RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 20/02260 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HZOZ
MS/ID
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE NIMES
31 août 2020 RG :F 19/00281
[C]
C/
[P]
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 4]
Grosse délivrée
le
à
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 17 JANVIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NIMES en date du 31 Août 2020, N°F 19/00281
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Leila REMILI, Conseillère
M. Michel SORIANO, Conseiller
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 27 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 Janvier 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANT :
Monsieur [S] [C]
né le 20 Janvier 1980 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Eve SOULIER de la SELARL EVE SOULIER - JEROME PRIVAT - THOMAS AUTRIC, avocat au barreau D'AVIGNON
INTIMÉS :
Maître [A] [P] es qualité de liquidateur de la Société SUD GARDIENNAGE SERVICE
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représenté par Me Sylvie SERGENT de la SCP DELRAN-BARGETON DYENS-SERGENT- ALCALDE, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me Ingrid BARBE, avocat au barreau de MONTPELLIER
AGS CGEA DE [Localité 4]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean-charles JULLIEN de la SCP LAICK ISENBERG JULLIEN SAUNIER GARCIA, avocat au barreau de NÎMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 13 Octobre 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 17 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
M. [S] [C] a été engagé par la SAS Sud Gardiennage Services le 30 janvier 2006 suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en qualité d'agent de sécurité qualifié.
Par jugement du 26 mars 2018, le tribunal de commerce de Montpellier a placé la société Sud Gardiennage Service en redressement judiciaire.
Après avoir été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement assorti d'une mise à pied à titre conservatoire, fixé le 4 avril 2019, M. [C] a été licencié pour faute grave le 11 avril 2019 dans les termes suivants :
' M. [E] Responsable Patrimoine de la Caf du Gard nous a informé des faits le 22/02/2019 et envoyé des éléments graves qui se sont déroulés lors de votre service.
En effet, comme nous vous avons informé lors de votre entretien une allocataire de la CAF a porté réclamation le 21/01/2019 via le site de celle-ci et envoyé un recommandé AR le 22/01/2019 au siège de notre client.
Le jour des faits deux allocataires sont en retard, vous leurs indiquez et qu'il faudra prendre un nouveau rendez-vous.
La première allocataire insiste auprès de vous pour parler à un agent de la CAF, un échange houleux s'ensuit, vous vous dirigez alors vers M. [W] (agent SGS) pour lui dire à haute voix :
« Elle me prend la tête »
Une seconde allocataire vous demande ou elle doit se diriger pour son rendez-vous, vous lui répondez que c'est trop tard et qu'il faut prendre un nouveau rendez-vous. Elle vous indique qu'elle n'a pas pu vous demander avant car vous étiez en train de vous disputer avec la première allocataire et vous plaindre à haute voix auprès de votre collègue. Vous lui avez alors rétorqué :
« Tu ne vas pas me casser les couilles ! »
Nous déplorons le non-respect de l'article III de votre contrat de travail :
« Obligation de l'agent dans son comportement ».
Nous ne pouvons tolérer qu'un agent de sécurité puisse manquer de respect à nos clients et les insulter.
Vous conviendrez que la Direction régionale de la CAF ne puisse accepter ce genre de comportement et nous demande expressément de ne plus vous affecter sur le site.
(')
Nous déplorons également le non-respect de l'article 4.2 et 4.3 de votre contrat de travail : vos publications sur le réseau social Facebook (en mode public) sur le déroulé de la procédure en cours et vos états d'âme sur la société.
Des photos publiées elles aussi en mode public lors de vos vacations pour SGS, tout cela pendant votre temps de travail. Devons-nous vous rappeler votre devoir de réserve et de discrétion '
Votre non-respect des directives inhérentes à vos fonctions et votre comportement envers non clients et les allocataires de la CAF, sont graves et empêchent tout maintien dans l'entreprise même durant le préavis'.
Le 12 avril 2019, une transaction était conclue entre la société Sud Gardiennage Service et le salarié.
Par requête en date du 21 mai 2019, M. [C] saisissait le conseil de prud'hommes de Nîmes afin de solliciter la nullité de la transaction et la requalification de son licenciement en licenciement abusif.
Par jugement du 8 novembre 2019, le tribunal de commerce de Montpellier prononçait la liquidation judiciaire de la société et désignait Me [A] [P] en qualité de mandataire liquidateur.
