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24/01/2023 | FRANCE | N°20/01590

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 24 janvier 2023, 20/01590


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 20/01590 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HXUV



CRL/EB



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES

12 juin 2020 RG :F 18/00492



[R]



C/



S.A.S.U. SOCIÉTÉ [M] FINANCEMENTS



















Grosse délivrée

le

à











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 24 JANVIER 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NIMES en date du 12 Juin 2020, N°F 18/00492



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entend...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 20/01590 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HXUV

CRL/EB

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES

12 juin 2020 RG :F 18/00492

[R]

C/

S.A.S.U. SOCIÉTÉ [M] FINANCEMENTS

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 24 JANVIER 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NIMES en date du 12 Juin 2020, N°F 18/00492

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 15 Novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 Janvier 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [XN] [R]

né le 23 Août 1975 à [Localité 7]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Aurélie SCHNEIDER de la SELARL AURELIE SCHNEIDER, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Samy ARAISSI, avocat au barreau D'AIX EN PROVENCE

INTIMÉE :

S.A.S.U. SOCIÉTÉ [M] FINANCEMENTS

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Emmanuelle JONZO de la SCP LOBIER & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Alex BREA, avocat au barreau de MARSEILLE

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 02 Novembre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 24 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

M. [XN] [R] a été engagé par la SASU [M] Financement à compter du 02 mai 2017 suivant contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de directeur administratif et financier - responsable des ressources humaines, statut cadre, niveau II, indice : 1123, coefficient 420 de la convention collective des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire.

Par lettre du 16 mars 2018, M. [R] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé le 28 mars 2018 et a fait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre du 04 avril 2018, la SASU [M] Financement lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, le 06 septembre 2018, M. [R] saisissait le conseil de prud'hommes de Nîmes en requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en réparation du harcèlement moral subi de la part de sa supérieure hiérarchique.

Par jugement en date du 12 juin 2020, le conseil de prud'hommes de Nîmes a :

- dit que le licenciement de M. [R] pour faute grave est fondé,

- débouté M. [R] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la SASU [M] Financement de sa demande reconventionnelle au titre de la faute lourde,

- condamné M. [R] à payer 1000 euros au titre de l'article 700,

- laissé les dépens à la charge de la SASU [M] Financement.

Par acte du 06 juillet 2020, M. [XN] [R] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance en date du 12 août 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 02 novembre 2022 à 16 heures. L'affaire a été fixée à l'audience du 15 novembre 2022 à 14 heures.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 09 juin 2022, M. [XN] [R] demande à la cour de :

- déclarer l'appel recevable et bien fondé, et en conséquence réformer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions ;

- constater qu'il a été victime d'actes de harcèlement moral, et d'un licenciement abusif et vexatoire ;

- dire et juger le licenciement nul, et à défaut, sans cause réelle et sérieuse ;

- en conséquence, condamner la société [M] Financement à lui verser les sommes suivantes :

* rappel de salaire : 4.880,00 euros

* congés payés afférents : 488,00 euros

* indemnité légale de licenciement : 1.830,00 euros

* préavis : 21.960,00 euros

* congés payés sur préavis : 2.196,00 euros

* dommages-intérêts licenciement sans cause réelle et sérieuse, abusif, vexatoire, et

résultant d'un harcèlement moral : 42.000,00 euros

- dire et juger que les sommes dues seront majorées des intérêts au taux légal à compter des demandes, avec capitalisations des intérêts dus depuis plus d'une année en application des articles 1231 6 et 7 et 1343-2 du code civil ;

- débouter l'employeur de toutes ses demandes, fins et conclusions;

- condamner la société [M] Financement à verser la somme de 4.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance.

