ARRÊT N°
R.G : N° RG 21/03183 - N° Portalis DBVH-V-B7F-IE6K
YRD/ID
POLE SOCIAL DU TJ DE PRIVAS
22 juillet 2021
RG:21/00057
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GARONNE
C/
S.A.S. [4]
Grosse délivrée
le
à
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 17 JANVIER 2023
APPELANTE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GARONNE
[Localité 2]
représenté par M. [C] [L] (Autre) en vertu d'un pouvoir général
INTIMÉE :
S.A.S. [4]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Michaël RUIMY de la SELARL R & K AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Christophe KOLE, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, a entendu les plaidoiries en application de l'article 945-1 du code de Procédure Civile, sans opposition des parties.
en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 16 Novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 Janvier 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 17 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
M. [O] [G], chef de quai au sein de la société [4], déclare avoir été victime d'un accident du travail le 24 juillet 2020.
Le certificat médical initial établi le 27 juillet 2020 par le docteur [X] fait état d'un 'traumatisme facial et zygomatique droit' et d'un 'syndrome anxio dépressif léger réactionnel à agression sur lieu de travail'.
La société [4] a établi une déclaration d'accident du travail le 29 juillet 2020 au terme de laquelle elle indique : 'suite à une altercation avec un autre salarié de l'entreprise, il déclare avoir reçu des coups'.
Par décision du 20 octobre 2020, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Haute-Garonne a pris en charge l'accident dont a été victime M. [O] [G] au titre de la législation relative aux risques professionnels.
Par courrier du 10 décembre 2020, la société [4] a saisi la commission de recours amiable (CRA) d'une contestation contre la décision de la CPAM de Haute-Garonne du 20 octobre 2020.
A défaut d'avoir répondu dans le délai imparti, la CRA de la CPAM de Haute-Garonne a implicitement rejeté le recours formé par la société [4].
Par requête du 22 mars 2021, la société [4] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Privas d'une demande d'inopposabilité de la prise en charge de l'accident du travail déclaré par M. [O] [G].
Par décision du 15 avril 2021, la CRA a explicitement rejeté le recours formé par la société [4] contre la décision de la CPAM de Haute-Garonne du 20 octobre 2020.
Par jugement du 22 juillet 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Privas a :
- déclaré inopposable à la société [4] la décision en date du 20 octobre 2020 de la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Garonne de prise en charge de l'accident de M. [O] [G], survenu le 24 juillet 2020, au titre de la législation sur les risques professionnels,
- condamné la CPAM de Haute- Garonne aux entiers dépens,
- dit qu'elle pourra interjeter sous peine de forclusion dans le mois suivant la notification du présent jugement. L'appel est à adresser à la cour d'appel de Nîmes.
Par acte du 10 août 2021, la CPAM de Haute-Garonne a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 27 juillet 2021.
Par conclusions déposées et développées oralement à l'audience, la CPAM de Haute-Garonne demande à la cour de :
- déclarer son appel recevable et bien fondé,
- confirmer le jugement rendu le 22 juillet 2021 en ce qu'il déclare qu'elle a respecté les délais imposés au sens de l'article R. 441-8 du code de la sécurité sociale et n'a pas violé le principe du contradictoire,
- infirmer le jugement rendu le 22 juillet 2021 en ce qu'il déclare inopposable à la société [4] la décision de prise en charge de l'accident du 24 juillet 2020 au titre de la législation professionnelle,
En conséquence,
- déclarer qu'elle a mis à disposition de l'employeur un dossier complet,
- déclarer opposable à la société [4] la décision de prise en charge de l'accident du 24 juillet 2020 au titre de législation professionnelle,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Elle soutient avoir respecté ses obligations résultant de l'article R. 441-8 du code de la sécurité sociale et avoir mis à disposition de l'employeur un dossier complet contentant l'ensemble des éléments ayant fondé sa décision. Elle considère donc que la procédure ne souffre d'aucun vice de sorte que la décision de prise en charge de l'accident du travail du 24 juillet 2020 dont a été victime M. [O] [G] est opposable à la société [4].
