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01/02/2023 | FRANCE | N°22/02604

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 4ème chambre commerciale, 01 février 2023, 22/02604


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS















ARRÊT N°



N° RG 22/02604 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IQVS



CC



TRIBUNAL DE COMMERCE D'AVIGNON

06 juillet 2022

RG:2021007089



S.C.I. DU THEATRE



C/



[W]





























Grosse délivrée

le

à














r>COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale





ARRÊT DU 01 FEVRIER 2023





Décision déférée à la Cour : Décision du Tribunal de Commerce d'AVIGNON en date du 06 Juillet 2022, N°2021007089



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,

Madame Claire OUGIER, Consei...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/02604 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IQVS

CC

TRIBUNAL DE COMMERCE D'AVIGNON

06 juillet 2022

RG:2021007089

S.C.I. DU THEATRE

C/

[W]

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale

ARRÊT DU 01 FEVRIER 2023

Décision déférée à la Cour : Décision du Tribunal de Commerce d'AVIGNON en date du 06 Juillet 2022, N°2021007089

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,

Madame Claire OUGIER, Conseillère,

Madame Agnès VAREILLES, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

DÉBATS :

A l'audience publique du 19 Janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 01 Février 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.C.I. DU THEATRE, société civile immobilière au capital social de 1.000 euros, immatriculée au RCS d'AVIGNON sous le n° 821 436 714, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 4]

[Localité 10]

Représentée par Me Stéphane SZAMES de la SELARL YDES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON

INTIMÉ :

Maître [X] [W], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société DINAPLAS, fonction à laquelle il a été désigné selon jugement du Tribunal de Commerce d'Avignon en date du 25 septembre 2019,

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Jean-marie CHABAUD de la SELARL SARLIN-CHABAUD-MARCHAL & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Affaire fixée en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile avec ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 16 Janvier 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 01 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSÉ

Vu l'appel interjeté le 21 juillet 2022 par la S.C.I du Théâtre à l'encontre du jugement prononcé le 6 juillet 2022 par le tribunal de commerce d'Avignon dans l'instance n°2021007089.

Vu l'appel interjeté le 29 juillet 2022 par la S.C.I du Théâtre à l'encontre du jugement prononcé le 6 juillet 2022 par le tribunal de commerce d'Avignon dans l'instance n°2021007089.

Vu l'ordonnance du 14 septembre 2022 ordonnant la jonction des procédures n° RG 22/02604 et 22/02738 sous le numéro RG 22/02604.

Vu l'avis du 15 septembre 2022 de fixation de l'affaire à bref délai à l'audience du 19 janvier 2023.

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 11 janvier 2023 par l'appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 14 novembre 2022 par Maître [X] [W], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Dinaplast, intimé, et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu la communication de la procédure au Ministère Public qui, par conclusions notifiées aux parties le 9 décembre 2022, a indiqué qu'il « conclut à la confirmation par la Cour de la décision entreprise au vu des motifs pertinents des premiers juges ».

Vu l'ordonnance du 15 septembre 2022 de clôture de la procédure à effet différé au 12 janvier 2023, partiellement révoquée par ordonnance du 12 janvier 2023 avec nouvelle clôture fixée au 16 janvier 2023.

* * *

Par acte notarié du 20 septembre 2016, la SCI du Théâtre a acquis un ensemble immobilier situé [Adresse 9]. Il est mentionné dans cet acte authentique que les lieus sont loués, du 14 décembre 2011 au 13 décembre 2020 à la société Café Théâtre Group, moyennant le versement d'un loyer de 31 200 euros hors taxes.

Les associés de la SCI du Théâtre sont Monsieur [G] et Madame [I].

Les parties s'accordent à dire qu'un protocole de résiliation de bail a été signé le 1er février 2017 entre la SCI du Théâtre et un autre locataire, à savoir la société Dinaplas.

