Ordonnance N°23/113
N° RG 23/00120 - N° Portalis DBVH-V-B7H-IWRE
J.L.D. NIMES
06 février 2023
[H]
C/
LE PREFET DU VAR
COUR D'APPEL DE NÎMES
Cabinet du Premier Président
Ordonnance du 07 FEVRIER 2023
Nous, Madame Alexandra BERGER, Conseillère à la Cour d'Appel de NÎMES, conseiller désigné par le Premier Président de la Cour d'Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assisté de Mme Emmanuelle PRATX, Greffière,
Vu l'arrêté de M. Le Préfet du Var portant obligation de quitter le territoire national en date du 2 février 2023 notifié le 3 février 2023, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 2 février 2023, notifiée le 3 février 2023 à 8h30 concernant :
M. [F] [H]
né le 09 Juin 1979 à [Localité 2] (TUNISIE)
de nationalité Tunisienne
Vu la requête reçue au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes le 4 février 2023 à 15h42, enregistrée sous le N°RG 23/631 présentée par M. le Préfet du Var ;
Vu l'ordonnance rendue le 06 Février 2023 à 11h06 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de NÎMES, qui a :
* Ordonné pour une durée maximale de 28 jours commençant 48H après la notification de la décision de placement en rétention, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, de M. [F] [H];
* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l'expiration d'un délai de 28 jours à compter du 5 février 2023 à 8h30,
Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [F] [H] le 06 Février 2023 à 17h00 ;
Vu l'absence du Ministère Public près la Cour d'appel de NIMES régulièrement avisé ;
Vu la présence de Monsieur [J] [O], représentant le Préfet du Var, agissant au nom de l'Etat, désigné pour le représenter devant la Cour d'Appel en matière de Rétention administrative des étrangers, entendu en ses observations ;
Vu la comparution de Monsieur [F] [H], régulièrement convoqué ;
Vu la présence de Me Perrine TEISSONNIERE, avocat de Monsieur [F] [H] qui a été entendu en sa plaidoirie ;
MOTIFS
Monsieur [F] [H] a reçu notification le 2 février 2023 d'un arrêté du Préfet du Var du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire national sans délai avec interdiction de retour pendant deux ans.
A sa levée d'écrou le 2 février 2023 à 8h30, lui a également été notifié son placement en rétention en vertu d'un arrêté pris par la même préfecture le même jour.
Par requête du 4 février 2023, le Préfet du Var a saisi le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes d'une demande en prolongation de la mesure.
Par ordonnance prononcée le 6 février 2023 à 11h06, le Juge des libertés et de la détention de Nîmes a rejeté les exceptions de nullité soulevées ainsi que les moyens présentés par Monsieur [F] [H] et ordonné la prolongation de sa rétention administrative pour vingt-huit jours.
Monsieur [F] [H] a interjeté appel de cette ordonnance le 6 février 2023 à 17h00.
Sur l'audience, Monsieur [F] [H] déclare que :
- il n'a plus aucun lien avec la Tunisie, dont il ne parle pas la langue et qu'il a un enfant en France,
- sa patrie est la France, qu'il ne peut pas envisager de retourner en Tunisie où il n'a aucun lien ; il pense avoir fait un recours contre l'OQTF,
- il a pas fait la démarche de renouveler son titre de séjours car il était en prison, et cela n'a pas été possible,
- ses mauvaises fréquentation peuvent expliquer sa conduite et ses condamnation, que la dernière condamnation est en lien avec le comportement de son ex-compagne qui a écopé également d'une condamnation pénale,
- il vit à [Localité 1], au domicile de ses parents, dont il a hérité après le décès de sa mère,
- il est domicilié au domicile de ses parents.
Son avocate s'en rapporte à la déclaration d'appel. Elle indique que le retenu pourrait bénéficier d'un assignation à résidence, à [Localité 1], au domicile où il vit et dont il est désormais propriétaire. Elle explique que le retenu est dans une totale incompréhension de ce qui lui arrive actuellement.
Monsieur le Préfet pris en la personne de son représentant demande la confirmation de l'ordonnance dont appel. Il indique que le retenu a un passé judiciaire, qu'il a une interdiction de retour pendant deux ans. Il ajoute que le retenu n'a pas de passeport en cours de validité et aucune volonté de partir du territoire national, qu'il ne dispose pas de justificatif de domicile. Le consulat de Tunisie a été saisi.
SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL :
L'appel interjeté le 6 février 2023 à 17h00 par Monsieur [F] [H] à l'encontre d'une ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Nîmes prononcée en sa présence le 6 février 2023 à 11h06, a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il est donc recevable.
SUR LES MOYENS NOUVEAUX ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D'APPEL:
L'article 563 du code de procédure civile dispose : « Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »
L'article 565 du même code précise : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».
Sauf s'ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l'article 74 du code de procédure civile, les moyens nouveaux sont donc recevables en cause d'appel.
A l'inverse, pour être recevables en appel, les exceptions de nullité relatives aux contrôle d'identité, conditions de la garde à vue ou de la retenue et d'une manière générale celles tenant à la procédure précédant immédiatement le placement en rétention doivent avoir été soulevées in « limine litis » en première instance.
Par ailleurs, le contentieux de la contestation de la régularité du placement en rétention (erreur manifeste d'appréciation de administration ou défaut de motivation) ne peut être porté devant la cour d'appel que s'il a fait l'objet d'une requête écrite au juge des libertés et de la détention dans les 48 heures du placement en rétention, sauf à vider de leur sens les dispositions légales de l'article R.741.3 du CESEDA imposant un délai strict de 48h et une requête écrite au Juge des libertés et de la détention.
En l'espèce, Monsieur [F] [H] soulève l'irrégularité de la requête en prolongation de la mesure, pour défaut de qualité de son signataire et formule une demande d'assignation à résidence.
SUR LA RECEVABILITE DE LA REQUETE EN PROLONGATION :
- en ce que son signataire n'aurait pas compétence pour ce faire :
Monsieur [F] [H] soutient qu'il appartient au juge judiciaire de vérifier la compétence du signataire de la requête en prolongation et la mention des empêchements éventuels des délégataires de signature. En l'espèce, le signataire de la requête ne serait pas compétent.
C'est à tort qu'il est argué de l'incompétence du signataire de la requête en prolongation signée pour le Préfet du Var le 6 février 2023 par Monsieur [V] [G], secrétaire général, alors qu'est précisément joint à cette requête un arrêté préfectoral en date du 26 décembre 2023 lui portant délégation de signature.
L'apposition de sa signature sur ladite requête présuppose l'empêchement des autres personnes ayant délégation par préférence, le retenu ne démontrant pas le contraire alors qu'en application de l'article 9 du code de procédure civile c'est bien à lui qu'il incombe d'apporter la preuve du bienfondé de ses prétentions.
Le moyen d'irrecevabilité doit donc être écarté.
SUR LE FOND :
L'article L.611-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose des cas dans lesquels un étranger peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et/ou l'article L.612-6 du même code d'une interdiction de retour sur le territoire français tandis que l'article L611-3 du même code liste de manière limitative les situations dans lesquelles de telles mesures sont exclues.
L'article L.741-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise qu'en tout état de cause «un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.»
En l'espèce, le consulat de Tunisie a été avisé de la situation de Monsieur [F] [H] le 2 février 2023. Deux auditions avaient été fixéesau mois de janvier, que Monsieur [F] [H] a refusé.
Il s'en déduit qu'il y a lieu de dire et juger que l'administration n' a pas failli à ses obligations.
SUR LA SITUATION PERSONNELLE DE MONSIEUR [F] [H] :
Monsieur [F] [H], présent irrégulièrement en France est dépourvu de passeport et de pièces administratives pouvant justifier de son identité et de son origine de telle sorte qu'une assignation à résidence judiciaire est en tout état de cause exclue par les dispositions de l'article L743-13 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Monsieur [F] [H] explique qu'il est en France depuis très longtemps, qu'il était en situation régulière mais qu'il n'a pas renouvelé son titre de séjour en 2020 en raison de son incarcération. Il explique qu'il ne parle même pas la langue de la Tunisie et se considère comme étant français. Cependant, il ne dispose pas de passeport en cours de validité et ne il ne peut pas justifier de son adresse actuelle, les documents fournis ne constituant pas des justificatifs de domicile, l'un étant une attestation notariée de 2021, l'autre une facture adressée à sa mère en 2022; il n'exprime, par ailleurs, aucune volonté d'exécuter la mesure d'éloignement. Il a d'ailleurs refusé les auditions fixées avec son consulat, le 12 janvier 2023 et le 26 janvier 2023. En outre, les garanties de représentation que peut présenter Monsieur [F] [H] sont mises à mal par un passé pénal conséquent pour lequel il n'opère aucune remise en cause.
Une assignation à résidence ne peut constituer une autorisation de maintien sur le territoire national en dépit d'une décision administrative. La demande formée en ce sens sera donc rejetée.
Monsieur [F] [H] est l'objet d'une mesure d'éloignement en vigueur, telle que précitée, et qui fait obstacle à sa présence sur le sol français.
Il s'en déduit que la prolongation de sa rétention administrative demeure justifiée et nécessaire aux fins qu'il puisse être procédé effectivement à son éloignement.
Il convient par voie de conséquence de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9 ; R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
DÉCLARONS recevable l'appel interjeté par Monsieur [F] [H] ;
CONFIRMONS l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
RAPPELONS que, conformément à l'article R.743-20 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation 5 quai de l'Horloge 4ème étage, 75055 PARIS CEDEX 05.
Fait à la Cour d'Appel de NÎMES,
le 07 Février 2023 à
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
' Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 3] à M. [F] [H].
Le à H
Signature du retenu
Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :
- Monsieur [F] [H], par le Directeur du centre de rétention de [Localité 3],
- Me Perrine TEISSONNIERE, avocat
(de permanence),
- M. Le Préfet du Var
,
- M. Le Directeur du CRA de [Localité 3],
- Le Ministère Public près la Cour d'Appel de NIMES
- Mme/M. Le Juge des libertés et de la détention,