RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 20/02542 - N° Portalis DBVH-V-B7E-H2FZ
MS/EB
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ALES
11 septembre 2020 RG :19/00060
[P]
C/
[D]
Grosse délivrée
le
à
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 07 FEVRIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ALES en date du 11 Septembre 2020, N°19/00060
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
M. Michel SORIANO, Conseiller
Madame Leila REMILI, Conseillère
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 24 Novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 07 Février 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Madame [B] [P] décédée le 16 mai 2021
née le 05 Novembre 1971 à [Localité 8]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par Me Christophe MOURIER, avocat au barreau D'ALES
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/8312 du 04/11/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nîmes)
INTIMÉE :
Madame [J] [D]
née le 09 Mars 1931 à [Localité 9]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Me Alexandra DUGAS, avocat au barreau de NIMES
Madame [F] [D] es qualité d'héritière et ayant droit de Madame [J] [D] décédée le 16 mai 2021
née le 05 Juillet 1961 à [Localité 10]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentée par Me Alexandra DUGAS, avocat au barreau de NIMES
Madame [K] [D] es qualités d'héritière et d'ayant droit de Madame [J] [D] décédée le 16 mai 2021
née le 06 Novembre 1963 à [Localité 7]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Alexandra DUGAS, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 10 novembre 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 07 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Mme [B] [P] a été engagée par Mme [F] [D] et a travaillé pour le compte et au domicile de sa mère, feu [J] [D] du 13 décembre 2017 au 14 janvier 2018, en qualité d'auxiliaire de vie/aide à domicile.
Le 14 janvier 2018, la relation de travail a été rompue.
Considérant que ses droits avaient été lésés, le 05 juillet 2019, Mme [P] saisissait le conseil de prud'hommes d'Alès aux fins de voir juger que feu [J] [D] et elle étaient liées par un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, et que la rupture dudit contrat s'analyse en un licenciement irrégulier et abusif.
Par jugement contradictoire du 11 septembre 2020, le conseil de prud'hommes d'Alès a :
- dit et jugé que les demandes de Mme [B] [P] relatives à la rupture du contrat de travail, soit l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, l'indemnité pour licenciement abusif, l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, la demande de remise d'une attestation Pôle Emploi sont irrecevables car prescrites,
- dit et jugé que Mme [J] [D] et Mme [B] [P] ne sont pas liées par un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet,
- débouté Mme [B] [P] de toutes ses autres demandes, fins et conclusions,
- débouté Mme [J] [D] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties,
- condamné Mme [B] [P] aux entiers dépens.
Par acte du 09 octobre 2020, Mme [B] [P] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Le 16 mai 2021, [J] [D] est décédée.
Le 7 octobre 2021, Mmes [F] [D] et [K] [D], héritières de feu [J] [D], intervenaient dans l'instance sur le fondement des articles 329 et 554 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 24 décembre 2020, Mme [B] [P] demande à la cour de :
- accueillir son appel interjeté à l'encontre du jugement rendu le 11 septembre 2020 par le conseil de prud'hommes d'Alès dans l'affaire l'opposant à 'Mme [J] [D]', le dire recevable, juste et bien fondé,
- réformer le jugement attaqué en ce qu'il a :
* dit et jugé que ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail, soit l'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, l'indemnité pour licenciement abusif, l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, la demande de remise d'une attestation Pôle Emploi sont irrecevables car prescrites,
* dit et jugé que 'Mme [J] [D]' et elle ne sont pas liées par un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet,
* l'a déboutée de toutes ses autres demandes, fins et conclusions,
* dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou de l'autre des parties, les a déboutées en conséquence de leur demande sur ce fondement,
* l'a condamnée aux entiers dépens.
Statuant à nouveau :
- déclarer que 'Mme [J] [D]' et elle étaient liées par un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet.
- déclarer que la rupture dudit contrat intervenue le 14 janvier 2018 à l'initiative de 'Mme [J] [D]' s'analyse en un licenciement irrégulier et abusif.
- condamner 'Mme [J] [D]' à lui porter et payer les sommes suivantes :
* 1498,47 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
* 395,20 euros bruts au titre de l'indemnité de préavis,
* 39,52 euros bruts au titre des congés payés sur préavis,
* 4000 euros à titre de dommages et intérêts pour le licenciement abusif,
* 626,28 euros nets à titre de rappel de salaire,
* 189,12 euros nets à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
* 8990,82 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
- condamner 'Mme [J] [D]' à lui remettre les bulletins de salaire des mois de décembre 2017 et janvier 2018 correspondant aux condamnations qui seront prononcées, ainsi que l'attestation Pôle Emploi, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter de la notification de la décision à intervenir.
- condamner 'Mme [J] [D]' à lui porter et payer une somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner 'Mme [J] [D]' aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle soutient que :
- le conseil de prud'hommes a fait courir le délai de prescription à compter du 14 janvier
2018, date à laquelle la relation de travail a été brusquement rompue par SMS de
Mme [M] [D], fille de l'employeur,
- aucune notification de la rupture du contrat de travail, au sens des dispositions de l'article L 1471-1 alinéa 2 du code du travail, n'est intervenue,
- l'envoi d'un SMS ne saurait être considéré comme une notification de rupture du contrat de travail,
- seul l'employeur a qualité pour notifier la rupture du contrat de travail. Or, l'auteur dudit SMS n'est pas l'employeur,
- par conséquent, la prescription n'est pas acquise,
- en toute hypothèse, la prescription de l'action relative à l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé n'est pas soumise au délai de prescription d'un an prévu au titre des actions portant sur la rupture du contrat de travail, mais au délai biennal prévu à l'alinéa 2 de l'article L 1471-1 du code du travail,
- sur le fond
- elle a été recrutée par Mme [M] [D], fille du particulier employeur, qui a géré la relation de travail,
- elle avait pour mission de surveiller feu [J] [D], de préparer les repas, d'effectuer les tâches ménagères et de remplacer la personne travaillant la nuit,
- la relation de travail a été brusquement rompue le 14 janvier 2018 par SMS de Mme [M] [D],
- malgré les dispositions de l'article 7 de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999, prévoyant que l'accord entre l'employeur et le salarié est établi par un contrat écrit rédigé soit à l'embauche, soit à la fin de la période d'essai au plus tard, aucun contrat écrit n'a été établi.
Aucune période d'essai n'a été contractuellement prévue,
- il résulte incontestablement des échanges de SMS qu'elle travaillait à temps complet,
- la brusque rupture du contrat de travail intervenue le 14 janvier 2018 à la seule initiative
de l'employeur s'analyse en un licenciement irrégulier et abusif.
En l'état de leurs dernières écritures en date du 07 octobre 2021, contenant appel incident, Mmes [F] [D] et [K] [D], en leur qualité d'ayants droit de feu [J] [D], demandent à la cour de :
- les recevoir en leur intervention volontaire,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Alès le 11 septembre 2020 dans toutes ses dispositions en ce qu'il a :
* dit et jugé que les demandes de Mme [B] [P] relatives à la rupture du contrat de travail telles que l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, l'indemnité pour licenciement abusif, l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, la demande de remise d'une attestation Pôle Emploi sont irrecevables car prescrites,
* dit et jugé que 'Mme [J] [D]' et Mme [B] [P] ne sont pas liées par un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet,
* débouté Mme [B] [P] de toutes ses autres demandes, fins et conclusions,
- déclarer recevable leur appel incident en leur qualité d'héritières et d'ayants droit de feu [J] [D] décédée le 16 mai 2021
- réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Statuant à nouveau
- dire et juger que Mme [B] [P] a fait un usage abusif de son droit d'agir en justice
En conséquence,
- condamner Mme [B] [P] à leur payer la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive
- condamner Mme [B] [P] à leur payer une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens
- débouter Mme [B] [P] de toutes demandes à leur encontre
Subsidiairement, si par impossible la cour jugeait que la demande au titre du travail dissimulé n'est pas prescrite,
- dire et juger que le travail dissimulé n'est pas caractérisé et débouter Mme [B] [P] de sa demande au titre du travail dissimulé,
A titre infiniment subsidiaire, si par impossible la cour jugeait que la demande au titre du travail dissimulé est caractérisée,
- fixer l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé à 3.900 euros au passif de la succession de la défunte Mme [J] [D].
Elles font valoir que :
- il n'est pas contesté par Mme [B] [P] que la rupture du contrat de travail est intervenue le 14/01/2018 par l'envoi d'un SMS que lui a adressé la fille de l'employeur, Mme [M] [D],
- la salariée a saisi le conseil de prud'hommes d'Alès par requête le 5 juillet 2019, postérieurement au délai d'un an prévu par l'article L 1471-1 du code du travail, soit plus de 17 mois après la rupture de son contrat,
- s'agissant de la preuve de la rupture du contrat de travail, Mme [P] a toujours reconnu que son contrat de travail avait pris fin le 14 janvier 2018 suite à la réception d'un SMS de la fille de l'employeur,
- Mme [P] reconnait, d'une part, que la fille de l'employeur, Mme [M] [D], l'a recrutée et qu'elle a géré l'exécution de la relation de travail pour le compte de sa mère,
- en raison de la dégradation de son état de santé et de son âge (86 ans en 2017), feu [J] [D] a donné mandat à sa fille [M] de gérer ses affaires dont elle ne pouvait plus s'occuper seule,
- Mme [M] [D] a agi selon les règles spécifiques de la gestion d'affaires prévues par les articles 1301 et suivants du code civil,
- dès lors, la fille de l'employeur a pu valablement rompre le contrat de travail,
- l'appelante soutient que la demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé est une action liée à l'exécution du contrat de travail et non pas à la rupture du contrat de travail, donc soumise au délai biennal,
- or, selon l'article L 8223-1 du code du travail, la garantie forfaitaire pour travail dissimulé n'est due au salarié qu'à condition qu'il y ait rupture du contrat de travail,
- sur la demande en requalification du contrat de travail à temps complet
- il était convenu entre les parties que Mme [P] réaliserait une période d'essai d'un mois et qu'elle travaillerait à temps partiel, selon un contrat qui serait établi à l'issue de la période d'essai, et qu'elle travaillerait soit le matin, soit l'après-midi, pour relayer
les autres aides à domicile ou dans l'attente de la fille de l'employeur qui relayait les aides à domicile et qu'elle fasse 2 nuits par semaine une semaine sur 2,
- la salariée a écrit un SMS le 13 janvier 2018 à Mme [M] [D] pour lui dire qu'elle pourrait faire 2 nuits de garde une semaine sur deux à l'exclusion des lundis, samedis et dimanches et seulement être disponible les vendredis quand son compagnon serait en déplacement,
- l'appelante imposait ses contraintes horaires et n'était pas à la disposition de l'employeur,
- Mme [P] n'était pas présente toute la journée et toutes les nuits au service de
feu [J] [D] contrairement à ce qu'elle soutient,
- il découle des échanges de SMS que Mme [P] ne travaillait pas à temps complet. Cette dernière a toujours imposé ses horaires, ce qui ne convenait pas à feu [J] [D] et ce qui a motivé la fin de son essai d'un mois,
- sur le rappel de salaire
- la somme de 1.265 euros nets versée à Mme [B] [P] correspond au travail qu'elle a effectué et elle a été remplie de ses droits,
- en confrontant les échanges de SMS avec le tableau des horaires produits par la salariée, il apparait que cette dernière a décompté de nombreuses heures en plus (au moins 14 heures) qu'elle n'a pas réalisées.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 07 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 10 novembre 2022. L'affaire a été fixée à l'audience du 24 novembre 2022.
MOTIFS
Sur la rupture du contrat de travail
Les premiers juges ont retenu la prescription des demandes présentées à ce titre.
La cour relève que les parties fixent la rupture du contrat de travail au 14 janvier 2018.
En application de l'article 1471-1 alinéa 2 du code du travail, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois.
Mme [P] estime que la rupture intervenue par un SMS adressée par la fille de l'employeur ne peut être considéré comme une notification de rupture du contrat de travail.
Lorsque la rupture émane de l'employeur, l'acte de rupture se situe au moment où ce dernier a manifesté sa volonté de rompre le contrat de travail ; en présence d'une lettre de licenciement, c'est l'envoi de cette lettre qui emporte, de la part de l'employeur, manifestation de sa volonté de rompre le contrat de travail.
Si le licenciement recouvre toute rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur formalisée comme telle, cette qualification peut également être retenue même si l'employeur n'exprime pas formellement la volonté de mettre fin au contrat de travail du salarié.
Il suppose néanmoins une manifestation de volonté de l'employeur, dépourvue de toute équivoque, de mettre fin au contrat de travail.
Cette manifestation de volonté peut résulter du fait que l'employeur signifie oralement et sans ambiguïté que le contrat est d'ores et déjà rompu ou bien se déduire des actes positifs de l'employeur, tels que le retrait des moyens matériels permettant au salarié d'exécuter son contrat de travail, la remise d'un certificat de travail et d'un reçu pour solde de tout compte le jour de l'entretien préalable, ou l'interdiction faite au salarié de paraître dans l'entreprise, sans qu'il ait fait l'objet d'une procédure de mise à pied conservatoire.
En l'espèce, il est constant que Mme [F] [D] a adressé un SMS à Mme [P] le 14 janvier 2018, ainsi libellé :
'les choses ont pourtant été claires ce midi nous ne souhaitons plus que vous interveniez auprès de Maman.
Nous avons trouvé une autre solution plus adaptée.
Merci pour votre investissement auprès de Maman et Bonne continuation...'
Ce message est dénué de toute ambiguïté et notifie la rupture de la relation de travail litigieuse.
Pour autant, il n'est pas contestable que ladite rupture n'émane pas de l'employeur mais de sa fille.
Il ressort des éléments du dossier et des propres déclarations de Mme [P] que cette dernière 'a été recrutée par Madame [M] [D], fille du particulier employeur, qui a géré la relation de travail', ce qui ressort également des échanges de SMS uniquement à destination de Mme [F] [D] (enregistrée par Mme [P] sur son téléphone portable sous'[M] Trav'),et ce en raison de l'âge de [J] [D] (plus de 86 ans lors de l'embauche).
Il en ressort que Mme [F] [D] était l'interlocutrice habituelle de la salariée et gérait les modalités d'exécution du contrat de travail de Mme [P], ce qui caractérise une gestion d'affaires.
Ce faisant, Mme [P] ayant saisi le conseil de prud'hommes le 5 juillet 2019, soit plus d'un an après la rupture du contrat de travail, c'est à juste titre que les premiers juges ont décidé que les demandes de ce chef étaient prescrites.
Sur le rappel de salaire
Mme [P] sollicite la somme de 626,28 euros nets et produit un décompte pour justifier de sa prétention.
C'est par une exacte appréciation des faits et des pièces produites que les premiers juges ont débouté Mme [P] de ce chef, au motif que 'le défendeur démontre qu'en confrontant le tableau des heures prétendument effectuées par Madame [P], établi par elle même, et les échanges SMS entre les parties, il apparait que des heures revendiquées ne correspondent pas à celles réalisées'.
En effet, la comparaison du décompte produit par la salariée avec les SMS échangés avec Mme [F] [D] (pièce n°10 de l'appelante) fait apparaître de nombreuses incohérences justifiant le rejet de la demande ainsi présentée.
Sur l'indemnité compensatrice de congés payés
Mme [P] sollicite la somme de 189,12 euros nets à ce titre alors qu'elle indique dans le tableau qu'elle produit en pièce n°13 que le taux horaire incluait les congés payés à hauteur de 10%.
En outre, elle ne donne aucune précision sur le calcul opéré permettant de retenir ladite somme.
Les premiers juges ayant omis de statuer sur ce chef de prétention, le débouté de Mme [P] s'impose.
Sur l'indemnité pour travail dissimulé
Selon l'article L8221-5 du code du travail, 'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1º Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2º Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie;
3º Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.'
L'article L 8223-1 du code du travail prévoit qu' 'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.'
La demande d'indemnité pour travail dissimulé se prescrit conformément à l'article L1471-1 du code du travail, par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit soit en l'espèce à compter de la rupture du contrat de travail.
Eu égard à la date de saisine de la juridiction, le 5 juillet 2019, moins de deux ans après la rupture du contrat de travail intervenue le 14 janvier 2018, la prétention de la salariée n'est pas atteinte par la prescription, le jugement querellé devant être réformé de ce chef.
La caractérisation de l'infraction de travail dissimulé est subordonnée à la démonstration, d'une part, d'un élément matériel constitué par le défaut d'accomplissement d'une formalité (déclaration d'embauche, remise d'un bulletin de paie, etc.) et d'autre part, d'un élément intentionnel constitué par la volonté de se soustraire à cette formalité.
Il appartient à la salariée de rapporter la preuve des éléments constitutifs de l'infraction de travail dissimulé.
Mme [P] caractérise la dissimulation d'emploi par :
- le défaut de remise des bulletins de paie,
- le défaut d'inscription en qualité d'employeur auprès de l'URSSAF,
- le défaut de déclarations obligatoires relatives aux salaires et aux cotisations sociales auprès de l'URSSAF ou de l'administration fiscale.
Aucune attestation d'emploi valant bulletin de salaire (CESU) n'a été établie sur la durée de la relation de travail, soit du 13 décembre 2017 au 14 janvier 2018.
Le 13 janvier 2018, Mme [P] a adressé à [F] [D], par SMS, son numéro de sécurité sociale et sa date de naissance 'pour l'URSSAF'.
La rupture du contrat de travail intervenant le lendemain, 14 janvier 2018, aucune suite ne sera donnée par les deux parties.
Ce n'est que onze mois plus tard que Mme [P] va interroger l'URSSAF sur sa situation et celle de son ancien employeur, sans avoir mis pour autant en demeure ce dernier de procéder à une quelconque régularisation ou lui avoir simplement demandé des explications.
Ainsi, la preuve de la volonté de l'employeur de se soustraire à ses obligations déclaratives n'est pas rapportée dès lors que Mme [P] n'a jamais demandé la régularisation de sa situation, demande à laquelle l'employeur aurait refusé de donner suite.
Dans ces conditions, Mme [P] sera déboutée de sa demande de ce chef.
Ce faisant, l'appelante sera également déboutée de sa demande à voir déclarer qu'elle était liée avec [J] [D] par un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, la seule conséquence juridique revendiquée par Mme [P] étant le calcul de l'indemnité pour travail dissimulée sur la base d'un salaire mensuel à temps complet.
Le jugement querellé sera confirmé sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
L'article 32-1 du code de procédure civile sanctionne l'abus du droit d'agir en justice par le versement d'une amende civile au trésor public et de dommages et intérêt à l'adversaire.
L'abus suppose la caractérisation d'une faute susceptible de faire dégénérer en abus le droit d'ester en justice.
Il n'est pas démontré en l'espèce que par son action, Mme [P] a entendu abuser de son droit d'agir en justice et de causer un dommage à feu [J] [D].
En effet, les certificats médicaux produits par les ayants droit de cette dernière ne font état d'aucun lien entre la procédure engagée par Mme [P] et l'état de santé de leur auteur.
Mmes [F] [D] et [K] [D] seront dans ces circonstances déboutées de leur demande de dommages et intérêts de ce chef.
Sur les demandes accessoires
Il serait inéquitable de laisser à la charge des intimées les frais irrépétibles qu'elles ont été contraintes d'exposer en appel et qui ne sont pas compris dans les dépens.
Mme [P] conservera à sa charge les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 11 septembre 2020 par le conseil de prud'hommes d'Alès en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a retenu la prescription concernant la demande d'indemnité pour travail dissimulée,
Statuant à nouveau sur le chef infirmé,
Dit que la demande d'indemnité pour travail dissimulée n'est pas prescrite,
Au fond, déboute Mme [B] [P] de sa demande à ce titre,
Y ajoutant,
Déboute Mme [B] [P] de sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés,
Déboute Mmes [F] [D] et [K] [D], en leur qualité d'ayants droit de feu [J] [D], de leur demande reconventionnelle,
Condamne Mme [B] [P] à payer à Mmes [F] [D] et [K] [D], en leur qualité d'ayants droit de feu [J] [D], la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [B] [P] aux dépens d'appel,
Arrêt signé par le président et par la greffière.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,