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08/02/2023 | FRANCE | N°21/00781

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 4ème chambre commerciale, 08 février 2023, 21/00781


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 21/00781 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H6T2



CO



TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES

22 janvier 2021 RG :2019J00283



S.A. ITESOFT



C/



Société NUMEDGE







































Grosse délivrée

le 08 FEVRIER 2023

à Me Stéphane GOUIN>
Me Jean Paul CHABANNES









COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale



ARRÊT DU 08 FEVRIER 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de NIMES en date du 22 Janvier 2021, N°2019J00283



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Madame Claire OUGIER, Consei...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/00781 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H6T2

CO

TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES

22 janvier 2021 RG :2019J00283

S.A. ITESOFT

C/

Société NUMEDGE

Grosse délivrée

le 08 FEVRIER 2023

à Me Stéphane GOUIN

Me Jean Paul CHABANNES

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale

ARRÊT DU 08 FEVRIER 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de NIMES en date du 22 Janvier 2021, N°2019J00283

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Claire OUGIER, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre

Madame Claire OUGIER, Conseillère

Madame Agnès VAREILLES, Conseillère

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 23 Janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 08 Février 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.A. ITESOFT Société ITESOFT, Société anoyme à conseil d'administration, immatriculée au RCS de NIMES sous le n° 330 265 323, dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Stéphane GOUIN de la SCP LOBIER & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Vincent RIEU de la SCP DORIA AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉE :

SASU NUMEDGE, Société par actions simplifiée au capital 1.000 €, immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 819 959 768, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Jean paul CHABANNES de la SELARL CHABANNES-RECHE-BANULS, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Fabien POMART de l'AARPI SOULIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 12 Janvier 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 08 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSÉ

Vu l'appel interjeté le 24 février 2021 par la SA Itesoft à l'encontre du jugement prononcé le 22 janvier 2021 par le tribunal de commerce de Nîmes dans l'instance n°2019J00283 ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 28 février 2022 par l'appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 8 février 2022 par la SASU Numedge, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu l'ordonnance de clôture de la procédure du 25 octobre 2022 à effet différé au 12 janvier 2023.

***

Le 20 mai 2016, la SA Itesoft, éditeur de progiciels d'automatisation du traitement des flux d'informations, a conclu avec la SASU Numedge un contrat de consulting aux termes desquels celle-ci la faisait bénéficier de ses compétences dans le cadre de prestations de conseil, ainsi que des informations, relations et apports d'affaires dont elle disposait du fait de son activité relativement à des sociétés ayant des besoins dans ce domaine.

La durée du contrat était fixée à deux ans et les prestations donnaient lieu à une rémunération fixe de 6.620 euros hors taxes, outre une commission pour les affaires apportées.

Etaient désignés comme interlocuteurs Monsieur [V] [G] pour la société Itesoft et Monsieur [E] [H] pour la société SASU Numedge.

Par courrier du 28 avril 2017 adressé à Monsieur [E] [H], la société Itesoft indiquait avoir appris son intégration récente au sein de la société concurrente T-t et l'informait qu'elle considérait cela comme un manquement à l'obligation contractuelle de non-concurrence souscrite, l'invitant à régler le problème à l'amiable.

Malgré plusieurs échanges, le désaccord persistait et, par courrier du 13 juillet 2017, la société Itesoft notifiait à Monsieur [E] [H] que le paiement de toutes les mensualités étaient suspendu jusqu'à l'expiration du contrat.

Le 9 novembre 2018, la SASU Numedge a fait délivrer à la SA Itesoft une sommation de payer la somme de 103.669,56 euros au titre des mensualités restant dûes de mai 2017 à mai 2018.

Sur sa requête, et par ordonnance du 5 décembre 2018, le tribunal de commerce de Nîmes a délivré injonction à la société Itesoft de lui payer cette somme, outre les frais.

