RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 20/01603 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HXV5
CRL/EB
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON
24 juin 2020 RG :F18/00407
S.A.S. ALAINE SUD EST
C/
[N]
Grosse délivrée
le
à
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 24 JANVIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVIGNON en date du 24 Juin 2020, N°F18/00407
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 15 Novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 Janvier 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
S.A.S. ALAINE SUD EST anciennement dénommée 'SOTALIS'
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Me Sonia HARNIST de la SCP RD AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Jérôme CHOMEL DE VARAGNES de la SELARL EQUIPAGE, avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
Monsieur [B] [N]
né le 19 Août 1962 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Eve SOULIER de la SELARL EVE SOULIER-JEROME PRIVAT-THOMAS AUTRIC, avocat au barreau D'AVIGNON
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 02 Novembre 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 24 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
M. [B] [N] a été embauché par la SAS Sotalis dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée à compter du 6 décembre 2010 en qualité de conducteur routier. À compter du 6 juin 2011, la relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein pour un emploi de conducteur routier groupe 6 coefficient 138M .
La convention collective applicable au contrat de travail est la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport.
Le 29 juillet 2011, M. [N] a été victime d'un accident pris en charge par la Caisse Primaire d'assurance maladie au titre de la législation relative aux risques professionnels, suite à l'avis de la Commission de Recours Amiable sur saisine du salarié après une décision initiale de refus de prise en charge.
Le 26 mars 2012, M. [B] [N] déclarait avoir été victime d'une rechute en date du 26 mars 2012, prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels, également après recours contentieux de l'assuré.
Le 1er mars 2017, dans le cadre d'une visite de reprise suite à accident du travail, le salarié était déclaré inapte à son poste de travail dans les termes suivantes: "Inapte en un seul examen. Suite à étude du poste du 15/02/2017 et des conditions de travail de Monsieur [N] est inapte à son emploi du fait des restrictions : pas de contraintes du membres supérieurs gauche, pas de conduite du fait des contraintes du rachis cervical, du membre supérieur gauche et inférieur gauche, pas de station debout permanente statique ou avec piétinement, pas de manutention en tirant et soulevant avec le bras gauche. Des tâches de type administratif peuvent lui convenir. Inaptitude fait en un seul examen art. R. 4624-42 ".
Par lettre du 17 mars 2017, M. [N] était convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, qui s'est tenu le 27 mars 2017.
Par lettre du 31 mars 2017, M. [N] était licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Par requête du 07 août 2018, M. [N] saisissait le conseil de prud'hommes d'Avignon afin de voir reconnaître l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement pour inaptitude en raison notamment de l'absence de recherche de reclassement et l'absence de consultation régulière des délégués du personnel.
Par jugement contradictoire du 24 juin 2020, le conseil de prud'hommes d'Avignon a :
- dit que le licenciement de M. [N] en date du 31 mars 2017 est intervenu sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la SAS Sotalis prise en la personne de son représentant légal en exercice au paiement des sommes suivantes :
* 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 750 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
- rappelé que le jugement bénéficie de l'exécution provisoire,
- constaté que la moyenne des trois derniers mois de salaires s'élève à la somme de 2187 euros
- débouté la SAS Sotalis de l'ensemble de ses demandes,
- mis les dépens de l'instance ainsi que les éventuels frais d'exécution à la charge de la SAS Sotalis.
Par acte du 07 juillet 2020, la SAS Alaine Sud Est venant aux droits de la société Sotalis a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance en date du 12 août 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 02 novembre 2022 à 16 heures. L'affaire a été fixée à l'audience du 15 novembre 2022 à 14h.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 15 juillet 2020, la SAS Alaine Sud Est venant aux droits de la SAS Sotalis demande à la cour de :
- réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Avignon le 24 juin 2020
- juger que le licenciement de M. [N] repose sur une cause réelle et sérieuse
- le débouter de l'intégralité de ses demandes,
- le condamner à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens.