Quelques semaines, plus tard, le 30 mars 2017, un contrat de location-gérance était signé entre la société Dinaplast et la société Café Théâtre Group (CTG). Ce contrat de location-gérance n'a pas été publié ni enregistré. La redevance annuelle est fixée à 32 000 euros.

Les associés de la société Dinaplas sont Monsieur [H] (1 part) et la société CTG (99 parts). Le siège social est fixé depuis le 15 février 2016 dans les locaux de la SCI du Théâtre.

Monsieur [H] était, jusqu'en juillet 2015, le président de la société CTG, puis il a été remplacé par sa mère, Mme [I]. En 2019, Monsieur [H] devient le directeur général de cette société. Monsieur [G] est associé de la société CTG.

Par jugement du tribunal de commerce d'Avignon du 26 avril 2017, la société Dinaplas a été placée en redressement judiciaire.

Par jugement du 25 septembre 2019, le tribunal de commerce d'Avignon a ordonné l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Dinaplas et Maître [W] a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Par exploit du 30 août 2021, Maître [W] a, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Dinaplas, fait assigner la société du Théâtre aux fins de constater l'existence de relations financières anormales entre la société Dinaplas et la société du Théâtre et, en conséquence, prononcer l'extension de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la société Dinaplas à la société du Théâtre.

Par jugement du 6 juillet 2022, le tribunal de commerce d'Avignon a, au visa des articles L. 621-2, L.631-7, R. 661-1 du code de commerce, de l'assignation de Maître [X] [W], es qualités, signifiée le 30 août 2021, de l'avis favorable du juge-commissaire dans son rapport, :

-Entendu le ministère public pris en la personne de Monsieur le procureur adjoint ;

-Dit que Maître [X] [W], es qualités, est recevable en son action ;

-Constaté la confusion des patrimoines entre la SAS Dinaplas et la SCI du Théâtre ;

-Étendu la procédure de liquidation judiciaire de la SAS Dinaplas à la SCI du Théâtre, société civile immobilière immatriculée au RCS d'Avignon sous le n°821 436 714, dont le siège social est [Adresse 4] ;

-Dit que les opérations se poursuivront sous patrimoine commun ;

-Maintenu les organes de la procédure à savoir Maître [X] [W], en qualité de liquidateur judiciaire, Monsieur [N] [R] en qualité de juge-commissaire et Monsieur [U] [F] en qualité de juge-commissaire suppléant ;

-Fixé la date de cessation des paiements à la date de celle de jugement du 25 septembre 2019 de conversion en liquidation judiciaire de la société Dinaplas, fixée au 6 juin 2019 ;

-Désigné Maître [D] [J], commissaire-priseur, aux fins de réaliser l'inventaire et la prisée prévus par les articles L. 641-1 II et L. 622-6 du code de commerce ;

-Dit que l'inventaire devra être déposé au greffe dans le délai de 30 jours à compter de la présente décision et qu'il devra en être référé au juge-commissaire en cas de difficultés ;

-Dit que le débiteur devra remettre au mandataire judiciaire dans les huit jours suivant le prononcé du présent jugement, la liste de ses créanciers comportant les noms ou dénomination, siège ou domicile de chacun avec l'indication du montant des sommes dues, des sommes à échoir et de leur date d'échéance, de la nature de la créance, et des sûretés et privilèges dont chaque créance est assortie ;

-Dit que le liquidateur judiciaire devra déposer au greffe la liste des créances avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi dans le délai de dix-huit mois à compter du terme du délai imparti aux créanciers pour déclarer leurs créances ;

-Employé les dépens en frais privilégiés de la liquidation judiciaire ;

-Constaté que le présent jugement est exécutoire de plein droit ;

-Ordonné les mesures de publicités conformément au Livre VI du code de commerce.

La SCI du Théâtre a relevé appel de ce jugement pour aux fins de le voir réformer en toutes ses dispositions.