M. [XN] [R] soutient que :

- il a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur, faits qu'il a dénoncés à la gendarmerie,

- les témoignages versés pour caractériser la faute grave qui lui est reprochée ne sont pas crédibles et ont été obtenus sous la pression de l'employeur,

- ces témoignages sont établis en termes généraux et ne caractérisent aucun fait de harcèlement qui lui serait imputable,

- M. [M] a toujours été informé de sa manière de travailler et ne lui a jamais formulé de reproche ni d'avertissement,

- pour preuve du harcèlement dont il a fait l'objet lors de son licenciement, la SASU [M] Financement n'hésite pas à venir demander sa condamnation à une indemnité au titre de la faute lourde supérieure au salaire perçu sur toute la période où il a travaillé dans l'entreprise,

En l'état de ses dernières écritures en date du 21 octobre 2020, la SA [M] Financement demande à la cour de :

- confirmer l'absence d'éléments probants démontrant les faits de harcèlement moral à l'encontre de M. [R],

- constater, au contraire, les faits nombreux et répétés de harcèlement commis par l'appelant à l'encontre de ses nombreux salariés,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a considéré que le licenciement de M. [R] pour faute grave comme bien fondé,

Par la voie de l'appel incident,

- constater l'intention de nuire de la part de M. [R] et,

- requalifier le licenciement pour faute grave en faute lourde.

En conséquence,

- confirmer le rejet de l'ensemble des demandes, fins et conclusions de M. [R],

- condamner M. [R] à lui payer la somme de 115 075,37 euros au titre de sa responsabilité pécuniaire pour faute lourde,

- condamner M. [R] à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [R] aux entiers dépens.

La SA [M] Financement fait valoir que :

- elle conteste les faits décrits par M. [XN] [R] comme étant constitutifs de harcèlement moral à son encontre, cette accusation démontrant la volonté de M. [XN] [R] de lui nuire,

- en revanche, M. [XN] [R] s'est rendu coupable de harcèlement managérial vis à vis des salariés, ce qui est d'autant plus grave qu'il était en position d'autorité hiérarchique par rapport à ceux-ci,

- les témoignages établis par les salariés démontrent la réalité du comportement de M. [XN] [R] à leur égard,

- en plus de ce comportement inadapté, M. [XN] [R] s'est rendu coupable de pratiques illicites nuisibles à l'entreprise telles que des interventions inadaptés sur la gestion des ventes et des stocks de fleurs lors d'évènements commerciaux importants, n'hésitant pas à saboter l'image de l'entreprise auprès des clients, ou des actes désavantageux dans le gestion informatique de l'entreprise au profit de connaissances personnelles,

- ces actes justifient de requalifier la faute imputable à M. [XN] [R] en faute lourde et de le condamner à l'indemniser des conséquences financière de son comportement.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

Demandes relatives à l'exécution du contrat de travail

* harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l'article L. 1154-1 du Code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du Code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

Au soutien de sa demande, M. [XN] [R] invoque un harcèlement initié par Mme [RP] et poursuivi par M. [M], sous forme de menaces proférées par la première à son encontre de « devenir son pire cauchemar », suivie d'un entretien préalable accusateur, d'un licenciement pour un motif calomnieux et diffamatoire, puis de nouvelles accusations d'avoir commis des fautes lourdes avec l'intention de nuire, le fait d'avoir déposé plainte pour dénonciation calomnieuse, et enfin le fait de demander à titre de dommages et intérêts une somme supérieure au salaires versés.

Il verse aux débats la copie de son dépot de plainte en date du 23 mars 2018 à la gendarmerie de [Localité 5], dans lequel il dénonce des faits de menaces survenus le 3 mars 2018 sur son lieu de travail, de la part de Mme [Z] [RP], directrice générale de l'entreprise et lié par un pacte civil de solidarité) du président de la société qui l'emploie, dans les termes suivants " [XN], malgré votre brillante intelligence, sachez que je vais devenir votre pire cauchemar", et précise qu'il a été convoqué le 16 mars 2018 à un entretien préalable avec mise à pied conservatoire et qu'il tient à "signaler ces faits et qu'elle ait un rappel à la loi".

Outre le fait que les propos attribués par M. [XN] [R] à Mme [RP] ne résultent que de ses seules affirmations, leur caractère isolé même à les considérer comme étant une menace exclut la qualification de harcèlement moral qui suppose des agissements répétés.

Les autres éléments invoqués par M. [XN] [R] correspondent à la procédure de licenciement qui en tant que telle n'est pas constitutive d'un harcèlement moral ou de faits postérieurs à la rupture du contrat de travail.

Il en résulte que M. [XN] [R] ne rapporte la preuve d'aucun fait de harcèlement moral et que c'est à juste titre que les premiers juges l'ont débouté des demandes présentées de ce chef.

Demandes relatives à la rupture du contrat de travail

S'agissant d'un licenciement prononcé à titre disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs formulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l'employeur qui l'invoque d'en rapporter la preuve.

La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire.

La gravité du manquement retenu est appréciée au regard du contexte, de la nature et du caractère éventuellement répété des agissements, des fonctions exercées par le salarié dans l'entreprise, un niveau de responsabilité important étant le plus souvent un facteur aggravant, de son ancienneté, d'éventuels manquements antérieurs et des conséquences de ces agissements en résultant pour l'employeur.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 4 avril 2018 qui fixe les limites du litige, a été rédigée dans les termes suivants :

" Monsieur,

Nous avons engagé à votre encontre une procédure de licenciement pour faute grave.

Nous vous avons convoqué à un entretien préalable en date du 28 mars 2018 auquel vous vous êtes présenté.

Malgré les explications que vous avez données, nous vous informons par la présente, de notre décision de vous licencier pour faute grave pour les motifs exposés ci-après.

Vous occupez le poste de directeur administratif et financier et de responsable des ressources humaines, niveau VIII indice 1123, coefficient 420, statut cadre.

Ainsi que nous vous l'avons exposé lors de l'entretien, les motifs de ce licenciement sont les suivants :

A titre preliminaire, nous tenons à vous indiquer qu'en raison de la très grande importance de vos fonctions au sein de l'entreprise vous devez être exemplaire.

Ainsi, dans le cadre de vos fonctions, vous êtes le supérieur hiérarchique de nombreux salariés.

L'autorite que vous devez exercer auprès des salariés de l'entreprise ne doit pas être excessive et se transformer en un harcèlement permanent.

De nombreux salaries nous ont fait part de votre comportement inapproprié.

Vous trouverez ainsi ci-après des extraits significatifs des griefs retenus à votre encontre :

Le 10 mars 2018, Mme [S] [E], assistante de Direction atteste notamment:

"Comme vous le savez, vous m'avez demandé d'exercer la fonction de responsable de la personne en charge de l'imprimerie : [C] [TG] et ce, depuis environ deux années.

J'ai, à ce titre, pu constater à différentes reprises une attitude des plus négatives allant jusqu'au harcèlement moral de M. [R] à l'égard de cette personne ».

Le 12 mars 2018, M. [T] [VX], comptable atteste notamment:

"Tout commence par un manque de respect manifeste. Dès son arrivée il ne nous a que rarement salué, nous a donné des ordres stricts sans concession et sans échange possible, se permet des moqueries sur les salariés en privé ou parmi d'autres employés tant sur leur physique ou leur tenue, le rire au détriment de l'humain : le pathétisme à son paroxysme.

Mais le manque de respect ne s'arrête pas là, certains d'entre nous et j'en fais partie ont fait l'objet de saute d'humeur et se sont vu parler de fagon deplacée devant tout le service avec un niveau verbal elevé et parfois menaçant avec un vocabulaire vulgaire qui ne devrait pas être au vu de son poste et de ses responsabilites ».

Mme [P] [W], responsable comptable, atteste le 12 mars 2018 :

"Notre ambiance de travail s'est rapidement dégradée pour arriver aà un point difficilement supportable sous l'effet d'un management directif niant l'humain. Nous faisons face chaque jour a :

- Des exigences contradictoires, " faites" puis " ne faites pas" puis "je ne vous ai jamais dit

de faire",

- Des salariés mis sur plusieurs fronts à la fois,

- Des priorités toujours prioritaires par rapport aux précédentes,

- La non prise en compte des situations particulières et du degré d'urgence réel dans la priorisation des tâches... Tout... Tout de suite,

- Aucune ecoute, M [R] sait et reste dans ses idées, communication dure, dans l'irritation ».

Le 13 mars 2018, Mesdames [OZ] [V], [C] [X] et [Y] [J], attestent notamment:

" Nous pouvons parier de harcèlement moral qui a engendré plusieurs arrêts maladie dans notre service. Une pression a été mise sur le dos de l'équipe afin que M [R] puisse presenter une nouvelle gestion à la direction sans se soucier du temps passé par son équipe ».