Sur l'opposition formée par la société Itesoft contre cette ordonnance, et par jugement du 22 janvier 2022, le tribunal de commerce de Nîmes a, au visa des articles 1353, 1103 du code civil, et des articles 1406 et suivants du code de procédure civile :

confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance d'injonction de payer du 5 décembre 2018,

condamné la SA Itesoft à payer à la SAS Numedge :

. la somme de 7.944 euros en principal facture impayée n°170501 du 02/05/2017,

. la somme de 7.944 euros en principal facture impayée n°170601 du 01/06/2017,

. la somme de 7.944 euros en principal facture impayée n°170701 du 01/07/2017,

. la somme de 7.944 euros en principal facture impayée n°170801 du 05/08/2017,

. la somme de 71.496 euros en principal facture impayée n°180501 du 02/05/2018, suivant contrat de consulting n°2016/05/FR01CC/DCH souscrit en date du 10/05/2016,

. la somme de 397,56 euros au titre des frais de sommation de payer, du 09/11/2018,

. la somme de 51,48 euros pour frais de requête,

débouté la SA Itesoft de sa demande reconventionnelle,

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

condamné la SA Itesoft à régler à la SAS Numedge la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires,

condamné la SA Itesoft aux dépens de l'instance.

La SA Itesoft a interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en toutes ses dispositions.

***

Dans ses dernières conclusions, l'appelante demande à la cour, au visa des articles 1104, 1219, 1186, 1188 du code civil :

d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

En conséquence,

-dire et juger recevable l'opposition à injonction de payer formée par elle le 9 janvier 2019,

-débouter la société Numedge de l'ensemble de ses demandes,

-dire et juger que la société Numedge n'a jamais exécuté le contrat de consulting,

-prononcer la nullité du contrat, ou à défaut la résolution judiciaire du contrat de consulting,

En toute hypothèse,

-condamner la société Numedge à lui payer la somme de 87.384 euros TTC,

-la condamner à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-la condamner aux entiers dépens de l'instance.

La société Itesoft soutient que le contrat de consulting a été conclu en considération de la personne intervenant pour ladite société, Monsieur [E] [H], de sorte que la clause de non concurrence a été violée lorsque celui-ci a intégré la société concurrente T-t.

Ainsi, le contrat a été signé à la suite du départ de Monsieur [H] de la société Itesoft, en raison de sa connaissance de l'activité exercée par cette société, connaissance acquise pour y avoir exercer les fonctions de directeur général.

De plus, la société Numedge n'a qu'un seul associé et un seul collaborateur : Monsieur [H], de sorte que la « grande expérience » à laquelle il est fait référence en préambule du contrat est nécessairement celle de ce monsieur, la société Numedge n'ayant quant à elle été créée qu'un mois avant la conclusion du contrat et n'en ayant donc aucune.

Il est spécifié au contrat qu'il n'est pas cessible car conclu en considération de la seule personne du consultant, ce qui confirme l'intuitu personae ayant conduit à sa conclusion, et l'interlocuteur désigné pour la société Numedge est ce monsieur, lequel exerçait alors les fonctions de président.

C'est d'ailleurs en son nom personnel que Monsieur [E] [H] répond à la société Itesoft dans le cadre de leurs échanges à ce sujet.

Or, l'interprétation du contrat doit se faire selon la commune intention des parties et l'économie du contrat.

La commune intention des parties était que la clause de non concurrence inscrite dans le contrat interdise à la seule personne disposant des compétences au sein de la société Numedge pour exercer la mission de consultant -Monsieur [H]- de collaborer avec un concurrent, direct ou indirect.

Cette clause doit en outre trouver à s'appliquer à l'encontre de tous les concurrents de la société Itesoft et non pas seulement de ceux visés à titre d'exemple dans la liste non exhaustive figurant en annexe du contrat, laquelle ne vise que la période post-contractuelle.

La violation de la clause de non-concurrence étant intervenue au cours du mois d'avril 2017, c'est l'article 8.5 du contrat qui a vocation à s'appliquer et qui vise l'ensemble des concurrents.

L'appelante observe en outre que parallèlement à son embauche chez la société T-t, Monsieur [E] [H] a quitté la présidence de la société Numedge, son fils étant désigné à sa place alors qu'il n'avait aucune connaissance du secteur, ce qui privait le contrat de consulting de tout contenu.

De même, l'appel téléphonique de Monsieur [E] [H] à Monsieur [V] [G] directeur général et président du conseil d'administration de la société Itesoft pour l'informer de son intégration dans la société T-t confirme encore la connaissance qu'il avait d'enfreindre la clause de non-concurrence contractée.

Enfin, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la société T-t n'avait pas une activité concurrente à celle d'Itesoft, alors qu'elles sont positionnées sur le même marché, ce qu'admettait Monsieur [E] [H] lui-même dans son courrier du 17 mai 2017.