Par conclusions déposées et développées oralement à l'audience, la société [4] demande à la cour de :
- infirmer la décision du 22 juillet 2021 rendue par le tribunal judiciaire de Privas en ce qu'il a déclaré que la CPAM avait respecté les délais imposés au sens de l'article R.441-8 du code de la sécurité sociale,
- confirmer la décision du 22 juillet 2021 rendue par le tribunal judiciaire de Privas en ce qu'il a déclaré inopposable l'accident du travail de M. [O] [G] au motif du non-respect du principe du contradictoire par la CPAM dans la mesure où cette dernière n'a pas mis les certificats de prolongation dans le dossier consultable,
- constater que la CPAM n'a pas respecté les délais qui lui sont imposés lors de l'investigation du dossier,
-constater que la procédure d'investigation telle qu'elle est menée constitue un flou pour l'employeur quant aux délais de consultation,
- constater que la CPAM n'a donc pas laissé à l'employeur un délai suffisant pour consulter les pièces avant la prise en charge,
- constater que la CPAM n'a pas mis à la disposition de l'employeur, en l'absence des certificats médicaux de prolongation, l'intégralité des pièces listées dans l'article R.441.14 du code de la sécurité sociale,
- constater que la CPAM n'a pas respecté le principe du contradictoire,
En conséquence,
- juger que la décision de prise en charge de l'accident du 24 juillet 2020 de M. [O] [G] lui est inopposable,
- juger que les conséquences financières de l'accident du 24 juillet 2020 de M. [O] [G] lui sont inopposables,
- ordonner la CPAM de communiquer les informations nécessaires à la CARSAT pour rectification du compte employeur et des taux d'AT de sa société,
- condamner la caisse aux entiers dépens.
Elle fait valoir que la CPAM de Haute-Garonne ne lui a pas laissé un délai suffisant afin de lui permettre de consulter les pièces avant que la décision de prise en charge ne soit prise. Elle ajoute que la CPAM de Haute-Garonne n'a pas mis à sa disposition l'intégralité des pièces listée dans l'article R.441.14 du code de la sécurité sociale, notamment les certificats médicaux de prolongation, ce qui justifie que la décision de prise en charge de l'accident du travail lui soit déclarée inopposable.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures déposées et soutenues oralement lors de l'audience.
MOTIFS
Sur le respect de la procédure d'instruction
L'article R.441-8 du code de la sécurité sociale dispose que :
'I. Lorsque la caisse engage des investigations, elle dispose d'un délai de quatre-vingt-dix jours francs à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d'accident et du certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident.
Dans ce cas, la caisse adresse un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident à l'employeur ainsi qu'à la victime ou ses représentants, dans le délai de trente jours francs mentionné à l'article R. 441-7 et par tout moyen conférant date certaine à sa réception. Ce questionnaire est retourné dans un délai de vingt jours francs à compter de sa date de réception.
La caisse peut en outre recourir à une enquête complémentaire. En cas de décès de la victime, la caisse procède obligatoirement à une enquête, sans adresser de questionnaire préalable. La caisse informe la victime ou ses représentants ainsi que l'employeur de la date d'expiration du délai prévu au premier alinéa lors de l'envoi du questionnaire ou, le cas échéant, lors de l'ouverture de l'enquête.
II.-A l'issue de ses investigations et au plus tard soixante-dix jours francs à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d'accident et du certificat médical initial, la caisse met le dossier mentionné à l'article R. 441-14 à la disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu'à celle de l'employeur. Ceux-ci disposent d'un délai de dix jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations, qui sont annexées au dossier. Au terme de ce délai, la victime ou ses représentants et l'employeur peuvent consulter le dossier sans formuler d'observations.
La caisse informe la victime ou ses représentants et l'employeur des dates d'ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle ils peuvent consulter le dossier ainsi que de celle au cours de laquelle ils peuvent formuler des observations, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information et au plus tard dix jours francs avant le début de la période de consultation'.
En l'espèce, il est établi que :
- le 29 juillet 2020, la CPAM de Haute-Garonne a réceptionné la déclaration d'accident du travail souscrite le même jour par la société [4] accompagné du certificat médical initial établi le 27 juillet 2020 par le docteur [X],
- le 13 août 2020, la CPAM de Haute-Garonne a informé la société [4], d'une part, que les éléments qu'elle avait en sa possession nécessitaient une procédure d'investigation complémentaire, d'autre part, que la décision sur le caractère professionnel de l'accident sera adressée au plus tard le 28 octobre 2020, enfin, qu'elle pourra apporter des observations sur le dossier constitué par la CPAM de Haute-Garonne à l'issu de l'enquête administrative pendant la période de consultation prévue du 8 octobre 2020 au 19 octobre 2020,
- le 27 août 2020, la société [4] a complété le questionnaire mis à sa disposition par la CPAM de Haute-Garonne portant sur les circonstances ou la cause de l'accident,
- le 28 août 2020, M. [O] [G], victime de l'accident et salarié de la société [4], a également complété ce questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident,
- le 6 octobre 2020, la CPAM de Haute-Garonne a clôturé l'enquête administrative qu'elle avait diligentée,
- 7 octobre 2020, la CPAM de Haute-Garonne a informé la société [4] qu'elle pouvait consulter les pièces du dossier du 8 octobre 2020 au 19 octobre 2020,
- le 8 octobre 2020, la société [4] et M. [O] [G] ont consulté le dossier établi par la CPAM de Haute Garonne sans formuler d'observation,
- le 20 octobre 2020, la CPAM de Haute-Garonne a statué et a reconnu le caractère professionnel de l'accident dont a été victime M. [O] [G] le 24 juillet 2020.
Il apparaît donc, au vu de l'ensemble de ces éléments, que la CPAM de Haute-Garonne justifie avoir respecté les dispositions de l'article R. 441-8 du code de la sécurité sociale dans la mesure où elle démontre avoir informé la victime ainsi que l'employeur de la date d'expiration du délai d'instruction, qu'elle justifie avoir adressé un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident à l'employeur ainsi qu'à la victime dans le délai de trente jours francs à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d'accident et du certificat médical initial, que ce questionnaire a été retourné dans un délai de vingt jours francs à compter de sa date de réception, et qu'elle a informé la victime et l'employeur de ce qu'ils pouvaient consulter le dossier mis à leur disposition et ce dix jours francs avant que ce dernier soit consultable.
En outre, si l'article R. 441-8 du code de la sécurité sociale indique que la caisse dispose d'un délai de quatre-vingt-dix jours francs pour statuer, force est de constater que rien ne l'oblige à se prononcer précisément à cette date dès lors qu'elle considère disposer de suffisamment d'éléments pour statuer et qu'elle justifie avoir respecté les délais mentionnés à l'article R. 441-8 du code de la sécurité sociale, ce qui est effectivement le cas en l'espèce.
Il y a donc lieu de considérer que la CPAM de Haute-Garonne justifie en l'espèce avoir respecté les dispositions de l'article R. 441-8 du code de la sécurité sociale.
Au vu de l'ensemble de ces considérations, il convient, par conséquent, de confirmer le jugement entrepris s'agissant de ce chef.
Sur la communication des certificats médicaux
Aux termes de l'article R. 441-14, alinéa 1er du code de la sécurité sociale, 'le dossier mentionné aux articles R. 441-8 et R. 461-9 constitué par la caisse primaire comprend ;
1°) la déclaration d'accident du travail ou de maladie professionnelle ;
2°) les divers certificats médicaux détenus par la caisse ;
3°) les constats faits par la caisse primaire ;
4°) les informations communiquées à la caisse par la victime ou ses représentants ainsi que par l'employeur ;
5°) les éléments communiqués par la caisse régionale ou, le cas échéant, tout autre organisme'.
En l'espèce, la CPAM de Haute-Garonne admet ne pas avoir communiqué, dans le dossier mis à la disposition de la société [4], les certificats médicaux de prolongation qu'elle détenait.
Il est donc constant que la CPAM de Haute-Garonne a manqué son obligation d'information issue de l'article R. 441-14, alinéa 1er du code de la sécurité sociale, et, par conséquent, a méconnu le principe du contradictoire en transmettant un dossier incomplet dans lequel une partie des certificats médicaux qu'elle détenait étaient manquant.
Il apparaît alors, au vu de l'ensemble de ces éléments, que la décision de prise en charge de l'accident du travail dont a été victime M. [O] [G] le 24 juillet 2020 au titre de la législation relative aux risques professionnels est inopposable à la société [4].
Il convient, par conséquent, de confirmer le jugement entrepris s'agissant de ce chef.
Sur les dépens
La CPAM de Haute-Garonne, partie perdante, supportera les dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, en matière de sécurité sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Privas le 22 juillet 2021,
Déboute la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Garonne de l'intégralité de ses demandes,
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Garonne aux dépens de la procédure d'appel.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT