ARRÊT N°
N° RG 20/01673 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HX4K
EM/DO
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON
17 juin 2020
RG :18/00171
[T]
C/
S.A.S. MAUFFREY SUD EST
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 31 JANVIER 2023
APPELANT :
Monsieur [S] [T]
né le 09 Octobre 1977 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Philippe MOURET, avocat au barreau d'AVIGNON
INTIMÉE :
S.A.S. MAUFFREY SUD EST
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Me Céline QUOIREZ de la SELARL CELINE QUOIREZ, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 08 Novembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et Madame Emmanuelle BERGERAS, Greffière, lors du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 22 Novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 31 Janvier 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 31 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
M. [S] [T] a été engagé par la Sas Mauffrey Sud Est à compter du 27 mars 2015 selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité de chauffeur routier, coefficient 138 M, groupe 6 selon l'annexe 1 de la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport.
Par courrier du 17 mai 2017, la Sas Mauffrey Sud Est a notifié à M. [S] [T] une mise à pied disciplinaire d'une durée de 5 jours, du 12 au 16 juin 2017, pour défaut de maîtrise de la conduite d'un camion.
Le 27 juillet 2017, M. [S] [T] a été victime d'un accident de travail et a été arrêté jusqu'au 31 juillet 2017.
M. [S] [T] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 22 août 2017 en vue d'un éventuel licenciement.
Suivant une lettre du 25 août 2017, M. [S] [T] a été licencié pour cause réelle et sérieuse.
Le 13 octobre 2017, l'employeur a mis fin au préavis de M. [S] [T] pour faute grave.
Contestant la légitimité des mesures prises à son encontre, M. [S] [T] a saisi le 12 avril 2018 le conseil de prud'hommes d'Avignon aux fins de se voir octroyer le bénéfice du coefficient 150 M et de condamner son employeur à lui verser diverses sommes indemnitaires.
Par jugement du 17 juin 2020, le conseil de prud'hommes d'Avignon a :
- dit que le licenciement de M. [T] en date du 13 octobre 2017 est intervenu pour une cause réelle et sérieuse et que la rupture du préavis résulte d'une faute grave,
en conséquence,
- débouté M. [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que chaque partie supportera ses propres frais et dépens.
Par acte du 13 juillet 2020, M. [S] [T] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance en date du 18 août 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 08 novembre 2022. L'affaire a été fixée à l'audience du 22 novembre 2022 à laquelle elle a été retenue.
Aux termes de ses dernières conclusions, M. [S] [T] demande à la cour de :
- lui octroyer le bénéfice du coefficient 150M, à minima depuis janvier 2017,
- ordonner la délivrance sous astreinte de 100 euros par jour de retard des bulletins de paie rectifiés faisant état du coefficient 150M groupe 7 depuis janvier 2017,
- annuler la mise à pied disciplinaire du 12 juin 2017 au 16 juin 2017,
- condamner la Sas Mauffey Sud Est, prise en la personne de son représentant légal en exercice, d'avoir à lui payer à titre de :
* rappels de salaires sur mise à pied disciplinaire : 470,30 euros,
* congés payés sur rappels de salaires : 47,03 euros,
- dire et juger son licenciement nul et à défaut, sans cause réelle et sérieuse,
- ordonner l'annulation de la mise à pied à titre conservatoire prononcé le 21 septembre 2017,
- condamner la Sas Mauffey Sud Est, prise en la personne de son représentant légal en exercice, d'avoir à lui payer à titre de :
* dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 2 100 x 12 = 25200 euros,
* rappel de salaire sur mise à pied conservatoire du 28/09/17 au 26/10/17 : 2 200 euros,
* congés payés sur mise à pied conservatoire : 220 euros,
- dire et juger que ces sommes produiront intérêts à compter de la demande en justice,
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- débouter la Sas Mauffey Sud Est de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la Sas Mauffey Sud Est, prise en la personne de son représentant légal en exercice, d'avoir à lui régler en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile:
* une somme de 2 000 euros pour frais irrépétibles de première instance,
* une somme de 3 000 euros pour frais irrépétibles en cause d'appel,
- le condamner en tous les dépens.