***

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l'appelante demande à la cour, au visa de l'article L. 651-2 du code de commerce, de la jurisprudence citée, des pièces versées au débat, de :

-Réformer la décision du tribunal de commerce d'Avignon en date du 6 juillet 2022 en ce qu'elle a :

Dit que Maître [X] [W], es qualités, est recevable en son action ;

Constaté la confusion des patrimoines entre la SAS Dinaplas et la SCI du Théâtre ;

Étendu la procédure de liquidation judiciaire de la SAS Dinaplas à la SCI du Théâtre, société civile immobilière immatriculée au RCS d'Avignon sous le n°821 436 714, dont le siège social est [Adresse 4] ;

Dit que les opérations se poursuivront sous patrimoine commun ;

Maintenu les organes de la procédure à savoir Maître [X] [W], en qualité de liquidateur judiciaire, Monsieur [N] [R] en qualité de juge-commissaire et Monsieur [U] [F] en qualité de juge-commissaire suppléant ;

Fixé la date de cessation des paiements à la date de celle de jugement du 25 septembre 2019 de conversion en liquidation judiciaire de la société Dinaplas, fixée au 6 juin 2019 ;

Désigné Maître [D] [J], commissaire-priseur, aux fins de réaliser l'inventaire et la prisée prévus par les articles L. 641-1 II et L. 622-6 du code de commerce ;

Dit que l'inventaire devra être déposé au greffe dans le délai de 30 jours à compter de la présente décision et qu'il devra en être référé au juge-commissaire en cas de difficultés ;

Dit que le débiteur devra remettre au mandataire judiciaire dans les huit jours suivant le prononcé du présent jugement, la liste de ses créanciers comportant les noms ou dénomination, siège ou domicile de chacun avec l'indication du montant des sommes dues, des sommes à échoir et de leur date d'échéance, de la nature de la créance, et des sûretés et privilèges dont chaque créance est assortie ;

Dit que le liquidateur judiciaire devra déposer au greffe la liste des créances avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi dans le délai de dix-huit mois à compter du terme du délai imparti aux créanciers pour déclarer leurs créances.

Statuant à nouveau,

-Dire que les relations financières entre la société du Théâtre et la société Dinaplas ne sont pas anormales ;

-Constater que la preuve d'une confusion des patrimoines entre la société du Théâtre et la société Dinaplas n'est pas rapportée ;

-Débouter Maître [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dont appel intimé ;

En conséquence,

-Dire n'y avoir de confusion de patrimoine,

En tout état de cause,

-Condamner Maître [W] à payer à la société du Théâtre la somme de 4 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamner Maître [W] aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir que :

Sur l'absence de confusion de patrimoine entre la société Dinaplas et la société du Théâtre,

-il est nécessaire de démontrer une confusion des patrimoines par la preuve d'une imbrication des éléments d'actif et de passif des patrimoines et des flux financiers anormaux entre les sociétés ;

-Maître [W] ne démontre pas l'existence d'anormalité des flux financiers entre la société du Théâtre et la société Dinaplas ;

-elle n'a jamais fait partie de la société Café Théâtre Group et n'a aucune participation dans la société Dinaplas, celles-ci étant seulement ses locataires ;

-un contrat de location gérance a été signé entre la société Café Théâtre Group et la société Dinaplas suivant acte du 30 mars 2017 portant sur le fonds de commerce de café-théâtre, bar, restaurant sous l'enseigne Le Grégoire à [Localité 5] ; la société du Théâtre n'est donc pas partie à ce contrat ;

-les situations comptables de la société Dinaplas et de la société du Théâtre sont ordonnées et isolables ;

-aucun élément n'est versé par Maître [W] permettant de démontrer l'enrichissement de l'une au détriment de l'autre et l'appauvrissement d'une société au profit de l'autre ;

-lors de l'ouverture des procédures collectives à l'encontre des sociétés Café Théâtre Group et Dinaplas, les relations contractuelles ne sont pas apparues anormales à Maître [W] ;

-un des éléments permettant le maintien de l'activité d'une société en procédure collective est, outre l'existence d'un contrat de bail, le paiement des loyers en cours et postérieurs à l'ouverture d'une procédure collective ;

-la société Dinaplas et la société Café Théâtre Group ont été placées en redressement judiciaire et ont obtenu un plan de redressement sur la base des documents fournis mais aujourd'hui contestés par Maître [W] ;

-la confusion des patrimoines ne saurait se déduire de la simple existence de créances d'une société envers une autre, d'autant que Maître [W] est parvenu à distinguer l'actif et le passif de chacune des sociétés ;

-Maître [W] est défaillant dans la charge de la preuve ;

-l'anormalité implique que soit rapportée la preuve d'opérations se rapprochant de la fraude ou témoignant d'une volonté délibérée d'appauvrir une société au profit d'une autre, et ce sans contrepartie ;

Sur les difficultés rencontrées par la société Dinaplas,

-la société du Théâtre a perçu des loyers de la société Dinaplas ;

-les loyers ont cessé d'être versés lors de l'effondrement de la toiture de l'immeuble (parcelle [Cadastre 6]) le 24 novembre 2016, la société Dinaplas s'étant retrouvée sans local à exploiter ;

-dans le cadre d'une liquidation judiciaire, un commissaire-priseur se déplace in situ pour dresser un inventaire du matériel, ce qui a été fait pour la société Café Théâtre Group et la société Dinaplas ;

-un accord verbal est intervenu entre la bailleresse et la locataire en vertu duquel la société du Théâtre s'engageait à ne pas percevoir de loyers pendant une certaine durée et en contrepartie, la société Dinaplas prenait en charge ces travaux ; il s'agit d'une compensation de dettes connexes ;

-à la suite de cet événement, la société Dinaplas a accumulé des difficultés qui ont empêché le règlement courant des loyers et ont conduit à sa mise en redressement judiciaire ;

Sur l'absence de déclaration de créances,

-les associés gérants de la société du Théâtre sont âgés et malades et n'ont pu déclarer leurs créances lors de l'ouverture de la procédure collective ;

-il arrive fréquemment que les créanciers chirographaires ne déclarent pas leurs créances ;

-les chances de recouvrement étaient purement illusoires, la SCI Du Théâtre étant un créancier chirographaire ; de plus, des liens familiaux unissaient cette dernière et la société Dinaplas.

***

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l'intimé demande à la cour, au visa des articles L. 621-2 et L.641-1 du code de commerce, de :

-Confirmer le jugement du tribunal de commerce d'Avignon en date du 6 juillet 2022, en toutes ses dispositions, en ce qu'il a :

Jugé caractérisée l'existence de relations anormales entre la société Dinaplas et la société du Théâtre ;

Prononcé l'extension de la procédure collective de liquidation judiciaire de la société Dinaplas à la société du Théâtre ;

-Juger que les dépens de la présente instance seront employés en frais privilégiés de justice de cette procédure collective.

Au soutien de ses prétentions, l'intimé fait valoir que :

-le critère d'anormalité des relations financières, ou des flux financiers, s'appuie sur un faisceau d'indices et de faits qu'il faut situer dans le temps, la confusion des patrimoines devant se manifester avant l'ouverture de la procédure qu'il est souhaitable d'étendre ;

-la société civile immobilière n'a pas encaissé les loyers contractuellement dus et est restée passive dans le suivi des paiements, impayés et le recouvrement ou l'expulsion ;

-la société Dinaplas, gérée par le même groupe de personnes physiques, a fait le choix, lors de l'exploitation, hors tout cadre légal, de ne pas revendiquer un quelconque statut protecteur, pour au final abandonner toute revendication à un droit au bail et donc renoncer à l'existence même de son fonds de commerce, en faveur du propriétaire des murs commerciaux ;

-les impayés de loyers ne sont pas le seul indice de l'anormalité des relations financières, l'actif incorporel de la société Dinaplas étant affecté ;

-ces sociétés s'affranchissent des relations contractuelles normales régissant les relations entre propriétaire/bailleur et occupant/locataire, et ce au gré de leurs besoins ou de leurs situations, et s'appauvrissent ou se favorisent alternativement, au gré des capacités et besoins des unes et des autres, prouvant que le patrimoine est envisagé par et géré par elles, comme un tout.

