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08/02/2023 | FRANCE | N°21/00830

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 4ème chambre commerciale, 08 février 2023, 21/00830


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 21/00830 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H6XU



AV



TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES

05 février 2021 RG :2019J257



S.A.S. COMTAT VENAISSIN



C/



S.A.S.U. COMPAGNIE MEDITERRANEENNE D'ESPACES VERTS EXPLOITA TION (CMEVE)







































Grosse dé

livrée

le 08 FEVRIER 2023

à Me Olivier COLLION

Me Bruno CHABADEL









COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale



ARRÊT DU 08 FEVRIER 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de Nîmes en date du 05 Février 2021, N°2019J257



COMPOSITION ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/00830 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H6XU

AV

TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES

05 février 2021 RG :2019J257

S.A.S. COMTAT VENAISSIN

C/

S.A.S.U. COMPAGNIE MEDITERRANEENNE D'ESPACES VERTS EXPLOITA TION (CMEVE)

Grosse délivrée

le 08 FEVRIER 2023

à Me Olivier COLLION

Me Bruno CHABADEL

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale

ARRÊT DU 08 FEVRIER 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de Nîmes en date du 05 Février 2021, N°2019J257

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Agnès VAREILLES, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre

Madame Claire OUGIER, Conseillère

Madame Agnès VAREILLES, Conseillère

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 26 Janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 08 Février 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.A.S. COMTAT VENAISSIN, SAS au capital de 100 € immatriculée sous le numéro 822 836 540 au registre du commerce et des sociétés de Fréjus, agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Olivier COLLION, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON

INTIMÉE :

S.A.S.U. COMPAGNIE MEDITERRANEENNE D'ESPACES VERTS EXPLOITATION (CMEVE) anciennement MANIEBAT,immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NIMES sous le n° 322 939 695, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité au siège social sis

[Adresse 2],

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Bruno CHABADEL de la SCP B.C.E.P., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES substitué par Me Valérie-Anne DEGUILLAUME, Plaidant, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 12 Janvier 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 08 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Vu l'appel interjeté le 26 février 2021 par la SAS Comtat Venaissin à l'encontre du jugement prononcé le 5 février 2021 par le tribunal de commerce de Nîmes, dans l'instance n°2019J00257,

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 10 janvier 2023 par l'appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé,

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 28 juin 2021 par la SASU Compagnie Méditerranéenne d'Espaces Verts Exploitation (CMEVE), intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé,

Vu l'ordonnance du 25 octobre 2022 de clôture de la procédure à effet différé au 12 janvier 2023,

Dans le cadre de la réalisation d'un lotissement dénommé '[Adresse 3] (30), la SAS Comtat Venaissin a confié la réalisation du lot espaces verts à la société Maniebat, nouvellement dénommée Compagnie Méditerranéenne d'Espaces Verts Exploitation (CMEVE), sur la base d'un devis accepté le 17 mai 2017.

Le 29 juin 2018, les travaux ont été réceptionnés sans réserve et l'ensemble des factures a été acquitté.

Le 25 septembre 2018, le lotisseur a fait dresser un constat d'état des lieux par un huissier de justice afin que le lotissement puisse être transféré à une association syndicale libre de copropriétaires. A cette occasion, il a été relevé dans la zone bassin l'absence d'un raccord que le représentant de la société CMEVE a indiqué avoir enlevé car il y avait une fuite.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 septembre 2018, le lotisseur a demandé à la SAS CMEVE de déclarer le sinistre auprès de son assureur responsabilité civile afin de prendre en charge les consommations anormales d'eau provenant de fuites, mise en demeure réitérée le 7 décembre 2018.

La société Comtat Venaissin a reçu de la société distributrice de l'eau, une facture du 24 janvier 2019 d'un montant de 15 730,97 euros correspondant à une consommation de 5 677 m3.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 février 2019, le lotisseur a mis en demeure la société CMEVE d'avoir à régler ladite somme.

Par courrier du 20 février 2019, la société CMEVE a contesté toute responsabilité, faisant valoir que l'arrosage fonctionnait parfaitement lorsqu'elle a quitté la résidence et qu'une autre société avait géré la maintenance estivale et de consommation jusqu'à la fin de l'année.

