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31/01/2023 | FRANCE | N°20/01377

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 31 janvier 2023, 20/01377


ARRÊT N°



N° RG 20/01377 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HXB2



CRL/DO



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ORANGE SECTION ENCADREMENT

13 mars 2020



RG :F 18/00056





[E]





C/



S.A.S. MONIER





































COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 31 JANVIER 2023
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APPELANT :



Monsieur [A] [E]

né le 06 Octobre 1964 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté par Me Anne-laure BECHEROT-JOANA de la SELARL BECHEROT-GATTA-HUGUENIN VIRCHAUX-ARNAUD, avocat au barreau D'AVIGNON

Représenté par Me Georges POMIES RICHAUD, avocat au barreau de NIMES



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ARRÊT N°

N° RG 20/01377 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HXB2

CRL/DO

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ORANGE SECTION ENCADREMENT

13 mars 2020

RG :F 18/00056

[E]

C/

S.A.S. MONIER

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 31 JANVIER 2023

APPELANT :

Monsieur [A] [E]

né le 06 Octobre 1964 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Anne-laure BECHEROT-JOANA de la SELARL BECHEROT-GATTA-HUGUENIN VIRCHAUX-ARNAUD, avocat au barreau D'AVIGNON

Représenté par Me Georges POMIES RICHAUD, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

S.A.S. MONIER

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Audrey MOYAL de la SELARL CABANES BOURGEON MOYAL, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Olivier THIBAUD de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de PARIS

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 11 Octobre 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 25 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 Janvier 2023 puis prorogé au 31 janvier 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 31 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [A] [E] a été engagé par la société Coverland le 10 janvier 1994 sous contrat de travail à durée indéterminée en qualité de délégué commercial junior catégorie I coefficient 340 de la convention collective des ingénieurs cadres et assimilés des industries de carrière et matériaux.

Ses fonctions et ses zones commerciales vont évoluer, de même que la forme sociale et la dénonciation de l'employeur.

Le 24 avril 2001, il signait un nouveau contrat de travail à durée indéterminée avec la SAS Lafarge Couverture, en qualité de délégué commercial - statut cadre catégorie II b, coefficient 430 de la convention collective des industries de carrières et matériaux, avec reprise d'ancienneté au 10 janvier 1994, affecté sur les départements de l'Ardèche et de la Drôme.

Par avenant en date du 24 octobre 2006, M. [A] [E] occupait le poste de délégué commercial sur le département de Vaucluse, avec extension à la Corse à compter du 1er janvier 2007.

A compter de juillet 2008, la SAS Lafarge Couverture a changé de dénomination et est devenue la SAS Monier (numéro de RCS identique ).

A compter du 29 août 2016, M. [A] [E] a été placé en arrêt de travail pour maladie non professionnelle.

Le 8 novembre 2017, il a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé le 23 novembre 2017.

Par courrier du 19 décembre 2017, M. [E] a été licencié en raison de la désorganisation résultant de son absence prolongée et de la nécessité de le remplacer à titre définitif.

Le 12 mars 2018, M. [A] [E] a adressé à la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse une demande de reconnaissance de maladie professionnelle pour état anxio-dépressif avec stress permanent, crises d'angoisse, insomnie, agressivité, irritabilité, sentiment d'injustice, d'humiliation et dévalorisation constaté par certificat médical du 26 février 2018.

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre et estimant avoir été victime de harcèlement moral, le 25 mars 2018, M. [A] [E] saisissait le conseil de prud'hommes d'Orange en paiement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts, lequel, par jugement contradictoire du 13 mars 2020 :

- s'est déclaré compétent pour juger des demandes qui lui ont été présentées,

- a dit que le licenciement de M. [A] [E] est fondé,

- a débouté M. [A] [E] de toutes ses demandes,

- a débouté la SAS Monier de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a condamné M. [A] [E] aux entiers dépens de l'instance.

Par acte du 10 juin 2020, M. [A] [E] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance en date du 13 juillet 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 11 octobre 2022 à 16 heures. L'affaire a été fixée à l'audience du 25 octobre 2022 à 14 heures.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 07 janvier 2021, M. [A] [E] demande à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il a retenu,

* au sujet du harcèlement : l'étude des pièces dénote que si les relations sont tendues entre lui et sa hiérarchie, il n'est pas matériellement démontré que des agissements sont répétés et volontaires lui aient été infligés dans le but de lui porter atteinte,

* l'absence d'évolution de carrière dénoncée par le cadre ne repose que sur ses propres

déclarations et ne sauraient constituer un élément de preuve. Il s'agit d'un élément du pouvoir de direction de l'employeur et le cadre ne rapporte pas d'élément probant du caractère discriminatoire de l'employeur à son encontre,

* au sujet du licenciement : son absence ayant entraîné une désorganisation ainsi qu'une perte de clientèle pour l'employeur, celui-ci ayant tenté de trouver une solution provisoire, le licenciement est justifié,

- in limine litis, rejeter l'exception d'incompétence soulevée par l'employeur,

- débouter l'employeur en ce qu'il demande de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud' hommes d'Orange

* de dire que le licenciement est justifié

* aucune somme ne lui est due,

- débouter également l'employeur de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En conséquence,

- juger que l'employeur ne peut pas se prévaloir de la perturbation du fonctionnement de l'entreprise causée par son absence prolongée lorsque cette dernière est la conséquence du harcèlement moral dont il est l'objet.