***

Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION

Sur la révocation de l'ordonnance de clôture :

Au regard des conclusions déposées par l'appelante le 11 janvier 2023, un report de la date de clôture a été décidé afin de permettre à l'intimé de répondre et ce, afin de satisfaire au principe du contradictoire. Mais la nouvelle date de clôture a été fixée au 16 janvier 2023, de sorte que les conclusions déposées le 17 janvier 2023 par Me [W] es qualités sont irrecevables. Il n'est en effet justifié d'aucune cause grave de nature à révoquer la date de clôture.

Sur les conditions de l'extension d'une procédure collective :

Aux termes de l'article L. 621-2 alinéa 2 du code de commerce relatif à la procédure de sauvegarde, « à la demande (') du mandataire judiciaire ('), la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes, en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ».

L'article L.631-7 du code de commerce rend applicable à la procédure de redressement judiciaire l'article précité.

Selon la cour de cassation, les juges du fond, pour caractériser des relations anormales constitutives d'une confusion des patrimoines, n'ont pas à rechercher si ces relations anormales ont augmenté le passif à la procédure collective dont l'extension est demandée.

Com. 16 juin 2015 n°14-10.187

Il n'est pas non plus nécessaire, contrairement à ce que soutient l'appelante, que les relations financières anormales aient appauvri la société débitrice soumise à la procédure collective dont l'extension est demandée.

Com. 2 décembre 2016 n°15-13.006

Contrairement à ce que soutient encore l'appelante, il est inutile de constater l'imbrication des comptes si l'action est fondée sur l'existence de relations financières anormales.

Com 28 février 2018 n°16-24.507

Par conséquent, il suffit au demandeur de démontrer l'existence de relations financières anormales entre la société Dinaplas et la SCI du Théâtre.

Pour cela, il doit rapporter la preuve :

D'un mélange patrimonial avec transfert d'actif ou de passif d'un patrimoine à l'autre,

D'un déséquilibre patrimonial significatif, tenant à une absence de contrepartie,

du caractère anormal des relations financières, soit parce que ces relations ne peuvent se rattacher à aucune obligation juridique, soit au fait que ces relations soient dépourvues d'intérêt pour l'appauvri.

Il est également nécessaire de caractériser une volonté systématique portant sur des relations financières anormales.

Sur le fond :

L'acte notarié du 20 septembre 2016 (pièce 7 de l'appelante) décompose l'ensemble immobilier « élevé de 3 étages sur rez-de-chaussée » situé [Adresse 9] et cadastré [Cadastre 8] comme suit :

« Lot n°1 :un local au rez-de-chaussée de l'immeuble ayant entrée principale par la place de la Bouquerie, à usage commercial et les 372/100.000èmes de la propriété du sol et des parties communes générales »'

L'acte notarié précise que la SCI du Théâtre acquiert également un ensemble immobilier défini dans l'article 2 comme étant attenant à l'immeuble cadastré section [Cadastre 7], donc l'immeuble dans lequel est situé le local commercial. Cet ensemble immobilier est cadastré section [Cadastre 6] et situé « [Adresse 9] ». Il comprend également au « rez-de-chaussée un dégagement, un escalier menant au premier étage et un local commercial composé d'une salle, trois dégagements, une cuisine, un WC, un local vaisselle, deux locaux et un local frigo et l'usage exclusif d'une cour attenante ».

