ARRÊT N°
N° RG 20/01488 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HXL6
EM/DO
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON
20 mai 2020
RG :F18/00184
[R]
C/
S.A.S. SABATIER MARIUS
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 17 JANVIER 2023
APPELANTE :
Madame [B] [R]
née le 04 Août 1969 à BOUFEKRANE (MAROC)
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Guillaume LINCONNU, avocat au barreau D'AVIGNON
INTIMÉE :
S.A.S. SABATIER MARIUS
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Thomas AUTRIC, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me François-xavier LECLERC, avocat au barreau de LYON
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 25 Octobre 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 08 Novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 Janvier 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 17 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Mme [B] [R] a été engagée en qualité d'agent de service par la Sas Sabatier Marius à compter du 28 août 2017 suivant contrat à durée déterminée à temps partiel jusqu'au 24 septembre 2017, puis, suivant deux avenants, du 25 septembre au 25 octobre 2017 et du 26 octobre au 30 novembre 2017.
Un second contrat à durée déterminée à temps partiel daté du 02 janvier 2018 a été conclu entre la Sas Sabatier Marius et Mme [B] [R], avec pour terme le 19 janvier 2018.
Par requête du 18 avril 2018, Mme [B] [R] a saisi le conseil de prud'hommes d'Avignon en demande de requalification de ses contrats de travail en contrat à durée indéterminée et de condamnation de la Sas Sabatier Marius au paiement de diverses sommes indemnitaires.
Par jugement du 20 mai 2020, le conseil de prud'hommes d'Avignon a :
- dit que les contrats à durée déterminée sont conformes et ne doivent pas être requalifiés en contrat à durée indéterminée,
- débouté Mme [B] [R] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la SAS Sabatier Marius de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- mis les dépens de l'instance ainsi que les éventuels frais d'exécution à la charge de Mme [B] [R].
Par acte du 24 juin 2020, Mme [B] [R] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance en date du 11 août 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 25 octobre 2022 à 16 heures et à fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 08 novembre 2022 à laquelle elle a été retenue.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 30 août 2020, Mme [B] [R] demande à la cour de :
-infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de la requalification de son contrat de travail,
- prononcer la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet,
En conséquence :
- condamner la SAS Sabatier Marius à lui payer la somme de 1 518,12 euros au titre de l'indemnité de requalification,
- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [B] [R] de sa demande au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la SAS Sabatier Marius à lui payer la somme de 9 180,72 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la SAS Sabatier Marius à lui payer la somme de 350,35 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- condamner la SAS Sabatier Marius à lui payer la somme de 35,03 euros au titre des congés payés afférents,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre du traitement discriminatoire,
- condamner la SAS Sabatier Marius à lui payer la somme de 9 180,72 euros au titre du traitement discriminatoire,
- condamner la SAS Sabatier Marius à lui délivrer les bulletins de salaire et les documents de fin de contrat tenant compte du dispositif du jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard suivant un délai de 8 jours à compter du jugement à intervenir,
- condamner la SAS Sabatier Marius à lui payer la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SAS Sabatier Marius au paiement des entiers dépens.
Mme [B] [R] soutient que :
- contrairement à ce que soutiennent les premiers juges, elle démontre que le contrat de travail daté du 02 janvier 2018 n'a été signé que le 12 janvier 2018, soit 10 jours avant sa prise d'effet, que l'employeur n'a pas hésité à antidater le contrat de travail, que la requalification en contrat à durée indéterminée s'impose donc et qu'elle est en droit de bénéficier d'une indemnité de requalification,
- la rupture de la relation de travail doit être analysée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu'elle est en droit de bénéficier d'une indemnité à ce titre, à une indemnité compensatrice de préavis prévue dans la convention collective applicable,
- elle a fait l'objet d'un traitement discriminatoire, qu'elle souffre d'une pathologie qui a nécessité un arrêt de travail pour maladie le 30 novembre 2017 et pour laquelle elle a souscrit une maladie professionnelle, qu'elle justifie que c'est sa situation médicale qui a motivé l'employeur à mettre un terme à la collaboration alors qu'elle donnait entièrement satisfaction dans son travail.