En conséquence,

A titre principal,

- juger qu'il est victime de harcèlement au sens de l'article L1552-1 du code du travail et qu'il en fait le démonstration,

- juger en conséquence le licenciement subi est nul,

- condamner l'employeur à lui verser en conséquence, au titre de la rupture abusive :

* indemnité de préavis de 3 mois : 11.449 euros

* 25 mois de salaire brut soit 95.400 euros au titre du licenciement nul,

* manquement à l'obligation de sécurité et de santé : des dommages et intérêts pour un montant de 100.000 euros

* article 700 du code de procédure civile : 3000 euros

A titre subsidiaire

- juger que le licenciement qu'il a subi, victime d'épuisement professionnel démontré en l'espèce, est sans cause réelle ni sérieuse,

- condamner l'employeur à lui verser en conséquence, au titre de la rupture abusive :

* indemnité de préavis 3 mois : 11.449 euros

* 25 mois de salaire brut soit 95.400 euros au titre du licenciement nul

* manquement à l'obligation de sécurité des dommages et intérêts pour un montant de 100.000 euros

* article 700 du code de procédure civile : 3000 euros

* entiers dépens.

Il soutient que :

- il travaillait sur une amplitude horaire journalière de plus de 12 heures, et travaillait également le week-end ainsi qu'en attestent les témoignages qu'il dit verser aux débats,

- la difficulté de ses missions et le travail pléthorique qu'elles impliquaient est repris dans ses entretiens individuels, il a toujours assumé ses missions et atteint ses objectifs, même en 2015 malgré 7 semaines d'absence, et n'a aucune explication quant au fait que parallèlement, sa carrière a stagné,

- son employeur l'a placé en permanence 'sur la sellette', surtout devant des clients, lesquels attestent des propos choquants tenus à son égard,

- il a lors de ses entretiens individuels sur une période de quinze ans demandé à évoluer sur des postes d'encadrement, à bénéficier de formations en ce sens mais n'a jamais eu aucun retour de son employeur, sans explication, alors que lui même est en surinvestissement et qu'il voit ses collègues évoluer,

- son employeur l'a exposé à un stress permanent et prolongé le conduisant à son épuisement professionnel,

- les témoignages qu'il dit verser aux débats démontrent qu'il était dans une situation de harcèlement, de dénigrement et de rabaissement par des supérieurs caractériels et narcissiques,

- chaque supérieur hiérarchique successif va lui augmenter ses objectifs, sans tenir compte des moyens nécessaires à mettre en oeuvre pour y parvenir, et sans aucune reconnaissance pour le travail effectué,

- la dégradation de son état de santé qui résulte de son dossier médical qu'il dit verser aux débats est directement liée à l'atteinte à ses droits à formation et à évolution dans l'entreprise et au surmenage conséquence des pratiques managériales pendant plusieurs années,

- il a été victime de bouffées d'angoisse en décembre 2015, puis de dépression d'épuisement à compter du 29 août 2016,

- il a sollicité de la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie, laquelle a fait droit à sa demande selon courrier en date du 24 décembre 2018 et il a été classé en invalidité catégorie 2 à compter du 1er novembre 2018,

- le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, à l'origine de ses problèmes de santé, est bien de la compétence de la juridiction prud'homale, qu'il a informé dès 2012, puis en 2015 son employeur sur les difficultés qu'il rencontrait sans aucune réaction de sa part,

- il en déduit que le licenciement prononcé à son encontre, en raison de ces manquements de son employeur, est entaché de nullité,

- il est en droit de prétendre à une juste réparation de son préjudice tenant son ancienneté de 25 années.

En l'état de ses dernières écritures en date du 09 février 2021, la SAS Monier demande à la cour de :

In limine litis :

- se déclarer incompétente matériellement à trancher la demande indemnitaire formulée par M. [E] au titre des prétendus manquements de sa part à son obligation de sécurité ;

- dire et juger que cette demande relève de la compétence exclusive du tribunal judiciaire d'Avignon ;

En conséquence :

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Orange en ce qu'il s'est déclaré compétent pour juger les demandes de M. [E].

Sur le fond :

- dire et juger que M. [E] ne rapporte pas la preuve d'une situation de harcèlement moral ni de la violation par elle de son obligation de son obligation de sécurité ;

- dire et juger que le licenciement de M. [E] repose sur une cause réelle et sérieuse;

- dire et juger qu'elle a payé à M. [E] son indemnité compensatrice de préavis et qu'aucune somme ne lui reste due à ce titre ;

En conséquence :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Orange en ce qu'il a débouté M. [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

- condamner M. [E] à lui verser la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner M. [E] aux entiers dépens.