Une attestation du notaire, datée du 9 juin 2015, énonce que Me [C] pris en sa qualité de mandataire judiciaire de la société [Adresse 9] a vendu à la société CTG un fonds de commerce de débit de boisson, brasserie, snack, restauration connu sous le nom Le Greg situé place de la Bouquerie.

Ainsi, lorsque l'acte notarié du 20 septembre 2016 fait référence à une occupation du bien par la société CTG en vertu d'un bail commercial signé le 14 décembre 2011,ce n'est pas le lot n°1 sis [Adresse 9] qui est concerné mais l'ensemble immobilier attenant sis [Adresse 9] (sans numéro).

En effet, il est précisément énoncé dans cet acte : « le vendeur déclare que le bien vendu est loué par acte authentique reçu par Me [A] [K] notaire à [Localité 5], le 14 décembre 2011, pour 9 années entières et consécutives à compter du 14 décembre 2011 pour se terminer le 13 décembre 2020 à : la société Café Théâtre Group, société par actions simplifiée au capital de 3 000,00 euros ayant son siège social à [Localité 10] (Vaucluse) 131 cours Gambetta identifiée sous le numéro SIREN 808753164 RCS Avignon, venant aux droits de la SARL Café le Grégoire, par suite de l'acquisition du fonds de commerce suivant acte reçu par Maître [E] [L], notaire soussigné le 9 juin 2015. Moyennant un loyer annuel de trente et un mille deux cents euros (31 200 euros) hors taxes, payable mensuellement le 5 de chaque mois soit la somme de 2 600 euros hors taxes, soit 3120 euros. Le bien loué est destiné à l'exploitation d'un fonds de commerce de brasserie, snack restauration ».

Il résulte de ce qui précède que le bail notarié ne fait pas preuve d'un bail commercial existant au profit de la société Dinaplas, qui a pourtant fixé son siège social au [Adresse 9] dès le 15 février 2016 (pièce 6 de l'intimée : publication Bodacc).

Les parties s'accordent d'ailleurs sur le fait que la société Dinaplas a toujours occupé le local commercial situé [Adresse 9] depuis le commencement de son activité.

Un protocole d'accord de résiliation de bail est signé entre la SCI du Théâtre et la société Dinaplast, faisant état d'un bail sous seing privé qui aurait été signé à Cavaillon le 1er mars 2016 (bail non produit) ; le protocole acte une fin de bail au 1er février 2017, date du protocole ; il est précisé dans ce protocole que les loyers ne sont pas payés par le locataire ; qu'un état des lieux contradictoire a été fait et qu'il « n'apparaissait aucun dégât susceptible de donner lieu à indemnité ».

Le fait que la société d'exploitation sous procédure collective n'ait pas remis de bail ne peut lui être reproché par l'intimée car le bail peut être verbal et il n'y a pas de relations anormales si les lieux ont été occupés et les loyers versés.Com.15 mai 2019 n°18-14.974

Il se déduit de ce protocole qu'il existait entre les parties un bail, donnant le droit à la société Dinaplas d'occuper les lieux situés [Adresse 9] moyennant le versement d'un loyer dont le montant n'est pas précisé dans l'acte sous seing privé. Il est cependant reconnu contradictoirement que le preneur n'est pas à jour de ses loyers et que le bailleur ne lui en donne pas quittance.

Il a été jugé que l''existence d'une contrepartie empêche la constatation d'un déséquilibre significatif, par exemple des travaux d'aménagement en contrepartie d'un loyer réduit.

Com. 26 mars 2013 n°12-14.809

Le protocole a été signé le 1er février 2017. Cependant, le bailleur ne peut soutenir que la société Dinaplas a été dans l'incapacité d'exploiter les lieux en raison de l'effondrement de la toiture de l'immeuble qui serait survenu le 24 novembre 2016. En effet le protocole, signé le 1er février 2017 atteste contradictoirement du bon état des lieux loués. Les quelques photos insérées dans les conclusions de l'appelante ne permettent ni de déterminer la date des désordres allégués, ni la partie de l'immeuble touché. Or la SCI est propriétaire de deux ensembles immobiliers attenants, dont seule une partie est occupée par la société Dinaplas. Les factures produites par l'appelante vont d'ailleurs à rebours de ses allégations puisqu'elles concernent la rénovation de 4 logements. Celle concernant la toiture est inopérante puisqu'elle date du 15 juillet 2021 sur la base d'un devis du 6 avril 2021, donc postérieure de 5 ans au sinistre allégué.

