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31/01/2023 | FRANCE | N°20/01326

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 31 janvier 2023, 20/01326


ARRÊT N°



N° RG 20/01326 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HW4K



CRL/DO



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON

25 mars 2020



RG :18/00301





[E]





C/



S.A.S. TRANSPORT HEPPNER





































COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 31 JANVIER 2023







APPELANT :



Monsieur [S] [E]

né le 18 Décembre 1966 à AVIGNON (84000)

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté par Me Eve SOULIER de la SELARL EVE SOULIER - JEROME PRIVAT - THOMAS AUTRIC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON







INTIMÉE :



S.A.S. TRANSPORT HEPPNER

[Adresse 4]

[Localité ...

ARRÊT N°

N° RG 20/01326 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HW4K

CRL/DO

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON

25 mars 2020

RG :18/00301

[E]

C/

S.A.S. TRANSPORT HEPPNER

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 31 JANVIER 2023

APPELANT :

Monsieur [S] [E]

né le 18 Décembre 1966 à AVIGNON (84000)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Eve SOULIER de la SELARL EVE SOULIER - JEROME PRIVAT - THOMAS AUTRIC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON

INTIMÉE :

S.A.S. TRANSPORT HEPPNER

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Laurence MURE-RAVAUD de la SELARL ELYAS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de LYON

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 11 Octobre 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 25 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 Janvier 2023 puis prorogé au 31 janvier 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 31 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [S] [E] a été engagé par la société XP France initialement du 12 octobre au 17 décembre 2004 suivant contrat de travail à durée déterminée, en qualité de manutentionnaire. Le 17 décembre 2004, il bénéficiait d'un contrat à durée indéterminée à temps complet, en qualité de manutentionnaire - catégorie ouvrier coefficient 110M, groupe 2, de la convention collective nationale des transports routiers.

À compter du 1er juin 2006, suite à une convention de transfert et en application des dispositions de l'article L1224-1 du code du travail, le contrat de travail de M. [E] était repris par la SAS Heppner. Il était maintenu à son poste de manutentionnaire, mais promu au coefficient 115M, groupe 3, emploi 15.

Le 1er février 2007, il occupait le poste de brigadier de manutention, coefficient 120, groupe 3, emploi 15.

Le 11 avril 2016, M. [E] était placé en arrêt de travail pour maladie. La Caisse primaire d'assurance maladie du Gard reconnaissait le caractère professionnel de la pathologie dont souffrait M. [E].

Le 7 décembre 2016, M. [E] était reconnu travailleur adulte handicapé.

Le 16 mars 2017, dans le cadre d'une visite de pré-reprise, le médecin du travail rendait l'avis suivant : 'Apte au poste sans manutention manuelle ; faire étude ergonomique afin d'étudier toute possibilité d'aide à la manutention et diminuer les vibrations et chocs rachidiens liés à la conduite d'engins autoportés'.

L'étude ergonomique était réalisée et le 10 janvier 2018, à l'issue d'une seconde visite de pré-reprise, le médecin du travail rendait un nouvel avis : ' Prévoir à la reprise un aménagement de poste tel qu'il est préconisé par l'étude ergonomique de Monsieur [O]. Reprise à temps partiel thérapeutique 7 heures 30-11 heures. Pas de manutention manuelle supérieure à 10 kilogrammes. À revoir en visite de reprise le 18 janvier'.

Le 18 janvier 2018, dans le cadre de la visite médicale de reprise, le médecin du travail concluait finalement ' inapte au poste de manutentionnaire tel qu'il est actuellement. Serait apte à un poste aménagé tel qu'il est recommandé dans l'étude ergonomique réalisée en septembre 2017 ; peut faire de la saisie informatique, peut faire du travail administratif, peut scanner des colis, peut conduire un chariot auto moteur avec siège réglable 2 heures cumulées maximum. Peut utiliser un transpalette électrique ; peut faire de la formation' .