Il soutient que :
- il remplit les conditions pour bénéficier du coefficient 150, qu'il effectue en moyenne entre six et douze découchers par mois, qu'il justifie, selon les critères fixés par la convention collective applicable concernant l'accès au coefficient 150M, pouvoir bénéficier de 60 points et non de 50 points comme le retient le conseil de prud'hommes, qu'il a été amené, notamment, à conduire des camions d'un poids supérieur à 20 tonnes et à effectuer des trajets d'une distance de plus de 250 kms,
- l'employeur ne pouvait pas le licencier alors que son contrat était suspendu en raison de la survenue d'un accident de travail et d'un défaut d'une visite médicale de reprise, qu'il n'a pas été assisté lors de l'entretien préalable du 22 août 2017, que ces irrégularités justifient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, que les éléments que l'employeur a produits pour justifier du non-respect de la législation sur les temps de conduite et de repos sont insuffisamment probants, qu'il a été licencié en réalité parce qu'il réclamait le bénéfice du coefficient 150M,
- la Sas Mauffrey Sud Est ne rapporte pas la preuve qu'il aurait commis de nouvelles infractions à la législation relative au temps de conduite pendant son préavis,
- la mise à pied disciplinaire prononcée en mai 2017 par la Sas Mauffrey Sud Est doit être annulée dès lors que la sanction a été prononcée avant la date d'entrée en vigueur du règlement intérieur et que l'employeur ne justifie pas, par ailleurs, des griefs qui lui sont reprochés, alors que lui-même a apporté des précisions sur les circonstances de l'accident matériel de la circulation dans lequel il était impliqué avec le véhicule de la société.
En l'état de ses dernières écritures contenant appel incident, la Sas Mauffey Sud Est sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de M. [S] [T] à lui régler la somme de 2000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que :
- contrairement à ce que soutient M. [S] [T], elle a parfaitement respecté les conditions de fond et de forme de mise en oeuvre de la mise à pied disciplinaire,
- l'attribution de la qualification de conducteur 'grand routier' et celle de coefficient 150 sont deux notions différentes, qu'un conducteur 'grand routier' peut se voir affecter un coefficient différent, que M. [S] [T] n'a réalisé qu'une seule fois plus de six découchers mensuels, en juin 2017, qu'il ne peut pas être considéré comme conducteur 'grand routier', que par ailleurs, il n'apporte aucune preuve de ce qu'il cumulait 55 points pour accéder au coefficient sollicité comme l'exige la convention collective applicable, que l'octroi du positionnement conventionnel de conducteur hautement qualifié requiert préalablement l'examen des critères quantitatifs d'attribution d'un critère qualitatif de réalisation de la prestation de travail, qu'à l'évidence, M. [S] [T] ne remplissait en rien ce premier critère préalable et nécessaire,
- contrairement à ce que soutient M. [S] [T], la procédure de licenciement est régulière, que son licenciement pour cause réelle et sérieuse est justifié, qu'il a commis dix sept infractions en juillet 2017 et neuf infractions en juin 2017 et en mai 2017, que la réitération fautive et la posture de M. [S] [T] dans le cadre de l'entretien préalable démontrait manifestement qu'il n'avait aucune intention de se conformer à ses obligations contractuelles et légales,
- M. [S] [T] a réitéré la commission d'infractions de même nature pendant le préavis, de sorte qu'elle a dû lui notifier son interruption pour faute grave.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
MOTIFS :
Sur la demande relative au coefficient 150M:
L'article D3312-36 du code des transports, en vigueur depuis le 1er janvier 2017, les personnels roulants marchandises "grands routiers" ou "longue distance" sont les personnels roulants affectés, dans les transports routiers de marchandises, à des services comportant au moins six repos quotidiens par mois hors du domicile et les personnels roulants affectés, dans les entreprises de déménagement, à des services comportant au moins quarante repos quotidiens par an hors du domicile. Cette définition peut être adaptée ou modifiée par accord collectif de branche. (...)
L'annexe 1 de la convention collective applicable, la convention des transporteurs routiers et des activités auxiliaires de transport prévoit que :
pour le groupe 6 (coefficient 138M) : Conducteur de véhicule poids lourd de plus de 19 tonnes de poids total en charge. - Ouvrier chargé de la conduite d'un véhicule poids lourd de plus de 19 tonnes de poids total en charge et répondant en outre à la définition du conducteur du groupe 3.
La possession du certificat d'aptitude professionnelle ou d'un diplôme FPA peut être exigée des ouvriers classés dans ce groupe d'emploi.
pour le groupe 7 (coefficient 150M) : Conducteur hautement qualifié de véhicule poids lourd. - Ouvrier chargé de la conduite d'un véhicule automobile, porteur ou tracteur, et ayant la qualification professionnelle nécessaire à l'exécution correcte (c'est-à-dire avec le triple souci de la sécurité des personnes et des biens, de l'efficacité des gestes ou des méthodes et de la satisfaction de la clientèle) de l'ensemble des tâches qui lui incombent normalement (c'est-à-dire conformément à l'usage et dans le cadre des réglementations existantes) dans l'exécution des diverses phases d'un quelconque transport de marchandises.
