RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N° 66
N° RG 20/02401 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HZ26
LR/EB
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ORANGE
03 septembre 2020 RG :17/00119
[I]
C/
[A]
Grosse délivrée
le
à
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 17 JANVIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'Orange en date du 03 Septembre 2020, N°17/00119
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Leila REMILI, Conseillère
M. Michel SORIANO, Conseiller
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 03 Novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 Janvier 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANT :
Monsieur [C] [I]
né le 06 Mars 1959 à [Localité 10] ([Localité 10])
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représenté par Me Philippe MESTRE, avocat au barreau d'AVIGNON
substitué par Me Thomas AUTRIC, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉ :
Maitre [V] [A] Es qualité de mandataire judiciaire de la ferme pédagogique de l'oiselet
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Sophie MEISSONNIER-CAYEZ de la SELAS PVB AVOCATS, avocat au barreau de NIMES
Etablissement CGEA D'[Localité 6]
L'acropole [Adresse 7]
[Localité 2]
Représentée par Me Lisa MEFFRE de la SELARL SELARLU MG, avocat au barreau de CARPENTRAS
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 20 Octobre 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 17 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
M. [C] [I] a été engagé en qualité d'agent comptable par l'association [Adresse 9] à compter du 1er février 2013 jusqu'au 31 juillet 2017, suivant contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE), renouvelé chaque année.
A compter de décembre 2016, il a été placé en arrêt de travail pour maladie.
Le 19 juin 2017, à l'issue d'une visite médicale de reprise, il a été déclaré inapte avec la mention suivante : 'le maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé'.
Le contrat a été rompu au 31 juillet 2017.
Le 27 juillet 2017, M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes d'Orange, se disant victime de harcèlement moral et sollicitant le paiement d'heures supplémentaires, une indemnité de travail dissimulé, la requalification de son CAE en contrat de travail à durée indéterminée ainsi que la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur et diverses sommes indemnitaires.
Par jugement du 24 mai 2019, l'association a été placée en liquidation judiciaire et la SELARL Etude Balincourt représentée par Me [V] [A] a été désignée ès qualités de mandataire liquidateur de ladite association.
Par jugement contradictoire du 3 septembre 2020, le conseil de prud'hommes d'Orange a :
- débouté M. [I] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté les défendeurs de leurs demandes,
- condamné M. [I] aux entiers dépens de l'instance.
Par acte du 29 septembre 2020, M. [I] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions du 17 octobre 2022, M. [C] [I] demande à la cour de :
- déclarer recevable et dire bien fondé son appel,
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes d'Orange rendu le 3 septembre 2020,
Statuant à nouveau
- dire et juger que la [Adresse 9] n'a pas payé les heures supplémentaires effectuées,
- constater que l'association [Adresse 9] n'a pas respecté son obligation d'assurer des actions de formation, d'orientation professionnelle et de validation des acquis à son égard,
- constater que l'association [Adresse 9] n'a pas signé les conventions des contrats aidés avant son embauche,
- constater que l'association [Adresse 9] n'a pas respecté les dispositions légales en matière de contrats aidés et que les relations contractuelles doivent être qualifiées à durée indéterminée,
En tout état de cause,
- dire et juger que la rupture qui est intervenue s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse
En conséquence,
Au principal,
- fixer la moyenne mensuelle brute de son salaire à la somme de 2.620,78 euros.