En l'état de ses dernières écritures en date du 23 novembre 2020, la Sas Sabatier Marius demande à la cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- débouter Mme [B] [R] de l'intégralité de ses moyens, fins et prétentions,
- la condamner au paiement de la somme de 1 800 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance et ses suites.
La Sas Sabatier Marius fait valoir que :
- Mme [B] [R] ne démontre pas sérieusement que le contrat litigieux ne lui aurait pas été transmis dans les deux jours ouvrables suivant l'embauche, que les documents qu'elle a produits aux débats, des échanges de textos, ne permettent pas d'établir avec certitude ni leur émetteur ni leur destinataire et ne sont pas datés précisément, que tout au plus, si une requalification devait intervenir, Mme [B] [R] ne peut prétendre qu'à une indemnité correspondant à un mois de salaire, soit en l'espèce, 390,39 euros,
- l'argumentation de Mme [B] [R] selon laquelle le non-renouvellement du contrat résulterait de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle qu'elle a déposée le 30 novembre 2017 ne repose sur aucun fondement, que les échanges de textos n'établissent pas la preuve d'une quelconque discrimination, que Mme [B] [R] ne présente aucun élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte à son encontre.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
MOTIFS
Sur la demande de requalification :
L'article L1242-12 alinéa 1 du code du travail dispose que le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
L'article L1245-1 du code du travail dispose qu'est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L1242-1 à L. 1242-4, L1242-6, L1242-7, L1242-8-1, L1242-12, alinéa premier, L1243-11, alinéa premier, L1243-13-1, L1244-3-1 et L1244-4-1, et des stipulations des conventions ou accords de branche conclus en application des articles L1242-8, L1243-13, L1244-3 et L1244-4.
La méconnaissance de l'obligation de transmission du contrat de mission au salarié dans le délai fixé par l'article L1242-13 ne saurait, à elle seule, entraîner la requalification en contrat à durée indéterminée. Elle ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.
En l'espèce, si Mme [B] [R] ne conteste pas avoir apposé sa signature sur le contrat de travail établi par la Sas Sabatier Marius sur lequel est également apposée la signature de l'employeur et qui mentionne comme date d'engagement, le 02 janvier 2018, et une date d'effet identique, Mme [B] [R] soutient néanmoins qu'elle a été embauchée sans contrat écrit au motif que le contrat de travail a été antidaté par l'employeur puisqu'il n'a été signé que le 12 janvier 2018.
A l'appui de ses prétentions, Mme [B] [R] produit aux débats un certificat de travail qui mentionne une date d'embauche à compter du 02 janvier 2018 et des retranscriptions photocopiées d'échanges de textos qui font référence à une date, 11 janvier et à Mme [J] [U] : ' Bonjour Mme [R]...RDV à 15h à Groupama pour votre contrat', 'je vous le pose dans le placard vous me le signez et je le récupère demain matin. Comme vous avez appelé le bureau je pense que ça vous ai urgent de l'avoir', Mme [B] [R] : 'je vous ai demandé si le contrat va être renouvelé' 'mon contrat n'est pas renouvelé alors vous n'avez pas réussi à leur faire changer d'avis', Mme [J] [U] : 'non je n'ai pas réussi'.
Contrairement à ce que prétend la Sas Sabatier Marius et ce qu'ont retenu les premiers juges, le contenu des échanges entre Mme [B] [R] et Mme [J] [U] dont il n'est pas sérieusement contesté qu'elle faisait partie des effectifs de la Sas Sabatier Marius en janvier 2018, établit suffisamment que le contrat dont il est question correspond bien au contrat de travail litigieux, que non seulement il été transmis tardivement, au delà du délai légal prévu à l'article L1242-13, mais qu'il a été signé postérieurement à sa date d'effet.