Elle fait valoir que :

- il est de jurisprudence constante que la juridiction prud'homale n'est pas compétente pour connaître de l'indemnisation des conséquences d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail en cas de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, laquelle est de la compétence exclusive désormais du tribunal judiciaire, ce que M. [A] [E] n'ignore pas puisqu'il a engagé à son encontre une action aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur,

- M. [A] [E] ne rapporte aucun élément permettant de présumer l'existence de faits de harcèlement moral dès lors qu'il ne produit au soutien de ses affirmations que ses propres écrits, qu'il a connu une évolution de carrière et une évolution importante de sa rémunération, même s'il n'a pas obtenu le poste de directeur régional qu'il souhaitait,

- les courriels de M. [M] ne présument en rien des faits de harcèlement moral mais démontrent une volonté de maintenir une dynamique d'équipe face à des objectifs à atteindre, et ressortent du pouvoir de direction de l'employeur,

- M. [A] [E] a fait l'objet d'arrêt de travail pour maladie d'origine non-professionnelle, et aucun fait de harcèlement moral ne peut se déduire de ces arrêts, au surplus le médecin traitant n'est pas habilité à établir le lien entre une pathologie et le travail, les deux médecins concernés ont d'ailleurs reconnu dans le cadre de l'audience de conciliation ordinale avoir commis des erreurs rédactionnelles en ne précisant pas qu'ils reprenaient les dires du patient,

- M. [A] [E] a dénoncé des faits de harcèlement moral depuis 2012 mais ne produit des éléments médicaux qu'à compter de 2016, et le dernier certificat médical produit, daté du 15 octobre 2020, soit trois ans après son départ de l'entreprise ne décrit aucune amélioration, ce qui tend à démontrer que la pathologie est sans lien avec sa présence dans l'entreprise,

- les témoignages produits par M. [A] [E], datés de mars 2018, n'ont été versés qu'en avril 2019 ce qui interroge sur leur valeur probante, n'apportent aucun élément ou fait précis et émanent de personnes sans lien avec l'entreprise depuis 2011 ou 2012, à l'exception de celui de M. [Y], ce qui signifie qu'ils se heurtent au délai de prescription de 5 ans de l'article 2224 du code civil,

- s'agissant de la note de frais présentée par M. [A] [E] pour démontrer qu'il devait travailler également le week-end, elle ne fait que démontrer que M. [A] [E] a assisté à un événement sportif national aux frais de la société en juin 2013,

- subsidiairement, sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la demande de M. [A] [E] équivalant à 25 mois de salaires est d'autant plus excessive que M. [A] [E] ne démontre pas le préjudice qui la justifierait, et devra être limitée à 3 mois de salaire,

- aucun fait venant caractériser un manquement à l'obligation de sécurité n'est établi puisque les faits de harcèlement moral ne sont pas caractérisés, qu'au surplus M. [A] [E] a bénéficié de visites par la médecine du travail en 2009, 2011 et 2014, et n'a jamais demandé d'examen supplémentaire, ce qui démontre la mauvaise foi fondant ses prétentions actuelles.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

Recevabilité de la demande de dommages et intérêts en raison du manquement à l'obligation de sécurité

Il résulte des articles L 451-1 et L 142-1 du code de la sécurité sociale que si la juridiction prud'homale est seule compétente pour connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail, relève, en revanche, de la compétence exclusive du tribunal judiciaire spécialement désigné pour connaître des litiges relevant du contentieux de la sécurité sociale l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, qu'ils soient ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité

Par suite, si la juridiction prud'homale peut examiner le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité dans le cadre de l'appréciation des circonstances dans lesquelles la rupture du contrat de travail est intervenue, en revanche la demande de dommages et intérêts présentée par M. [A] [E] pour manquement à l'obligation de sécurité est de la seule compétence de la juridiction civile spécialement désignée pour connaître des litiges relevant du contentieux de la sécurité sociale, dont il n'est pas contesté qu'elle a été saisie par M. [A] [E] pour voir reconnaître la faute inexcusable de l'employeur de son employeur.

En conséquence, la demande de dommages et intérêts présentée par M. [A] [E] en raison du manquement de son employeur à l'obligation de sécurité est irrecevable et de la compétence exclusive de la juridiction civile spécialement désignée pour connaître des litiges relevant du contentieux de la sécurité sociale.

La décision déférée sera infirmée en ce sens.

Demandes relatives à l'exécution du contrat de travail

* harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l'article L. 1154-1 du Code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du Code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

Au soutien de sa demande, M. [A] [E] invoque des agissements répétés sous forme de harcèlement, de dénigrement et de rabaissement par ses supérieurs 'caractériels et narcissiques', une augmentation systématique des objectifs à atteindre, une dégradation de ses conditions de travail en raison d'une surcharge de travail et d'un blocage de son évolution de carrière, lesquels ont entraîné une dégradation de sa santé physique, sous forme de bouffées d'angoisse en 2015 puis de dépression en 2016 reconnue comme maladie professionnelle par la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse en 2018.