- fixer sa créance au passif de l'association [Adresse 9] aux sommes suivantes :
* 288,00 euros au titre de la prime d'ancienneté,
* 786,61 euros au titre de rappel de salaire relatif à la période supérieure au 30ème jour
suivant l'inaptitude
* 15 724,68 euros au titre de l'indemnité de requalification conformément à l'article L. 1241-51 du code du travail
* 30.821,15 euros au titre des heures supplémentaires effectuées sur les années 2016, 2015 et 2014,
* 3.082,10 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur ce rappel,
* 15.724,68 euros au titre du travail dissimulé,
* 5.241,56 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis,
* 524,15 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis,
* 2.315,10 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
* 5.000,00 euros au titre de la violation de l'obligation de formation
* 20.000 euros au titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- ordonner au mandataire liquidateur, la rectification et la délivrance de ses bulletins de salaire conformément à la décision à venir et sous astreinte de 50 euros par jour, à compter du 8ème jour qui suivra le jugement,
A titre subsidiaire, sur les indemnités en cas invraisemblable de rejet des heures supplémentaires,
- fixer la moyenne mensuelle brute de son salaire à la somme de 1.859,85 euros.
- fixer sa créance au passif de l'association [Adresse 9] à lui payer les sommes suivantes :
* 288,00 euros au titre de la prime d'ancienneté,
* 786,61 euros au titre de rappel de salaire relatif à la période supérieure au 30ème jour suivant l'inaptitude
* 15 724,68 euros au titre de l'indemnité de requalification conformément à l'article L.1241-51 du code du travail,
* 3.719,70 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 371,97 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis,
* 1.511,88 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
* 5.000,00 euros au titre de la violation de l'obligation de formation
* 20.000 euros au titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- dire et juger que l'ensemble des condamnations, en ce compris l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, constituent les créances nées de l'exécution d'un contrat de travail et bénéficie de l'exonération prévue à l'article 11, 2ème alinéa du décret du 8 mars 2001, portant
modification du décret du 12 décembre 1996, relatif aux tarifs des huissiers
- dire et juger à défaut, que le montant des sommes retenues, en application de l'article10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 par l'huissier de justice dans le cadre de l'exécution forcée des condamnations sera supporté directement et intégralement par le débiteur, au lieu et place du créancier en sus de l'article 700.
- assortir l'ensemble des condamnations des intérêts au taux légal à compter de la date du jugement à intervenir, conformément à l'article 1153 du code civil
- prononcer la capitalisation des intérêts, conformément à l'article 1154 du code civil
- statuer sur les dépens comme en matière de procédure collective.
L'appelant soutient en substance que :
-s'agissant des heures supplémentaires, les salariés notaient journellement les heures effectuées sur des feuilles remises à la directrice de l'association et il produit tous les éléments justifiant de l'accomplissement de celles-ci
-l'association a sciemment occulté les heures effectuées, de sorte qu'il y a travail dissimulé
-il lui est dû une prime d'ancienneté pour la période allant de février 2015 au mois de janvier 2016
-son CAE doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée, dans la mesure où :
-l'employeur n'a pas rempli son obligation de formation, condition intrinsèque du CAE alors en outre qu'il n'a pu, malgré des contrats sur une durée de plus de 4 ans, valider son projet professionnel, à savoir l'obtention du diplôme de comptabilité générale
-la structure a eu un recours abusif aux contrats aidés et a détourné la loi
-il occupait un poste permanent administratif lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise et préexistant puisqu'il était occupé auparavant par la directrice Mme [G] [D]
-les contrats de travail ont été signés bien avant l'attribution de l'aide à l'insertion professionnelle, en méconnaissance des dispositions légales
-le rapport de l'expert-comptable concernant des fautes qui lui sont reprochées n'a aucune valeur et la plainte déposée contre lui a dû être classée sans suite
-du fait de la requalification de la relation contractuelle, la rupture est sans cause réelle et sérieuse
-subsidiairement, son inaptitude a pour cause exclusive les conditions de travail, de sorte qu'il y a lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En l'état de ses dernières écritures en date du 21 mars 2021, la SELARL Etude Balincourt représentée par Me [V] [A] en sa qualité de liquidateur judiciaire de l'association [Adresse 9] demande à la cour de :
A titre principal :
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Orange du 3 septembre 2020 (RG F 17/00119)
- en conséquence débouter M. [I] de l'ensemble de ses demandes.