Par jugement de départage du 31 août 2020, le conseil de prud'hommes de Nîmes a :
- débouté M. [S] [C] de l'ensemble de ses demandes,
- réduit la clause pénale contenue dans l'article 7 de l'accord transactionnel du 12 avril 2019 en raison de son caractère manifestement excessif,
- condamné, en application de cette clause, M. [S] [C] à payer à Me [A] [P], es qualités de mandataire liquidateur de la SAS Sud Gardiennage Services, la somme de 5000 euros à titre de clause pénale,
- condamné M. [S] [C] à lui payer la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [C] aux entiers dépens de l'instance.
Par acte du 09 septembre 2020, M. [S] [C] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 25 novembre 2020, M. [S] [C] demande à la cour de :
- recevoir son appel,
- le dire bien fondé en la forme et au fond
En conséquence,
- réformer en tout point le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nîmes en date du 31 août 2020,
- prononcer la nullité de la transaction conclue suite à la rupture du contrat de travail en date du 12 avril 2019,
- dire et juger que le licenciement pour faute grave est dénué de cause réelle et sérieuse,
- condamner Me [P] mandataire liquidateur de la société Sud Gardiennage Services à inscrire sur l'état des créances de la société Sud Gardiennage Services sa créance comme suit :
* 3 042.44 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
* 304.24 euros au titre des congés payés y afférents
* 5 992.03 euros à titre d'indemnité légale de licenciement
* 25 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
- condamner l'employeur aux entiers dépens
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile.
Il soutient que :
- sur la nullité de la transaction :
- une transaction ne peut valablement intervenir que lorsque le licenciement a été notifié au salarié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Or, la transaction a été conclue avant la notification du licenciement.
- la lettre de licenciement fait mention d'une prétendue remise en main propre en date du 11 avril 2019 mais en réalité il n'en est rien. Cette lettre ne comporte pas sa signature ni aucune mention d'une réception en main propre.
- la transaction doit également être annulée en raison d'une indemnité dérisoire, soit 1200 euros pour 13 ans d'ancienneté.
- sur le licenciement :
- les faits fautifs sont prescrits.
- son licenciement est intervenu plus de deux mois après les faits du 21 janvier 2019.
- il conteste fermement les fautes qui lui sont reprochées.
- il reconnaît effectivement avoir eu une altercation avec deux allocataires de la CAF.
Mais, il ne les a jamais insultés.
- l'employeur ne rapporte aucun élément pour démontrer les faits reprochés.
- il a continué à aller travailler sur le site de la CAF, même après le 22 février 2019, date à laquelle l'employeur prétend avoir été informé des faits.
- il a été mis à pied et convoqué à un entretien préalable le 25 mars 2019, soit encore plus d'un mois après la découverte des faits, ce qui leur ôte tout caractère de gravité.
- il n'a nullement manqué à son devoir de réserve ou de discrétion. Il n'a jamais donné des informations privées ou sensibles sur la société ou ses clients et n'a jamais entaché la réputation de la société ou de ses clients.
En l'état de ses dernières écritures en date du 05 février 2021, Me [A] [P], liquidateur de la SAS Sud Gardiennage Services demande à la cour de :
- confirmer purement et simplement le jugement de départage rendu le 31 août 2020 par le conseil de prud'hommes de Nîmes,
- débouter M. [S] [C] de l'intégralité de ses demandes comme injustes et non fondées,
- augmenter le quantum de la somme allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 2000 euros,
- condamner M. [S] [C] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Il fait valoir que :
- sur la transaction :
- la transaction a été négociée, établie et signée postérieurement à la notification du
licenciement pour faute grave.
- la rupture du contrat se situe au jour où l'employeur envoie la lettre de licenciement.
- le salarié reconnaît avoir reçu notamment en main propre sa lettre de licenciement le 11 avril 2019, la transaction étant du 12 avril 2019.
- M. [C] avait fait l'objet d'un licenciement pour faute grave et n'en contestait ni la légitimité, ni la régularité. Il se plaignait de ses conséquences financières.
- la légitimité et la régularité de la rupture n'étant alors pas discutées, le salarié ne pouvait prétendre à aucune indemnité légale de rupture (indemnité de licenciement ou indemnité de préavis).
Le salarié réclamait le versement d'une somme de 2.000 euros. La faute disciplinaire étant établie et aucune irrégularité de procédure n'étant évoquée, la somme de 1.200 euros nets qui lui a été versée représentait une concession effective et appréciable de l'employeur.
- sur le licenciement :
- à la suite des deux incidents avec deux allocataires, la CAF a refusé la présence de M. [C] sur son site.
- l'affectation du salarié a été modifiée mais ce dernier a eu plusieurs comportements inappropriés. M. [C] a cru bon de publier sur le réseau social FACEBOOK, en mode public, tout le déroulé de la procédure en cours et y a mis ses commentaires. Des photos publiées lors des vacations pour la société pendant son temps de travail ont également été mises en ligne par ce dernier.
- ces agissements contreviennent à son contrat de travail et notamment :
- à l'article 3.2 de son contrat qui prévoit : « l'agent devra faire preuve de calme et d'un grand respect d'autrui »
- aux articles 4.2 et 4.3 par lesquels l'agent est tenu à une obligation de discrétion absolue pendant et après l'exécution de son contrat, et par lesquels tout manquement aux
obligations d'exclusivité et de discrétion peuvent constituer une faute grave entraînant
la rupture sans préavis ni indemnité du contrat.
- la société Sud Gardiennage Services ayant envoyé la convocation le 25 mars 2019 pour des faits dont elle a été informée le 22 février 2019 était parfaitement dans le délai pour engager une procédure disciplinaire.
L'UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 4], reprenant ses conclusions transmises le 06 février 2021, demande à la cour de :
- confirmer la décision entreprise.
Subsidiairement, si la cour était amenée à annuler la transaction signée,
- dire que le licenciement de M. [C] pour faute grave était bien fondé,
- débouter M. [C] de ses demandes de paiement d'indemnité de préavis, de congés payés sur préavis, d'indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Très subsidiairement, si la cour estimait que le licenciement de M. [C] était fondé sur une cause réelle et sérieuse,
- apprécier le bien-fondé des demandes de M. [C] tendant au règlement d'une indemnité de préavis, de congés payés sur préavis et tendant au règlement d'une indemnité conventionnelle de licenciement.
À titre infiniment subsidiaire, si la cour estimait que le licenciement de M. [C] était infondé,
- apprécier le préjudice subi par M. [C], en application de l'article 1235-3 du code du travail.
En tout état de cause,
- dire que les sommes qui pourraient être allouées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sont hors garantie AGS.
- faire application des dispositions législatives et réglementaires du code de commerce.
- lui donner acte de ce qu'ils revendiquent le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et décrets réglementaires applicables, tant au plan de la mise en 'uvre du régime d'assurance des créances des salariés, que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément les articles L.3253-8, L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 05 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 13 octobre 2022. L'affaire a été fixée à l'audience du 27 octobre 2022.
MOTIFS
Sur la demande de nullité de la transaction
La transaction est régie par le seul code civil en ses articles 2044 à 2058 qui constituent les fondements légaux des transactions conclues entre employeurs et salariés.
Selon les termes de l'article 2044 du code civil, la transaction est " un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître ".
M. [C] soulève la nullité de la transaction conclue avec l'employeur pour les motifs suivants :
La transaction a été conclue/signée antérieurement au licenciement
La transaction ayant pour objet de mettre fin au litige résultant d'un licenciement ne peut valablement être conclue par le salarié licencié que lorsqu'il a eu connaissance effective des motifs du licenciement par la réception de la lettre de licenciement.
La lettre de rupture est datée du 11 avril 2019, la transaction étant datée du 12 avril 2019.
La lettre de rupture comporte la mention 'remise en main propre le 11/04/2019" et 'lettre recommandée AR N°1A 152 747 4826 8", aucune signature du salarié ne figurant sur le courrier et actant de la remise en main propre.
De plus, l'accusé de réception n'est pas produit par le mandataire liquidateur, alors qu'une simple recherche sur le site de La Poste avec le numéro de recommandé aurait permis de retrouver la date de distribution, M. [C] ayant saisi le conseil de prud'hommes en mai 2019, à une date à laquelle cette recherche était encore possible.
La transaction figurant au dossier du salarié ne comporte pas plus sa signature.
Il existe dès lors un doute sur les conditions dans lesquelles ces documents ont été portés à la connaissance du salarié, et ce d'autant plus que la lettre de licenciement datée du 11 avril 2019 n'a pu valablement être réceptionnée le lendemain par le salarié dans le cadre d'un envoi en recommandé avec accusé de réception.
En conséquence, la transaction litigieuse sera annulée, et ce, sans qu'il y ait lieu d'aborder les autres motifs invoqués par M. [C].
Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.
Sur le licenciement
La faute grave résulte de tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise et exige son départ immédiat, ce, même pendant la durée du préavis. Il incombe à l'employeur qui l'invoque d'en rapporter la preuve.
La gravité d'une faute n'est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est résulté.
M. [C] soulève dans un premier temps la prescription des faits fautifs.
Aux termes des dispositions de l'article L1332-4 du code du travail, « aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. »
Ce délai de deux mois commence à courir à compter du moment où l'employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié. Il appartient à l'employeur d'apporter la preuve de la date à laquelle il a eu connaissance des faits sanctionnés.
En l'espèce, les faits reprochés se sont déroulés le 21 janvier 2019 et ont été portés à la connaissance de la CAF le jour même par une allocataire.
La CAF va adresser un courriel à la société Sud Gardiennage Services, le 22 février 2019, ainsi libellé :
' Bonjour Mr [V]
Je vous fais suivre le message ci-après.
Merci de nous faire connaître l'identité de l'agent en question afin que nous puissions, avec votre concours, avoir des précisions sur ces accusation.
Nous pourrons ensuite envisager la suite éventuelle à donner.
Une mise au point s'avérera dans tous les cas nécessaire.
Bonne fin de journée.'
A la suite, M. [C] sera convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement par courrier du 25 mars 2019, soit dans le délai de 2 mois à compter du 22 février 2019.
M. [C] soutient ensuite avoir continué à travailler postérieurement au 22 février 2019 et n'avoir été mis à pied que par le courrier de convocation à l'entretien préalable du 25 mars 2019, ce qui enlève aux faits reprochés tout caractère de gravité.
La faute grave implique une réaction immédiate de l'employeur qui doit engager la procédure de licenciement dans un délai restreint, dès lors qu'il a connaissance des fautes et qu'aucune vérification n'est nécessaire.
Le 27 février 2019, l'employeur écrit à la CAF en ces termes :
'Bonjour,
Mr [C] a reconnu les faits.
J'ai appelé ce jour l'allocataire afin de m'excuser au nom de SGS.
Je vais également lui faire un courrier.
Quelle est la marche à suivre pour [C] ''
Il apparaît à la lecture de ce courriel que l'employeur, bien qu'ayant connaissance des faits dans toute leur ampleur, questionne la CAF sur le sort du salarié, démontrant ainsi qu'il n'estimait pas, à ce moment-là, que les faits justifiaient une rupture immédiate du contrat de travail.
La faute grave ne saurait dès lors être retenue et le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point.
La cour devra dès lors apprécier si le licenciement de M. [C] repose sur un motif réel et sérieux.
En application de l'article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.
La lettre de licenciement fixe les limites des débats et doivent être examinés tous les griefs qui y sont énoncés, lesquels doivent être suffisamment précis, objectifs et matériellement vérifiables.
La cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables. Les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement.
Ils doivent par ailleurs être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement. Il appartient au juge du fond, qui n'est pas lié par la qualification donnée au licenciement, de vérifier la réalité des faits invoqués et reprochés au salarié et de les qualifier puis de décider s'ils constituent une cause réelle et sérieuse au sens de l'article L1232-1 du code du travail à la date du licenciement, l'employeur devant fournir au juge les éléments permettant à celui-ci de constater les caractères réel et sérieux du licenciement.
La lettre de licenciement vise deux griefs qu'il convient d'aborder :
Manque de respect et insulte envers deux allocataires de la CAF
Pour justifier ce grief, l'employeur produit le courriel de Mme [X], adressé à la CAF le 21 janvier 2019 depuis le site de cet organisme, ainsi libellé :
'Bonjour,
je viens vous pour vous signaler un gros problème avec l'agent de sécurité de l'accueil de la caf de nimes!
J'avais un rdv a 13h40 ce jour il y a eu un accident sur le trajet je suis arrivé à 13h45 l'agent de sécurité était en discutions avec une cliente qui s'est gentillement fait remettre en place cela a durer pkus de 10 min quand ca a était mon tour c'était trop tard!
il m'a dit de prendre un autre rdv et ma dit vulgairement je cite 'tu me casse les couilles'
ceci est inadmissible un manque de respect total, je suis commerçante des petites retards de clientes sont mon quotidien je travaille dur pour essayer de gagner ma vie et je ne parle pas comme cela a mes clientes qui ont du retard!
je souhaite donc faire une réclamation sur la facon que ce monsieur ma traiter et je pense que vous devriez revoir le personnel!!
dans l'attente de votre réponse
cordialement'
La CAF va ensuite faire remonter l'information, de M. [O] à Mme [U], puis de cette dernière à M. [E] et Mme [Y].
Mme [X] va également adresser un courrier à l'attention du directeur de la CAF de Nîmes, le 22 janvier 2019, détaillant plus précisément les faits du 21 janvier 2019 :
'...
La jeune femme (à l'accueil) m'indique de m'adresser à l'agent de Sécurité qu'il y avait à l'entrée. Je me présente et lui me répond que j'ai quelques minutes de retard que celui-ci va demander au Box D s'il peut toujours me recevoir. Sur ces entrefaits une dame l'interpelle et lui explique qu'elle avait rendez vous à 13h30. L'agent agacé lui dit que pour elle 'c'est trop tard et qu'il faudra reprendre un
conflit verbal pendant près de 10 min. L'agent de sécurité n'étant toujours pas aller voir le Box D. Il va chercher un monsieur habillé d'un costume et lui explique que cette dame je cite 'lui prend la tête', je m'impose au milieu de la conversation gentillement afin qu'il me dirige vers mon entretien. Après avoir fini ces explications peu conventionnelles il me faut patienter devant le Box D pour ressortir quelques minutes plus tard. Je suis agacée parce que son altercation avec cette dame m'a empêché d'avoir mon rendez-vous et je lui explique que s'il ne s'était pas occupé de cette dame le problème ne se serait pas posé ! Il me répond, je cite 'tu vas pas me casser les couilles!' quel manque de respect, je ne comprend pas être reçu et traité par un agent de sécurité
...'
M. [C] conteste les propos qui lui sont attribués et reconnaît avoir 'un peu dépassé les limites que lui imposent ses fonctions'.
La cour relève que le salarié n'apporte aucun élément permettant de mettre en doute le témoignage de Mme [X].
M. [C] a ainsi manqué à son obligation de courtoisie à l'égard de deux allocataires de la CAF, en contravention avec les dispositions de l'article 3.2 du paragraphe III de son contrat de travail, aux termes desquelles :
'L'Agent devra faire preuve de calme et d'un grand respect d'autrui'
Les propos tenus par M. [C] sont inacceptables et constituent à eux seuls un motif réel et sérieuse de rupture du contrat de travail.
La violation de l'obligation de discrétion
L'article 4.2 du paragraphe IV du contrat de travail impose au salarié une obligation de discrétion absolue.
Il s'interdit notamment 'de donner toute information à des tiers concernant son poste de travail'.
Le mandataire liquidateur produit deux extraits du compte Facebook de M. [C], du 1er décembre 2019, sur lesquelles apparaissent deux photographies :
- une de toilettes avec le commentaire 'mon travail'
- l'autre le montrant en tenue d'agent de sécurité dans un local avec le commentaire 'sécurité incendie'
Ces photographies ne permettent en aucune manière d'identifier le client de la société employeur, de sorte que le manquement de M. [C] ne saurait constituer une faute justifiant la rupture du contrat de travail.
En définitive, il apparaît que la rupture du contrat de travail de M. [C] est fondée sur une cause réelle et sérieuse mais pas sur une faute grave.
Le salarié est ainsi en droit d'obtenir les sommes suivantes, dont le mode de calcul n'est pas contesté :
- une indemnité compensatrice de préavis de 3042,44 euros bruts outre les congés payés afférents de 304,24 euros bruts
- une indemnité conventionnelle de licenciement de 5992,03 euros.
Sur les mesures accessoires
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront pris en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu le 31 août 2020 par le conseil de prud'hommes de Nîmes en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
Prononce la nullité de la transaction datée du 12 avril 2019,
Dit le licenciement de M. [S] [C] fondé sur une cause réelle et sérieuse,
Fixe en conséquence au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Sud Gardiennage Services les sommes suivantes :
- 3042,44 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents de 304,24 euros bruts
- 5992,03 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
Déboute M. [S] [C] du surplus de ses demandes,
Dit que l'arrêt à intervenir ne sera opposable à l'UNEDIC Délégation AGS de [Localité 4] que dans la limite de sa garantie légale telle que fixée par les articles L3253-6 et suivants du code du travail et des plafonds prévus à l'article D3253-5 du code du travail, et ce toutes créances du salarié confondues,
Dit que l'obligation du CGEA AGS de [Localité 4] de faire l'avance de la somme à laquelle sera évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement, conformément aux dispositions de l'article L3253-20 du code du travail,
Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens d'appel seront pris en frais privilégiés de liquidation judiciaire,
Arrêt signé par le président et par la greffière.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT