Ordonnance N°23/42
N° RG 23/00048 - N° Portalis DBVH-V-B7H-IVZZ
J.L.D. NIMES
17 janvier 2023
[O]
C/
LE PREFET DES BOUCHES DU RHONE
COUR D'APPEL DE NÎMES
Cabinet du Premier Président
Ordonnance du 19 JANVIER 2023
Nous, Madame Alexandra BERGER, Conseillère à la Cour d'Appel de NÎMES, conseiller désigné par le Premier Président de la Cour d'Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assisté de Mme Emmanuelle PRATX, Greffière,
Vu l'arrêté de M. Le Préfet des Bouches du Rhone portant obligation de quitter le territoire national en date du 14 janvier 2023 notifié le même jour, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 14 janvier 2023, notifiée le même jour à 18h35 concernant :
M. [U] [R] [O]
né le 20 Novembre 1993 à MITZIC (GABON)
de nationalité Gabonaise
Vu la requête reçue au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes le 16 janvier 2023 à 14h22, enregistrée sous le N°RG 23/263 présentée par M. le Préfet des Bouches du Rhone ;
Vu l'ordonnance rendue le 17 Janvier 2023 à 11h03 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de NÎMES, qui a :
* Déclaré irrecevable les moyens de contestation de l'arrêté de placement en rétention et de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire ;
* Dit n'y avoir lieu à assignaiton à résidence ;
* Ordonné pour une durée maximale de 28 jours commençant 48H après la notification de la décision de placement en rétention, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, de M. [U] [R] [O];
* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l'expiration d'un délai de 28 jours à compter du 16 janvier 2023 à 18h35,
Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [U] [R] [O] le 17 Janvier 2023 à 18h51 ;
Vu l'absence du Ministère Public près la Cour d'appel de NIMES régulièrement avisé ;
Vu la présence de Monsieur [I] [K], représentant le Préfet des Bouches du Rhone, agissant au nom de l'Etat, désigné pour le représenter devant la Cour d'Appel en matière de Rétention administrative des étrangers, entendu en ses observations ;
Vu la comparution de Monsieur [U] [R] [O], régulièrement convoqué ;
Vu la présence de Me Charlene MOUSSAVOU substituant Maître Godfry KOUEVI, avocat de Monsieur [U] [R] [O] qui a été entendu en sa plaidoirie ;
MOTIFS
Monsieur [U] [R] [O] a reçu notification le 14 janvier 2023 d'un arrêté du Préfet des Bouches du Rhône du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire national sans délai avec interdiction de retour pendant deux ans.
Monsieur [U] [R] [O] a fait l'objet d'une interpellation par les services de police, le 14 janvier 2023 à [Localité 2], à 8h00.
Par arrêté de la même préfecture en date du 14 janvier 2023 et qui lui a été notifié le jour même à 18h35, il a été placé en rétention administrative aux fins d'exécution de la mesure d'éloignement.
Par requête du 16 janvier 2023, le Préfet des Bouches du Rhône a saisi le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes d'une demande en prolongation de la mesure.
Par ordonnance prononcée le 17 janvier 2023, le Juge des libertés et de la détention de Nîmes a rejeté les exceptions de nullité soulevées ainsi que les moyens présentés par Monsieur [U] [R] [O] et ordonné la prolongation de sa rétention administrative pour vingt-huit jours.
Monsieur [U] [R] [O] a interjeté appel de cette ordonnance le 17 janvier à 11h03.
Sur l'audience, Monsieur [U] [R] [O] déclare :
- il ne veut pas partir, mais pour autant il demande une assignation à résidence,
- posséder un passeport, une domiciliation et des quittances de loyers, à [Localité 2] (dont il donne l'adresse)
- un recours est en cours devant le TA,
- Il a eu un malaise au centre de rétention administrative,
- il s'est toujours présenté aux convocations et a toujours respecté la réglementation.
Son avocate soutient qu'une assignation à résidence est possible car depuis l'audience, son passeport a été remis aux autorités après avoir été présenté au juge des libertés et de la détention. Elle ajoute que l'intéressé a :
- une présence en France depuis 2011 en tant qu'étudiant,
- en 2020 ou 2021, il n'a pas été en mesure de fournir les justificatifs, mais a reçu le soutien de son établissement en faisant une attestation pour obtenir son master. Il a pu obtenir une promesse d'embauche. Il a pu déposer une demande de régularisation, versée au dossier avec récépissé de demande titre de séjours toujours valable actuellement,
- son interpellation a donné lieu à un classement sans suite,
- les motifs de ce placement sont erronés,
- une assignation à résidence est possible au regard des justificatifs présents au dossiers, sur une durée suffisante, depuis octobre 2021 et un autre du mois de décembre 2022,
- il y a également au dossier, les justificatifs de ses factures de téléphonie, a toujours été touché par l'administration dans les correspondances qui lui ont été adressées jusqu'ici, donc aucun risque de soustraction.
Monsieur le Préfet pris en la personne de son représentant demande la confirmation de l'ordonnance dont appel. Il indique que l'assignation à résidence n'est pas une obligation, mais en fonction de la personnalité. Or en 2019 et 2021 il est cité dans plusieurs affaires de violences sur concubine et sur mineur, de maintien sur le territoire national donc cela veut dire qu'il n'a aucune intention de quitter le territoire national et qu'il commet des infractions. Il en résulte que à ce jour, l'assignation à résidence ne se justifie pas ne raison du manque de confiance.
SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL :
L'appel interjeté par Monsieur [U] [R] [O] à l'encontre d'une ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Nîmes prononcée en sa présence, a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il est donc recevable.
SUR LES MOYENS NOUVEAUX ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D'APPEL:
L'article 563 du code de procédure civile dispose : « Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »
L'article 565 du même code précise : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».
Sauf s'ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l'article 74 du code de procédure civile, les moyens nouveaux sont donc recevables en cause d'appel.
A l'inverse, pour être recevables en appel, les exceptions de nullité relatives aux contrôle d'identité, conditions de la garde à vue ou de la retenue et d'une manière générale celles tenant à la procédure précédant immédiatement le placement en rétention doivent avoir été soulevées in « limine litis » en première instance.
Par ailleurs, le contentieux de la contestation de la régularité du placement en rétention (erreur manifeste d'appréciation de administration ou défaut de motivation) ne peut être porté devant la cour d'appel que s'il a fait l'objet d'une requête écrite au juge des libertés et de la détention dans les 48 heures du placement en rétention, sauf à vider de leur sens les dispositions légales de l'article R.741.3 du CESEDA imposant un délai strict de 48h et une requête écrite au Juge des libertés et de la détention.
En l'espèce, Monsieur [U] [R] [O] demande une assignation à domicile. Cette demande est recevable.
SUR LE FOND :
L'article L.611-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose des cas dans lesquels un étranger peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et/ou l'article L.612-6 du même code d'une interdiction de retour sur le territoire français tandis que l'article L611-3 du même code liste de manière limitative les situations dans lesquelles de telles mesures sont exclues.
L'article L.741-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise qu'en tout état de cause «un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.»
En l'espèce, les autorités consulaires ont été saisies dès le 16 janvier 2023.
Il s'en déduit qu'il y a lieu de dire et juger que l'administration n' a pas failli à ses obligations.
Sur la situation personnelle de Monsieur [U] [R] [O] et sa demande d'assignation à résidence :
Monsieur [U] [R] [O] produit les éléments suivants :
- un passeport en cours de validité, remis aux autorités avant l'audience devant la Cour d'Appel,
- un acte de mariage établi en France en 2019,
- un récépissé de demande de carte de séjours valable jusqu'au 14 avril 2023,
- deux quittances de loyer à son nom du mois de septembre 2022 et du mois de novembre 2021 portant sur le même logement,
- des factures de téléphonie à son nom du mois d'octobre 2022 au mois de janvier 2023, portant la même adresse que ses quittances de loyer,
- un brevet de technicien supérieur obtenu le 6 juillet 2020,
- une attestation de son école de commerce en date du 12 novembre 2021,
- une promesse d'embauche du 3 novembre 2021.
Monsieur [U] [R] [O] établit donc des garanties de représentation matérielles réelles. Cependant, il n'a pas respecté précédemment des mesures d'éloignement prises à son encontre, en 2019 et 2021. Dès lors, ses déclarations quant à l'exécution spontanée de l'obligation de quitter le territoire nationale ne sont pas suffisantes : l'assignation à résidence n'est qu'une des modalités permettant d'organiser et de respecter une mesure d'éloignement et ne saurait constituer une autorisation de se maintenir sur le territoire le temps de voir aboutir des démarches ou des recours juridictionnels.
Enfin, le contexte du contrôle de sa situation met à mal ses déclarations quant à une exécution volontaire de la décision d'éloignement prise à son encontre.
Monsieur [U] [R] [O] fait l'objet d'une mesure d'éloignement en vigueur, telle que précitée, et qui fait obstacle à sa présence sur le sol français.
Il s'en déduit que la prolongation de sa rétention administrative demeure justifiée et nécessaire aux fins qu'il puisse être procédé effectivement à son éloignement.
Il convient par voie de conséquence de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9 ; R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
DÉCLARONS recevable l'appel interjeté par Monsieur [U] [R] [O] ;
CONFIRMONS l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
RAPPELONS que, conformément à l'article R.743-20 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1].
Fait à la Cour d'Appel de NÎMES,
le 19 Janvier 2023 à
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
' Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 3] à M. [U] [R] [O].
Le à H
Signature du retenu
Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :
- Monsieur [U] [R] [O], par le Directeur du centre de rétention de NIMES,
- Me Charlene MOUSSAVOU, avocat
(de permanence),
- M. Le Préfet des Bouches du Rhone
,
- M. Le Directeur du CRA de [Localité 3],
- Le Ministère Public près la Cour d'Appel de NIMES
- Mme/M. Le Juge des libertés et de la détention,