RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 20/02123 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HZC3
MS/ID
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES
28 juillet 2020 RG :F19/00057
[G]
C/
S.C.M. KINECAB MILHAUD
Grosse délivrée
le
à
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 17 JANVIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NIMES en date du 28 Juillet 2020, N°F19/00057
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Leila REMILI, Conseillère
M. Michel SORIANO, Conseiller
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 27 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 Janvier 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Madame [C] [G]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Jean-gabriel MONCIERO de la SELARL PARA FERRI MONCIERO, Plaidant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Pauline GARCIA de la SELARL PG AVOCAT, Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉE :
S.C.M. KINECAB MILHAUD Prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Thomas AUTRIC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 13 Octobre 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 17 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
Mme [C] [G] a été engagée le 1er juin 2006 par Mme [Z] [Y], masseur kinésithérapeute au moyen d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel de 20 heures par semaine, en qualité de secrétaire médicale et aide comptable.
Le 4 février 2008, le contrat de travail a été transféré auprès de la SCM Kinécab Milhaud dans un premier temps aux mêmes conditions, puis, en mai 2010 avec un temps de travail porté à 24 heures hebdomadaires.
À compter de février 2013, Mme [G] était régulièrement en arrêt de travail.
Par requête du 30 janvier 2019, Mme [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Nîmes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail pour harcèlement moral et/ou harcèlement sexuel, et a sollicité ainsi la condamnation de son employeur à lui verser diverses sommes.
Après avoir été déclarée inapte définitivement à son poste de travail par avis du 20 août 2019 et avoir été convoquée à un entretien préalable le 24 septembre 2019, Mme [G] était licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 27 septembre 2019.
Suivant jugement contradictoire du 28 juillet 2020, le conseil de prud'hommes de Nîmes a :
- condamné la SCM Kinécab Milhaud à verser à Mme [C] [G] les sommes de :
* 255,54 euros au titre de la prime d'ancienneté acquise avant l'arrêt de travail pour maladie,
* 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné la remise des bulletins de salaire de janvier 2018 à mai 2018 rectifiés,
- ordonné la remise d'une attestation Pôle Emploi modifiée à Mme [C] [G] par la SCM Kinécab Milhaud, en indiquant l'adresse du demandeur, la date de la procédure, le motif pour inaptitude du licenciement, l'indication du dernier jour travaillé et payé soit le 4 décembre 2017, l'indication des 12 derniers mois de salaire, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard,
- débouté Mme [G] de ses autres demandes,
- débouté la SCM Kinécab Milhaud de sa demande reconventionnelle,
- dit que les dépens seront supportés par le défendeur.
Par acte du 26 août 2020, Mme [C] [G] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 18 novembre 2020, Mme [C] [G] demande à la cour de :
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 28 juillet 2020 RG n°19/00057 en ce qu'il a condamné la SCM Kinécab Milhaud à lui verser la somme de 255,54 euros au titre de la prime d'ancienneté acquise avant l'arrêt de travail pour maladie ;
Statuant de nouveau,
- assortir sa condamnation d'une astreinte de 50 euros par jour de retard ;
- réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 28 juillet 2020 RG n°19/00057 en ce qu'il a jugé que le harcèlement moral et ou sexuel n'est pas fondé ;
Statuant de nouveau,
- juger qu'elle a fait l'objet de harcèlement moral et/ou sexuel et condamner la SCM Kinécab Milhaud à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
- réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 28 juillet 2020 RG n°19/00057 en ce qu'il a jugé que la SCM Kinécab Milhaud n'a pas manqué à son obligation de sécurité ;
Statuant à nouveau,
- juger que la SCM Kinécab Milhaud a manqué à son obligation de sécurité de 'résultat' et condamner la SCM Kinécab Milhaud à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
- réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 28 juillet 2020 RG n°19/00057 en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ;
Statuant à nouveau,
- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur à la date du 27 septembre 2019 et lui donner les effets d'un licenciement nul pour harcèlement moral et/ou sexuel sinon sans cause réelle et sérieuse tenant le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;
Subsidiairement,
- réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 28 juillet 2020 RG n°19/00057 en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre du licenciement ;
Statuant à nouveau,
- juger son licenciement nul sinon sans cause réelle et sérieuse ;
En tout état de cause,
- condamner la SCM Kinécab Milhaud à lui payer les sommes suivantes :
* 12.397,80 euros (10 mois de salaire) à titre d'indemnité pour licenciement nul sinon sans cause réelle et sérieuse ;
* 2.479,56 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 247,95 euros bruts de congés payés y afférents ;
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 28 juillet 2020 RG n°19/00057 en ce qu'il a condamné la SCM Kinécab Milhaud à lui payer la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;
Statuant à nouveau,
- condamner la SCM Kinécab Milhaud à lui payer la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.