Par exploit du 14 juin 2019, la société Comtat Venaissin a fait assigner la société CMEVE devant le tribunal de commerce de Nîmes en paiement de la somme de 15 730,97 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2019, outre 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, avec bénéfice de l'exécution provisoire.

Par jugement du 5 février 2021, le tribunal de commerce de Nîmes a, au visa de l'article 1101 du code civil :

-Débouté la SAS Comtat Venaissin de toutes ses demandes, fins et conclusions

-Dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts

-Condamné la SAS Comtat Venaissin à régler à la SAS Compagnie Méditerranéenne d'Espaces Verts Exploitation, exerçant sous le sigle CMVE anciennement Maniebat, la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

-Rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires

-Condamné la SAS Comtat Venaissin aux dépens de l'instance, liquidés et taxés à la somme de 74,18 euros, en ce non compris le coût de la citation introductive d'instance, le coût de la signification de la décision, ainsi que tous autres frais et accessoires.

Le 26 février 2021, la SAS Comtat Venaissin a interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en toutes ses dispositions.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l'appelante demande à la cour, au visa des articles 1104, 1217, 1792-4-3 du code civil, de :

-Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nîmes le 5 février 2021 en toutes ses dispositions;

-Dire et juger que la société CMEVE n'a pas exécuté ses obligations contractuelles à l'égard de la société Comtat Venaissin;

En conséquence,

-Condamner la société CMEVE au paiement d'une somme de 15 730,97 euros, et ce avec intérêt au taux légal à compter du 24 janvier 2019, date de la facture d'eau, à titre de dommages-intérêts en réparation du dommage subi du fait de la fuite

-Condamner la société CMEVE au paiement d'une somme de 1 500 euros à titre de dommages intérêts pour résistance abusive

-Condamner la société CMEVE au paiement de la somme de 6 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, tant en raison de la première instance qu'en cause d'appel

-Condamner la société CMEVE aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir :

-que dès le mois d'août 2018, une fuite d'eau a été constatée et qu'elle a alerté l'entrepreneur sans succès

-qu'au début du mois de septembre 2018, l'eau s'écoulant à nouveau, un propriétaire a trouvé l'origine de la fuite au niveau d'un raccord posé par l'entrepreneur qui n'était pas adapté au système d'arrosage

-que le tribunal a fait état, dans sa décision, d'un pic de consommation d'eau en mars 2018 alors qu'il s'agissait d'une fuite, au point qu'un des propriétaires, présent lors de l'état des lieux du 25 septembre 2018, a indiqué avoir fait un noeud sur le tuyau d'arrosage automatique de son terrain car l'arrosage se faisait en permanence, même la nuit, ce qui avait pour conséquence d'inonder son terrain

-que déjà, le 10 août 2018, le lotisseur avait contacté par téléphone et par mail l'entrepreneur afin de lui rappeler que le goutte à goutte du lotissement fuyait

de toutes parts et, en plus, fonctionnait en permanence

-qu'il y a une différence essentielle entre de l'eau qui s'échappe d'un tuyau et de l'eau qui s'écoule à l'intérieur, même à raison d'une consommation excessive

-que l'eau s'échappant du système d'arrosage au niveau du raccord posé par l'entrepreneur, autrement dit la fuite, ne provenait pas de l'ouverture de l'électrovanne par un tiers dont il n'est pas apporté la preuve

-que l'entrepreneur qui a effectué les travaux de terrassement avait mis une manchette en fonte dans le regard pour faire un by-pass

-que la société concessionnaire, distributrice de l'eau, a mis un compteur dans le regard et enlevé la manchette qui n'avait plus lieu d'être

-que le lotisseur a demandé la société concessionnaire, distributrice de l'eau, de déposer le compteur qui ne servait à rien, ce qui a été fait le 27 mars 2018, mais sans remise en place de la manchette

-que l'entrepreneur a pris l'initiative de mettre un raccord provisoire lequel était toujours en place, après la réception des travaux

-que la fuite d'eau est donc bien postérieure à la réception des travaux du 30 juin 2018, ce que l'entrepreneur ne conteste d'ailleurs pas

-que lors de la réception, le lotisseur n'était par conséquent, pas en mesure de faire mention d'une anomalie non encore survenue

-que le tribunal a relevé que le constat d'huissier de justice n'avait pas été établi au contradictoire de l'entrepreneur alors que deux de ses représentants étaient présents à la réunion aux fins d'état des lieux du 25 septembre 2018 et que l'un a indiqué avoir démonté le raccord

-que l'origine de la fuite a donc été confirmée par l'entrepreneur et consiste dans le choix et la pose d'un raccord inadapté à la pression de l'eau dans le réseau

-qu'il a été reconnu le caractère inadapté et non pas endommagé de cet organe

-que le raccord a été enlevé par l'entrepreneur parce qu'il en était l'installateur, ce qui rend inopérant le motif du jugement relatif à la présence d'autres intervenants sur le chantier

-que le procès-verbal établi par l'huissier de justice a permis d'apprendre que l'entrepreneur n'avait pas jugé utile de dire aux principaux intéressés que l'installation nécessitait une réparation afin de remettre l'arrosage automatique en bon état de fonctionnement

-que l'entrepreneur est intervenu courant août 2018, puis en septembre, soit après la réception des travaux, puisque le raccord, présent dans les photographies de début septembre, n'y était plus au jour de la réunion

-que la réception ne permet pas d'attester de la conformité du réseau aux règles de l'art, vérification dont des non professionnels comme le lotisseur sont incapables

-que la signature du procès-verbal de réception n'exclut pas la garantie d'une défectuosité ou d'une mauvaise exécution dont les effets ne se révéleraient que plus tard

-qu'il résulte de l'intitulé du procès-verbal que la réception n'a pas englobé le réseau d'eau ou l'arrosage du terrain

-qu'à vue d'oeil et avec un circuit d'eau coupé, la fuite ne pouvait se révéler à la réception des travaux

-que, compte-tenu du laps de temps rapproché entre la réception de travaux et la fuite, elle ne peut être imputée à un défaut d'entretien

-que l'entrepreneur a fait le choix du raccord inadapté au système d'arrosage et l'a installé, sans poser de réducteur de pression.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l'intimée demande à la cour de :

-Rejeter l'appel comme infondé

-Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions

En conséquence,

-Débouter la SAS Comtat Venaissin de toutes ses demandes, fins et conclusions

-Condamner la SAS Comtat Vernaissin à lui porter et payer la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance

Y ajoutant,

-Condamner la SAS Comtat Vernaissin à lui porter et payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel

-Condamner la SAS Comtat Venaissin aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de l'avocat soussigné.

L'intimée réplique :

-qu'il appartient au lotisseur qui prétend lui imputer la cause d'une surconsommation anormale d'eau d'établir la preuve d'une installation défectueuse

-que l'installation livrée est conforme non seulement au marché conclu mais également aux règles de l'art puisqu'elle a été réceptionnée le 30 juin 2018, sans aucune réserve

-qu'à partir de cette date, l'entrepreneur n'était plus responsable du chantier, celui-ci étant passé sous le contrôle exclusif du promoteur, lequel avait la charge et l'entretien des installations réalisées

-que le 25 septembre 2018, l'huissier de justice a simplement constaté un raccord manquant dans le regard et le représentant de l'entrepreneur a précisé l'avoir enlevé en l'état de la fuite

-que les constatations ne permettent ainsi nullement d'établir le caractère prétendument inadapté du raccord, la matérialité d'une quelconque faute et son imputabilité à l'entrepreneur

-que de plus, la photographie en annexe du procès-verbal révèle la présence d'une vanne de fermeture en amont

-que le courriel adressé par le représentant de la société concessionnaire de l'eau au lotisseur le 4 mars 2019 est inopposable à l'entrepreneur

-que, par ailleurs, son auteur, qui accessoirement n'a aucune légitimité pour critiquer techniquement le travail effectué, se contente de procéder par pures affirmations péremptoires, non étayées par le moindre élément de preuve

-que restent également ignorées les conditions d'utilisation de l'installation, depuis la réception sans réserve, alors-même que différentes entreprises sous le contrôle du lotisseur, sont intervenues sur les installations du lotissement

-que le lotisseur ne justifie pas d'un contrat d'entretien réseau avec l'entrepreneur

-que la lettre du 27 septembre 2018 ne peut justifier d'une imputabilité de la fuite alléguée, le demandeur ne pouvant se pré-constituer une preuve à lui-même

-que preuve n'est pas établie d'une consommation anormale, avant réception du 30 juin 2018

-que l'entrepreneur ne justifie pas d'un refus de dégrèvement par la société VEOLIA, alors-même que les frais de dépollution et collecte n'étaient pas dus

-que le taux de débit d'eau sur une période de moins de trois mois est disproportionné et n'a aucune relation avec le débit d'une fuite, celui-ci représentant sur trois mois un débit journalier de 63 m³ d'eau, ce qui est techniquement irréalisable, la consommation annoncée laissant plutôt penser à une vanne laissée ouverte plusieurs semaines

-que le lotisseur, qui a la garde des installations, ne justifie pas par différence le relevé des consommations des dix-huit sous compteurs individuels avec le relevé du compteur général pour vérifier les consommations prétendues perdues

-que, ni le lotisseur, ni l'entrepreneur qui était sur le chantier, n'ont été informés de l'opération réalisée de dépose d'un compteur d'arrosage le 27 mars 2018 par le fournisseur d'eau

-que le préjudice allégué n'est pas justifié, pas plus que l'imputabilité de la consommation anormale d'eau relevée.

Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

MOTIFS

1) Sur la responsabilité contractuelle de l'entrepreneur

Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L'article 1104 précise que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

En application de l'article 1217, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté ou l'a été imparfaitement peut demander réparation des conséquences de l'inexécution.

L'article 1231-1 dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

En l'espèce, les parties ont signé le 29 juin 2018 un procès-verbal de réception des travaux, ne contenant aucune réserve.

L'appelante soutient que la réception n'a eu lieu que pour les prestations de plantation, fourniture et entretien et n'englobe pas le réseau d'eau ou l'arrosage du terrain.

Il apparaît toutefois que les travaux de fourniture et plantation de végétaux n'ont pas fait l'objet de factures distinctes de celles émis pour les travaux de réalisation de réseaux d'arrosage par goutte à goutte de sorte que la réception expresse est intervenue pour l'ensemble des prestations exécutées par l'intimée.

La réception sans réserve ne prive toutefois pas l'appelante de la faculté d'engager la responsabilité contractuelle de l'entrepreneur, tenu à une obligation de résultat, dès lors que les désordres n'étaient pas apparents et n'ont été révélés que postérieurement à la réception.

L'obligation de résultat qui pèse sur l'entrepreneur emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la prestation fournie et le dommage invoqué (1e'Civ., 16'février 1988, n°86-14.918).

En l'occurrence, le lotisseur reproche à l'entrepreneur de ne pas avoir installé de réducteur de pression sur le réseau d'arrosage et d'avoir posé un raccord inadapté au débit d'eau, à l'origine d'une fuite.

Alors que la réception est intervenue le 29 juin 2018, le maître d'ouvrage a dénoncé auprès de l'entrepreneur, dès le 10 août 2018, l'existence de fuites de toutes parts du goutte à goutte du lotissement et son fonctionnement en continu.

Dans son message électronique en réponse du 20 août 2018, l'entrepreneur a indiqué s'être rendu sur place et avoir constaté les dires du maître d'ouvrage, tout en soutenant que l'électrovanne avait été ouverte par une tierce personne et en contestant, par conséquent, sa responsabilité.

L'intervention de l'entrepreneur du mois d'août 2018 n'a pas permis de remédier au dysfonctionnement du système d'arrosage automatique puisque l'existence d'un écoulement d'eau sur la dalle du local poubelle a été constatée contradictoirement, en présence d'un huissier de justice, lors de l'état des lieux du 25 septembre 2018. En revanche, il n'a pas pu être procédé à l'examen du raccord d'arrosage litigieux de le regard de raccordement de l'arrosage automatique, dans la zone bassin, dans la mesure où ce raccord avait été déposé, avant la réunion. Le représentant de l'entrepreneur a reconnu que c'était lui qui avait enlevé le raccord d'arrosage provisoire, en raison de la présence d'une fuite. L'huissier de justice a également relaté les dires des parties selon lesquels il n'y avait plus d'arrosage automatique, coupé depuis août 2018, en raison de la fuite d'eau. L'un des propriétaires de maison du lotissement a fait part de ce que l'arrosage se faisait en permanence, même la nuit, ce qui avait pour conséquence d'inonder son terrain.

Le représentant du concessionnaire du réseau d'eau a indiqué, dans un message électronique du 4 mars 2019, avoir constaté en octobre 2018 le travail qu'il a qualifié 'd'amateur' de la société ayant réalisé les espaces verts qui avait créé un by-pass avec des raccords inappropriés, occasionnant une fuite importante répercutée sur le compteur général. Cette anomalie a conduit le concessionnaire du réseau d'eau à poser le bouchon et le scellé, visibles sur la photographie prise par l'huissier de justice, afin de condamner le branchement d'arrosage.

Les désordres invoqués, qui ont été constatés par l'entrepreneur, lors de son intervention du mois d'août 2018 et de la réunion d'état des lieux du 25 septembre 2018, sont présumés être en relation avec une défectuosité de la prestation achevée le 30 juin 2018.

Compte-tenu du court délai s'étant écoulé entre la réception des travaux et la survenance des fuites d'eau, il n'est pas établi que les désordres proviennent d'un défaut d'entretien du réseau d'arrosage. L'intervention d'autres entrepreneurs, après la réception des travaux, n'est pas non plus démontrée.

Le dysfonctionnement de la programmation de l'arrosage automatique, à l'origine d'une consommation d'eau en continu jusqu'en août 2018, doit également être imputé à l'entrepreneur dès lors qu'il a été révélé moins d'un mois après l'achèvement de sa prestation.

Le maître d'ouvrage verse au débat la facture d'un montant de 15 730,97 euros, émise le 24 janvier 2019, à partir d'un relevé de compteur effectué le 14 décembre 2018, faisant apparaître une consommation anormalement élevée de 5 677 M3, sur une période de neuf mois. Cette facture ne permet pas d'établir que le pic de consommation se situait au mois de septembre 2018, comme soutenu par l'entrepreneur.

Dans son message du 4 mars 2019, le concessionnaire du réseau d'eau a confirmé que la fuite d'eau importante, au niveau du branchement d'arrosage, était la cause du montant élevé de la facture du 24 janvier 2019. L'entrepreneur ne démontre pas qu'une vanne soit restée ouverte, durant plusieurs semaines, et que cela puisse expliquer le montant de la consommation annoncée, compatible techniquement avec l'anomalie constatée sur le système d'arrosage mis en place par ses soins.

Le maître d'ouvrage n'avait aucune obligation de réduire son préjudice, en effectuant auprès du fournisseur d'eau une demande de dégrèvement au titre des frais de dépollution et de collecte dont les chances de succès ne sont au demeurant pas certaines.

La responsabilité contractuelle de l'entrepreneur est, par conséquent, engagée, sur le fondement des articles 1217 et 1231-1 du code civil.

Dès lors, il convient d'infirmer le jugement déféré et de condamner l'entrepreneur à payer au maître d'ouvrage la somme de 15 730,97 euros.

S'agissant d'une condamnation à caractère indemnitaire, elle emportera intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt, conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil.

2) Sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive

La défense à une action en justice ne dégénère en abus que si elle est exercée de mauvaise foi, ou si la résistance opposée aux prétentions était manifestement infondée.

Tel n'est pas le cas en l'espèce, l'entrepreneur ayant fait valoir des moyens non dénués de sérieux pour s'opposer aux prétentions dirigées à son encontre.

Le maître d'ouvrage sera, par conséquent, débouté de sa demande en dommages-intérêts pour résistance abusive.

3) Sur les frais du procès

Le maître d'ouvrage ayant obtenu satisfaction, l'entrepreneur sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur du maître d'ouvrage et de lui allouer une indemnité de 2 500 euros, à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau,

Condamne la SASU Compagnie Méditerranéenne d'Espaces Verts Exploitation à payer à la SAS Comtat Venaissin la somme de 15 730,97 euros, à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt,

Y ajoutant,

Déboute la SAS Comtat Venaissin de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,

Condamne la SASU Compagnie Méditerranéenne d'Espaces Verts Exploitation aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Condamne la SASU Compagnie Méditerranéenne d'Espaces Verts Exploitation à payer à la SAS Comtat Venaissin une indemnité de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement , contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Arrêt signé par la présidente et par la greffiere.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 4ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21/00830
Date de la décision : 08/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-08;21.00830 ?
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