En particulier :
* utilise rationnellement (c'est-à-dire conformément aux exigences techniques du matériel et de la sécurité) et conserve en toutes circonstances la maîtrise de son véhicule ; en assure le maintien en ordre de marche ;
* a les connaissances mécaniques suffisantes pour lui permettre soit de dépanner son véhicule, s'il en a les moyens, soit en cas de rupture de pièces ou d'organes de signaler à l'entreprise la cause de la panne;
* peut prendre des initiatives notamment s'il est en contact avec le client ;
* est capable de rédiger un rapport succinct et suffisant en cas d'accident, de rendre compte des incidents de route et des réparations à effectuer à son véhicule ;
* assure l'arrimage et la préservation des marchandises transportées ;
* est responsable de la garde de son véhicule, de ses agrès, de sa cargaison et, lorsque le véhicule est muni d'un coffre fermant à clé, de son outillage ;
* peut être amené en cas de nécessité à charger ou à décharger son véhicule.
Doit en outre justifier habituellement d'un nombre de points égal au moins à 55 en application du barème ci-après:
* conduite d'un véhicule de plus de 19 tonnes de poids total en charge : 30 points ;
* services d'au moins 250 kilomètres dans un sens : 20 points ;
* repos quotidien hors du domicile (au moins trente fois par période de douze semaines consécutives) : 15 points ;
* services internationaux à l'exclusion des services frontaliers (c'est-à-dire ceux effectués dans une zone s'étendant jusqu'à 50 kilomètres à vol d'oiseau des frontières du pays d'immatriculation du véhicule) : 15 points ;
* conduite d'un ensemble articulé ou d'un train routier : 10 points ;
* possession du CAP ou d'un diplôme de FPA de conducteur routier : 10 points. L'attribution de points pour la conduite de véhicule assurant des transports spéciaux sera de droit pour les titulaires de tout titre de qualification professionnelle reconnu par les parties signataires.
En l'espèce, si M. [S] [T] justifie, par la production de notes de frais de déplacement jointes à des bulletins de salaire, qu'il a effectué régulièrement en 2017 plus de six découchers par mois : huit en janvier, sept en février, neuf en mars, neuf en avril, neuf en mai et huit en juin, ce qui lui permettrait d'être considéré comme 'grand routier', il n'en demeure pas moins que les éléments qu'il produit sont manifestement insuffisants pour établir qu'il pouvait prétendre de façon habituelle à 55 points, selon les critères fixés par la convention collective applicable.
Si M. [S] [T] effectuait manifestement plus de six découchers par mois entre janvier et juillet 2017, il ne démontre pas cependant avoir bénéficié de 15 points au titre du repos quotidien hors du domicile, soit au moins trente fois par période de douze semaines.
Les échanges de textos datés du 12 septembre (') entre M. [S] [T] et son employeur '...demain [F]...te récupèrera au péage...il te remontera jusqu'au Pontet tu récupéreras le tracteur EF 235+Remorque DL431CA livraison Espira de l'Aggly' auxquels sont joints deux photocopies de documents photographiques représentant un camion de la société et les lettres de voiture du camion qui mentionnent un poids supérieur à 22 tonnes, permettent seulement de démontrer qu'il a occasionnellement été amené à conduire un véhicule de plus de 19 tonnes.
M. [S] [T] ne démontre pas notamment qu'il effectuait des services d'au moins 250 kms; la lettre de voiture n°15 fait état d'un déplacement de [Localité 4] à Espyra de l'Agly qui est distant de 200 kms.
A défaut de remplir les conditions exigées par la convention collective pour bénéficier du coefficient 150M, c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes d'Avignon a débouté M. [S] [T] de sa demande à ce titre.
Sur le licenciement :
La lettre de licenciement datée du 25 août 2017 qui fixe les limites du litige, énonce les griefs suivants :
'... nous entendons par la présente vous notifier votre licenciement.