Elle soutient que :
- à compter de 2018, elle n'a pas perçu sa prime d'ancienneté comme le prévoit l'article 14 de la convention collective nationale du personnel des cabinets médicaux.
- elle a été victime de harcèlement moral et sexuel de la part de son employeur et supérieur hiérarchique direct. Elle expose que :
* son supérieur hiérarchique, M. [J] abusait régulièrement de son lien hiérarchique dans le but d'obtenir des faveurs sexuelles de sa part, et cela pendant et en dehors du temps et du lieu de travail. Il se livrait à des réflexions sur ses tenues vestimentaires, il lui tenait des propros inappropriés afférents à sa vie sexuelle et il lui adressait de nombreux SMS, eux aussi inappropriés.
* contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, elle n'a jamais entretenu de relations avec M. [J].
* si au début elle est rentrée dans le jeu de séduction mis en place par M. [J], à compter de septembre 2017, elle a expressément demandé, à plusieurs reprises, à ce dernier de cesser tout comportement et propos à connotations sexuels, mais celui-ci persistait.
* les agissements de son supérieur hiérarchique à son encontre ont eu pour effet de porter atteinte à sa dignité, à son état de santé ainsi qu'à son avenir professionnel.
- la société Kinécab a manqué à son obligation de sécurité de 'résultat' dans la mesure où elle n'a pris aucune mesure de prévention pour non seulement mettre un terme aux agissements qu'elle n'a cessé de dénoncer, mais aussi et surtout pour tenter de faire la lumière sur ces agissements.
- les manquements de l'employeur sont avérés et suffisamment graves pour justifier la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
- subsidiairement, son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement est nul car il a pour origine le harcèlement dont elle a fait l'objet.
En l'état de ses dernières écritures en date du 15 février 2021, contenant appel incident, la SCM Kinécab Milhaud demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à la somme de 255,54 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté,
Statuant à nouveau,
- débouter [C] [G] de sa demande tendant à la voir condamner à la somme de 255,54 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté,
- confirmer pour le surplus,
En conséquence,
- débouter [C] [G] de ses entiers chefs de demandes,
- la condamner à la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
- rejeter tous autres moyens, demandes et conclusions contraires.
Elle fait valoir que :
- à la date du jugement, les griefs dénoncés par Mme [G] sont anciens, ils ne répondent plus à l'exigence de contemporanéité exigée par la jurisprudence constante. Dans ces conditions, Mme [G] ne peut fonder une demande de résiliation judiciaire sur ces griefs.
- les agissements dénoncés par Mme [G] ne peuvent caractériser un harcèlement car ils s'inscrivent dans un jeu de séduction réciproque. Elle expose que :
* ni plainte pénale, ni main courante n'ont été déposées par la salariée des chefs de harcèlement sexuel et/ou moral ;
* la salariée ne verse pas non plus d'attestations de témoins corroborant ses dires ;
* l'ensemble des arrêts de travail dont a bénéficié la salariée n'a fait l'objet d'aucune
prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnelles ;
* l'inaptitude constatée par le médecin du travail est d'origine non-professionnelle ;
* la salariée ne verse aucun justificatif médical contemporain aux griefs allégués faisant état d'une dégradation de son état de santé en lien avec les conditions de travail.
- la salariée ne démontre pas en quoi elle aurait manqué à son obligation de sécurité de 'résultat'.
- elle indique qu'à aucun moment durant la relation contractuelle, Mme [G] l'a avertie des difficultés dont elle fait état, alors même qu'il est constant qu'elle entretenait avec l'ensemble des gérants une relation amicale.
- tant les captures d'écran que le constat d'huissier qui en est la stricte reprise, sont des extraits et non les conversations dans leur ensemble, empêchant ainsi de s'assurer du contexte dans lequel ces messages ont pu être échangés.
- concernant la prime d'ancienneté, elle soutient que :
* Mme [G] est en arrêt de travail depuis le 5 décembre 2017,
* il ne saurait donc être pris en compte dans son calcul de l'ancienneté les périodes de suspension du contrat de travail,
* elle a effectué le calcul sur la base des minima conventionnels et a opéré le règlement sur la base du salaire réellement perçu par la salariée,
* la salariée a donc été parfaitement remplie de ses droits.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 05 septembre 2020, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 13 octobre 2022. L'affaire a été fixée à l'audience du 27 octobre 2022.
MOTIFS
Sur la prime d'ancienneté
En application des dispositions de l'article 14 de la Convention collective nationale du personnel des cabinets médicaux:
"Une prime d'ancienneté est accordée au personnel ; elle est appliquée et calculée dans les conditions suivantes :
Majoration immédiate :
- 4 % après 3 ans ;
- 7 % après 6 ans ;
- 10 % après 9 ans ;
- 13 % après 12 ans ;
- 16 % après 15 ans".
L'employeur estime que la salariée a été remplie de ses droits dans la mesure où elle était en arrêt maladie pendant la période pendant laquelle la prime est réclamée, de sorte que ne sauraient être prises en compte dans le calcul de l'ancienneté les périodes de suspension du contrat de travail, ce point n'étant pas discuté par Mme [G].
Pour autant, l'ancienneté précédemment acquise ouvre droit à une prime d'ancienneté que l'employeur s'est abstenu de payer.
En effet, alors qu'une prime d'ancienneté n'est pas versée en fonction de la présence effective ou non du salarié dans l'entreprise, ni plus généralement à son temps de travail, il ne se déduit d'aucune disposition conventionnelle qu'en cas de suspension du contrat de travail notamment en raison d'un arrêt de travail pour maladie comme en l'espèce, l'ancienneté à prendre en compte devrait elle-même être suspendue.
Au vu des éléments d'appréciation, dont les éléments de calcul, c'est la somme de 255,54 euros bruts qui reste due à la salariée à titre de rappel de primes d'ancienneté.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur le harcèlement moral et/ou sexuel
Aux termes de l'article L. 1153-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, aucun salarié ne doit subir des faits soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, ou créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante, soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.
Aux termes de l'article L. 1153-2 du code du travail, aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis à l'article L. 1153-1, y compris, dans le cas mentionné au 1° du même article, si les propos ou comportements n'ont pas été répétés.
Aux termes de l'article L. 1153-4 du code du travail, toute disposition ou tout acte contraire aux dispositions des articles L. 1153-1à L. 1153-3 est nul.
Aux termes de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Le harcèlement sexuel est caractérisé par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à la dignité du salarié en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à l'encontre du salarié une situation intimidante, hostile ou offensante. Par ailleurs, est assimilé à un harcèlement sexuel le fait, même non répété, d'user de toute forme de pression grave sur le salarié dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou d'un tiers.
Pour la jurisprudence, le harcèlement sexuel peut résulter d'actes répétés ou d'un acte unique ; un fait unique peut suffire à laisser supposer l'existence d'un harcèlement sexuel.
Les comportements ou éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement sexuel peuvent être de toute nature : propos, gestes, courriers, courriels, textos, remise d'objets, attitudes...
L'auteur du harcèlement sexuel peut être l'employeur, un supérieur hiérarchique, un collègue, un subordonné ou un tiers à l'entreprise.
Pour que le harcèlement sexuel soit constitué en droit pénal, il suppose l'existence d'un élément intentionnel. A contrario, en droit du travail, l'élément intentionnel n'est pas nécessaire pour que le harcèlement soit constitué. Ainsi, même si l'employeur est relaxé des faits de harcèlement sexuel devant le juge pénal, la salariée peut tout de même être considérée comme victime de harcèlement sexuel devant le juge civil prud'homal.
Dès lors qu'une situation de harcèlement sexuel, est invoquée, le juge doit examiner les éléments produits et doit le faire en priorité, avant d'examiner les autres demandes.
Le salarié doit présenter des éléments de fait précis à l'appui de son affirmation d'avoir subi une situation de harcèlement sexuel. Le juge doit d'abord vérifier que ces faits sont bien établis et concordants.