La SAS Alaine Sud Est venant aux droits de la SAS Sotalis soutient que :
- contrairement à ce qu'a retenu le conseil de prud'hommes pour qualifier le licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse, elle a malgré l'absence de solution de reclassement, consulté les délégués du personnel, dans le cadre d'une réunion le 31 mars 2017, soit antérieurement à la décision de procéder au licenciement du salarié, et l'avis rendu confirme l'impossibilité de reclassement en raison de l'absence de mobilité géographique de M. [B] [N],
- la jurisprudence de manière constante rappelle que dans le cadre de la recherche de reclassement, l'employeur peut tenir compte de la position prise par le salarié, notamment en ce qui concerne sa mobilité géographique, M. [B] [N] ayant indiqué par courrier du 13 mars 2017 qu'il n'avait aucune mobilité géographique,
- si l'employeur omet d'informer le salarié des motifs qui s'opposent à son reclassement, l'omission de cette formalité n'affecte pas la légitimité du licenciement mais donne lieu à une indemnisation si le salarié démontre l'existence d'un préjudice,
- dès le 9 mars 2017, elle avait informé M. [B] [N] en l'interrogeant sur sa mobilité géographique, de l'impossibilité de le reclasser sur place, et par suite, en refusant toute mobilité géographique, le salarié était parfaitement informé des motifs s'opposant à son reclassement,
- suite à l'avis d'inaptitude elle a interrogé le médecin du travail sur les tâches susceptibles d'être effectuées par M. [B] [N], et la réponse a précisé que " seules quelques tâches de type administratif peuvent lui convenir",
- elle justifie par la communication du registre du personnel de l'agence de Jonquières, seule agence n'impliquant pas de mobilité géographique, qu'aucun poste administratif n'était disponible et n'a été pourvu sur la période du licenciement de M. [B] [N],
- malgré l'absence de mobilité géographique, elle a interrogé d'autres agences du groupe Alaine, lesquelles ont répondu par la négative,
- aucune adaptation du poste de conducteur ou des horaires n'était envisageable puisque le médecin du travail a conclu à l'inaptitude au poste, en raison du danger immédiat.
En l'état de ses dernières écritures en date du 16 septembre 2020, M. [B] [N] demande à la cour de :
- recevoir l'appel de la SAS Alaine Sud Est venant aux droits de la SAS Sotalis
- le dire mal fondé en la forme et au fond,
En conséquence,
- confirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes en date du 24 juin 2020
- dire et juger que son licenciement pour inaptitude est sans cause réelle et sérieuse en raison de la violation des dispositions protectrices applicables aux salariés victimes d'accident du travail et en l'absence de toute recherche et loyale et sérieuse de reclassement
- condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :
* 20 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner l'employeur aux entiers dépens.
M. [B] [N] fait valoir que :
- la consultation des délégués du personnel est intervenue le même jour que celui de la notification du licenciement alors qu'elle doit être antérieure à l'engagement de la procédure de licenciement, donc antérieure à la convocation à l'entretien préalable, ce manquement justifie l'octroi d'une indemnité égale à 12 mois de salaires,
- la notification des motifs s'opposant au reclassement avant l'engagement de la procédure de licenciement n'a pas été faite régulièrement, la lettre de l'employeur en date du 9 mars 2017 ne visant que l'impossibilité de reclassement sur le site de [Localité 3],
- l'employeur n'a procédé à aucune recherche loyale et sérieuse de reclassement, la consultation du médecin du travail est concomitante du courrier du 9 mars 2017 et démontre que l'employeur ne souhaitait pas rechercher de solution de reclassement, et il n'a pas plus recherché des possibilité d'aménagement de poste ou de permutation au sein du personnel de l'agence,
- la demande de dommages et intérêts à hauteur de 20.000 euros est justifiée en raison de son préjudice moral et financier résultant d'une rupture de son contrat de travail en méconnaissance de ses droits.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS
M. [B] [N] a été licencié pour inaptitude d'origine professionnelle et impossibilité de reclassement par courrier en date du 31 mars 2017 rédigé dans les termes suivants :
" Monsieur,
Pour faire suite à l'entretien préalable du lundi 27 mars 2017, nous vous notifions par la présente votre licenciement.
Nous vous rappelons que nous sommes dans l'obligation de prendre cette mesure pour les raisons suivantes.
Vous êtes employé au sein de notre société en qualité de Conducteur PL depuis le 6 décembre 2010.
Le 1er mars 2017, à l'issue d'une période de suspension de votre contrat de travail pour accident de travail, vous avez subi un examen médical de reprise auprès du médecin du travail au terme duquel, il a rendu l'avis suivant : "Suite à étude du poste du 15/02/2017 et des conditions de travail , inapte à son emploi du fait des restrictions : pas de contraintes du membres supérieurs gauche, pas de conduite du fait des contraintes du rachis cervical, du membre supérieur gauche et inférieur gauche, pas de station debout permanente statique ou avec piétinement, pas de manutention en tirant et soulevant avec le bras gauche. Des tâches de type administratif peuvent lui convenir. Inaptitude fait en un seul examen art. R. 4624-42".
Conformément à l'article R 4624-31 du code du travail, votre inaptitude est prononcée en une seule visite pour danger immédiat.
Compte tenu de l'avis émis par le médecin du travail, et conformément aux textes et à la jurisprudence, nous avons sollicité du médecin du travail des préconisations sur les tâches que vous seriez susceptible d'exécuter compte tenu de votre état de santé ; une déclaration unique d'inaptitude avec danger immédiat ne dispensant pas l'employeur de son obligation de recherche de reclassement.
Le docteur [P] nous a répondu que "seules quelques tâches administratives" pourraient vous convenir.
Nous avons alors recherché les postes disponibles existants dans notre entreprise, correspondants à ses recommandations et compatibles avec votre qualification, susceptibles de vous être proposé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagements de temps de travail.
Au terme de cette recherche, nous vous avons informé qu'aucun poste correspondant aux restrictions du médecin du travail n'était disponible sur l'entité Transport SOTALIS située à [Adresse 4] ( 84 ) et que nous étions dans l'impossibilité de vous reclasser en raison de votre refus de mobilité géographique, notifié dans votre courrier du 13 mars 2017.
Nous sommes donc contraints de conclure à l'impassibilité de vous reclasser et ce, en dépit de nos recherches approfondies effectuées au sein de notre société et du groupe auquel elle appartient.
Compte tenu de votre inaptitude à votre poste et de cette impossibilité de reclassement, nous sommes donc dans l'obligation de vous licencier.
Nos relations contractuelles prennent donc fin à la date d'envoi de cette lettre recommandée, soit le 31 mars 2017.
Il ne vous est pas possible d'effectuer votre préavis compte tenu de votre inaptitude à votre poste et de cette impossibilité de reclassement cependant vous percevrez une indemnité compensatrice d'un montant égal à l'indemnité compensatrice de préavis de droit commun, ainsi que l'indemnité spéciale de licenciement.
Les éléments liés à la rupture de votre contrat de travail ( certificat de travail, solde de tout compte et attestation Pôle emploi) vous seront envoyés dès qu'ils seront établis.
Nous vous prions d'agréer, Monsieur, l'expression de nos sentiments distingués"
Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
L'article L.1226-10 dans sa rédaction applicable du 1er janvier 2017 au 24 septembre 2017, dispose que lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
L'article L.1226-12 du code du travail dans sa version applicable depuis le 8 août 2016 précise que lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.
L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.
L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.
S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.
L'article L 1226-15 du code du travail dans sa version applicable du 1er janvier 2017 au 24 septembre 2017, précise que lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la réintégration du salarié, prévues à l'article L. 1226-8, le tribunal saisi peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Il en va de même en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12.
En cas de refus de réintégration par l'une ou l'autre des parties, le tribunal octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité ne peut être inférieure à douze mois de salaires. Elle se cumule avec l'indemnité compensatrice et, le cas échéant, l'indemnité spéciale de licenciement prévues à l'article L. 1226-14.
Lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 1226-12, il est fait application des dispositions prévues par l'article L. 1235-2 en cas d'inobservation de la procédure de licenciement.
En cas de constat d'inaptitude à reprendre l'emploi précédemment occupé, le salarié bénéficie d'un droit au reclassement affirmé dans son principe par les articles L.1226-2 et L.1226-10 du code du travail. Qu'elle soit totale ou partielle, temporaire ou permanente l'inaptitude ouvre droit à cette obligation.
L'obligation de reclassement est mise à la charge de l'employeur qui doit rechercher un autre emploi approprié aux capacités du salarié, en tenant compte des conclusions écrites du médecin du travail, notamment des indications qu'il formule sur l'aptitude de l'intéressé à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.
Les recherches et propositions de reclassement doivent être «sérieuses». L 'emploi offert doit être aussi comparable que possible à celui précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.
Le médecin du travail a la possibilité de « dispenser » l'employeur de rechercher un reclassement par une mention expresse dans l'avis d'inaptitude, quelle que soit l'origine de l'inaptitude et quelle que soit la nature du contrat de travail dans l'hypothèse où « le maintien du salarié dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé » et dans l'hypothèse où « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi »
Les propositions de reclassement faites par l'employeur doivent être loyales et sérieuses. L'emploi proposé doit être aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. L'appréciation du caractère sérieux de la recherche de reclassement relève du pouvoir souverain des juges du fond. L'obligation de recherche n'implique pas que l'employeur soit tenu de proposer un poste qui n'est pas disponible ou d'imposer à un autre salarié une modification de son contrat de travail afin de libérer son poste pour le proposer en reclassement au salarié inapte.
S'agissant de la charge de la preuve, il incombe à l'employeur de prouver qu'il a mis en oeuvre toutes les possibilités de reclassement.
En l'espèce, il ressort des termes de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, que le licenciement de M. [B] [N] a été prononcé pour inaptitude d'origine professionnelle et impossibilité de reclassement.
* régularité de la procédure de consultation des représentants du personnel
Si les dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail exigent que l'avis des délégués du personnel intervienne avant la proposition de reclassement, une telle exigence ne résulte, en l'absence de proposition de reclassement, ni de ce texte, ni de l'article L. 1226-12 du même code.
En l'espèce, en l'absence de proposition de reclassement compatible avec l'absence de mobilité géographique de M. [B] [N], la SAS Sotalis n'était pas tenue de procéder à une consultation des représentants du personnel.
Par suite, la tardiveté de la consultation des représentants du personnel convoquées le 17 mars 2017 pour le 31 mars 2017 à 17h est sans incidence sur la régularité de la procédure de licenciement.
La décision déférée sera infirmée en ce sens.
* régularité de la notification des motifs s'opposant au reclassement
Pour justifier du respect des dispositions de l'article L 1226-12 alinéa 1er du code du travail, la SAS Alaine Sud Est venant aux droits de la SAS Sotalis verse aux débats le courrier adressé à M. [B] [N] le 9 mars 2017 qui indique après avoir repris intégralement les termes de l'avis d'inaptitude du 1er mars 2017 :
" Même dans le cadre de cette déclaration d'inaptitude unique avec danger immédiat, nous sommes conduits à rechercher une éventuelle solution de reclassement, compatibles avec vos capacités, parmi les postes existants au sein de notre entreprise et du groupe auquel elle appartient.
Nous vous informons que nous avons pris contact avec le médecin du travail pour avoir des précisions complémentaires, et que nous sommes actuellement en recherche de solution sur des postes susceptibles de vous être proposés.
D'ores et déjà, nous vous informons qu'aucun poste correspondant aux restrictions du médecin du travail n'est disponible actuellement sur l'entité TRANSPORTS SOTALIS située à [Adresse 4] (84). Ainsi, vous voudrez bien nous informer sur une éventuelle mobilité géographique puisque nos recherches de reclassement vont s'étendre sur l'ensemble des autres filiales du groupe situées sur tout le territoire national" ;
ainsi que la réponse à ce courrier adressée par M. [B] [N] le 13 mars 2017 :
" Suite à notre conversation téléphonique, je vous confirme que suite à l'étude de poste du 15/02/2017 et des conditions de travail, inapte à mon emploi du fait des restrictions = pas de contraintes du membre supérieur gauche, pas de conduite du fait des contraintes du rachis cervical du membre supérieur gauche et inférieur gauche, pas de station debout permanente et statique ou avec piétinement, pas de manutention en tirant et soulevant avec le bras gauche, je ne suis plus apte à reprendre un emploi de chauffeur et que je ne suis pas mobile géographiquement."
Il résulte du premier courrier que les motifs de l'impossibilité de reclassement sur le site de [Localité 3] ont été exposées à M. [B] [N] et que l'employeur allait étendre en fonction des critères de mobilité géographique validés par le salarié ses recherches aux autres filiales du groupe.
Dès lors que le salarié a exclu toute mobilité géographique par son courrier du 13 mars 2017, il n'était pas nécessaire que l'employeur formalise une seconde fois les motifs de l'impossibilité de reclassement sur le site de [Localité 3], seul site sur lequel le salarié acceptait un tel reclassement.
Par suite, les dispositions de l'article L 1226-12 alinéa 1er du code du travail ont été respectées par la SAS Sotalis et M. [B] [N] débouté de la demande indemnitaire présenté de ce chef.
La décision déférée sera réformée en ce sens.
* existence d'une cause réelle et sérieuse
L' avis du médecin du travail du 1er mars 2017 est formulé dans les termes suivants: "Inapte en un seul examen. Suite à étude du poste du 15/02/2017 et des conditions de travail de Monsieur [N] est inapte à son emploi du fait des restrictions : pas de contraintes du membres supérieurs gauche, pas de conduite du fait des contraintes du rachis cervical, du membre supérieur gauche et inférieur gauche, pas de station debout permanente statique ou avec piétinement, pas de manutention en tirant et soulevant avec le bras gauche. Des tâches de type administratif peuvent lui convenir. Inaptitude fait en un seul examen art. R. 4624-42 "
Par courrier en date du 9 mars 2017, la SAS Sotalis interrogeait précisément le médecin du travail sur les possibilités de reclassement dans l'entreprise, en lui demandant ses " prescriptions sur les tâches qui seraient susceptibles d'être exécutées par Monsieur [B] [N] compte tenu de son état de santé pour nous permettre de procéder à cette recherche de reclassement à moins que vous n'estimiez que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ou que tout maintient dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé, auquel cas, nous vous remercions de bien vouloir nous le préciser".
Par courrier en réponse en date du 14 mars 2017, le médecin du travail indiquait " Suite à votre courrier du 9 mars dernier, je vous confirme bien que Mr [N] est inapte à son poste de chauffeur SPL. Seul quelques tâches de type administratif peuvent lui convenir".
La SAS Alaine Sud Est venant aux droits de la SAS Sotalis après avoir rappelé que l'essentiel de ses effectifs occupe des fonctions de chauffeur poids lourds, justifie par la production de son registre du personnel que les six embauches intervenues en 2017 concernent des emplois de conducteur poids lourds et que ses huits emplois administratifs concernent des emplois de niveau cadre ( 3 postes ), agent de maîtrise ( 3 postes ) et employés ( 2 postes ) , les deux derniers étant occupés depuis 2010 et 2011.
Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient M. [B] [N], aucun reclassement au sein de l'entreprise ne pouvait être envisagé, et ce en l'absence de poste administratif disponible, l'employeur n'étant pas tenu de créer un poste pour permettre le reclassement.
Par ailleurs, l'avis d'inaptitude est particulièrement explicite sur les restrictions nécessaires pour préserver la santé de M. [B] [N] et exclut le poste de conducteur de poids lourds. Il s'en déduit qu'aucune proposition d'aménagement du poste n'était envisageable, la réponse du médecin du travail en date du 14 mars 2017 confirmant cette absence de possibilité d'aménagement ou de transformation.
Enfin, et bien que M. [B] [N] ait indiqué n'avoir aucune mobilité géographique, la SAS Alaine Sud Est venant aux droits de la SAS Sotalis justifie avoir interrogé de manière précise les autres filiales du groupe sur des possibilités de reclassement et produit les réponses négatives reçues en retour, plusieurs d'entre elles mentionnant que les seuls postes disponibles étaient des postes de conducteur PL.
En conséquence, l'employeur a procédé en vain à une recherche loyale et sérieuse de solution de reclassement avant de notifier à M. [B] [N] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Il en résulte que le licenciement de M. [B] [N] procède d'une cause réelle et sérieuse et qu'il doit être débouté de ses demandes indemnitaires.
La décision déférée sera infirmée en ce sens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Infirme le jugement rendu le 24 juin 2020 par le conseil de prud'hommes d'Avignon,
Et statuant à nouveau,
Juge que le licenciement notifié par la SAS Alaine Sud Est venant aux droits de la SAS Sotalis à M. [B] [N] pour inaptitude d'origine professionnelle et impossibilité de reclassement est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
Déboute M. [B] [N] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Rappelle en tant que de besoin que le présent arrêt infirmatif tient lieu de titre afin d'obtenir le remboursement des sommes versées en vertu de la décision de première instance assortie de l'exécution provisoire,
Condamne M. [B] [N] aux dépens de première instance et de la procédure d'appel.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,