M. [A] [E] verse aux débats les éléments suivants :

- des captures d'écran d'un agenda électronique pour la journée du 26 janvier 2016, les mois de février, mars et mai 2016, la journée du 3 juin 2016,

- une note de frais professionnels pour les journées des 1 et 2 juin 2013 pour ' finale du top 14 les 1 et 2 juin 2013 à [Localité 5]',

- une lettre adressée à son employeur en date du 21 décembre 2017, ayant pour objet ' contestation du licenciement' dans lequel il dénonce ses conditions de travail, notamment : ' j'ai effectué des heures pléthoriques de travail ( dépassant totalement le forfait/jour) me rendant disponible de 6 heures le matin à 19 heures le soir. Le week-end je travaillais également et je suis en capacité de prouver les heures effectuées (...) Compte-tenu du travail effectué et des amplitudes horaires que je devais réaliser, vous pouviez vous douter que je ne tiendrais pas moralement et également physiquement',

- une attestation manuscrite de M. [H] [G] qui se présente comme libéral, indique avoir travaillé avec M. [A] [E] pendant les dix années, de 2001 à 2011 où il était gérant d'une agence cliente de la SAS Monier, vante les qualités professionnelles de l'appelant qui était présent dès 6 heures du matin pour les mises en rayon ou tard le soir voire le week-end pour des animations clientèle et se dit choqué par le peu de reconnaissance dont M. [A] [E] bénéficiait en retour de sa hiérarchie qui lors des bilans annuels cherchait les failles,

- une attestation manuscrite de Mme [I] [S] qui se présente comme ayant été chargée de clientèle sur le secteur de M. [A] [E], avec lequel elle travaillait en 'étroite collaboration' de novembre 2006 à février 2013, et avoir constaté sa grande conscience professionnelle et les pressions constantes qu'il subissait du directeur régional qui le tenait à l'écart du clan qu'il formait avec les autres commerciaux, elle précise qu'en 2007 bien qu'ayant reçu le prix du meilleur vendeur en chiffres d'affaires M. [A] [E] n'a reçu aucune gratification ' je sentais qu'il subissait une dévalorisation constante dans son travail. Petit à petit j'ai pu voir son état de santé se dégrader et changer sans qu'il n'ose en parler à qui que ce soit par peur de représailles',

- une attestation dactylographiée de M. [J] [O] qui indique avoir réalisé un contrat de professionnalisation au sein de la SAS Monier de septembre 2011 à juillet 2012 et avoir constaté ' à plusieurs reprises des attitudes de dénigrement de la part de messieurs [R] [L], directeur régional et [M] [W], responsable des ventes affaires Sud-Est à l'égard d' [A] [E] (...) Il ya clairement un favoritisme en fonction des liens amicaux avec une personne et non selon son travail réalisé' avant de décrire lors des journées passées avec M. [A] [E] une amplitude horaire importante pour la mise en place de présentoirs chez les clients et les animations commerciales, de 6h30 à 19h30,

- une attestation dactylographiée de M. [C] [Y] qui indique avoir été employé de la SAS Monier en qualité de cadre commercial de janvier 2008 à avril 2015 et avoir eu comme responsable régional M. [L] [R] puis M. [B] [T] et comme responsable des ventes de l'équipe de 5 commerciaux dont faisait également partie M. [A] [E] M. [W] [M], et indique : 'j'ai pu voir des agissements répétés de harcèlement moral visant à dégrader les conditions humaines d' [A] [E]. Ceux-ci ont eu pour effet une dégradation de ces conditions de travail et ont porter atteinte à ses droits et à sa dignité, en altérant sa santé physique et en compromettant son avenir professionnel au sein de l'entreprise Monier dont il a 24 ans d'ancienneté, et où il avait de bons résultats avec des félicitations pour des animations auxquelles il s'investissait dignement. M. [T] dont la personnalité obsessionnelle, et perverse narcissique, dans un but purement gratuit de destruction d'autrui et de valorisation de son propre pouvoir, avec de nombreux agissements déplacés dans le cadre du travail (...) Lors de la prise de fonction de M. [W] [M], je savais que cela ne se passerait pas bien pour [A] étant donné qu'ils ne s'appréciaient pas depuis toutes ces années. Celui-ci m'a pudiquement fait des allusions sur les agissements néfastes répétés qu'il subissait de la part de M. [M] à son égard, dégradant le climat de travail' avant de décrire la dégradation de l'état de santé de M. [A] [E],

- ses entretiens annuels dont celui de 2016 qui mentionne dans les objectifs ' 900 visites clients par an documentées dans le CRM' et qui précise dans les commentaires du manager ' malgré une absence de 7 semaines, [A] a su grâce au mois de nov 2015 amoindrir la baisse d'activité sur son secteur',

-deux courriels en date des 9 et 19 mars 2015 adressés à 9 salariés dont M. [A] [E] dans lequel il est indiqué par le directeur régional Sud ' je vous rappelle que l'objectif annuel est de 900 visites sur l'année' suivi du décompte à la semaine des visites à prévoir pour atteindre l'objectif, soit une journée de travail administratif et 21 visites sur les 4 autres jours de la semaine, et qui demande les feuilles de route des commerciaux planifiant ces visites,

- un courriel en date du 17 janvier 2016 à 10h47 qui lui est adressé par M. [W] [M], ayant pour objet ' mise en stock janvier 2016 secteur E [E]' ainsi formulé : ' Bonjour [A], je t'ai demandé le mardi 12 janvier de me faire tes propositions de mises en stock sur janvier 20196. En l'absence de réponse de ta part, je t'ai relancé le 14 janvier. Nous arrivons en milieu de mois de facturation et les résultats ne sont pas bons...

Je suis inquiet car hormis les opérations que j'ai proposées à la Simc ( et que tu as relayées) je n'ai aucune visibilité de ton action sur les autres groupes ciblés et je ne rencontre cette difficulté que sur ton secteur. Tu dois passer à la vitesse supérieure.

Ainsi, je te demande un retour impératif à ma demande ( voir infos précises souhaitées mail du 12/01/2015) pour le lundi 18 janvier au soir au plus tard.

T'en souhaitant bonne réception,

cordialement / best regards'

- un courriel en date du 13 juillet 2016 à 17h14 qu'il a adressé à M. [W] [M] ainsi qu'à deux autres personnes, ayant pour objet ' Re : plan d'action 3ème trimestre secteur E [E] du 27 juin 2016, qui débute par 'Bonjour [W]' qui reprend les résultats à fin juin du secteur de la direction régionale Sud Est lequel présente une perte globale de chiffre d'affaires de 8%, le secteur de l'appelant ne diminuant que de 5,3%, et pour lequel il formule les observations suivantes : 'plan d'action 3ème trimestre demandé réalisable sur un mois et 2 à 3 semaines ... donc actions à reporter sur le PA du 4ème trimestre', suivi d'une analyse par département,

- un courriel en date du 20 décembre 2017 à 9h35 adressé par M. [W] [M] à l'ensemble des délégués commerciaux de sa région dans lequel il indique ' Bonjour à tous. Merci de votre mobilisation. Il nous reste 6 jours de facturation et 55445m² à faire : c'est jouable et ce serait le plus beau cadeau que vous pourriez me faire :-))

Merci à tous de votre soutien, bonne réception, cordialement',

- un courrier en date du 28 juin 2012 qu'il a adressé à M. [L] [R] - Direction régionale sud-est dans lequel il déplore la dégradation de ses conditions de travail depuis fin août 2010, date à laquelle lui a été retiré la Corse, et les propos tenus lors de son entretien annuel du 23 janvier 2012 à l'occasion duquel il lui a été suggéré un départ à l'amiable, sollicite un rendez-vous urgent en raison des conséquence de la situation sur son état de santé,

- des échanges de courriels avec Ovidiu Petreaca, manager France en date du 17 novembre 2015, laquelle précise être inquiète du ton dans les échanges de courriels entre lui et son directeur régional ' même si le DR est en train de partir' et l'appelant qui en retour accepte le rendez-vous téléphonique fixé au lendemain et indique 'c'est la première fois que je rencontre un cas comme celui-ci où je subis du harcèlement moral. A ce jour la situation est plus qu'insupportable. A demain, amicalement',

- ses candidatures au poste de délégué régional en 2015 et 2016 et le refus qui lui a été opposé,

- un arrêt de travail au titre de l'assurance maladie en date du 14 décembre 2015, jusqu'au 18 décembre 2015 établi par le Dr [Z] [V], mentionnant ' bouffée angoisse ( harcèlement moral )',

- un arrêt de travail initial en date du 29 août 2016 et ses 10 prolongations successives, au titre de l'assurance maladie, établis par le Dr [V] pour ' grosse bouffée d'angoisse ( harcèlement moral )' puis ' état dépressif' et les éléments relatifs à la demande de reconnaissance de maladie professionnelle,

- un courrier en date du 25 janvier 2018 adressé à la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse accompagnant une demande de reconnaissance de maladie professionnelle hors tableau établie à la même date par l'appelant, pour dépression d'épuisement, troubles psychiques graves, état anxio-dépressif avec stress permanent et crises d'angoisses constatés pour la première fois le 29 août 2016,

- le courrier de la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse en date du 24 décembre 2018 lui notifiant la prise en charge de la pathologie déclarée le 26 février 2018 ' hors tableau' au titre de la législation relative aux risques professionnels suite à l'avis du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles,

- une attestation de la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse en date du 9 novembre 2018, indiquant qu'il est titulaire depuis le 01/11/2018 d'une pension d'invalidité catégorie 2 d'un montant brut mensuel de 1.560,04 euros.

Les éléments d'agenda produits, outre qu'ils ne concernent que une semaine en janvier 2016 et les mois de février, mars et mai 2016 alors qu'est dénoncée une surcharge permanente de travail, établissent que si M. [A] [E] a ponctuellement établi des plannings de travail avec une large amplitude horaire ( 8 rendez-vous répartis entre 7h30 et 20 h le 26 janvier 2016, ou 7 rendez-vous répartis entre 7h et 19 h le 3 juin 2016 ), il a également bénéficié en dehors de ses congés et RTT de journées sans rendez-vous les vendredi 12 février 2016, mercredi 2 mars 2016, mardi 29 mars 2016, mardi 26 et jeudi 28 avril 2016, jeudi 26 et vendredi 27 mai 2016. Par ailleurs, plusieurs journées débutent avec des rendez-vous fixés en milieu ou fin de matinée : 1er février à 11h, 7 mars à 10h360, 8 mars 2016 à 11h, 21 mars à 10h, 1er avril à 10h30, 30 mai à 11h, et une dizaine d'autres ont un dernier rendez-vous fixé à 13h ou 14h. Enfin, seuls deux week-ends portent mention de rendez-vous dont un pour assister à un événement sportif en juin 2016. Le non-respect du forfait jour n'est donc pas établi.

Les courriers établis par M. [A] [E] reprennent ses seules affirmations et ne sont accompagnés d'aucun élément justificatif.

Les attestations produites sont établis en termes généraux, ne décrivent aucun fait précis, sont sans date précise, et reprennent outre les déclarations de M. [A] [E], le ressenti ou le jugement de valeur de leur auteur.

Les courriels du directeur régional adressés à son équipe de délégués commerciaux ne visent pas spécifiquement M. [A] [E] et sont à destination de toute l'équipe dont il est sollicité de manière identique une amélioration des résultats ou des plans d'action. La réponse apportée par M. [A] [E] le 13 juillet 2017 qui indique que les objectifs du 3ème trimestre devront pour partie être reportés sur le 4ème trimestre 2017 démontre qu'il était en capacité de s'opposer à son supérieur sur les résultats à atteindre, ce qui relativise la notion de pression.

Dans le courriel de janvier 2017, la demande du directeur régional de passer à la vitesse supérieure concerne le retour demandé depuis une semaine sur les stocks à prévoir, après une première relance, et ne présente aucun caractère disproportionné.

Les courriers concernant les difficultés relationnelles avec le directeur régional sont antérieurs à l'arrivée à ce poste de M. [W] [M] et ne peuvent être considérés comme des alertes données par M. [A] [E] quant à ses difficultés relationnelles avec ce dernier. Au surplus, force est de constater que les difficultés ainsi invoquées n'ont pas empêché M. [A] [E] de solliciter sa nomination à un poste de directeur régional, ce qui démontre son intérêt pour les fonctions qu'il exerçait et ses bonnes relations avec son employeur.

Les entretiens annuels soulignent l'expérience professionnelle, les qualités de M. [A] [E] et sa capacité à atteindre ses objectifs y compris dans l'adversité mais également sa forte empathie dès 2011, '[A] doit moins prendre à coeur les problèmes de l'entreprise' en 2013, la nécessité d'évoluer et d'utiliser les nouveaux outils en 2014, et son souhait d'évoluer à terme sur un poste de directeur régional. L'absence de nomination à un tel poste afin de le dénigrer ne repose que sur l'appréciation et le ressenti de M. [A] [E] qui n'apporte aucun élément au soutien de son affirmation.

Par ailleurs, les éléments médicaux produits, s'ils démontrent la réalité de problèmes de santé subis par M. [A] [E], ne sont pas des éléments permettant de démontrer des faits de harcèlement moral, tout au plus pourraient ils en être la conséquence.

En conséquence, les éléments invoqués par M. [A] [E] n'établissent pas une présomption de harcèlement moral.

M. [A] [E] sera en conséquence débouté de sa demande présentée de ce chef.

* manquement à l'obligation de sécurité

Selon l'article L4121-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L.4121-2 précise que l'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

M. [A] [E] soutient que la SAS Monier a manqué à son obligation de sécurité en raison de la maladie professionnelle qu'il a développée et qui est la conséquence du harcèlement moral qu'il a subi pendant plusieurs années.

Dès lors que les faits de harcèlement moral invoqués par M. [A] [E] ne sont pas caractérisés, et le manquement à l'obligation de sécurité n'étant fondé que sur ces éléments, il s'en déduit qu'aucun manquement à l'obligation de sécurité n'est caractérisé.

Demandes relatives à la rupture du contrat de travail

M. [A] [E] a été licencié en raison de la désorganisation résultant de son absence prolongée et de la nécessité de le remplacer à titre définitif par courrier en date du 19 décembre 2017 rédigé dans les termes suivants :

' Monsieur,

Par courrier du 8 novembre 2017, nous vous avons convoqué à un entretien préalable fixé au 23 novembre 2017, auquel vous nous avez informé ne pas être en mesure de vous présenter.

Nous vous avons alors invité à nous faire parvenir vos observations écrites concernant ce projet de licenciement, aucune remarque ne nous a été adressée en retour exceptée votre confirmation d'absence à l'entretien par courrier en date du 13 novembre 2017.

C'est dans ce contexte que nous vous notifions par la présente votre licenciement pour les motifs détaillés ci-après.

Vous exercez au sein de la société Monier les fonctions de 'délégué commercial'.

A ce titre vous occupez un poste central dans notre organisation et plus particulièrement dans notre processus de commercialisation, dans la mesure où vous êtes en charge du développement des ventes des gammes de produits, services et systèmes dans le cadre de la politique commerciale de notre entreprise sur votre secteur géographique.