Par ailleurs, aucune des missions confiées en qualité d'apporteur d'affaires n'a été réalisée par la société Numedge, ce que démontre le fait que les factures présentées ne concernent que la partie fixe de la rémunération prévue au contrat.
Aucune autre prestation n'a davantage pu être réalisée au profit de la société Itesoft depuis avril 2017 puisque Monsieur [H] avait été intégré dans une autre société à temps plein et était lié par la clause d'exclusivité figurant dans son contrat de travail, et que la société Numedge était dirigée par le fils de celui-ci, lequel ne disposait d'aucune compétence au titre des activités en cause.

N'ayant bénéficié ainsi d'aucune des prestations dues en vertu du contrat du 20 mai 2016, la société Itesoft était en droit de refuser d'exécuter sa propre obligation et donc de payer les factures présentées.

Par application de l'article 1186 alinea 1 du code civil, l'abandon par Monsieur [H] de son poste de consultant entraîne la disparition du contrat conclu intuitu personae et en résulte la caducité dudit contrat en avril 2017, aucun paiement n'étant ultérieurement dû.

Enfin, tenant la mauvaise foi de la société Numedge, et l'absence de réalisation des prestations comme la violation de la clause de non-concurrence, l'engagement souscrit en contrepartie des paiements réalisés par la société Itesoft se trouve vidé de sa substance, et n'a, de fait, jamais été exécuté, de sorte qu'elle est en droit de demander la résolution judiciaire du contrat de consulting et la restitution des rémunérations versées de juin 2016 à avril 2017 à hauteur de 87.384 euros TTC.

En outre, si, comme il est soutenu par l'intimée, le contrat de consulting n'était qu'une compensation offerte à Monsieur [H] au titre de son licenciement -ce que dément la perception des indemnités qui y sont afférentes- le contrat serait dénué de cause et donc nul. Les sommes versées en exécution dudit contrat devraient donc être restituées à l'appelante.

***

Dans ses dernières conclusions, l'intimée demande quant à elle à la Cour de :

-juger qu'elle s'est pleinement conformée à ses obligations contractuelles,

-juger que la société Itesoft a méconnu ses obligations contractuelles en refusant de -lui régler les factures n°170501 / 170601 / 170701 / 170801 / 180501 dues au titre du contrat de prestations de services conclu le 10 mai 2016

En conséquence,

-confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

-débouter la société Itesoft de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause,

condamner la société Itesoft à lui verser la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée soutient qu'ayant la personnalité juridique, elle se distingue de Monsieur [E] [H]quand bien même celui-ci en serait l'associé unique et quand bien même le contrat aurait été conclu intuitu personae. Ce contrat de consulting a été conclu avec la société Numedge et non pas avec Monsieur L, ce dernier n'y étant pas partie et ne pouvant donc se voir opposer la clause contractuelle de non concurrence. Le comportement de ce monsieur qui est un tiers ne peut davantage constituer une violation dudit contrat par l'intimée.

Par ailleurs, une clause de non concurrence est d'interprétation stricte et, en cas de doute, elle s'interprète en faveur de son débiteur.

Or la société T-t exerçait déjà la même activité lorsque le contrat a été conclu et était connue de la société Itesoft pour avoir été en discussion sur une affaire, de sorte qu'en ne la mentionnant pas sur la liste des 25 sociétés concurrentes visées par la clause, celle-ci ne pouvait donc la concerner.

Les activités des sociétés T-t et Itesoft n'exercent en tout état de cause pas des activités concurrentes mais complémentaires, ayant des clients en commun.

Et Monsieur [H] n'a pour sa part jamais pris part à la moindre action commerciale qui aurait pu faire concurrence à Itesoft, n'étant pas le salarié de T-t en charge du dossier du client commun notamment.

L'appelante ne démontre ainsi aucune inexécution contractuelle de la part de Numedge et s'est autorisée à tort et arbitrairement à suspendre les paiements dus en contrepartie des prestations fournies.

Elle demande en outre la restitution des rémunérations déjà versées alors même qu'elle n'avait jamais contesté avant la première instance la matérialité des prestations fournies, ce qui démontre bien leur exécution effective.

