RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 20/01037 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HWCB
CO
TRIBUNAL DE COMMERCE D'AVIGNON
10 janvier 2020 RG :2017005474
S.A. SOCIETE GENERALE
C/
[C]
[J]
Grosse délivrée
le 08 FEVRIER 2023
à Me Eric FORTUNET
Me Frédéric GAULT
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 08 FEVRIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce d'AVIGNON en date du 10 Janvier 2020, N°2017005474
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Claire OUGIER, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre
Madame Claire OUGIER, Conseillère
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 23 Janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 08 Février 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
S.A. SOCIETE GENERALE, immatriculée au RCS de PARIS b 552.12.222, poursuites et diligences de son Directeur d'Agence de MARSEILLE sis [Adresse 7],
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Eric FORTUNET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON
INTIMÉS :
Monsieur [G] [C]
né le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 8]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représenté par Me Frédéric GAULT de la SELARL RIVIERE - GAULT ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON
Madame [H] [J] épouse [C]
née le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 9]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentée par Me Frédéric GAULT de la SELARL RIVIERE - GAULT ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 12 Janvier 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 08 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSÉ
Vu l'appel interjeté le 2 avril 2020 par la SA Société générale -et par Madame [H] [J] épouse [C] par erreur matérielle- à l'encontre du jugement prononcé le 10 janvier 2020 par le tribunal de commerce d'Avignon sous le numéro RG n° 2017005474 ;
Vu la constitution déposée le 12 mai 2020 par Madame [H] [J] épouse [C] et Monsieur [G] [C] en qualité d'intimés ;
Vu les conclusions d'intervention volontaire remises par voie électronique le 14 janvier 2022 par le fonds commun de titrisation Castanea venant aux droits de la SA Société générale en vertu d'un bordereau de cession de créances du 3 août 2020 ;
Vu l'ordonnance de clôture du 19 octobre 2021 à effet différé au 24 février 2022 ;
Vu l'ordonnance du 2 mars 2022 révoquant cette ordonnance de clôture ;
Vu l'ordonnance sur incident rendue le 28 septembre 2022 par le conseiller de la mise en état ;
Vu les dernières conclusions récapitulatives remises par la voie électronique le 11 janvier 2023 par la SA Société générale, appelante, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions récapitulatives remises par la voie électronique le 10 janvier 2023 par Monsieur [G] [C] et Madame [H] [J] épouse [C], intimés ;
Vu l'ordonnance de clôture du 31 octobre 2022 à effet différé au 12 janvier 2023 ;
* * *
Par acte du 7 juin 2017, les époux [C] ont été assignés devant le tribunal de commerce d'Avignon par la Société générale, en qualité de cautions solidaires de la société HMV, en paiement des sommes restant dues au titre d'un prêt consenti par acte notarié du 8 mars 2011 à cette société placée depuis en liquidation judiciaire.
Par jugement du 10 janvier 2020, le tribunal de commerce a déclaré la banque irrecevable en ses demandes comme étant prescrites, a condamné celle-ci à verser aux époux [C] une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et laissé les dépens à sa charge
La Société générale a relevé appel de cette décision par déclaration du 2 avril 2020, pour la voir totalement réformer.
Le 3 août 2020, la Société générale a cédé sa créance au Fonds commun de titrisation Castanea, cession notifiée aux intimés le 4 septembre 2020.
Par conclusions transmises le 14 janvier 2022, le Fonds est intervenu volontairement en l'instance.
Par ordonnance du 28 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a :
- dit que la Société générale a qualité et intérêt à agir en l'instance,
- rejeté en conséquence la fin de non recevoir soulevée à son encontre par les intimés,
- dit que le Fonds commun de titrisation Castanea est dépourvu d'intérêt et de qualité à agir et l'a déclaré irrecevable en ses demandes,
- condamnons le Fonds commun de titrisation Castanea à payer à Madame [H] [J] épouse [C] et Monsieur [G] [C] une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toute autre demande,
- condamné le Fonds commun de titrisation Castanea aux dépens de l'incident.