A titre subsidiaire
- fixer le montant de l'indemnité de requalification à un mois de salaire brut, soit 1 852,74 euros
- fixer le montant de l'indemnité compensatrice de congés payés à hauteur de 3 705,48 euros bruts, outre 370,55 euros bruts d'indemnité de congés payés y afférents
- réduire très substantiellement le montant de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
A titre reconventionnel
- condamner M. [I] au paiement de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner M. [I] aux entiers dépens.
La SELARL Balincourt, ès qualités de mandataire liquidateur de l'association, fait valoir que :
-le salarié a lancé au début de 2017 des actions de dénigrement, persuadant plusieurs collaborateurs de se joindre à lui
-un audit de la gestion comptable de M. [C] [I] a révélé plusieurs faits graves, ce qui a conduit l'association à porter plainte pour vol, abus de confiance et détournement de fonds
-le salarié s'est en outre introduit dans les locaux de l'association pendant la période de suspension de son contrat de travail, avec l'aide d'une autre salariée, Mme [S] [X], afin de récupérer des données informatiques et comptables
-à l'issue de l'arrêt maladie du salarié, compte tenu de l'avis du médecin du travail, son état rendait impossible tout reclassement, de sorte que la rupture effective du contrat est intervenue le 31 juillet 2017
-le conseil a justement retenu qu'il n'était pas justifié de l'accomplissement d'heures supplémentaires, que le recours au contrat aidé pouvait permettre de pourvoir à des emplois permanents, que l'employeur n'avait pas manqué à son obligation de formation et qu'il n'y avait aucun harcèlement moral
-il n'est démontré aucun manquement de l'employeur justifiant la résiliation judiciaire
-s'agissant du paiement d'heures supplémentaires, l'action est prescrite pour la période du 1er janvier 2014 au 14 juillet 2015,
-sur le fond, la preuve de leur accomplissement n'est pas rapportée, les attestations trop générales et imprécises, ou produites par des salariés ayant également exercé une action prud'homale, ne sont pas probantes de même que les tableaux de calcul rédigés par le salarié qui révèlent de nombreuses incohérences
-M. [C] [I] était autonome dans le cadre de l'exercice de ses fonctions, l'association lui faisant confiance, il ne s'est jamais plaint, n'était pas surchargé comme en témoignent plusieurs salariés et pouvait largement accomplir ses missions dans le cadre de ses horaires de travail
-l'audit conclut à des agissements graves en matière de paiement d'heures complémentaires et supplémentaires le concernant
-il n'y a aucun travail dissimulé, l'association n'ayant jamais eu l'intention de masquer des heures travaillées, les bulletins de salaire ayant été établis sur la base des heures de travail déclarées par M. [C] [I] lui-même
-la demande de rappel de prime d'ancienneté de M. [C] [I] est prescrite pour la période allant du 1er février au 14 juillet 2015 et pour la période non prescrite, il n'a droit qu'à 240 euros
-sur la demande de requalification, l'association a parfaitement respecté les dispositions et la jurisprudence applicable au CUI-CAE, l'employeur n'a pas manqué à son obligation de formation, le principe d'antériorité a été respecté
-un rappel de salaire de 506,39 euros outre 50,67 euros de congés payés afférents est dû seulement au salarié
-la rupture du contrat de travail est justifiée par l'inaptitude qui n'est nullement liée à des faits de harcèlement moral ou au manquement à l'obligation de sécurité.
L'UNEDIC délégation AGS CGEA d'Annecy, reprenant ses conclusions transmises le 18 mars 2021, demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes d'Orange du 03 septembre 2020
dans toutes ses dispositions ;
Par conséquent,
- débouter M. [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- subsidiairement les réduire dans de notables proportions,
En tout état de cause,
- dire et juger qu'elle ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-6 et L 3253-8 du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19, 20 et 21 et L 3253-17 du code du travail ;
- dire et juger que son obligation de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement ;
- déclarer que la décision lui est opposable, dans les limites prévues aux articles L 3253-6 ET L 3253-8 du code du travail et les plafonds prévus aux articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail ;
- dire et juger qu'elle n'est pas tenue de garantir une condamnation éventuelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [I] au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'UNEDIC délégation AGS CGEA d'Annecy fait valoir que :
-M. [C] [I] ne rapporte pas la preuve de faits de harcèlement dont il se prétend victime, pas plus que des heures supplémentaires qu'il dit avoir accomplies
-diverses anomalies sur les bulletins de salaire lui sont imputables
-l'employeur a satisfait à son obligation de formation et les contrats aidés peuvent être contractés pour des emplois liés à l'activité normale et permanente de l'organisme
-les demandes indemnitaires doivent être rejetées.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 05 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 20 octobre 2022. L'affaire a été fixée à l'audience du 03 novembre 2022.
MOTIFS
Sur les heures supplémentaires
-Sur la prescription
La SELARL Balincourt fait valoir la prescription de trois ans de l'article L. 3245-1 du code du travail.
Toutefois, elle se fonde sur une requête introductive d'instance, certes datée du 15 juillet 2018, mais qui concerne l'EARL [Adresse 8] et non l'association [Adresse 9] pour laquelle la juridiction prud'homale a été saisie le 27 juillet 2017.
Dès lors, l'action portant sur des heures supplémentaires qui auraient été accomplies entre le mois d'août 2014 et le mois d'octobre 2016 n'est pas prescrite.
- Sur le fond
Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, « en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »
En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires.
Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Pour justifier sa demande d'heures supplémentaires, M. [C] [I] verse et se réfère aux pièces 16 à 18 bis, à savoir :
-les bulletins de salaire pour les années 2014, 2015 et 2016
-des tableaux récapitulatifs des heures complémentaires et supplémentaires pour ces mêmes années
-des feuilles de présence mensuelles avec des horaires journaliers remplies de manière manuscrite
-des courriels échangés avec la directrice
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement.
L'employeur se réfère pour sa part aux pièces suivantes :
-les documents contractuels mentionnant les horaires de travail (130 heures d'août 2014 à juillet 2016 puis 151,67 heures à partir d'août 2016)
-les attestations de Mme [W] [O] et M. [K] déclarant que M. [C] [I] « n'était pas surchargé de travail »
-l'attestation de M. [N] [Y] qui indique avoir entendu plusieurs fois la directrice demander à M. [C] [I] et à d'autres employés de rentrer chez eux une fois leurs heures terminées
-un rapport d'un cabinet d'expertise comptable du 20 octobre 2017 qui relève des anomalies dans l'établissement des bulletins de paie par M. [C] [I] et qui affirme que ce dernier les falsifiait et s'attribuait des heures complémentaires et supplémentaires ainsi que des primes
-un relevé horaire de janvier 2015 signé par M. [C] [I]
En réalité, hormis cet unique relevé horaire, l'employeur ne produit pas d'éléments sur les heures de travail réellement accomplies.
Or, par courrier du 3 avril 2017, le président de l'association indiquait « le paiement des heures de travail ont été totalement réglées puisque chaque salarié actualise journellement sa fiche d'horaire de travail », ce qui signifie bien que M. [C] [I], comme les autres salariés, établissait des fiches manuscrites.
Force est de constater que seul M. [C] [I] produit des fiches manuscrites et non l'employeur, pourtant tenu d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées alors en outre que l'argument tenant à l'absence de réclamation des heures supplémentaires pendant des années est inopérant.
Si le rapport d'expertise comptable, dont au demeurant la valeur probante au regard d'affirmations péremptoires non étayées sur ce point peut effectivement être contestée, mentionne que M. [C] [I] s'est attribué sans autorisation des heures complémentaires, force est de constater en tout état de cause que l'employeur a réglé sans aucune difficulté pendant la relation contractuelle lesdites heures, soit par mois 13 heures complémentaires et 8 heures au taux de 125%.
En revanche, la cour relève de nombreuses incohérences entre les tableaux produits et les feuilles de présence.
En outre, M. [C] [I] ne conteste pas la signature du relevé horaire informatique de janvier 2015, lequel n'a rien à voir avec la feuille de présence manuscrite du même mois.
Il convient donc, au regard des éléments produits par l'une et l'autre des parties, tenant compte des incohérences relevées, de faire droit à une demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires mais à hauteur de 2801,51 euros.
Le jugement déféré sera donc infirmé.
Sur la demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé
L'article L. 8221-5, 2° du code du travail dispose qu'est notamment réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de 'mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre 1er de la troisième partie'.
L'élément intentionnel du travail dissimulé est caractérisé lorsque l'employeur a fait sciemment travailler le salarié au-delà de la durée légale du travail sans le rémunérer de l'intégralité de ses heures.
Il convient de relever qu'un litige opposait les parties quant à la détermination de l'horaire de travail de M. [C] [I], comme cela ressort de l'audit que l'employeur a fait réaliser.
En outre, M. [C] [I] a bien été rémunéré d'heures complémentaires pendant la plus grande partie de la relation contractuelle.
L'élément intentionnel n'est pas en l'espèce démontré, de sorte que la demande de dommages et intérêts ne peut prospérer.
Par ces motifs substitués, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [C] [I] de sa demande d'indemnisation au titre du travail dissimulé.
Sur la prime d'ancienneté
Il n'est pas contesté en appel que M. [C] [I] a droit à une prime d'ancienneté en application de la convention collective de l'animation, après 24 mois d'ancienneté et d'un montant mensuel de 24 euros. Les parties s'opposant sur le montant.
M. [C] [I] réclame à juste titre la somme de 288 euros pour la période de février 2015 à janvier 2016.
Il convient donc d'infirmer le jugement sur ce point.
Sur la demande de requalification du CAE en contrat de travail à durée indéterminée
- Sur le fait de pourvoir durablement à un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'association
Il ressort des documents contractuels produits que M. [C] [I] a conclu le 15 janvier 2013, à effet au 1er février 2013, un contrat de travail à durée déterminée dans le cadre d'un contrat unique d'insertion-contrat d'accompagnement dans l'emploi, en qualité d'agent comptable avec notamment comme attributions : la comptabilité, la gestion, le suivi des comptes, le travail administratif et la communication, le secrétariat et toute autre tâche rentrant dans l'objet de l'association.
En vertu de l'article L. 5134-20 du code du travail, le contrat d'accompagnement dans l'emploi a pour objet de faciliter l'insertion professionnelle des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières d'accès à l'emploi. A cette fin, il comporte des actions d'accompagnement professionnel.
Conformément à l'article L. 5134-24 du même code, le contrat d'accompagnement dans l'emploi est un contrat de droit privé et lorsqu'il est à durée déterminée, il est conclu en application de l'article L. 1242-3.
Il peut, par exception au régime de droit commun des contrats à durée déterminée, être contracté pour pourvoir durablement à un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
Par ailleurs, il ressort du CV annexé au contrat de travail que M. [C] [I], âgé de 54 ans au moment de la conclusion du contrat, était sans emploi depuis la fin d'un précédent contrat de travail à durée déterminée arrivé à terme le 31 décembre 2009.
En outre, l'article L. 5134-25 du code du travail prévoit que le contrat d'accompagnement dans l'emploi peut être prolongé dans la limite d'une durée de cinq ans pour les salariés âgés de cinquante ans et plus.
Les formulaires de demande d'aide signés par M. [C] [I] et annexés aux contrats mentionnent l'élaboration d'un projet professionnel et au titre des actions de formation prévues, l'acquisition de nouvelles compétences et une formation qualifiante. La directrice de la structure étant désignée tutrice et l'organisme chargé du suivi était la délégation de Pôle emploi.
S'il n'est pas contestable que l'association a eu recours essentiellement à des contrats aidés depuis sa création en 2002, cela ne démontre pas pour autant un détournement des dispositions légales dans le cas de M. [C] [I].