Dans le cadre de vos fonctions, vous avez pour mission de :

- repérer les opportunités commerciales, étudier la rentabilité et le potentiel de chaque client,

- maintenir une veille concurrentielle élargie sur votre secteur, analyser et proposer des actions concrètes concernant la politique commerciale pour contrer la concurrence,

- écouter et comprendre l'ensemble des besoins et motivations des clients,

- développer la satisfaction et la fidélisation des clients et assurer la gestion commerciale via la transmission de toutes les informations pour optimiser l'action des équipes internes,

- effectuer le suivi des commandes ainsi que le compte-rendu de l'activité en respectant les procédures en vigueur,

- être le garant de l'image et de la notoriété de Monier ainsi que du développement de la culture ' orientation client',

Or, depuis 16 mois la société a été confrontée à vos absences répétées pour maladie.

Pour mémoire vos périodes d'absence ont été les suivantes :

- du 29 août 2016 au 30 septembre 2016,

- du 1er octobre 2016 au 28 octobre 2016,

- du 29 octobre 2016 au 20 décembre 2016,

- du 21 décembre 2016 au 21 février 2017,

- du 22 février 2017 au 21 avril 2017,

- du 22 avril 2017 au 2 juin 2017,

- du 3 juin 2017 au 28 juillet 2017,

- du 29 juillet 2017 au 29 septembre 2017,

- du 30 septembre 2017 au 1er décembre 2017,

- depuis le 2 décembre 2017.

Pour pallier ces absences répétées et imprévisibles, nous avons tenté de pourvoir à votre remplacement temporaire non seulement en interne mais également en externe ( recherches d'intérimaires ou de salariés en contrat à durée déterminée ).

Nous avons dans un premier temps envisagé un remplacement temporaire en interne, lequel s'est révélé inadapté au regard des missions dont vous avez la responsabilité et des enjeux qui y sont attachés. La charge de travail attachée à votre poste et la nécessité de connaître le marché et les interlocuteurs locaux s'oppose en effet à ce qu'un collaborateur de l'entreprise occupe vos fonctions en plus des siennes, même pour une durée déterminée.

En outre, compte-tenu de votre niveau élevé de qualification et de l'absence de candidats acceptant de travailler dans le cadre d'un intérim ou d'un CDD, nos recherches ne nous ont pas permis de trouver un profil adéquat pour vous remplacer de façon temporaire. Le salarié que nous avions recruté dans un premier temps en CDD, afin d'assumer la charge de travail résultant de votre absence, a d'ailleurs refusé de poursuivre sa collaboration dans le cadre d'un contrat précaire, ayant été embauché en CDI par une autre entreprise.

C'est la raison pour laquelle nous avons été confrontés à l'impossibilité pratique de recruter un remplaçant formé à votre poste, lors de chacune de vos périodes d'absence, d'autant qu'il s'agit toujours d'une succession d'arrêts sur lesquels nous n'avons aucune visibilité.

Compte tenu des enjeux attachés à vos fonctions, et de leur rôle central dans notre processus de commercialisation, ces absences répétées ont entraîné des perturbations importantes dans l'entreprise.

[N], des impacts liés à votre absence sont constatés notamment par la baisse de 10% des résultats en volume de mètres carrés de tuiles vendues sur les départements dont vous avez la responsabilité ainsi que par la perte de visibilité constatée par la diminution du maillage produits sur les points de vente négoces.

Au regard de l'impossibilité dans laquelle nous nous trouvons de pourvoir à votre remplacement à titre temporaire, vos absences répétées rendent nécessaire votre remplacement définitif, compte tenu de la désorganisation de l'entreprise qui en résulte.

Par conséquent, nous sommes contraints par la présente de vous notifier votre licenciement.

La rupture de votre contrat de travail prendra effet à l'issue de votre préavis de trois mois, dont nous vous dispensons d'exécution, et qui vous sera rémunéré aux échéances habituelles de la paie.

Nous vous remercions de bien vouloir remettre l'ensemble des documents, quel qu'en soit le support, et autres matériels mis à votre disposition dans le cadre de vos fonctions.

A l'expiration de votre préavis, il vous sera réglé votre solde de tout compte, et remis votre exemplaire de l'attestation Pôle emploi ainsi que votre certificat de travail.

Nous vous informons que conformément aux dispositions du nouvel article L 911-8 du code de la sécurité sociale issu de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, vous bénéficiez d'un maintien des garanties de 'frais de santé' et de 'prévoyance' pendant 12 mois, sous réserve de votre prise en charge par l'assurance chômage.

Le service paie vous adressera une note d'information complète sur ce dispositif.

Vous êtes actuellement lié par une clause de non-concurrence, nous vous informons que nous vous délions de cette obligation. Aucune contrepartie financière ne vous sera donc versée à ce titre.

Nous vous prions de recevoir, Monsieur, l'expression de notre considération distinguée.'

- sur la nullité du licenciement pour manquement à l'obligation de sécurité et harcèlement moral

M. [A] [E] soutient que le licenciement dont il a fait l'objet est entaché de nullité dès lors que ses absences sont la conséquence du harcèlement moral et donc des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité.

Si par application des dispositions de l'article L 1152-3 du code du travail toute rupture du contrat de travail qui résulte d'un harcèlement moral est nulle de plein droit, M. [A] [E] sera débouté de la demande aux fins de nullité de son licenciement présentée au visa de ce texte, dès lors que les faits de harcèlement moral ne sont pas établis, et de sa demande pécuniaire subséquente d'indemnité pour licenciement nul .

S'agissant de l'incidence du manquement à l'obligation de sécurité sur le licenciement, celui-ci ne pourrait être sanctionné que par une requalification du licenciement en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et non par une nullité. Ceci étant, le manquement à l'obligation de sécurité n'étant pas caractérisé, il n'en sera déduit aucune conséquence sur le licenciement.

- sur l'existence d'une cause réelle et sérieuse

Lorsque le contrat de travail d'un salarié est suspendu en raison d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, le contrat de travail du salarié ne peut, en application des dispositions de l'article L. 1226-9 du code du travail être rompu que si l'employeur justifie d'une faute grave ou de l'impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.

Cette protection ne bénéficie pas aux salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison d'un accident ou d'une maladie de droit commun. Ces salariés ne bénéficient d'aucune protection particulière, cependant, l'article L. 1132-1 du code du travail prohibe les discriminations à raison de l'état de santé.

Toutefois, si l'article L. 1132-1 du code du travail fait interdiction de licencier un salarié,

notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, ce texte ne s'oppose pas au licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié. Le bien fondé de la rupture est soumis à deux conditions cumulatives :

- l'employeur doit établir que l'absence du salarié à entraîné des perturbations dans la marche de l'entreprise ;

- il doit également démontrer qu'il s'est ainsi trouvé contraint de procéder au remplacement définitif du salarié, c'est à dire l'embauche d'un autre salarié.

Lorsque le licenciement, prononcé pour absence prolongée désorganisant l'entreprise et rendant nécessaire un remplacement définitif, est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le juge doit accorder au salarié qui le demande l'indemnité de préavis et les congés payés afférents, même si le salarié est en arrêt de travail pour maladie au cours de cette période.

Pour établir que l'absence de M. [A] [E] a entraîné des perturbations dans la marche de l'entreprise, la SAS Monier invoque la baisse de chiffre d'affaires sur le secteur pris en charge par M. [A] [E] et l'impossibilité de pourvoir à son remplacement de manière ponctuelle en raison de l'incertitude quant à la durée de l'arrêt de travail et la technicité de son poste.

La SAS Monier verse aux débats:

- les 10 arrêts de travail dont M. [A] [E] a fait l'objet, entre le 29 août 2016 et le 2 décembre 2017, pour des durées variant de quatre semaines à deux mois,

- un courrier en date du 21 juin 2017 de M. [K] [P] par lequel ce dernier démissionne de son poste de délégué commercial en contrat de travail à durée déterminée depuis le 24 octobre 2016 en raison de la conclusion dans une autre entreprise d'un contrat de travail à durée indéterminée, un extrait de procès-verbal de réunion avec des représentants du personnel qui s'inquiètent des conséquences de cette démission et la réponse de l'employeur qui 'indique qu'une solution devra être trouvée très rapidement. Il précise que de nombreux candidats refusent le poste en raison de la proposition de CDD de courte durée pour répondre à cette absence [de [A] [E]]. Cette un vrai souci d'organisation nuisant à la performance commerciale'.

Pour remettre en cause ces éléments qui attestent d'une désorganisation de l'entreprise tant dans son fonctionnement interne, puisqu'elle a dû rencontré des difficultés pour assurer la présence d'un délégué commercial sur la zone géographique occupée par M. [A] [E] afin de limiter les pertes commerciales, M. [A] [E] invoque uniquement le fait que ses absences sont la conséquence des manquements de son employeur à son égard.

Il a été jugé que les faits de harcèlement moral et par suite de manquement à l'obligation de sécurité n'étaient pas constitués.

Dès lors, le licenciement de M. [A] [E] n'est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse et M. [A] [E] doit être débouté de ses demandes indemnitaires,

La décision déférée ayant statué en ce sens sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Confirme le jugement rendu le 13 mars 2020 par le conseil de prud'hommes d'Orange sauf en ce qu'il s'est déclaré compétent pour connaître de la demande de dommages et intérêts présentée par M. [A] [E] pour manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité dans le cadre d'une maladie professionnelle,

et statuant à nouveau sur ce point,

Déclare irrecevable la demande de dommages et intérêts présentée par M. [A] [E] pour manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité dans le cadre d'une maladie professionnelle, laquelle est de la compétence exclusive des juridictions civiles spécialement désignée pour connaître des affaires de sécurité sociale,

Condamne M. [A] [E] à verser à la SAS Monier la somme de 800 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne M. [A] [E] aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 20/01377
Date de la décision : 31/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-31;20.01377 ?
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