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31/01/2023 | FRANCE | N°20/02433

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 31 janvier 2023, 20/02433


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 20/02433 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HZ5O



MS/EB



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES

14 septembre 2020 RG :19/00485



[T]



C/



S.A.R.L. BOUCHERIE D'UZES



















Grosse délivrée

le

à











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAM

BRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 31 JANVIER 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NIMES en date du 14 Septembre 2020, N°19/00485



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoi...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 20/02433 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HZ5O

MS/EB

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES

14 septembre 2020 RG :19/00485

[T]

C/

S.A.R.L. BOUCHERIE D'UZES

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 31 JANVIER 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NIMES en date du 14 Septembre 2020, N°19/00485

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

M. Michel SORIANO, Conseiller

Madame Leila REMILI, Conseillère

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 Novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 31 Janvier 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [O] [T]

né le 28 Novembre 1968 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Pascal BELLANGER de la SELARL PASCAL BELLANGER, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

S.A.R.L. BOUCHERIE D'UZES

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Nancy PAILHES, avocat au barreau de NIMES substituée par Me CASSAN Valentine, avocate au barreau de NIMES,

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 27 octobre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 31 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

M. [O] [T] a été engagé à compter du 1er août 1994 en qualité d'apprenti, puis suivant contrat à durée déterminée à compter du 1er juillet 1999 par la boucherie de M. [C] [R].

La boucherie de M. [C] [R] a été reprise par M. [Y] [B] qui a engagé M. [O] [T] suivant contrat à durée indéterminée à compter du 1er avril 2000.

La SARL boucherie d'Uzès, rachetant le fonds de commerce de M. [Y] [B], a repris le contrat à durée indéterminée de M. [O] [T], avec reprise d'ancienneté au 1er août 1994.

Le 18 juillet 2018, M. [O] [T] a été victime d'un accident de travail.

Le 17 mai 2019, lors de la visite de reprise, M. [O] [T] a été déclaré inapte par le médecin du travail en ces termes :

" inapte à tous postes impliquant station debout prolongée manutention de charges mouvements entrainant une rotation du rachis trop importante article R4624-42 apte à un autre poste administratif (sous réserve de formation), contact clientèle ... sans qu'il s'agisse d'une liste exhaustive avis rectificatif annulant et remplaçant l'avis du 18 04 2019 rendu en l'absence de réalisation de l'étude du poste et des conditions de travail et d'échange avec l'employeur".

Le 21 juin 2019, la SARL boucherie d'Uzès a proposé à M. [O] [T] un poste de secrétaire administratif, refusé par ce dernier le 26 juin 2019.

Par courrier, en date du 9 juillet 2019, M. [O] [T] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement.

Par courrier, en date du 23 juillet 2019, M. [T] a été licencié par la SARL boucherie d'Uzès pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par requête, en date du 26 août 2019, M. [O] [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Nîmes en paiement de diverses sommes indemnitaires.

Par jugement, en date du 14 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de Nîmes :

- fixe à 0, 87% les intérêts de retard, soit la somme de 246, 94 euros,

- condamne la SARL boucherie d'Uzes à payer à M. [O] [T] les sommes suivantes :

- 94, 16 euros au titre du solde de juillet 2019,

- 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déboute M. [O] [T] de sa demande d'indemnité spéciale de licenciement,

- déboute la SARL boucherie d'Uzes de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- met les dépens à la charge de la SARL boucherie d'Uzes.

Par acte du 30 septembre 2020, M. [O] [T] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 21 mai 2021, M. [O] [T] demande à la cour de :

- infirmer partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 14 septembre 2020 en ce qu'il a débouté M. [O] [T] de sa demande d'indemnité spéciale de licenciement et du délai congé de l'article L 122-32-6 du code du travail,

Statuant à nouveau,

- condamner la SARL boucherie d'Uzes à payer à M. [O] [T] les sommes

suivantes :

- 18 823,53 euros net au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement,

- 5 155, 42 euros net au titre de l'indemnité compensatrice égale au préavis,

- dire et juger que lesdites sommes porteront intérêt au taux légal à compter du jour de la demande, soit le 26 août 2019,

- débouter la SARL boucherie d'Uzes de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la SARL boucherie d'Uzes à payer à M. [O] [T] la somme de

3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SARL boucherie d'Uzes aux dépens qui comprendront les honoraires réglés à l'huissier au titre de l'exécution forcée de l'ordonnance du 28 Octobre 2019 soir 555,82 euros outre les éventuels honoraires d'exécution dus à l'huissier au titre de l'article A444-32 du tarif des huissiers.

M. [O] [T] soutient que :

- la rupture du contrat de travail pour inaptitude est consécutive à un accident du travail, reconnu par la CPAM du Gard, les dispositions de l'article L 1226-14 du code du travail ont vocation à s'appliquer.

- son arrêt de travail n'a pas été contesté par la Sarl boucherie d'Uzès et ses problèmes de santé ne sont pas antérieurs à l'accident du 18 juillet 2018, ainsi qu'en attestent ses deux médecins traitants successifs.

- la notification du caractère professionnel de son accident est intervenu le 6 août 2018 sans recours de l'employeur.

- la procédure de licenciement pour inaptitude a été suivie en matière d'inaptitude professionnelle, la société intimée reconnaissant ainsi le caractère professionnel de l'inaptitude.

- à compter de l'accident du 18 juillet 2018, il n'a jamais repris le travail, ses arrêts de travail l'ayant été sous le régime de l'accident du travail, étant du reste été admis comme salarié handicapé et titulaire d'une rente accident du travail avant le licenciement, ce qui démontre également l'origine professionnelle de l'inaptitude.

- le seul fait que le médecin du travail ne vise pas l'accident sur les déclarations d'inaptitude ne saurait suffire à exclure la connaissance par l'employeur du caractère professionnel de l'inaptitude.

En l'état de ses dernières écritures en date du 4 mars 2021, contenant appel incident, la SARL boucherie d'Uzès a sollicité la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté M. [O] [T] de sa demande d'indemnité spéciale de licenciement ainsi que de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, la réformation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à régler à M. [O] [T] la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles. Elle demande de voir débouter M. [O] [T] de l'ensemble de ses demandes et la condamnation de ce dernier au paiement de la somme de 2.500,00 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens, dans le cadre de la présente instance.

La SARL boucherie d'Uzès fait valoir que :

- à la date du licenciement, elle avait connaissance de la seule décision de refus de prise en charge de l'accident par la CPAM et il n'est pas démontré qu'elle avait connaissance à la date de la rupture, du recours exercé contre cette décision par le salarié. Il ne peut dès lors lui être reproché de ne pas avoir appliqué les règles spécifiques à l'inaptitude professionnelle.

- au moment du licenciement, elle avait été destinataire de deux décisions de refus de prise en charge par la CPAM des lésions déclarées par M. [T], ces décisions n'ayant pas été contestées par ce dernier.

- il ne peut dès lors lui être reproché de ne pas avoir appliqué les règles spécifiques à l'inaptitude professionnelle prévues à l'article L. 1226-14 du code du travail.

- le médecin du travail qui a examiné le salarié dans le cadre d'une visite de reprise le 1er avril 2019, puis le 17 mai 2019, lorsqu'il a constaté son inaptitude définitive au poste qu'il occupait, n'a aucunement évoqué une quelconque origine professionnelle de l'inaptitude.

Cet avis n'ayant pas été contesté dans le délai de 15 jours prévu par les dispositions légales, il revêt un caractère définitif.

- dans ces conditions, et comme l'a jugé le conseil de prud'hommes, il appartiendrait à M. [T] de démontrer que son inaptitude est liée aux manquements de l'employeur, inexistants en l'espèce.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 6 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 27 octobre 2022 à 16 heures et fixé examen de l'affaire à l'audience du 10 novembre 2022.

MOTIFS

Sur l'origine de l'inaptitude

M. [T] sollicite l'application de la législation protectrice des accidents du travail.

Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que la suspension du contrat de travail a pour origine, au moins partiellement, un accident du travail ou une maladie professionnelle et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

L'inaptitude est professionnelle lorsqu'elle est consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle et ce, dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

En cas de litige à ce sujet, il appartient au salarié d'établir l'origine professionnelle de son inaptitude.

Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que deux conditions cumulatives sont réunies :

- l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie,

- l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

La prise en charge par la sécurité sociale de l'arrêt de travail au titre des accidents du travail n'est qu'un élément de preuve parmi d'autres, laissé à l'appréciation des juges du fond, du lien de causalité entre l'inaptitude et l'accident du travail. De la même manière, le refus de prise en charge ne lie pas le juge.

L'appréciation de l'origine professionnelle de l'inaptitude, donc du lien de causalité entre la lésion et le travail ainsi que de la connaissance par l'employeur de l'origine professionnelle de l'inaptitude au moment du licenciement relève du pouvoir souverain des juges du fond lesquels doivent apprécier par eux-mêmes l'ensemble des éléments qui leurs sont produits, sans se limiter aux mentions figurant sur l'avis du médecin du travail ou aux décisions des caisses.

En l'espèce, M. [T] a fait l'objet d'un avis d'inaptitude le 17 mai 2019 en ces termes :

" inapte à tous postes impliquant station debout prolongée manutention de charges mouvements entrainant une rotation du rachis trop importante article R4624-42 apte à un autre poste administratif (sous réserve de formation), contact clientèle ... sans qu'il s'agisse d'une liste exhaustive avis rectificatif annulant et remplaçant l'avis du 18 04 2019 rendu en l'absence de réalisation de l'étude du poste et des conditions de travail et d'échange avec l'employeur".

Cet avis qui a conclu à l'inaptitude de M. [T] à son poste ne comporte aucune référence à une origine professionnelle.

L'appelant considère que l'inaptitude étant consécutive à un accident de travail reconnu par la CPAM du Gard, les dispositions de l'article L 1226-14 du code du travail ont vocation à s'appliquer.

Ainsi qu'il a été rappelé supra, la prise en charge par la sécurité sociale de l'arrêt de travail au titre des accidents du travail n'est qu'un élément de preuve parmi d'autres, laissé à l'appréciation des juges du fond, du lien de causalité entre l'inaptitude et l'accident du travail. De la même manière, le refus de prise en charge ne lie pas le juge.

Le salarié ajoute que l'employeur a reconnu le caractère professionnel de son inaptitude dans la mesure où il lui a proposé un poste de reclassement.

Or, les recherches de reclassement de la part de l'employeur étaient obligatoires, que l'inaptitude soit d'origine professionnelle ou non.

Par courrier du 6 août 2018 adressé à l'employeur, la CPAM a notifié la prise en charge de l'accident du 18 juillet 2018 au titre de la législation professionnelle.

Par la suite, une notification de refus sera adressée à l'employeur par la CPAM le 18 décembre 2018, au titre de nouvelles lésions du 27 octobre 2018.

Enfin, le 30 janvier 2019, la CPAM va notifier à l'employeur un refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle pour des nouvelles lésions du 21 décembre 2018.

La cour relève que M. [T] considère que la prise en charge de l'accident du 18 juillet 2018 au titre des accidents du travail entraîne immanquablement l'application des règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail.

Cependant, il lui appartient de rapporter la double preuve du lien de causalité entre la lésion et le travail et la connaissance par l'employeur de l'origine professionnelle de l'inaptitude au moment du licenciement.

Force est de constater que M. [T] procède par affirmation, sans apporter la moindre démonstration du lien entre l'inaptitude et le travail.

Il ne produit d'ailleurs pas la déclaration d'accident du travail du 18 juillet 2018, sa pièce n°5 qu'il vise à ce titre étant constituée d'une attestation de paiement des indemnités journalières du 1er juillet 2018 au 31 mai 2019.

Le jugement querellé sera dans ces circonstances confirmé en ce qu'il a débouté M. [T] de ses demandes d'indemnité spéciale de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis.

Sur les mesures accessoires

Le jugement critiqué sera réformé en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement de la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles.

Il n'y a pas lieu en cause d'appel de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d'appel seront laissés à la charge de M. [T].

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

Confirme le jugement rendu le 14 septembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Nîmes sur les chefs dont appel,

Le réforme en ce qu'il a condamné la SARL boucherie d'Uzès à payer à M. [O] [T] la somme de 1500 euros sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel,

Laisse les dépens d'appel à la charge de M. [O] [T],

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 20/02433
Date de la décision : 31/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-31;20.02433 ?
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