Le 15 mars 2018, la SAS Heppner lui a proposé un poste de manutentionnaire de l'activité départ basé sur son agence de [Localité 6] dans les Alpes Maritimes que M. [S] [E] refusait en raison de son souhait de ne pas déménager par courrier du 9 avril 2018.

Le 16 avril 2018, M. [S] [E] était convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé le 26 avril 2018, reporté à sa demande au 4 mai 2016, auquel il ne se présentait pas. Le 16 mai 2018, il était licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Estimant que son employeur avait manqué à son obligation de recherche loyale et sérieuse de reclassement, le 03 juillet 2018, M. [E] saisissait le conseil de prud'hommes d'Avignon en paiement d'indemnités de rupture pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, lequel, par jugement contradictoire du 25 mars 2020, a :

- dit que le licenciement de M. [E] en date du 16 mai 2018 est intervenu pour une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- débouté M. [S] [E] de l'ensemble de ses demandes au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- débouté M. [S] [E] de sa demande à titre de rappel de 13ème mois de salaire au prorata du temps de présence de l'année 2018 ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- dit que chaque partie supportera ses propres frais et dépens ;

- dit qu'il n'y a pas lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte du 08 juin 2020, M. [S] [E] a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 28 mai 2020.

Par ordonnance en date du 13 juillet 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 11 octobre 2022 à 16 heures. L'affaire a été fixée à l'audience du 25 octobre 2022 à 14 heures.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 31 juillet 2020, M. [S] [E] demande à la cour de :

- recevoir son appel

- le dire bien fondé en la forme et au fond

- en conséquence, réformer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes d'[Localité 5] en date du 25 mars 2020

En conséquence,

A titre principal,

- dire et juger que le licenciement pour inaptitude est nul car constitutif d'une discrimination en l'absence de mesures appropriées pour permettre au salarié handicapé de conserver un emploi,

- en conséquence, condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes 50 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que son licenciement pour inaptitude est sans cause réelle et sérieuse

- en conséquence, condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes 50 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En tout état de cause

- condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :

* 1203,93 euros à titre de rappel de 13ème mois au prorata du temps de présence de l'année 2018

* 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner l'employeur au paiement des entiers dépens.

M. [S] [E] soutient que :

- le conseil de prud'hommes n'a pas tenu compte de ses pièces et s'est contenté des 'dires fallacieux' de l'employeur,

- en raison de l'article L 5213-6 du code du travail et de la jurisprudence résultant de l'arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation du 3 juin 2020, l'employeur aurait dû solliciter le SAMETH pour qu'elle intervienne dans le processus de reclassement puisqu'il bénéficie du statut de travailleur handicapé ensuite de la maladie professionnelle à l'origine de son arrêt de travail puis de sa déclaration d'inaptitude,

- en l'absence d'une telle consultation, le licenciement est entaché de nullité, et il peut prétendre à l'indemnisation à hauteur de 50.000 euros de son préjudice moral qui en découle en raison de la rupture de son contrat de travail après 14 ans d'ancienneté, au mépris de ses droits, ainsi que de son préjudice financier en l'absence de nouvel emploi depuis son licenciement,

- subsidiairement, son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse puisque l'employeur n'a pas respecté les dispositions de l'article L 1226-12 du code du travail en ne lui faisant pas connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement et en ne procédant pas à une recherche loyale et sérieuse de solution de reclassement,

- cette demande étant rattachée par un lien suffisant avec la demande initiale est recevable,

- les préconisations d'aménagement de poste faite par le médecin du travail par courrier du 9 octobre 2017 ne seront jamais mises en oeuvre par l'employeur,

- la proposition de reclassement formulée par l'employeur le 15 mars 2018 n'a pas été préalablement portée à la connaissance du médecin du travail pour avis, proposition portant en tout état de cause sur un poste géographiquement trop éloigné en raison de sa situation personnelle,

- l'employeur ne pouvait de sa seule autorité, sans avis du médecin du travail, écarter les postes disponibles au sein du groupe, alors que certains auraient peut-être pu lui convenir avec quelques aménagements,

- ses demandes indemnitaires subsidiaires sont fondées pour les mêmes motifs que ceux développés à titre principal.

En l'état de ses dernières écritures en date du 20 octobre 2020, la SAS Heppner demande à la cour de :

A titre principal,

- juger l'appel recevable mais mal-fondé

- confirmer le jugement du 25 mars 2020 en toutes ses dispositions,

- débouter M. [E] de l'intégralité de ses demandes

A titre subsidiaire,

- limiter les dommages et intérêts alloués à M. [E] au seuil fixé par l'article L1226-15 du code du travail

En tout état de cause,

- débouter M. [E] de sa demande fondée sur la violation de l'article L1226-12 alinéa 1 du code du travail ;

- débouter M. [E] de sa demande de versement d'un 13ème mois.

A titre incident,

- condamner M. [E] au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS Heppner fait valoir que :

- l'étude de poste a été effectuée par le médecin du travail qui s'est déplacé in situ, en présence du SAMETH 84 le 16 mars 2017, et le SAMETH a demandé ensuite une étude ergonomique qui s'est déroulée le 25 septembre 2017 et lui a été restituée oralement le 7 décembre 2017 en présence du SAMETH,

- avant l'avis définitif d'inaptitude en date du 18 janvier 2018, le médecin du travail a procédé à une nouvelle étude de poste,

- lors de l'entretien du 12 février 2018, M. [S] [E] a indiqué ne pas être mobile, n'a pas souhaité de poste en particulier et a émis le souhait de faire une formation de secouriste, l'entretien a fait l'objet d'un compte rendu par courrier du 13 février 2018,

- le 9 avril 2018, M. [S] [E] a refusé le seul poste de reclassement qui avait été trouvé à [Localité 6] ( [Localité 6]) et elle a enclenché la procédure de licenciement pour inaptitude,

- les dispositions protectrices des salariés victimes de maladies professionnelles ont été appliquées à M. [S] [E] ainsi que cela a été rappelé chronologiquement, en procédant à une étude de poste et en recherchant les possibilités d'aménagement de poste, et les préconisations de l'ergonome n'ont pu être appliquées en raison des contraintes qu'elles impliquaient, eu égard à la configuration de l'agence d'[Localité 5],

- l'avis d'inaptitude n'ayant pas été contesté par M. [S] [E], il est à ce stade vain de contester la réalité des constatations préalables ayant conclu à l'absence de possibilité d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail,

- elle justifie par ses pièces de l'absence de poste disponible sur l'agence d'[Localité 5] où aucune embauche n'est intervenue entre le 17 juin 2017 et le 12 juin 2018,

- elle a interrogé ses 42 directeurs d'agence, et les seuls postes disponibles et compatibles avec les compétences professionnelles de M. [S] [E] ne répondaient pas aux exigences posées par le médecin du travail, à l'exception de celui de [Localité 6] qui a été refusé par M. [S] [E],

- la méconnaissance des dispositions de l'article L 1226-12 du code du travail est sanctionnée par une indemnité spécifique, sur le fondement de l'article L 1226-15 du code du travail et non par la nullité du licenciement, laquelle ne peut se cumuler avec la réparation pour absence de notification écrite des motifs du licenciement,

- dès lors que M. [S] [E] a fait connaître dès l'entretien du 12 février 2018 son souhait de ne pas réintégrer l'entreprise elle n'était pas tenue de lui notifier par écrit les motifs concluant à l'impossibilité de reclassement,

- M. [S] [E] ne justifie pas de la réalité du préjudice qu'il invoque,

- M. [S] [E] ayant quitté l'entreprise le 17 mai 2018, il ne peut prétendre, conformément à l'article VI de son contrat de travail au paiement d'un treizième mois de salaire.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

Demandes relatives à l'exécution du contrat de travail

* rappel de salaire sur 13ème mois au prorata du temps de présence de l'année 2018

L'article 'VI Rémunération' de l'avenant de passage en contrat de travail à durée indéterminée en date du 13 décembre 2004 précise dans son deuxième paragraphe que ' une gratification de treizième mois sera accordée au terme d'une année d'ancienneté révolue, et calculée au prorata du temps de présence, sous réserve d'être inscrit dans les effectifs au 31 décembre. Elle sera payée au mois de décembre. Etant versée pour une période annuelle d'activité, cette gratification ne sera pas inscrite dans la base de calcul de l'indemnité de congés payés.'

Le contrat de travail de M. [S] [E] ayant été rompu par la notification du licenciement par courrier en date du 16 mai 2018, l'appelant ne faisait plus partie des effectifs de la SAS Heppner à la date du 31 décembre 2018 et ne peut en conséquence prétendre à un rappel de salaire au titre de la gratification du treizième mois.

La décision déférée ayant statué en ce sens sera confirmée.

* discrimination

Aux termes de l'article L 1132-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.

Aux termes de l'article L 1132-4 du code du travail, toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre ou du II de l'article 10-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique est nul.

Aux termes de l'article L 1134-1 du même code, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En considération de ces dispositions, s'il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge des éléments de faits susceptibles de caractériser une atteinte au principe de non-discrimination, il incombe à l'employeur, s'il conteste le caractère discriminatoire de cette mesure, d'établir que la disparité de situation ou la différence de rémunération constatée est justifiée par des critères objectifs, étrangers à toute discrimination.

En l'espèce, M. [S] [E] soutient qu'il a été victime d'une discrimination en raison de son handicap au motif que l'employeur n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour lui permettre de conserver son emploi en ne faisant pas appel au SAMETH dans le cadre de la recherche de reclassement.

Il verse en ce sens aux débats un courriel adressé le 1er février 2018 par le médecin du travail à M. [D] [Y], directeur régional, dans lequel il est indiqué ' Il s'agit bien d'une inaptitude définitive au poste de manutentionnaire, inaptitude liée à une maladie professionnelle prononcée le 18 janvier 2018. Mr [E] pourrait dans le cadre d'un reclassement faire de la saisie informatique, faire du travail administratif, utiliser un transpalette électrique, scanner les colis, faire de la formation dans le cadre d'un reclassement. Ayant le statut de travailleur handicapé, il peut également bénéficier de formation et d'aide du SAMETH pour un maintien dans l'emploi'.

Pour remettre en cause cette présomption de discrimination, la SAS Heppner soutient que suite à la visite de pré-reprise en date du 9 mars 2017, une étude de poste a été réalisée le 16 mars 2017 par le médecin du travail en présence du SAMETH, lequel a sollicité une étude ergonomique qui a été effectuée le 25 septembre 2017 en présence du médecin du travail et lui a été restituée en présence d'un représentant du SAMETH le 7 décembre 2017. Des échanges ont ensuite eu lieu entre le médecin du travail et le salarié, et la fiche d'entreprise a été établie le 12 janvier 2018 l'AIST 84 dont dépend le médecin du travail.

Elle verse aux débats :

- les échanges de courriels en date des 17 et 21 mars entre le SAMETH 84 et M. [D] [Y], directeur régional, une personne du service ressources humaines de la SAS Heppner et le médecin du travail, le premier se référant à la rencontre de la veille avec les suivants pour préconiser la mise en oeuvre d'une étude ergonomique, et les réponses de chacun après avoir renseigné le document joint au premier courriel,

- l'étude ergonomique réalisée en octobre 2017 dans laquelle son auteur mentionne la présence du médecin du travail, l'accord du directeur régional et le suivi par le SAMETH 84,

- l'avis du médecin du travail suite à la visite de pré-reprise du 10 janvier 2018 qui préconise un aménagement de poste tel que prévu par l'étude ergonomique, une reprise à temps partiel thérapeutique de 7h30 à 11h et l'absence de manutentions manuelles supérieures à 10 kg,

- des échanges de courriels entre le directeur régional et le médecin du travail en janvier 2018, suite à l'avis d'inaptitude du 18 janvier 2018, dans lesquels le premier s'étonne de l'avis rendu alors qu'un mi-temps thérapeutique avait été envisagé et le médecin précise qu'elle a rendu son avis conformément à l'étude ergonomique qui leur a été restituée en présence du SAMETH 84 le 7 décembre 2017 et la fiche d'entreprise actualisée au 12 janvier 2018,

- la fiche d'entretien avec M. [S] [E] réalisée le 12 février 2018 sous forme de bilan suite à la décision d'inaptitude et le courrier qui lui a été adressé le 13 février 2018 synthétisant l'entretien.

Il résulte de ces éléments, que contrairement à ce que soutient M. [S] [E], le SAMETH 84 a été associé dès la première visite de pré-reprise en mars 2017, et pendant tout le processus d'étude de poste jusqu'à l'avis d'inaptitude du 18 janvier 2018, à la recherche de solutions d'aménagement de poste de travail pour permettre à M. [S] [E] de conserver son emploi malgré les séquelles de sa maladie professionnelle et sa situation de handicap.

En conséquence, aucune discrimination en raison du handicap de M. [S] [E] n'est établie.

Demandes relatives à la rupture du contrat de travail

M. [S] [E] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier en date du 16 mai 2018, rédigé dans les termes suivants :

' Monsieur ,

Le médecin du travail, le 18 janvier 2018, vous a déclaré inapte à votre poste dans ces termes : « inapte au poste de manutentionnaire tel qu'il est actuellement. Serait apte à un poste aménagé tel qu'il est recommandé dans l'étude ergonomique réalisée en septembre 2017 ; peut faire de la saisie informatique, peut faire du travail administratif, peut scanner les copies, peut conduire un chariot automoteur avec siège réglable 2 heures cumulées maximum ; peut utiliser un transpalette électrique, peut faire de la formation'.

Nous vous avons reçu le 12 février 2018 afin d'échanger avec vous sur cet avis d'inaptitude, et envisager malgré tout les perspectives de reclassement après étude de vos formations, de votre parcours professionnel et de votre mobilité géographique.

À l'issue de cet entretien, nous avons procédé à une recherche de reclassement au sein de l'ensemble du groupe, en tenant compte des restrictions émises par le médecin, et des éventuelles formations dont vous pourriez bénéficier pour tenir les postes qui seraient disponibles.

D'autre part, nous avons consulté les délégués du personnel le 5 mars 2018 afin de recueillir leur avis sur les résultats de cette recherche de reclassement.

Ces recherches de reclassement nous ont permis d'identifier un poste de manutentionnaire de l'activité départ sur notre site de [Localité 6] ([Localité 6]).

Ce poste répondait en tout point aux restrictions émises par le médecin du travail dans la mesure où vous auriez été affecté à des tâches qui ne nécessitent pas la manipulation de colis mais celle de palettes avec matériel de manutention mécanisé, et que vous auriez utilisé un chariot de manutention sans dépasser 2 heures de conduite.

Malheureusement, vous avez refusé cette proposition de reclassement.

N'étant pas en mesure de vous proposer un autre poste vacant adapté à vos capacités, conforme aux restrictions émises par le médecin du travail, et aussi comparable que possible au poste que vous occupiez avant cette procédure, nous avons été contraints d'envisager une procédure de licenciement pour impossibilité de reclassement suite à votre inaptitude déclarée.

Nous vous avons adressé une convocation pour un entretien préalable prévu le 26 avril 2018 mais vous nous avez informés par courrier que vous n'étiez pas en mesure de vous rendre à cet entretien. Nous avons accepté de reporter cet entretien au 4 mai suivant, mais là encore, vous nous avez adressé un courrier précisant que vous refusiez de vous présenter à cet entretien.

Prenant acte de votre décision, nous vous informons que nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour impossibilité de reclassement suite à votre inaptitude.

N'étant pas en mesure d'effectuer le préavis de 2 mois auquel vous êtes tenu, votre licenciement prendra effet à la date de présentation de ce courrier. Nous vous adresserons à l'issue de cette période, un courrier afin de percevoir les sommes vous restant dues au titre de salaire, d'indemnités de licenciement, d'indemnité de congés payés acquis, ainsi que votre certificat de travail et votre attestation Pôle emploi.

Nous vous informons que vous avez acquis 120 heures au titre de la formation. Ces droits acquis peuvent être utilisés à travers votre Compte Personnel Formation (CPF). Il vous incombera de préciser ce nombre d'heures dans votre dossier personnel à créer sur le site moncompteformation.gouv.fr.

Enfin, sauf renonciation de votre part par écrit dans les dix jours suivant la date de cessation de votre contrat de travail, vous conserverez gratuitement, durant votre période de chômage et dans la limite de douze mois, le régime de couverture des frais médicaux et de prévoyance applicable dans notre société.

Veuillez agréer, Monsieur, nos salutations distinguées. '

* nullité du licenciement en raison de l'existence d'une discrimination

Si par application des dispositions de l'article L 1132-1 du code du travail toute rupture du contrat de travail qui résulte d'une discrimination est nulle de plein droit, M. [S] [E] sera débouté de la demande aux fins de nullité de son licenciement présentée au visa de ce texte, dès lors que les faits de discrimination ne sont pas établis, et de sa demande pécuniaire subséquente d'indemnité pour licenciement nul .

* respect de la procédure de licenciement

Aux termes de l'article L. 1226-12 du code du travail, lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement. L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit

du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

Il en résulte que l'employeur a l'obligation de faire connaître au salarié, par écrit, les motifs qui s'opposent au reclassement, lorsqu'il est dans l'impossibilité de lui proposer un autre emploi. Il n'est pas tenu de cette obligation lorsqu'il a proposé au salarié, qui l'a refusé, un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10 du code du travail.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la SAS Heppner a présenté à M. [S] [E] une proposition de reclassement qui a été refusée par le salarié.

Ensuite de cette proposition de reclassement, la SAS Heppner n'avait pas l'obligation de faire connaître à M. [S] [E] par écrit les motifs qui s'opposaient à son reclassement et M. [S] [E] sera débouté de sa demande indemnitaire présentée à ce titre.

* existence d'une cause réelle et sérieuse

Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, il ressort des termes de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, que le licenciement de M. [S] [E] a été prononcé pour inaptitude d'origine professionnelle et impossibilité de reclassement.

L'article L 1226-10 du code du travail dispose que lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions

écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au

besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Pour l'application du présent article, le groupe est défini, lorsque le siège social de l'entreprise dominante est situé sur le territoire français, conformément au I de l'article L. 2331-1 et, dans le cas contraire, comme constitué par l'ensemble des entreprises implantées sur le territoire français.

En cas de constat d'inaptitude à reprendre l'emploi précédemment occupé, le salarié bénéficie d'un droit au reclassement affirmé dans son principe par les articles L.1226-2 et L.1226-10 du code du travail. Qu'elle soit totale ou partielle, temporaire ou permanente l'inaptitude ouvre droit à cette obligation.

L'obligation de reclassement est mise à la charge de l'employeur qui doit rechercher un autre emploi approprié aux capacités du salarié, en tenant compte des conclusions écrites du médecin du travail, notamment des indications qu'il formule sur l'aptitude de l'intéressé à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

Les recherches et propositions de reclassement doivent être «sérieuses». L 'emploi offert doit être aussi comparable que possible à celui précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

Le médecin du travail a la possibilité de « dispenser » l'employeur de rechercher un reclassement par une mention expresse dans l'avis d'inaptitude, quelle que soit l'origine de l'inaptitude et quelle que soit la nature du contrat de travail dans l'hypothèse où « le maintien du salarié dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé » et dans l'hypothèse où « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi »

Les propositions de reclassement faites par l'employeur doivent être loyales et sérieuses. L'emploi proposé doit être aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. L'appréciation du caractère sérieux de la recherche de reclassement relève du pouvoir souverain des juges du fond. L'obligation de recherche n'implique pas que l'employeur soit tenu de proposer un poste qui n'est pas disponible ou d'imposer à un autre salarié une modification de son contrat de travail afin de libérer son poste pour le proposer en reclassement au salarié inapte.

S'agissant de la charge de la preuve, il incombe à l'employeur de prouver qu'il a mis

en oeuvre toutes les possibilités de reclassement.

En l'espèce, il ressort de la chronologie précédemment développée et des pièces produites par l'employeur que celui-ci a conjointement avec le médecin du travail, et contrairement à ce que soutient M. [S] [E], recherché les possibilités d'aménagement de poste pour son salarié, en tenant compte des restrictions médicales, et qu'il n'a pas pu mettre en oeuvre les préconisations du rapport de l'expert en ergonomie en raison de leur coût en raison de la configuration des locaux de l'agence d'[Localité 5].

La SAS Heppner renvoie au rapport de l'ergonome qui mentionne la nécessité de mettre en place des aides à la manutention, des contraintes importantes en raison de la configuration des locaux telles que des zones de circulation rapidement encombrées et raison de leur étroitesse, des espaces restreints autour des postes de travail et des quais de déchargement qui ne présentent pas des conditions de sécurité suffisante.

Le rapport conclut à des pistes d'aménagement mais n'en a formulé aucun précisément, en raison de la configuration des lieux qui ne permet pas d'y installer un convoyeur électrique, indépendamment de son coût d'achat.

En définitive, la SAS Heppner a pu légitimement considérer que c'était l'ensemble de son organisation sur l'agence d'[Localité 5] qui aurait dû être reprise, ce qui représente une charge disproportionnée par rapport à la mise en oeuvre d'un reclassement pour un seul de ses salariés.

Force est de constater que le médecin du travail qui renvoie dans son avis d'inaptitude à un aménagement tel que recommandé par l'étude ergonomique de septembre 2017 ne précise pas quels auraient été les aménagements à mettre en oeuvre alors même qu'aucun n'est précisément formulé par le dit rapport.

En l'absence de possibilité d'aménagement de poste de travail au sein de l'agence d'[Localité 5], et malgré le fait que M. [S] [E] a clairement indiqué en février 2018 qu'il n'était pas géographiquement mobile, la SAS Heppner justifie avoir interrogé ses différentes agences en indiquant précisément les contraintes et les aptitudes de M. [S] [E], et ne pas avoir pu lui proposer faute de disponibilité d'autres postes de travail que celui situé dans les Alpes Maritimes qui a été refusé par le salarié qui ne souhaitait pas déménager.

Le fait qu'il soit mentionné sur le courriel présentant la situation de M. [S] [E] qu'il ne dispose d'aucune formation initiale ne fait que reprendre la réalité de son parcours professionnel dès lors que le CACES dont il est titulaire a été acquis au cours de son contrat de travail.

En conséquence, la SAS Heppner démontre qu'elle a procédé à une recherche loyale et sérieuse de reclassement au profit de M. [S] [E].

Il s'en déduit que le licenciement de M. [S] [E] est fondé sur une cause réelle et sérieuse et la décision déférée ayant statué en ce sens sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 25 mars 2020 par le conseil de prud'hommes d'Avignon,

Condamne M. [S] [E] à verser à la SAS Heppner la somme de 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne M. [S] [E] aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 20/01326
Date de la décision : 31/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-31;20.01326 ?
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