***
En l'état de ses dernières écritures devant la Cour, l'appelante lui demande :
d'accueillir l'appel principal comme régulier en la forme et juste au fond, y faisant droit,
juger que l'ordonnance du 28 septembre 2022, dans son dispositif qui a seul autorité et force de chose jugée, ne rejette aucunement les prétentions de la Société générale à obtenir réformation du jugement rendu, quand bien même cette réformation a vocation à bénéficier aujourd'hui à son cessionnaire,
Faisant droit à l'appel, nonobstant le paiement par le débiteur principal de la créance cédée au Fonds commun de titrisation Castanea, et au visa des articles 1134, 1147 et 1256 anciens du code civil, 2224, 2240, 2245 du code civil, et de l'article L110-4 alinéa 1 du code de commerce,
infirmer le jugement du 10 janvier 2020 en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
Retenant que des paiements d'échéances sont intervenus pour la période allant du 4 octobre 2012 au 8 avril 2014 faisant apparaitre un solde créditeur en capital et intérêts de 135,45 euros,
Retenant que la prescription invoquée n'est pas acquise,
donner acte à la Société générale de ce qu'information communiquée par le Fonds commun de titrisation Castanea, la créance a été intégralement payée par le débiteur principal,
juger que l'action de la Société générale à l'encontre de Monsieur [G] [C] et de Madame [H] [C] n'était pas prescrite,
juger que la Société générale avait exécuté son information annuelle des cautions,
juger que la Société générale n'était pas déchue de son droit à réclamer les intérêts contractuels aux époux [C] en leur qualité de caution,
condamner solidairement Monsieur [G] [C] et Madame [H] [C] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.
***
En réplique et dans leurs dernières écritures, les intimés demandent à la Cour :
A titre principal,
de rejeter comme infondé l'appel formulé par la Société générale, et par voie de conséquence, confirmer le jugement entrepris dans l'intégralité de ses dispositions,
A titre subsidiaire,
sur l'information annuelle de la caution,
juger que la Société générale n'a pas exécuté son obligation d'information annuelle de la caution,
déchoir la Société générale de son droit à réclamer les intérêts contractuels aux époux [C] en leur qualité de caution,
En conséquence,
rejeter comme infondées les prétentions de la Société générale en cause d'appel visant à voir juger qu'elle a exécuté son obligation d'information annuelle de la caution et visant à ne pas être déchue de son droit à réclamer les intérêts contractuels aux époux [C] en leur qualité de caution,
En tout état de cause,
condamner la Société générale à verser aux époux [C] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
***
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Sur l'étendue des demandes de la Société générale :
L'appelante soutient qu'en l'état du dispositif de l'ordonnance sur incident du 28 septembre 2022 qui a seul autorité de chose jugée, « le débat demeure complet devant la cour, y compris sur la prescription et sur l'obligation d'information des cautions, outre sur la question des intérêts contractuels et frais irrépétibles et dépens ».
A l'inverse, les intimés soutiennent qu'après cette ordonnance sur incident qui est définitive pour n'avoir fait l'objet d'aucun déféré devant la Cour, « seules restent en débat devant la Cour la condamnation de la Société générale sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile par les premiers juges et la condamnation de la banque aux dépens ».
Ils concluent donc au rejet des autres demandes formulées par la Société générale.
L'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 28 septembre 2022 n'a effectivement autorité de chose jugée que dans son dispositif.
Il n'appartenait en tout état de cause pas à ce magistrat de se prononcer sur le bien fondé des demandes formulées au fond par les parties mais seulement sur leur recevabilité à agir et à intervenir, recevabilité qui faisait précisément l'objet de la contestation en incident.
Il est acquis et non contesté que la créance dont la Société générale poursuivait le paiement lors de l'assignation introductive d'instance a été cédée au Fonds commun de titrisation Castanea le 3 août 2020, cession notifiée aux intimés le 4 septembre 2020.
La Société générale a relevé appel du jugement rendu par le tribunal de commerce d'Avignon le 10 janvier 2020 qui déclarait sa créance prescrite puisqu'à la date du 2 avril 2020 cette créance était sienne.
Si elle l'a cédée le 3 août 2020 et ne peut donc plus en demander paiement, elle demeure fondée à contester que la créance dont elle disposait à l'égard des époux [C] était effectivement prescrite comme jugé par la décision déférée et à faire valoir qu'elle était telle que transmise ensuite.
Sur la prescription :
Pour écarter la prescription de la créance, la Société générale produit un décompte en pièce 13, et soutient sur la base de ce document qui porte son en-tête et qui est certifié conforme par ses soins, qu'en l'état des règlements intervenus le 4 octobre 2012, seule l'échéance du 8 septembre 2012 n'a pas été acquittée intégralement, et qu'ensuite la défaillance dans le paiement des mensualités ne recommencera qu'au 8 avril 2014. Elle en déduit donc qu'à la date de l'assignation délivrée le 7 juin 2017, la prescription quinquennale n'était pas acquise pour ces sommes échues et impayées. Elle ne l'était pas davantage pour celles non encore échues et rendues exigibles par déchéance du terme puisque celle ci est intervenue le 23 janvier 2017.
Les intimés observent que ce décompte est le même que celui dont les premiers juges avait écarté toute valeur probante, et que la banque n'est pas davantage fondée en instance d'appel à se constituer des preuves à elle-même.
Ils relèvent qu'il est en tout état de cause admis que les impayés ont commencé au 8 février 2012, qu'il n'est pas démontré valablement que des règlements seraient intervenus ensuite et que le décompte présenté est confus.
La prescription quinquennale court à l'égard d'une dette payable par termes successifs, pour chacun d'eux à compter de sa date d'échéance, et pour le capital restant dû à compter du prononcé de la déchéance du terme qui le rend exigible.
C'est donc à tort que les premiers juges ont retenu que dès lors que la créance de la banque était née à la première échéance impayée, l'action en paiement engagée plus de cinq ans après cette première défaillance était prescrite, et le jugement déféré ne peut donc qu'être infirmé.
Les intimés ne contestent pas que la défaillance du débiteur principal ait commencé au 8 février 2012, mais contestent la réalité des règlements pris en compte par la banque entre le 4 octobre 2012 et le 8 avril 2014.
Hormis le décompte dont l'appelante est elle-même l'auteur, aucune pièce ne permet de retenir la matérialité de ces règlements et notamment pas celui daté du 4 octobre 2012 qui régulariserait l'impayé antérieur.
Pour autant, l'assignation en paiement ayant été délivrée le 7 juin 2017, seules sont prescrites les échéances antérieures au 7 juin 2012 et qui seraient ainsi restées impayées depuis le 8 février 2012.
La déchéance du terme ayant été prononcée par courrier recommandé du 23 janvier 2017, l'action en recouvrement du capital restant dû et ainsi devenu exigible n'était pas davantage prescrite lorsqu'elle a été engagée.
Sur l'obligation d'information annuelle de la caution :
La banque soutient avoir régulièrement respecté son obligation d'information annuelle à l'égard des époux [C] en leur qualité de cautions et produit en ce sens les pièces 8 à 11.
Les époux [C] contestent avoir jamais reçu de tels courriers d'information.
Les seuls courriers produits par la banque ne permettent pas de retenir qu'ils ont de fait été effectivement envoyés aux intimés, et aucune autre pièce ne permet d'accréditer l'affirmation de la Société générale à cet égard.
Il convient donc de dire, comme demandé par les intimés, que la Société générale n'a pas exécuté son obligation d'information annuelle des cautions et qu'elle était donc déchue de son droit à réclamer les intérêts contractuels aux époux [C], mais seulement à compter du 31 mars 2013, date à laquelle la première information leur était dûe, tenant la défaillance du débiteur principal à compter de février 2012.
Sur les frais :
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur d'une quelconque des parties.
Les époux [C], qui succombent, devront supporter les dépens de première instance et de l'instance d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
et statuant à nouveau,
Dit que seules les échéances antérieures au 7 juin 2012 étaient prescrites au jour de l'assignation en paiement délivrée par la Société générale aux époux [C] ;
Dit que la Société générale n'a pas respecté son obligation d'information annuelle de ces cautions et qu'elle était en conséquence déchue de son droit à réclamer les intérêts contractuels à compter du 31 mars 2013 ;
Dit n'y avoir lieu à indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de toute autre demande ;
Dit que Madame [H] [J] épouse [C] et Monsieur [G] [C] supporteront les dépens de première instance et d'appel.
Arrêt signé par la présidente et par la greffiere.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,