Dans un second temps, le juge doit prendre en compte tous les éléments de fait présentés par le salarié et doit les examiner dans leur ensemble. Le juge doit apprécier si les éléments présentés par le salarié, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'une situation de harcèlement sexuel. Tant qu'il n'a pas formé sa conviction sur cette présomption, il n'a pas à laisser l'employeur réfuter chacun des éléments ni à porter un jugement de valeur sur chacun des éléments de fait pris séparément.
Si le juge estime que le salarié ne présente pas des faits précis, établis et concordants, le grief de harcèlement est écarté.
Si le juge considère que le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, ou laissant présumer un harcèlement, il appartient alors à l'employeur de prouver que les agissements dénoncés par le salarié ne sont pas constitutifs d'un harcèlement, notamment en démontrant qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Mme [G] allègue au soutien d'un harcèlement sexuel :
- M. [J], un des associés de la SCM, abusait régulièrement de son lien hiérarchique dans le but d'obtenir des faveurs sexuelles, et cela pendant, et en dehors du temps et du lieu de travail,
- M. [J] lui réclamait régulièrement des photos suggestives ou encore qu'elle lui confie les détails de sa vie sexuelle,
- il lui demandait de se rendre dans des magasins spécialisés pour acheter des jouets à connotations sexuels, jouets étant par ailleurs destinés à être in fine achetés pour la maîtresse de M. [J],
- il lui montrait des vidéos suggestives de sa femme, ou encore lui racontait ses ébats sexuels avec sa maîtresse et des patientes,
- il lui demandait régulièrement qu'elle accepte de recevoir de sa part des sous-vêtements,
- elle lui a demandé de cesser tout comportement et propos à connotations sexuels et lui indiquait qu'un cadre devait être instauré entre elle et son employeur.
Pour étayer ses affirmations, Mme [G] produit les éléments suivants :
- un procès-verbal de constat de la Selarl Bouvet et associés, huissiers de justice associés, en date du 7 septembre 2020, retranscrivant un certain nombre de SMS échangés entre Mme [G] et [F] ([J]), entre le 15 septembre 2017 et le 2 janvier 2018.
Mme [G] établit en conséquence des faits précis et concordants qui pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement sexuel.
Par conséquent, il appartient à l'employeur de prouver que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
L'employeur conteste le harcèlement sexuel invoqué et soutient qu'il s'agissait d'une relation de séduction réciproque. Il produit à ce titre :
- une photographie de la salariée adressée par cette dernière à M. [J].
L'appelante qui reconnaît à ce titre que sa relation avec M. [J] a pu, au départ, faire suite à un jeu de séduction réciproque, soutient que cette photographie n'est pas datée et s'interroge sur les circonstances dans lesquelles celui-là a pu en prendre possession.
Si l'appelante indique fort justement qu'il est impossible de donner une date certaine au cliché photographique, ce dernier s'inscrit parfaitement dans la relation qu'ont pu entretenir Mme [G] et M. [J], non contestée par la première sur une certaine durée.
- les attestations de MM [T] et [H], ainsi que Mme [B], qui ne pourront être retenues tenant leur qualité de co-gérants de la SCM Kinecab Milhaud.
- l'attestation de M. [S], assistant collaborateur/masseur kinésithérapeute au sein de la structure Kinecab depuis 2015, ainsi rédigée :
'...
Durant cette période j'ai eu l'occasion de travailler avec Mme [G] [C] avec laquelle j'entretenais une relation de travail très cordiale et amicale.
L'ambiance au cabinet a toujours été très bonne entre tous les membres de l'équipe et Mme [G].
Je n'ai jamais constaté de tensions ni de problèmes quels qu'ils soient entre mes collègues.
Les conditions de travail ont toujours été excellentes lors des horaires de travail et même en dehors. Nous avions récemment fêté les 40 ans de Mme [G] au cabinet et mangé quelques mois auparavant au restaurant un soir de semaine, tout cela dans une ambiance très amicale.'
- la liste des rendez-vous de Mme [G] au sein du cabinet employeur pour des séances de massage 'rééducation mot illisible du genou droit par kinésithérapeute DE', prescrites par le docteur [A] le 23 avril 2017.