La société Numedge rappelle que si Monsieur [H] a été licencié des fonctions de directeur commercial et directeur général qu'il occupait au sein de la société Itesoft le 10 septembre 2015, c'était au motif de l'insuffisance de son travail et de son comportement, de sorte que Monsieur [H] n'a pour sa part jamais souhaité exercer une activité de consultant au bénéfice de la société Itesoft.

Et son départ de la société Numedge résulte seulement de la clause d'exclusivité consentie à son nouvel employeur.

***

Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION

Sur la procédure :

L'article 954 du code de procédure civile dispose que « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion ».

En l'espèce, l'appelante se prévaut de la caducité du contrat de consulting et vise même l'article 1186 du code civil dans son dispositif, mais ne formule aucune prétention tendant à voir constater cette caducité, de sorte que la Cour n'en est pas régulièrement saisie.

Sur le fond :

sur la nullité du contrat :

L'appelante soutient que le contrat de consulting conclu le 20 mai 2016 serait nul pour n'être pas causé, dès lors qu'il serait admis par l'appelante qu'il serait une compensation à son licenciement.

Si, effectivement, il ressort des écritures des deux parties que les circonstances de conclusion dudit contrat sont particulières, tenant la direction de la société Numedge par Monsieur [H] qui avait été licencié de la direction de la société Itesoft, rien ne démontre que le contrat qui est conclu entre deux personnes morales et auquel Monsieur [H] est donc tiers, n'ait eu aucune cause alors que, bien au contraire, il définit avec grande précision les prestations attendues de la société Numedge ainsi que les rémunérations dues en contrepartie.

Aucun motif de nullité n'est donc démontré.

sur l'exécution du contrat :

Le contrat de consulting a été conclu entre deux personnes morales, la SA Itesoft et la SAS Numedge, laquelle est, selon mention expresse, dénommée « LE CONSULTANT ».

Dès lors, la mention dans le préambule de ce que « LE CONSULTANT dispose d'une grande expérience et expertise dans le domaine d'activité d'Itesoft », et de ce qu'il constitue « une source d'information et de relations » concerne nécessairement, par accord des parties, la société Numedge.

De même, les prestations de conseil et d'apport d'affaires confiées au «CONSULTANT » (§1.3, §5.1.1) le sont à la société Numedge, et c'est encore à elle que les rémunérations et la commission supplémentaire en cas d'apport d'affaires sont dues (§5.2.1, annexe §3).

S'il est effectivement prévu une clause d'intuitu personae au contrat (§11.1) c'est également « en considération de la seule personne du CONSULTANT » lequel a été prédéfini comme étant la société Numedge co-contractante.

De plus, la désignation en annexe du contrat de Monsieur [E] [H] comme étant l'interlocuteur « pour LE CONSULTANT », se fait dans le cadre de clause contractuelle selon laquelle « aux fins de suivi, les parties désignent chacune un interlocuteur privilégié définis en annexe pour assurer le dialogue dans les diverses étapes de la mission contractée » (§7.4).

Il n'en résulte évidemment pas que Monsieur [H] s'est substitué dans ce contrat à la société Numedge, l'emploi du terme « privilégié » révélant au contraire que d'autres interlocuteurs peuvent intervenir par défaut pour la société Numedge.

De même, les courriers adressés par Monsieur [H] en personne et sous sa seule signature, comme l'appel téléphonique qu'il a manifestement eu la courtoisie de passer au dirigeant de la société Itesoft pour l'informer de sa nouvelle embauche, n'engagent que lui-même mais ne peuvent être créateurs d'obligation pour la société Numedge ni valoir admission par elle de leurs contenus.

Le fait que la société Numedge n'ait eu à la date de conclusion du contrat le 20 mai 2016, qu'un seul associé et président en la personne de Monsieur [H] n'exclut pas qu'elle emploie des salariés, et la création alors récente de cette société au 2 mai 2016 ne dément pas davantage la compétence dont elle peut disposer, laquelle a d'ailleurs été reconnue expressément au contrat par la société Itesoft comme déjà relevé.

Et enfin, l'expérience bancaire du dirigeant faisant suite à Monsieur [E] [H] comme son lien de famille avec celui-ci, sont étrangers aux débats mais démontrent seulement encore la confusion qu'entretient l'appelante entre la personne de son co-contractant : la société Numedge, et la personne physique qui la dirige.

Le contrat du 20 mai 2016 comprend une clause d'exclusivité (8.4) et plusieurs clauses distinctes de non-concurrence :

« 8.4 Le consultant ne sera pas contraint de consacrer l'intégralité de son temps, ni l'intégralité du temps de son personnel, à l'exécution des prestations. Le consultant est libre d'accepter toute autre mission ou forme de collaboration pour le bénéfice d'un tiers, pour autant que :

. la mission ou la collaboration ne concerne pas directement ou indirectement une activité concurrente d'Itesoft, la liste desdits tiers étant définie en annexe,

. il ne transmette pas audit tiers les informations,

. il informe Itesoft de cette collaboration s'il s'agit d'une collaboration avec un tiers figurant sur ladite liste définie en annexe.

Le consultant s'interdit directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, de concurrencer Itesoft et les sociétés du groupe Itesoft Yooz.

Par ailleurs, le consultant s'interdit, directement ou indirectement, sauf accord préalable exprès du président du conseil d'administration d'Itesoft :

(i) de solliciter directement ou indirectement la clientèle d'Itesoft et du groupe (au sens de l'article L233-3 du code de commerce) auquel elle appartient, dans l'exercice de son activité, étant entendu qu'est considéré comme un client toute personne physique ou morale avec qui Itesoft et/ou une société du groupe auquel il appartient a contracté au cours des trois dernières années,

(ii) de solliciter directement ou indirectement, une personne employée par Itesoft et/ou une société du groupe auquel elle appartient dans l'exercice d'une activité similaire à l'activité d'Itesoft et/ou une société de son groupe.

Le consultant s'engage à ne pas collaborer avec un concurrent, direct ou

indirect, d'Itesoft (tel que listé en annexe) et des sociétés appartenant au

même groupe pendant une durée de 6 mois après l'expiration du contrat sur

les territoires sur lesquels Itesoft et les sociétés appartenant au même

groupe exercent leurs activités ».

Si l'article 1188 du code civil notamment définit les règles présidant à l'interprétation d'un contrat, encore faut-il pour qu'elles aient vocation à s'appliquer, qu'il y ait matière à interprétation, c'est à dire que le contrat comprenne des dispositions obscures et/ou imprécises.

Or force est de constater qu'en l'espèce, les obligations de la société Numedge, «LE CONSULTANT », pour ce qui concerne ses relations avec la concurrence, sont très précisément définies par ces multiples paragraphes, de sorte qu'elles ne nécessitent aucune interprétation.

Ainsi la clause d'exclusivité « 8.4 » est sans objet pour le présent litige dès lors qu'il ne porte pas sur une quelconque collaboration de la société Numedge -ni d'ailleurs de son personnel puisqu'il est admis que Monsieur [H] a quitté toutes les fonctions qu'il y exerçait lorsqu'il est embauché par la société T-t - avec une société concurrente, en parallèle des prestations qui lui sont confiées dans le cadre du contrat par la société Itesoft.

La clause « 8.6 » n'est pas non plus applicable puisqu'il n'est pas reproché à l'intimée d'avoir sollicité la clientèle ou un employé de l'appelante et la clause « 8.7 » pas davantage dès lors qu'elle est relative à la période suivant l'expiration du contrat.

Demeure ainsi utile aux débats, la clause « 8.5 » selon laquelle « le consultant s'interdit, directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, de concurrencer Itesoft et les sociétés du groupe Itesoft Yooz », le terme «indirectement » pouvant être relatif à une action de concurrence par un intermédiaire.

Pour autant, cette clause de non-concurrence ne lie que la société Numedge, contractante.

Dès lors, les actes et contrat de travail conclus par Monsieur [E] [H] lui étaient d'autant plus étrangers que celui-ci n'était alors plus son dirigeant, ni son salarié, et la société Numedge ne peut se voir reprocher à titre personnel ni imputer une quelconque responsabilité au titre des agissements d'un tiers.

Sans même qu'il soit donc utile de rechercher si la société dans laquelle Monsieur [H]a été embauché après qu'il a quitté toutes les fonctions occupées au sein de la société Numedge, exerçait ou non une activité concurrente à celle de la société Itesoft, il n'est pas démontré que cette société Numedge par des actes directs ou indirects dont elle serait responsable et qui l'engageraient, ait personnellement concurrencé à quelque titre que ce soit la société Itesoft ou les sociétés de son groupe.

La société Itesoft ne peut donc valablement prétendre s'exonérer de son obligation à paiement en se prévalant du manquement de la société Numedge à son obligation de non-concurrence.