Mme [C] [X] precisera également le 15 mars 2018, par attestation :

" Depuis l'arrivée de M. [XN] [R] l'atmosphère de peur et de tension qui règne dans mon service et, plus largement, dans la société en general est insupportable. Nous faisons notre travail mais rien n'est jamais bien à ses yeux et il n'a aucune idée du temps qu'il faut pour faire les choses. N'hésitant pas a dire " c'est de la merde » alors que vous avez passé du temps sur un travail que vous aviez fait au mieux. Ce matin encore, notre chef de service est ressortie en larmes de son bureau et vendredi dernier c'était le tour de [CV] qui s'est faut hurler dessus et menacé de licenciement ».

Le 19 mars 2018, Mme [F] [KS], atteste notamment:

"J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec M [R] et de lui expliquer en partie les paroles blessantes qu'il avait pu avoir auprès de certaines personnes de la société (moi comprise).

Suite a mes propos, vexé, ll m'a indiqué la chose suivante "[ZE] voulait te virer il y a 15 jours". Pour quelqu'un qui se dit de faire du management de bienveillance, je trouve ses propos peu appropriés. D'autant plus qu'après m'être entretenue avec vous, vous m'avez confirmé que cela était faux ».

Le 19 mars 2018, M. [D] [B] atteste:

" En alternance au sein de votre sociéte, je me permets de vous adresser cette lettre afin de vous faire part de Ia mauvaise communication qui règne au sein des differents services qui est due en grande partie à Monsieur [R]".

Le 19 mars 2018, M. [CV] [G] atteste notamment :

"d'avoir demandé à Mme [W] de ne pas faire et payer les charges sociales du mois de janvier 2018 (en ma présence le 15 février à 9h)".

Le 19 mars 2018, Mlle [N] [H] atteste également :

"M. [R] crée régulierement des discordances entre les services et le personnel. J'ai ressenti une forme de dévalorisation".

Toujours le 19 mars 2018, M. [U] [A] atteste notamment :

"En effet, cette personne tient des propos déplacés sur la vie personnelle de mes collaborateurs ( il prête des aventures à Monsieur [L] avec quantité de filles sur le plateau téléphonique) et se permet d'appeler certains autres par des surnoms tirés de caractéristiques physique (comme "la fille au gros nez") ce qui est dérangeant ».

Le 20 mars 2018, Mme [O] [I] atteste notamment:

"Ensuite, il a exige que tout soit opérationnel pour le mercredi 28/02/2018. J'ai refusé, répondant que faire de telles modifications à seulement 3jours de la fête des Grands-Mères était complètement aberrant et dangereux. ll a alors hurlé "vous prenez la sociéte en otage!"

Le 20 mars 2018, Mesdames [WN] [MI] et [JB] [K] attestent également :

"Les faits suivants, dûs à des décisions prises par M. [R], ont donné a nos clients une image d'escrocs et de voleurs qui a terni l'image de notre entreprise. Des dires qui nous font passer pour "du petit personnel, facilement échangeable", vous comprendrez, que nous aimerions retrouver une ambiance favorable pour continuer dans un bon esprit d'equipe"

En conclusions, ces différents et nombreux témoignagent unanimes nous incitent à penser que votre attitude est de nature à entraver fortement le climat social et le bon fonctionnement de l'entreprise.

Ces raisons entrainent aujourd'hui de forts risques de perturbation de l'entreprise, compte-tenu de vos fonctions.

Cette attitude particulièrement préjudiciable à la société rend votre maitien dans cette dernière impossible.

Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise.

Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture et vous cessez donc de faire partie des effectifs de notre société à compter de ce jour, 4 avril 2018, date de la rupture du contrat. Votre licenciement prend donc effet immédiatement, à la date de cette lettre, sans indemnité.

Nous vous signalons également qu'en raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés, le salaire correspondant à la période pendant laquelle vous avez été mis à pied à titre conservatoire ne vous sera pas versé.

Vous êtes, dès votre départ de l'entreprise, délié de toute obligation à notre endroit, tout en demeurant tenu de respecter une obligation de discrétion à l'égard des éléments confidentiels dont vous auriez pu avoir connaissance à l'occasion de votre travail.

Nous profitons de la présente pour répondre également à votre envoi du 20 mars que nous avons évidemment pris en considération.

Ainsi, vous y faites état du retrait de votre ordinateur portable et de la suspension de vos codes d'accès professionnels dès le 16 mars.

Sur ce point, nous vous indiquons que ceux-ci entrent tout à fait dans les mesures conservatoires que peut prendre l'employeur, a fortiori lorsque les fonctions de l'intéressé sont extrêmement importantes dans l'entreprise.

Au demeurant les motifs de votre congédiement tels qu'énoncés ci-dessus ont trait à votre comportement à l'égard des salariés de l'entreprise et ont donc peu à voir avec vos outils de travail informatique.

Vous faites état, par ailleurs, de prétendus incidents avec Mme [Z] [RP], notamment le 3 mars 2018.

Outre que vous n'en avez jamais fait état auparavant, il ressort des éléments en notre possession que ces allégations sont sans fondement.

Elle ne sauraient, en tout état de cause, remettre en cause notre décision fondée sur les très nombreux témoignages qui précèdent et qui font apparaitre un comportement constant, continu et généralisé de harcèlement de votre part à l'encontre des salariés de l'entreprise.

Vous pouvez faire une demande de précision des motifs du licenciement énoncés dans la présente lettre, dans les quinze jours suivant la réception de la présente notification par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé.

Nous avons la faculté d'y donner suite dans un délai de quinze jours après réception de votre demande, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé'

Nous pouvons également, le cas échéant, et dans les mêmes formes, prendre l'initiative d'apporter des précisions à ces motifs dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement.

Nous vous faisons parvenir dans les meilleurs délais votre solde de tout compte, votre certificat de travail et votre attestation Pôle Emploi.

Enfin, pour ce qui concerne votre véhicule, vous voudrez bien prendre contact avec Mme [S] par tél au [XXXXXXXX01] ou par mail, [Courriel 6] afin d'en organiser la restitution dans les plus brefs délais.

A cet égard, s'agissant d'un véhicule propriété de l'entreprise, nous vous demandons de ramener ce dernier à votre lieu de travail, comme vous en avez pris possession lors de votre engagement.

Vous pourrez également, à cette occasion, récupérer vos effets personnels.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur, l'assurance de nos sentiments distingués"

* nullité du licenciement en raison de harcèlement moral

Si par application des dispositions de l'article L 1152-3 du code du travail toute rupture du contrat de travail qui résulte d'un harcèlement moral est nulle de plein droit,M. [XN] [R] sera débouté de la demande aux fins de nullité de son licenciement présentée au visa de ce texte, dès lors que les faits de harcèlement moral ne sont pas établis, et de sa demande pécuniaire subséquente d'indemnité pour licenciement nul.

* faute grave

Pour caractériser la faute grave, la SASU [M] Financement reproche à M. [XN] [R] : "L'autorité que vous devez exercer auprès des salariés de l'entreprise ne doit pas être excessive et se transformer en un harcèlement permanent. De nombreux salaries nous ont fait part de votre comportement inapproprié. (...) votre attitude est de nature à entraver fortement le climat social et le bon fonctionnement de l'entreprise.Ces raisons entrainent aujourd'hui de forts risques de perturbation de l'entreprise, compte-tenu de vos fonctions."

Pour démontrer ce qu'elle qualifie dans ses écritures de "harcèlement manégérial", la SASU [M] Financement verse aux débats les courriers qui lui ont été adressés par 13 salariés, lesquels dénoncent le comportement de M. [XN] [R] dans les termes repris dans la lettre de licenciement, ces courriers ayant été annexés par leurs auteurs à des formulaires d'attestation en justice, avec copie de leur pièce d'identité. Est également versées aux débats une attestation établie par M. [CV] [G], qui se présente comme comptable, et indique que M. [XN] [R] lui a "crié dessus" devant toute l'équipe de la comptabilité ou qu'il a laissé M. [M] lui notifier un avertissement oral pour un virement entre deux sociétés du groupe qui avait été fait non pas de sa propre initiative mais à la demande de l'appelant.

Pour remettre en cause ces éléments, M. [XN] [R] observe que les courriers sont tous datés de la même période, qu'il dénoncent des faits qui se seraient déroulés sur plusieurs mois sans qu'aucune dénonciation n'intervienne avant les propos de Mme [RP], et que les courriers sont rédigés en termes généraux, pour partie par des salariés qui n'avaient aucun lien hiérarchique avec lui. Il considère que les accusations portées contre lui ne sont pas fondées et ne sont étayées par aucun élément objectif. Il estime qu'aucun fait de harcèlement moral qui lui serait imputable n'est rapporté.

M. [XN] [R] verse aux débats le témoignage de M. [IB] qui a travaillé avec lui pendant une année, de mars 2017 à mars 2018, qui vante ses qualités et mérites professionnels et la proximité dont il jouissait avec M. [M] qui ne lui formulait aucun reproche.

Sans qu'il soit nécessaire de rechercher si les reproches formulés à l'encontre de M. [XN] [R] caractérisent ou non des faits des harcèlements, il n'en demeure pas moins que la SASU [M] Financement face à ces dénonciations multiples envers son directeur des ressources humaines ne pouvait que procéder à des vérifications et intervenir au titre de son obligation de sécurité envers l'ensemble de ses salariés. Le fait que les salariés aient dénoncé le comportement de M. [XN] [R] à leur employeur plutôt qu'à la médecine du travail est sans incidence sur la sincérité de leur écrit.

L'exercice d'une autorité hiérarchique n'autorise ni les propos grossiers ou outranciers, ni les commentaires à caractère personnel concernant les salariés de l'entreprise, M. [XN] [R] ne soutenant pas au demeurant ne pas avoir employé le langage qui lui est attribué.

Par ailleurs, si M. [XN] [R] reproche à la SASU [M] Financement de ne pas produire les bulletins de salaires des auteurs des courriers qu'elle verser aux débats, il ne soutient pas pour autant ne pas connaitre ces personnes.

Enfin, aucun élément ne vient corroborer l'affirmation de M. [XN] [R] selon laquelle les courriers auraient été établis sous la pression de l'employeur par des salariés qui en raison du peu de travail dans leur secteur géographique sont "très malléables et très réceptifs aux demandes de l'employeur".

Ainsi, la SASU [M] Financement rapporte la preuve d'une part que le climat social s'était dégradé en raison des postures managériales de M. [XN] [R], et de son attitude particulièrement autoritaire envers les salariés de la SASU [M] Financement sur lesquels directement ou indirectement, par ses fonctions de direction, il exerçait et représentait une autorité hiérarchique, et d'autre part qu'il était dans l'obligation de faire cesser cette situation.

Ce grief est donc constitué.

En revanche, le grief relatif aux "pratiques illicites nuisibles à l'entreprise et l'outrepassement de ses fonctions" visé dans les écritures de la SASU [M] Financement n'est pas mentionné dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. Le fait que les salariés dénoncent des pratiques ne suffisant pas à considérer que ce grief est visé dans la lettre de licenciement dès lors que l'employeur après avoir cité les témoignages ne retient que la perturbation du climat social dans l'entreprise, même s'il le formule différemment à plusieurs reprises : "harcèlement permanent", "votre comportement inapproprié", "votre attitude est de nature à entraver fortement le climat social et le bon fonctionnement de l'entreprise".

Par suite, l'appréciation de la faute grave ne doit se faire qu'au regard du premier grief, dont la réalité est établie.

En conséquence, ce grief ainsi caractérisé démontre que M. [XN] [R] a commis volontairement une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle, en raison de son positionnement hiérarchique dans l'entreprise, qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat.

Il convient tant pour les motifs qui précèdent que ceux non contraires des premiers juges de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a considéré que la faute grave était caractérisée à l'encontre de M. [XN] [R] et l'a débouté de ses demandes indemnitaires.

La demande de la SASU [M] Financement de qualifier la faute grave retenue dans la lettre de licenciement en faute lourde est en voie de rejet. L'employeur a fait le choix, dans le cadre de son pouvoir disciplinaire, au moment de prendre la décision de licencier son salarié de retenir la qualification de faute grave, il ne peut revenir sur cette décision à l'occasion de l'instance judiciaire.

La décision déférée ayant statué en ce sens sera également confirmée sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 12 juin 2020 par le conseil de prud'hommes de Nîmes ,

Condamne M. [XN] [R] à verser à la SASU [M] Financement la somme de 800 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne M. [XN] [R] aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 20/01590
Date de la décision : 24/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-24;20.01590 ?
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