Il s'en déduit que Mme [B] [R] travaillé entre le 02 et le 11 janvier 2018 sans contrat écrit.
Il y a donc lieu de faire droit à sa demande de requalification en contrat à durée indéterminée.
Sur les conséquences financières :
Selon l'article L1245-2 du même code, lorsque le conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d'un mois suivant sa saisine.
Lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s'applique sans préjudice de l'application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.
L'indemnité de requalification ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel perçu, avant la saisine de la juridiction, au sein de l'entreprise qui avait conclu le contrat à durée déterminée.
Lorsque le contrat à durée déterminée devient, du seul fait de la poursuite de la relation contractuelle après l'échéance de son terme, un contrat à durée indéterminée, les règles propres à la rupture d'un tel contrat s'appliquent de plein droit.
Dans le cadre d'une requalification en contrat à durée indéterminée, la rupture de la relation de travail - à l'échéance du dernier contrat à durée déterminée - par conséquent sans formalité, ni motif, induit un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, survenu au surplus à l'occasion d'une procédure irrégulière.
L'article L1235-3 du code du travail dispose dans sa version applicable, que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous.
Ancienneté du salarié dans l'entreprise
(en années complètes)
Indemnité minimale
(en mois de salaire brut)
Indemnité maximale
(en mois de salaire brut)
0
Sans objet
1
1
1
2
Pour déterminer le montant de l'indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture. (...)
En l'espèce, le contrat à durée déterminée requalifié en contrat à durée indéterminée, a été signé après une période d'interruption suivant le premier contrat à durée déterminée ; au moment de la rupture du contrat de travail Mme [B] [R] n'avait pas un mois d'ancienneté de sorte qu'elle ne peut pas prétendre à l'allocation d'une indemnité à titre d'indemnité compensatrice du préavis.
N'ayant pas un an d'ancienneté, la salariée ne peut pas non plus prétendre non plus à l'allocation d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Mme [B] [R] peut seulement prétendre à une indemnité en application de l'article L1245-2 susvisé fixée à 390,39 euros au vu du bulletin de salaire de janvier 2018.
Sur la demande relative à une discrimination :
Mme [B] [R] soutient avoir fait l'objet d'une discrimination en raison de son état de santé, que la Sas Sabatier Marius a voulu mettre fin à leur relation contractuelle en raison de problèmes de santé dont elle souffrait, syndrome du canal carpien, à l'origine d'un arrêt de travail pour maladie le 30 novembre 2017.
Il est constant que le contrat à durée déterminée datée du 02 janvier 2018 avait pour terme le 19 janvier 2018 et qu'il n'a pas été renouvelé.
Les échanges de textos susvisés sur lesquels s'appuie Mme [B] [R] pour solliciter une indemnité pour discrimination ne permettent pas de conforter sa position, ces échanges ne faisant en aucun cas référence aux problèmes de santé dont souffre la salariée et à sa demande de reconnaissance du caractère professionnel de sa pathologie et ne permettent pas d'établir un lien quelconque entre le non-renouvellement du contrat à durée déterminée et son état de santé.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
Enfin, il convient d'ordonner à la Sas Sabatier Marius de communiquer à Mme [B] [R] les bulletins de salaire et documents de fin de contrat conformes aux dispositions du présent arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de sa notification.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale et en dernier ressort ;
Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Avignon le 20 mai 2020,
Statuant de nouveau sur le tout,
Prononce la requalification du contrat à durée déterminée daté du 02 janvier 2018 conclu entre la Sas Sabatier Marius et Mme [B] [R] en contrat à durée indéterminée,
Juge que la rupture de la relation contractuelle est un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la Sas Sabatier Marius à payer à Mme [B] [R] la somme de 390,39 euros à titre d'indemnité de requalification,
Ordonne à la Sas Sabatier Marius de communiquer à Mme [B] [R] les bulletins de salaire et documents de fin de contrat conformes aux dispositions du présent arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de sa notification,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne la Sas Sabatier Marius à payer à Mme [B] [R] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,