patrimoine en redressement judiciaire et a désigné la SELARL [V] [H] en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 13 février 2019, le tribunal de commerce d'Avignon a arrêté le plan de redressement pour une durée de 2 ans et a nommé la SARL Saint Rapt & Bertholet, en qualité de commissaire à l'exécution du plan. L'état des créances a été déposé le 16 janvier 2019.
Par requête du 27 septembre 2019, la société Philippe Rey a saisi le juge-commissaire d'une requête en relevé de forclusion au titre d'une créance de restitution de dépôt de garantie.
Par ordonnance du 17 septembre 2020, le juge-commissaire a fait droit à cette requête, et a invité la société Philippe Rey à déclarer sa créance auprès du mandataire judiciaire de la société Luberon Investissement Patrimoine.
Par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 22 septembre 2020, la société Philippe Rey a déclaré sa créance auprès du mandataire judiciaire pour un montant de 7 644,50 euros à titre chirographaire. Elle l'a en outre informé qu'un litige était en cours devant le tribunal de commerce d'Avignon suite à l'opposition formée par elle à une ordonnance portant injonction de payer rendue par le tribunal de commerce de Perpignan le 26 février 2020, ayant pour objet un décompte de fin de bail qu'elle conteste intégralement.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 25 septembre 2020, la société Luberon Investissement Patrimoine a formé un recours à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire.
Par jugement du 15 février 2021, le tribunal de commerce d'Avignon a :
-Jugé bien fondée l'opposition formée par la société Luberon Investissement Patrimoine et infirmé les termes de l'ordonnance du juge-commissaire du 17 septembre 2020 ;
-Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Condamné la société Philippe Rey aux dépens, dont ceux de greffe, liquidés à la somme de 176 euros TTC.
La SAS Philippe Rey a relevé appel de ce jugement aux fins de le voir réformer en toutes ses dispositions.
***
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l'appelante demande à la cour, au visa des articles 1383, 1383-2 du code civil, de l'article L. 622-26 du code de commerce, de l'article R. 624-2 du code de commerce, de l'ordonnance du juge-commissaire du 17 septembre 2020, de l'aveu judiciaire de la société Luberon Investissement Patrimoine, de :
-Infirmer le jugement du tribunal de commerce d'Avignon en date du 15 février 2021 en ce qu'il a dit :
« Juge bien fondée l'opposition formée par la Société Luberon Investissement Patrimoine et infirme les termes de l'ordonnance du juge commissaire du 17 septembre 2020 », laquelle avait relevé de la forclusion la Société Philippe Rey et l'avait invitée à déclarer sa créance entre les mains de Maître [H] ;
« Condamne la Société Philippe Rey aux dépens ».
Statuant à nouveau,
-Relever de la forclusion la Société Philippe Rey et l'autoriser à déclarer sa créance auprès de Me [V] [H] es qualités de mandataire judiciaire à la procédure ouverte à l'égard de la société Luberon Investissement Patrimoine ;
-Débouter la société Luberon Investissement Patrimoine de l'intégralité de ses demandes ;
-En toutes hypothèses, dire sans objet le relevé de forclusion en l'état de l'exécution du plan et de la reconnaissance de dette de la société Luberon Investissement Patrimoine au titre de la restitution à la Société Philippe Rey du dépôt de garantie de 7 644,50 euros ;
-Condamner la société Luberon Investissement Patrimoine à payer à la société Philippe Rey la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, l'appelante expose que tant les créances antérieures que les créances postérieures au jugement d'ouverture peuvent faire l'objet d'un relevé de forclusion et qu'il y a lieu de faire application de l'article L.622-26 du code de commerce, étant donné qu'elle n'a eu connaissance de sa créance de restitution de dépôt de garantie qu'au moment de la restitution des clés, le 31 mars 2019. En outre, la bailleresse a reconnu être redevable de la restitution du dépôt de garantie dans une instance pendante devant le tribunal de commerce, ce qui constitue un aveu judiciaire. L'appelante critique enfin l'absence de jugement constatant l'exécution du plan et le défaut de publicité de la clôture de la procédure de redressement. En toute hypothèse, ce plan a été exécuté rendant sans objet le relevé de forclusion.
***
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique, les intimées demandent à la cour, au visa de l'article L. 622-26 du code de commerce, des explications et des pièces versées au débat, de :
-Confirmer en toutes ses dispositions, le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Avignon le 15 février 2021 ;
Y ajoutant,
-Condamner la société Philippe Rey à payer à la société Luberon Investissement Patrimoine la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour avoir diligenté abusivement la présente procédure compte tenu des éléments portés à la connaissance de la Cour ;
-Condamner la société Philippe Rey à payer à la société Luberon Investissement Patrimoine la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
-La condamner aux entiers dépens en application de l'article 699 du code de procédure civile, avec distraction au profit de la SELARL AvouePerrichi.
Au soutien de leurs prétentions, les intimées exposent tout d'abord que le plan de redressement de la société Lubéron Investissement Patrimoine a été soldé le 1er octobre 2019 et que, par ordonnance du 12 juin 2020, le juge commissaire a approuvé le compte-rendu de fin de mission du mandataire judiciaire. Par contre, la clôture du redressement n'a pas encore été prononcée et la procédure collective est toujours en cours.
Elles relèvent que la créance de la société Philippe Rey est née le jour de la signature du bail, le 30 novembre 2006 et qu'elle devait donc déclarer sa créance dans le délai de 6 mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au Bodacc. Elle avait en outre parfaitement connaissance de l'existence de sa créance lorsqu'elle a délivré un congé à son bailleur. Dès lors sa requête est irrecevable quand bien même il serait retenu qu'il s'agisse d'une créance postérieure. Cette demande de relevé de forclusion est enfin abusive car la société Philippe Rey avait déposé, le 13 octobre 2017 des écritures devant la cour d'appel d'Aix en Provence dans lesquelles elle faisait état du jugement d'ouverture du redressement judiciaire à l'encontre de la société Lubéron Investissement Patrimoine.
***
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Le bail commercial a été conclu le 30 novembre 2006 pour une durée de 9 ans commençant à courir le 1er mars 2016 et renouvelé par tacite prolongation à compter du 28 février 2016.
Le jugement d'ouverture du redressement judiciaire a été prononcé le 6 avril 2017.
Le jugement déféré a exactement retenu que la créance de restitution de dépôt de garantie a la nature d'une créance antérieure car elle naît du contrat de bail lui-même (Com. 27 mai 2003 n°0014717).
Il résulte d'un arrêt sur déféré du 7 décembre 2017 opposant la société Philippe Rey à la société Lubéron Investissement Patrimoine avec intervention du mandataire judiciaire et de l'administrateur judiciaire que l'appelante avait, à cette date, connaissance du jugement d'ouverture de la procédure collective.
C'est donc à compter de cette date du 7 décembre 2017 que court en principe le délai de 6 mois pour déclarer sa créance.
L'article L.622-26 du code de commerce dernier alinéa permet cependant au créancier qui justifie avoir été placé dans l'impossibilité de connaître l'obligation du débiteur avant l'expiration du délai de 6 mois, de reporter le point de départ à la date à laquelle il est établi qu'il ne pouvait ignorer l'existence de sa créance.
C'est vainement que la société Philippe Rey soutient n'avoir eu connaissance de sa créance qu'au moment de la restitution des clés car c'est elle qui a délivré congé au bailleur à une date qu'elle ne précise pas. Pourtant, c'est à cette date qu'elle avait irréfutablement connaissance de l'existence de sa créance.
En ne fournissant pas à la cour les éléments lui permettant de déterminer le point de départ du report du délai de 6 mois alors que la charge de la preuve lui incombe, le créancier ne peut prétendre à être relevé de la forclusion encourue par sa déclaration tardive du 27 septembre 2019.
Le fait que le débiteur ait reconnu dans des conclusions déposées dans d'autres procédures ou en première instance être redevable de ce dépôt de garantie ne dispense pas le créancier de déclarer sa créance dans le délai légal imparti. Il en est de même de l'exécution du plan qui, de surcroît, n'est pas versé aux débats.
La société Philippe Rey a inexactement apprécié ses droits mais les intimés ne justifient pas d'un abus de procédure de sorte qu'elle sera déboutée de sa demande de dommages intérêts.
La société Philippe Rey, qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance et payer à la société Lubéron Investissement Patrimoine une somme équitablement arbitrée à 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit que la société Philippe Rey supportera les dépens d'appel et payera à la société Lubéron Investissement Patrimoine une somme de 2 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit que la SELARL AVOUEPERICCHI pourra recouvrer directement contre la partie ci-dessus condamnée, ceux des dépens d'appel dont elle aura fait l'avance sans en recevoir provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffiere.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,