Il n'y a donc pas lieu à requalification sur ce motif.
- Sur le non respect de l'obligation de formation
Le contrat d'accompagnement dans l'emploi est un contrat d'insertion qui instaure au bénéfice de l'employeur une aide financière et des exonérations de charges sociales qui ont pour contrepartie essentielle les engagements pris par ce dernier en termes d'accompagnement professionnel et d'actions de formation en faveur du bénéficiaire du contrat aidé, avec pour finalité une insertion sociale et professionnelle durable. L'obligation de formation constitue un élément essentiel de ces contrats aidés et à défaut de formation, le contrat de travail à durée déterminée est requalifié en contrat à durée indéterminée.
M. [C] [I] fait valoir que l'employeur n'a pas répondu à son obligation légale de formation.
S'il n'est pas produit l'attestation d'expérience professionnelle, il est versé aux débats l'ensemble des demandes de renouvellement des contrats aidés validés par Pôle emploi, après entretien avec le salarié.
Le conseil de prud'hommes a justement ici relevé que Pôle emploi avait systématiquement validé le renouvellement des contrats, étant noté que chaque demande faisait le point sur les actions d'accompagnement et de formation. Il ressort du dernier bilan en 2016 que M. [C] [I] a pu renouer avec une activité professionnelle (secrétariat et comptabilité) et bénéficié de plusieurs formations.
Il est fait ainsi état de formation à différents logiciels de comptabilité, excel et word mais également la maintenance et la mise à jour du site internet avec la société JWEB créatrice du site. Il est fait référence encore à une FOAD (formation ouverte et à distance) avec le CNAM axée sur la comptabilité des associations. Si effectivement M. [C] [I] n'a pu valider un diplôme de gestion et comptabilité et si l'ensemble des formations prévues n'a pas été réalisé, il ressort cependant des bilans produits que l'association n'a pas manqué à son obligation légale.
Il n'y a donc pas lieu à requalification sur ce motif et le conseil a par ailleurs justement rejeté la demande d'indemnité au titre du manquement à l'obligation de formation.
-Sur le non respect de l'antériorité de l'attribution de l'aide par rapport à la conclusion du contrat
Conformément à l'article R. 5134-26 du code du travail, l'aide à l'insertion professionnelle est attribuée préalablement à la conclusion du contrat de travail mentionné à l'article L. 5134-24.
A défaut, le contrat doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée.
Il ressort des documents produits que le renouvellement du contrat CAE pour la période du 1er août 2014 au 31 juillet 2015 a été signé par les parties le 17 juillet 2014 alors que l'attribution de l'aide a été signée à la date du 29 juillet 2014, soit postérieurement.
De même, le renouvellement du contrat CAE pour la période du 1er août 2016 au 31 juillet 2017 a été signée le 4 juillet 2016 alors que l'attribution de l'aide a été signée le 1er août 2016.
Contrairement, à ce que soutient l'employeur, c'est bien la date de signature du contrat qu'il convient de retenir et non celle de sa prise d'effet.
Par ailleurs, les conclusions de l'expertise comptable ne sauraient permettre de considérer que M. [C] [I] aurait été responsable de formalités administratives incombant à l'employeur.
Il convient en conséquence, sur ce motif, de faire droit à la demande de requalification en contrat de travail à durée indéterminée.
Le jugement sera dès lors infirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
Sur les demandes indemnitaires
- Sur l'indemnité de requalification
M. [C] [I] est en droit d'obtenir l'indemnité de requalification prévue à l'article L. 1251-41 du code du travail, laquelle ne peut être inférieure à un mois de salaire brut.
Rien ne justifie d'octroyer à l'appelant davantage.
Il convient de se référer au salaire perçu avant l'arrêt de travail, soit 1828,74 euros, outre la prime d'ancienneté de 24 euros.
- Sur les demandes liées à la rupture du contrat de travail
Il ressort du courrier du 30 juin 2017 que l'employeur a considéré que le contrat prenait fin à la date d'échéance du 31 juillet 2017.
Or, la rupture du contrat de travail à durée indéterminée à cette date s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ouvrant droit aux indemnités et dommages et intérêts liés à cette rupture, sans que l'employeur ne puisse faire valoir subsidiairement les dispositions en matière de licenciement pour inaptitude.
- L'indemnité compensatrice de préavis
M. [C] [I] qui avait 4 ans et 6 mois d'ancienneté a droit à l'indemnité compensatrice de deux mois de salaire, soit 3705,48 euros, outre 370,55 euros au titre des congés payés afférents.
- L'indemnité légale de licenciement
Il convient de lui accorder à ce titre la somme de 1/5 X 1852,74 euros (et non 1/4) conformément à l'article R. 1234-2 du code du travail dans sa rédaction antérieure au 27 septembre 2017, soit 370,54 euros.
- Les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de M. [C] [I] (1852,74 euros), de son âge (58 ans), de son ancienneté (4 ans), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement son préjudice doit être évaluée à la somme de 2000 euros.
Sur le rappel de salaire
Il est constant que l'employeur n'a pas payé le salaire sur la période du 20 juin 2017 au 31 juillet 2017.
Il convient de lui accorder la somme de 506,39 euros brut correspondant à : 12,057 euros (taux horaire) X 7 heures X 6 jours, outre 50,63 euros de congés payés afférents.
Sur les demandes accessoires et les dépens
Il y a lieu, conformément à la demande, d'ordonner la délivrance par le mandataire liquidateur des bulletins de salaire dans les termes du dispositif du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette obligation d'une astreinte.
Les dépens seront considérés comme frais privilégiés de la procédure collective.
Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
-Infirme le jugement rendu le 3 septembre 2020 par le conseil de prud'hommes d'Orange sauf en ce qu'il a débouté M. [C] [I] de ses demandes relatives à l'indemnité pour travail dissimulé et au manquement à l'obligation de formation ainsi que rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile
-Et statuant à nouveau sur les autres chefs,
- Fixe ainsi que suit la créance de M. [C] [I] :
-2801,51 euros au titre des heures supplémentaires outre 280,15 euros de congés payés afférents
-506,39 euros de rappel de salaire pour la période du 20 juin au 31 juillet 2017 outre 50,63 euros de congés payés afférents
-288 euros au titre de la prime d'ancienneté
-1852,74 euros au titre de l'indemnité de requalification
-3705,48 euros d'indemnité compensatrice de congés payés outre 370,55 euros d'indemnité de congés payés afférents
-370,54 euros d'indemnité légale de licenciement
-2000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- Dit que ces sommes seront inscrites par le mandataire liquidateur sur l'état des créances de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société,
- Ordonne au mandataire liquidateur de délivrer des bulletins de salaire conformes au présent arrêt dans les deux mois de sa notification,
- Rappelle qu'en application des articles L 622-28 et L 641-3 du Code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement,
- Dit que les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2017, jour de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation, et que les créances indemnitaires, arrêtées par le présent arrêt, postérieur au jugement d'ouverture de la procédure collective ne peuvent produire d'intérêts, tenant l'arrêt légal du cours des intérêts.
- Ordonne la capitalisation des intérêts, laquelle prend effet à la date à laquelle les intérêts sont dus pour la première fois pour une année entière, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil mais se trouve privée d'effet à partir de l'ouverture de la procédure collective le 24 mai 2019.
- Donne acte à l'AGS - CGEA de ce qu'elle revendique le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et réglementaires applicables tant au plan de la mise en 'uvre du régime d'assurances des créances des salaires que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément des articles L 3253-8 , L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail,
-Rejette le surplus des demandes,
-Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Rappelle que le décret n°96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale a été abrogé par l'article 10 du décret n°2016-230 du 26 février 2016 relatif aux tarifs de certains professionnels du droit et au fonds interprofessionnel de l'accès au droit et à la justice,
-Dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,