Ils se rapportent aux faits suivants :
Le vendredi 21 juillet 2017, Monsieur [F] [K] vous a demandé pourquoi vous aviez effectué 14 heures et 24 minutes de temps de service le 19 juillet, sachant que les missions de transport qui vous avaient été confiées ce jour-là ne nécessitaient en aucune façon de commettre une infraction à la réglementation du transport routier (l'article R.3312-51 du code des transports, que vous ne pouvez ignorer, stipule que la durée quotidienne du temps de service ne peut excéder douze heures pour le personnel roulant). Vous avez répondu à Monsieur [F] [K] que vous aviez commis cette infraction pour rentrer à votre domicile.
Non content d'avoir agi de la sorte le 19 juillet, vous avez de nouveau commis la même infraction les 24, 25 et 26 juillet 2017, avec respectivement 13 heures et 39 minutes, 12 heures et 37 minutes et 12 heures et 09 minutes de temps de service.
Vous avez expliqué que ces dépassements étaient dus à votre volonté de rentrer systématiquement à votre domicile pour ne pas découcher. Nous vous rappelons que l'article 4 de votre contrat de travail indique clairement que vous vous engagez à effectuer tout type de transport nécessaire pour les besoins du service (transports régionaux, nationaux et internationaux) avec les types de véhicules correspondants, donc à découcher le cas échéant. Le même article stipule que vous vous engagez à respecter scrupuleusement l'ensemble des réglementations concernant le transport routier de marchandises et à systématiquement prévenir l'exploitation de toute situation de nature à entraîner leur violation, ce que vous vous êtes bien gardé de faire les jours où vous avez commis les infractions de classe 4 citées ci-dessus.
Monsieur [F] [K] a également constaté des infractions à la conduite continue, au repos quotidien, à la durée hebdomadaire du temps de service et aux temps de pause insuffisant que vous avez commises non seulement au mois de juillet (au nombre de 17 au total), mais également les mois précédents (9 infractions au mois de juin et 9 infractions au mois de mai 2017).
Vous avez tenté de justifier toutes ces infractions par le fait de vouloir charger ou vider plus tôt, ce qui ne vous a jamais été demandé par l'exploitation qui établit des plannings de travail cohérents et dans le respect de la réglementation du transport routier de marchandises. Elles ne peuvent objectivement s'expliquer que par votre gestion négligente de vos temps de service et par votre volonté réaffirmée de rentrer à votre domicile le plus souvent possible, au mépris du respect de la réglementation et du comportement sécuritaire que nous sommes en droit d'attendre de l'ensemble de nos conducteurs.
Les explications recueillies auprès de vous lors de l'entretien préalable du 22 août 2017 n'ont pas permis de modifier notre appréciation des faits reprochés. Vous n'avez pas semblé comprendre l'importance de respecter les règles de sécurité élémentaires dans l'exercice de vos fonctions de conducteur routier.
Nous ne pouvons davantage tolérer un tel manque de professionnalisme de la part d'un conducteur routier professionnel que vous êtes, pour votre sécurité en premier lieu et également pour celle des autres usagers de la route.
C'est pourquoi nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier...'.
Selon l'article R4624-31 du code du travail dispose dans sa version applicable, le travailleur bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail : (...) 3° Après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel.
Dès que l'employeur a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l'examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le travailleur, et au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise.
Sur la régularité de la procédure :
M. [S] [T] justifie avoir été en arrêt de travail pendant quatre jours, du 27 juillet 2017 jusqu'au 31 juillet 2017 des suites d'un accident de travail, soit pendant une durée inférieure à trente jours, de sorte que l'examen par le médecin du travail n'était pas obligatoire lors de sa reprise de poste.
S'il n'est pas contesté que lors de son entretien préalable du 22 août 2017, M. [S] [T] n'était pas assisté, ce n'est pas faute d'avoir été informé par la lettre de convocation que l'employeur lui a envoyée en recommandée le 11 août 2017 et notifiée le 17 août 2017, de 'la possibilité de' se 'faire assister lors de cet entretien, par une personne de' son 'choix appartenant obligatoirement au personnel de' l' 'entreprise'.
Sur les griefs évoqués dans la lettre de licenciement :
L'article R3312-51 du code des transports dispose que la durée quotidienne du temps de service ne peut excéder douze heures pour le personnel roulant.
L'article 4 du contrat de travail stipule : 'il déclare avoir connaissance de la législation en vigueur relativement aux temps de service, travail et conduite maxima autorisés ainsi qu'aux temps minima de pause et de repos, ces règles tant appréciées en continue à la journée, à la semaine et au trimestre. Il s'engage à suivre dans le respect des instructions données l'ensemble de ces normes et à signaler à l'exploitation toute situation de nature à entraîner leur violation'.
L'article 16 du règlement intérieur entré en vigueur le 02 juin 2017, stipule que le conducteur doit ' se conformer strictement aux dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles concernant notamment les durées du travail, de conduite, de repos et la coordination des transports ; dans le cas contraire, les infractions relevant de son entière responsabilité lui seront répercutées...'.
Il ressort d'un relevé du temps de conduite de M. [S] [T] issu du logiciel SOLID pour la période du 1er au 31 juillet 2017, que le temps de conduite journalière s'est élevé en juillet 2017 : à 14h24 le 19, à 13h39 le 24, à 23h37 le 25, à 12h09 le 26.
Ces mêmes documents établissent le non-respect par M. [S] [T] de plusieurs dispositions relatives à la législation du transport, au total, 17 infractions pour le mois de juillet 2017 - non-respect de la durée hebdomadaire de travail, temps de pause insuffisant, conduite continue supérieure à 4h -.
Les relevés pour les mois de mai et juin 2017 mettent également en évidence la commission par M. [S] [T] de 9 infractions pour le mois de mai - 3 pour durée journalière de travail supérieure à 12h et 6 pour temps de pause insuffisant -, et de 9 infractions pour le mois de juin - 1 pour conduite continue supérieure à 4h, 3 pour durée journalièrede service supérieure à 12h , 1 pour durée hebdomadaire supérieure à 52h et 4 pour temps de pause insuffisant -.
M. [S] [T] soutient que les documents produits par la Sas Mauffrey Sud Est ne sont pas suffisamment probants, mais n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause sérieusement les données chiffrées mentionnées sur les relevés produits par l'employeur.
Par ailleurs, M. [S] [T] n'apporte aucune explication convaincante sur les raisons qui sont à l'origine de ces différentes infractions, se contenant d'indiquer que l'employeur est le seul responsable du planning pour son activité, s'abstenant de verser aux débats des éléments susceptibles de corroborer ses affirmations.
Il ressort de l'ensemble des éléments que les griefs invoqués dans la lettre de licenciement sont établis.
C'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu que 'l'accumulation des manquements et leur caractère répété sont constitutifs d'une cause réelle et sérieuse' ; mais le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a fixé la date de rupture de la relation contractuelle au 13 octobre 2017.
Sur la rupture du préavis pour faute grave :
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l'employeur qui l'invoque d'en rapporter la preuve.
La faute grave libère l'employeur des obligations attachées au préavis.
En l'espèce, M. [S] [T] a été convoqué par la Sas Mauffrey Sud Est pour un second entretien préalable fixé au 02 octobre 2017 en vue d'une éventuelle rupture du préavis pour faute grave; dans cette lettre est également visée une mise à pied à titre conservatoire à compter du 21 septembre 2017, date de notification de cette mesure par son responsable d'exploitation, M. [W] [E] dans l'attente de la décision définitive qui sera prise ultérieurement.
Par lettre du 13 octobre 2017, la Sas Mauffrey Sud Est libellé a notifié la rupture anticipée de son préavis 'nous vous avons licencié par courrier recommandé ...du 25 août 2017. Il était convenu que vous exécuteriez votre préavis de deux mois qui devait se terminer le 25 octobre 2017....Il s'avère que vous avez sciemment récidivé ce type d'infraction les lundi 18 et mardi 19 septembre 2017, avec respectivement 12h et 8 minutes, et 12h et 05 minutes de temps de service, alors que vous êtes toujours tenu au respect de vos obligations contractuelles au cours de l'exécution de votre préavis, en particulier en matière de règlementation du transport routier.
Vous n'avez en aucune manière anticipé ces deux dépassements de temps de service maximal, notamment pour de nouveau rentrer à votre domicile le 18 septembre, malgré le contenu de votre lettre de licenciement.
Malgré les explications que vous nous avez fournies et qui ne nous ont pas satisfaites, nous avons décidé de procéder à la rupture immédiate de nos relations contractuelles.
La gravité des faits reprochés rend ...la poursuite de votre contrat de travail.
Votre préavis sera donc interrompu dès la première présentation de cette lettre...'.
Force est de constater que la Sas Mauffrey Sud Est n'apporte aucun élément de nature à établir les nouveaux faits des 18 et 19 septembre 2017, de sorte que l'interruption du délai de préavis qui a débuté le 25 août 2017 n'est pas justifiée.
M. [S] [T] est donc en droit de réclamer le solde restant dû au titre du préavis, soit la somme de 2 200 euros qui n'est pas sérieusement contestée par la Sas Mauffrey Sud Est, outre celle de 220 euros à titre d'indemnité de congés payés y afférente.
Sur la demande d'annulation de la mise à pied conservatoire du 12 au 16 juin 2017 :
L'article L1311-2 du code du travail dispose dans sa version applicable que l'établissement d'un règlement intérieur est obligatoire dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins vingt salariés. Des dispositions spéciales peuvent être établies pour une catégorie de personnel ou une division de l'entreprise ou de l'établissement.
L'opposabilité du règlement intérieur est subordonnée au respect des conditions de sa mise 'uvre, que ce soit au niveau de la consultation préalable des représentants du personnel ou de sa communication à l'inspecteur du travail.
En l'espèce, par lettre du 19 mai 2017, la Sas Mauffrey Sud Est a notifié à M. [S] [T] une mise à pied conservatoire du 12 au 16 juin 2017 au motif qu'il a été origine d'un accident de la circulation : 'vous n'avez pas suffisamment déporté votre véhicule pour passer le pont. De ce fait, votre véhicule est resté coincé entre le pont et l'accotement. Nous avons dû faire intervenir une grue afin de soulever l'arrière de la semi-remorque et de remettre le véhicule en ligne...Une meilleure adaptation de votre conduite compte tenu de la situation, vous aurait permis de mieux appréhender le passage du pont. Nous ne pouvons tolérer un manque de vigilance de l'un de nos conducteurs et vous rappelons que vous devez porter toute l'attention nécessaire à votre conduite en fonction de l'environnement routier que vous rencontrez...Les explications fournies lors de l'entretien préalable n'ont pas été de nature à modifier notre appréciation sur ce qui précède...C'est pourquoi nous vous notifions par la présente une mise à pied disciplinaire d'une semaine...avec retenue correspondant de salaire...'.
Quand bien même la Sas Mauffrey Sud Est justifie avoir envoyé un exemplaire du réglement intérieur à la Direccte de Provence Alpes Côte d'Azur et au greffe du conseil de prud'hommes d'Avignon par courriers recommandés du 28 avril 2017 tout comme l'avis consultatif de la délégation unique du personnel, il n'en demeure pas moins, d'une part, que le règlement dont la société se prévaut est daté du 03 novembre 2016 et prévoit une entrée en vigueur au 02 juin 2017, de sorte qu'elle ne pouvait pas notifier à M. [S] [T] une mise à pied disciplinaire avant l'entrée en vigueur du dit règlement, d'autre part, que la Sas Mauffrey Sud Est ne produit aucun élément de nature à établir les faits à l'origine de cette mesure disciplinaire.
Il convient, dès lors, d'annuler la mise à pied disciplinaire et de faire droit à la demande de M. [S] [T] à ce titre, soit la somme de 470,30 euros outre celle de 47,03 euros à titre d'indemnité de congés payés y afférente.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce sens.
Au vu de l'ensemble de ces considérations, le jugement sera infirmé.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale et en dernier ressort ;
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Avignon le 17 juin 2020 en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [T] est intervenu pour une cause réelle et sérieuse sauf à préciser que la date du licenciement est le 25 août 2017,
L'infirme pour le surplus,
Statuant sur les dispositions réformées et y ajoutant,
Annule la mise à pied conservatoire prononcée par la Sas Mauffrey Sud Est à l'encontre de M. [S] [T] du 12 au 16 juin 2017,
Juge que la rupture du préavis au 13 octobre 2017 pour faute grave n'est pas justifiée,
Condamne la Sas Mauffrey Sud Est à payer à M. [S] [T] les sommes suivantes :
- 2 200 euros à titre de solde restant dû du préavis, outre 220 euros à titre d'indemnité de congés payés y afférente,
- 470,30 euros à titre de rappel de salaire résultant de l'annulation de la mise à pied disciplinaire outre 47,03 euros à titre d'indemnité de congés payés y afférente,
Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation (18 avril 2018), et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, que s'agissant des créances salariales à venir au moment de la demande, les intérêts moratoires courent à compter de chaque échéance devenue exigible, et qu'ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire, à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus,
Condamne la Sas Mauffrey Sud Est à payer à M. [S] [T] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance outre 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne la Sas Mauffrey Sud Est aux dépens de première instance et de la procédure d'appel.
Arrêt signé par le président et par la greffière.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,