Il résulte encore des documents produits par l'employeur que M. [J] a prodigué les soins à Mme [G] les 17, 20 et 27 octobre 2017, alors qu'elle fait état d'actes de harcèlement moral et sexuel de la part celui-là dès 2014 et qu'elle lui a demandé instamment de cesser tout comportement ou allusions à caractère sexuel dès le mois de septembre 2017.
La cour relève à ce titre que l'appelante ne donne aucune explication sur cette attitude totalement contradictoire avec ses accusations.
- 'une une note intitulée "le cadre de [F] et [C]", établie de la main de la salariée, dans tes termes très évocateurs, compilant ainsi les désirs de chacun'.
Mme [G] conteste avoir rédigé ce document mais ne produit aucun élément de comparaison susceptible d'étayer sa contestation d'écriture.
L'article 287 du code de procédure civile dispose que : 'si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l'écrit contesté à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte'.
L'employeur verse aux débats un exemplaire de l'écriture de l'appelante, non contesté par cette dernière.
L'alinéa 2 de l'article 288 du code de procédure civile autorise le juge à retenir tous documents 'provenant de l'une des parties qu'ils aient été émis ou non à l'occasion de l'acte litigieux'.
En l'espèce, la cour retient l'exemplaire d'écriture produit par l'employeur mais également la signature de la salariée figurant sur le contrat de travail.
Il résulte de la comparaison ainsi réalisée qu'il existe de nombreuses similitudes entre l'écriture de la note contestée et celle figurant sur le document produit par l'employeur et émanant de Mme [G].
La cour relève encore que les lettres de la signature de Mme [G] et plus particulièrement le S majuscule et minuscule, le b et le a, correspondent en tout point à ceux figurant sur la note litigieuse.
Ainsi, en l'absence d'élément de comparaison produit par Mme [G], auteure de la contestation d'écriture, et au vu des éléments susvisés, la salariée doit être considérée comme la rédactrice de la note manuscrite produite par l'employeur en pièce n°9.
La lecture de ce document ne laisse par ailleurs planer aucun doute sur la nature des relations existant entre l'appelante et M. [J], s'agissant d'une énumération des fantasmes des deux protagonistes, dont la plupart (la copie étant de mauvaise qualité) revêt une connotation sexuelle.
La cour relève encore à ce titre que ces 'fantasmes' sont également présents sous forme de SMS échangés entre Mme [G] et M. [J] au mois de septembre 2017.
L'attitude ambiguë d'un salarié qui a volontairement participé à un jeu de séduction réciproque, ou a expressément consenti à des relations de familiarités réciproques, exclut que les faits reprochés puissent être qualifié de harcèlement sexuel, mais à condition que l'ambiguïté soit caractérisée.
L'échange de SMS figurant au dossier de l'appelante est sujet à caution, une analyse attentive du document produit montrant que certains SMS de M. [J] faisaient obligatoirement réponse à un SMS de son interlocuteur, sans que ce dernier message ne figure sur la conversation échangée.
Il n'est pas contestable qu'il est possible de supprimer certains messages SMS d'une conversation et de n'en conserver qu'une partie.
Mme [G] a ainsi tronqué volontairement les conversations échangées avec M. [J], empêchant la cour d'apprécier le contexte dans lequel les messages ont été échangés, ce qui ressort d'ailleurs des propres pièces de l'appelante.
En effet, la salariée fait état d'un SMS adressé à M. [J] le 25 septembre 2017 à 15h14 (pièce n°6) lequel ne se retrouve plus dans les échanges répertoriés par l'huissier instrumentaire le 7 septembre 2020.
L'écran de téléphone photographié par l'huissier de justice montre que la discussion s'est arrêtée à 14h34 alors que la pièce n°6 montre des SMS échangés à 15h14, 15h20, 15h22 et 16h11.
La cour constate encore que si la plupart du temps, M. [J] est à l'origine des échanges,
Mme [G] répond avec facilité et décontraction, n'hésitant pas, parfois, à faire état de son agacement, mais toujours de manière mesurée.
L'attitude de l'appelante, qui se plaint d'un harcèlement moral et sexuel depuis 2014 mais accepte d'être massée par son prétendu harceleur en octobre 2017, est totalement incompatible avec sa version des faits. Elle ne produit par ailleurs aucun témoignage de proches auxquels elle aurait pu se confier sur cette difficulté, ni aucune constatation médicale.