Elle excipe par ailleurs aux mêmes fins d'une inexécution par son cocontractant des prestations confiées dans le cadre du contrat de consulting.

A ce sujet, la Cour observe que la mission de la société Numedge telle que contractuellement définie est double et comprend, d'une part, une prestation de conseil rémunérée par une somme mensuelle fixe, et, d'autre part, une prestation d'apport d'affaires rémunérée à la commission en pourcentage du chiffre d'affaires créé par l'apport fait et concrétisé.

Pour autant, aucune disposition du contrat ne stipule que l'existence de cette dernière prestation soit déterminante, ni même ne fixe un minimum d'affaires à apporter. Bien au contraire, le préambule mentionne la prestation de conseil comme l'objet principal du contrat et l'apport d'affaire comme l'accessoire : « en outre », et l'annexe fixe le prix, contrepartie des obligations définies au contrat, comme la rémunération mensuelle fixe, tandis que les commissions ne sont que « des rémunérations complémentaires ».

Bien plus, l'examen des sommes dont l'appelante réclame la restitution démontre que, depuis la conclusion du contrat, seule la rémunération fixe est versée et il n'est justifié d'aucune mise en demeure ni même simple demande de la société Itesoft à son contractante de procéder à des apports d'affaires.

Or les factures dont le paiement est précisément réclamé en l'instance par l'intimée ne portent que sur cette rémunération fixe.

En conséquence, l'absence habituelle d'apport d'affaires -non contestée- ne peut constituer une inexécution contractuelle de nature à justifier la résiliation du contrat, et elle ne peut pas davantage légitimer le non paiement des autres prestations convenues.

A ce sujet, l'appelante soutient aussi devant la Cour que la société Numedge n'aurait pas exécuté les prestations de conseil dues en vertu du contrat conclu le 20 mai 2016 et ce, depuis le début.

Pourtant, elle ne justifie d'aucune protestation à ce sujet mais confirme bien au contraire avoir régulièrement payé les factures présentées mensuellement par sa cocontractante et qui étaient la contrepartie de ses prestations, de juin 2016 à avril 2017.

L'inquiétude que la société Itesoft manifeste dans ses courriers à voir respecter par la société Numedge son obligation de non-concurrence ne peut de même s'expliquer que par le fait que, dans le cadre de leurs relations contractuelles, cette société a pris connaissance d'informations dont la divulgation serait préjudiciable à Itesoft, révélant donc qu'elle a oeuvré pour celle-ci.

Enfin, la demande de l'appelante formalisée auprès de Monsieur [H] par courrier du 13 juillet 2017, tendant à ce que la société Numedge lui délivre des avoirs correspondant aux factures référencées 170501, 170601 et 170701, pour ne lui adresser qu'une « facture globale intégrant ces trois mois de prestations et les suivants à l'expiration du contrat », confirme encore que l'exécution des prestations dues par la société Numedge dans le cadre du contrat du 20 mai 2016 n'est en elle-même aucunement contestée, et elle peut donc être retenue par la Cour comme établie.

Rien ne permet, comme le soutient l'appelante, de caractériser une quelconque mauvaise foi de la société Numedge dans l'exécution des ces prestations.

Enfin, le changement intervenu dans sa direction ne démontre pas davantage que les prestations de la société Numedge se soient arrêtées au départ de Monsieur [H] -cette société lui survivant manifestement, dès lors qu'aucune contestation n'y a fait suite, sinon de façon très opportune dans la cadre de la présente procédure engagée par la société Numedg à la suite du différend portant sur l'obligation de non-concurrence.

En l'absence d'inexécution fautive par l'intimée de ses obligations contractuelles, les demandes de la société Itesoft en résiliation du contrat et restitution des sommes versées en contrepartie, ne peuvent qu'être rejetées et la demande en paiement de la société Numedge accueillie.

Le jugement déféré doit en conséquence être entièrement confirmé.

Sur les frais de l'instance :

L'appelante, qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance et payer à l'intimée une somme équitablement arbitrée à 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute la SA Itesoft de toutes ses demandes ;

Dit que la SA Itesoft supportera les dépens d'appel et payera à la SAS Numedge une somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par la présidente et par la greffiere.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 4ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21/00781
Date de la décision : 08/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-08;21.00781 ?
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