Malgré ce protocole, la société Dinaplast reste dans les lieux et ne paie toujours pas de loyers, hors quelques versements sporadiques dont elle justifie :

800 euros le 23 novembre 2016

1000 euros le 7 juillet 2017

2 200 euros le 27 juillet 2017,

600 euros le 7 juin 2017,

7 200 euros le 30 septembre 2017.

La société exploitante ne peut se prévaloir d'une location-gérance signée le 30 mars 2017 entre la société CTG qui se qualifie de loueur et la société Dinaplas. Le contrat n'est pas signé par le propriétaire des murs, il n'est pas indiqué, encore moins démontré, que la SCI du Théâtre en ait été informée, il ne comporte pas sa signature, il n'a pas été publié ni enregistré.

Pourtant, le bailleur n'envoie aucune mise en demeure ou commandement de payer les loyers à l'occupant des lieux jusqu'au 14 décembre 2018, date à laquelle la SCI du Théâtre demande, par courrier remis en mains propres à Dinaplas de quitter les lieux au 15 janvier 2019, en vertu du protocole de résiliation.

C'est alors que la SCI du Théâtre consent un bail précaire à la société CTG le 31 janvier 2019. La SCI du Théâtre étant la société holding de la société Dinaplas, celle-ci reste dans les lieux, au moyen d'une convention de mise à disposition et ne verse aucune contrepartie à son occupation.

La SCI ne déclarera aucune créance de loyer ou d'occupation au passif de la procédure collective de la société Dinaplas, alors que le bailleur est un créancier privilégié.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'intimée démontre que la SCI du Théâtre s'est privée de la possibilité de louer son local commercial situé [Adresse 9] depuis le 1er février 2017 et de percevoir ainsi des loyers. La société d'exploitation a, en économisant des loyers et des indemnités d'occupation depuis son entrée dans les lieux en 2016 a transféré une partie de son passif au propriétaire des murs, lequel ne recevait aucune contrepartie et perdait même la jouissance de son local commercial. Ce mélange patrimonial, déséquilibré de manière significative pendant plusieurs années, ne se rattachait à aucune obligation juridique depuis la résiliation du bail en février 2017. Pourtant, le bailleur n'a jamais cherché à faire partir la société Dinaplas et a, bien au contraire, permis son maintien dans les lieux en louant le local à sa société holding qui, dès lors, avait la possibilité de le mettre à la disposition de sa filiale.

La volonté systématique de la SCI du Théâtre de nouer des relations financières anormales avec la société d'exploitation s'est encore illustrée avec l'absence de déclaration de créance sur les loyers impayés au passif de la procédure collective de la société Dinaplas. En effet, la renonciation à percevoir 4 années de loyers caractérise des relations financières anormales (Com. 28 février 2018 n°16-24.507).

C'est donc à bon droit que le jugement déféré a prononcé l'extension de la procédure collective de la société Dinaplas à la société du Théâtre et la décision sera confirmée en toutes ses dispositions.

Sur les frais de l'instance :

L'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de la société Dinaplas.

Les dépens seront employés en frais de procédure collective.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture,

Déclare irrecevables les conclusions déposées le 17 janvier 2023 par Me [W] es qualités.

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions

Dit que les dépens seront pris en frais privilégiés de procédure collective.

Arrêt signé par la présidente et par la greffiere.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 4ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 22/02604
Date de la décision : 01/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-01;22.02604 ?
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