Enfin, aucune preuve n'est rapportée par la salariée quant à ses allégations sur :
- M. [J] lui réclamait régulièrement des photos suggestives ou encore qu'elle lui confie les détails de sa vie sexuelle,
- il lui demandait de se rendre dans des magasins spécialisés pour acheter des jouets à connotations sexuels, jouets étant par ailleurs destinés à être in fine achetés pour la maîtresse de M. [J],
- il lui montrait des vidéos suggestives de sa femme, ou encore lui racontait ses ébats sexuels avec sa maîtresse et des patientes.
Mme [G] échoue ainsi à démontrer que les faits matériellement établis constituent des actes de harcèlement sexuel.
L'appelante ne développe en outre aucune argumentation sur un quelconque harcèlement moral, les faits décrits supra ne pouvant pas plus être retenus à ce titre eu égard à l'attitude de la salariée et des relations ayant existé avec M. [J].
Le jugement critiqué sera dans ces circonstances confirmé en ce qu'il a débouté Mme [G] de ses demandes de ces chefs.
Sur l'obligation de sécurité
Aux termes de l'article L 4121-1 du code du travail, « L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
· Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;
· Des actions d'information et de formation ;
· La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes »
Pour la mise en 'uvre des mesures ci-dessus prévues, l'employeur doit s'appuyer sur les principes généraux suivants visés à l'article L.4121-23 du code du travail:
· Eviter les risques
· Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
· Combattre les risques à la source ;
· Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
· Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;
· Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
· Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis par l'article L. 1142-2-1 ;
· Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
· Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d'une part la réalité du manquement et d'autre part l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.
Enfin, l'employeur peut s'exonérer de sa responsabilité en démontrant qu'il a pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail pour assurer la sécurité des salariés.
Mme [G] soutient que :
- M. [J] n'a pas cessé son harcèlement sexuel malgré sa demande expresse :
La cour ayant rejeté les demandes au titre du harcèlement sexuel, ce manquement ne saurait être retenu.
- elle avait informé Mme [Y] que M. [J] tenait un comportement inapproprié et humiliant :
Aucun élément n'est produit par l'appelante confirmant son allégation.
- elle avait indiquait à M. [J] que MM [H] et [T] avaient eu des propos humiliants à son égard.
Elle produit pour en justifier un SMS adressé à M. [J] le 25 septembre 2017 à 15h14 ainsi libellé :
'Entre Seb vendredi qui me sort tu devrai avoir un accident plus souvent t'es efficace et [W] qui me di ! Pour une fois! Parce que j'ai bien facturer Mr [I]... il vaut mieux pas être susceptible
Sympa pour avoir confiance en soi et ce dire que c'est porteur de ce concentrer sur son taf vu la reconnaissance'
La salariée soutient que l'employeur n'a pris aucune mesure pour faire cesser cette situation mais ne démontre aucunement avoir été soumise à de nouvelles paroles blessantes de la part des co-gérants.
L'appelante produit encore un courrier de son conseil adressé à l'employeur le 30 janvier 2018, dans lequel il est fait état, de la part de M. [J] :
- de réflexions sur ses tenues vestimentaires,
- de propos inappropriés afférents à sa vie sexuelle,
- de l'envoi de nombreux SMS inappropriés.
La cour relève que Mme [G] évoque les éléments dont elle a fait état pour démontrer un harcèlement moral et/ou sexuel, lesquels n'ont pas été retenus.
Le SMS du 25 septembre 2017 ne saurait à lui seul démontrer un quelconque manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.
Mme [G] sera dans ces circonstances déboutée de ses demandes à ce titre et le jugement critiqué confirmé.
Sur la rupture du contrat de travail
Mme [G] fondant sa demande de rupture du contrat de travail (résiliation judiciaire au principal, nullité du licenciement ou licenciement sans cause réelle et sérieuse au subsidiaire) sur les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité, ainsi que sur un harcèlement moral et/ou sexuel, lesquels ont été rejetés par la cour, sera déboutée de ses prétention par confirmation du jugement déféré.
Sur les demandes accessoires
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Chaque partie conservera à sa charge ses dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
Confirme le jugement rendu le 28 juillet 2020 par le conseil de prud'hommes de Nîmes en toutes ses dispositions,
Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que chaque partie conservera à sa charge les dépens, frais et honoraires qu'elle a exposés en cause d'appel.
Arrêt signé par le président et par la greffière.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT