RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 20/01989 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HYXL
LR/EB
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ORANGE
05 juin 2020
RG :18/00235
[R]
C/
ASSOCIATION RÉGIONALE POUR L'INTÉGRATION
Grosse délivrée
le
à
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 10 JANVIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ORANGE en date du 05 Juin 2020, N°18/00235
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Leila REMILI, Conseillère
M. Michel SORIANO, Conseiller
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 20 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 Janvier 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Madame [D] [R]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Frédéric FRANC, avocat au barreau d'AVIGNON
INTIMÉE :
ASSOCIATION RÉGIONALE POUR L'INTÉGRATION
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Pascale GIRMA, avocat au barreau de CARPENTRAS
Représentée par Me Charlotte DONAT, avocat au barreau de CARPENTRAS
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 06 Octobre 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 10 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Mme [D] [R] a été engagée à compter du 10 janvier 2011, suivant contrat à durée indéterminée, en qualité de chef du service éducatif par l'association ARI (association régionale pour l'intégration).
La convention collective applicable est celle du travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.
Par courrier du 7 mars 2018, répondant au courrier de son employeur, Mme [D] [R] a refusé une mutation.
Le 13 mars 2018, Mme [D] [R] a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un licenciement.
Le 26 mars 2018, Mme [D] [R] a été licenciée pour faute grave du fait de son refus d'exécution du contrat quant à la clause de mobilité.
Par requête du 15 décembre 2018, Mme [D] [R] a saisi le conseil de prud'hommes d'Orange en contestation de son licenciement au titre de la mauvaise foi de l'employeur quant à l'application de la clause de mobilité.
Par jugement, en date du 5 juin 2020, le conseil de prud'hommes d'Orange a:
- dit et jugé que le licenciement de Mme [D] [R] repose sur une faute grave,
- dit et jugé que son licenciement pour faute grave est légitime et bien fondé,
- débouté Mme [D] [R] de toutes ses demandes,
- condamné Mme [D] [R] à verser à l'association ARI la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [D] [R] aux entiers dépens de l'instance.
Par acte du 12 août 2020, Mme [D] [R] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 3 octobre 2022, Mme [D] [R] demande à la cour de :
- réformer dans son intégralité le jugement du 5 juin 2020 du conseil de prud'hommes d'Orange
- débouter l'association ARI de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
- dire et juger que le licenciement pour faute grave n'est pas fondé
- dire et juger que la proposition de mutation est une modification du contrat de travail et non une modification des conditions de travail
- dire et juger que le refus de la proposition de mutation n'est pas fautif
- dire et juger que la clause de mobilité n'a pas été mise en 'uvre de bonne foi par l'association ARI
- dire et juger que le refus de la mobilité n'est pas fautif
- condamner l'employeur au paiement de la somme de 14120 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
- condamner l'employeur au paiement de la somme de 1412 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis
- condamner l'employeur au paiement de la somme de 25 052,50 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
- condamner l'employeur au paiement de la somme de 28 240 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi
- condamner l'employeur au paiement de la somme de 15000 euros en l'état du licenciement vexatoire
- condamner l'employeur au paiement de la somme de 20 000 euros en réparation du
préjudice subi du fait des actes d'harcèlement
- A titre subsidiaire, dire et juger que le refus de la clause de mobilité ne constitue pas une faute grave mais une cause réelle et sérieuse de licenciement et
- condamner l'association ARI au paiement du préavis (14120 euros), des congés sur préavis (1420 euros) et de l'indemnité conventionnelle de licenciement (25 052,50 euros)
- condamner l'association ARI au paiement de la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens
Mme [D] [R] soutient que :
' si l'application de la clause de mobilité relève du pouvoir de direction de l'employeur et ne requiert pas l'accord du salarié, l'employeur en indiquant dans son courrier « nous souhaitons vous muter » n'a pas en l'espèce imposé ce changement de poste mais le lui a proposé.
' Or, l'employeur qui propose une mutation se prive de la possibilité de l'imposer et de sanctionner son refus.
' Si le refus d'un changement des conditions de travail peut s'analyser comme un acte d'indiscipline constitutive d'une faute grave, en revanche le refus d'une modification du contrat de travail ne peut être sanctionné par un licenciement.
' La clause de mobilité a été mise en 'uvre de mauvaise foi car en réalité l'employeur souhaitait se séparer d'elle. En effet, après avoir envisagé une rupture conventionnelle, puis une formation professionnelle après avoir discrédité sa salariée, il lui a finalement proposé une mutation qui ne pouvait qu'être refusée.
' Elle été victime de faits de harcèlement moral.
En l'état de ses dernières écritures en date du 9 février 2021, l'association ARI a demandé de :
- déclarer l'appel de Mme [D] [R] recevable en la forme et infondé quant au fond,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Orange le 5 juin
2020,
- débouter Mme [D] [R] de toutes ses demandes,
- condamner Mme [D] [R] à verser à l'association ARI la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [D] [R] aux entiers dépens de l'instance.
L'association ARI fait valoir que :
' la salariée ne s'est pas rendue à son poste au sein de la MAS « un toit pour moi » et a donc refusé d'exécuter son contrat de travail.
' Un changement de lieu où doit être exécutée la prestation travail par application d'une clause de mobilité entre dans la catégorie du simple changement des conditions de travail.
' Il n'y a pas eu de proposition de mutation, l'expression « nous souhaitons vous muter » doit être replacée dans la phrase entière et la suite de la phrase est « conformément à l'article 2 bis de votre contrat de travail, au sein de la MAS un toit pour moi ».
' L'employeur a bien muté, par application d'une clause de mobilité sa salariée le 5 février 2018, le courrier étant clair en indiquant « nouvelle affectation ». La mise en 'uvre de la clause de mobilité répondant indéniablement aux besoins de l'entreprise.
' Lorsque le salarié refuse de respecter la clause de mobilité et ne se présente plus sur son lieu de travail, il adopte un comportement rendant impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis.
' Il n'y a eu aucune mauvaise foi dans la mise en 'uvre de la clause de mobilité et aucun harcèlement moral.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 5 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 6 octobre 2022 à 16 heures et fixé examen de l'affaire à l'audience du 20 octobre 2022.
MOTIFS
Sur le licenciement pour faute grave
La mise en 'uvre d'une clause de mobilité s'analyse en un simple changement des conditions de travail qui relève du pouvoir de direction de l'employeur.
La bonne foi contractuelle étant présumée, il appartient au salarié de prouver l'abus de droit de l'employeur dans la mise en 'uvre de la clause de mobilité prévue dans son contrat de travail, en démontrant que la décision de ce dernier de faire jouer cette clause a été prise, en réalité, pour des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise ou qu'elle a été mise en 'uvre dans des conditions exclusives de toute bonne foi.
Il est constant que le contrat de travail prévoit en son article 1 bis - clause de mobilité et périmètre de mutation:
« Madame [D] [R] sera affectée à l'ARI - SESSAD Les Tournesols et ITP 84 indépendamment des déplacements professionnels effectués dans le cadre de l'exécution de ses attributions, étant entendu que Madame [D] [R] s'engage à travailler dans les différents établissements de l'ARI sur la région PACA au fur et à mesure des affectations qui lui seront données en fonction de l'intérêt de l'Association.
L'ensemble des établissements de l'ARI, géographiquement dispersés sur cette région, constitue le périmètre de mutation.
L'ARI s'engage à notifier à Madame [D] [R] son éventuelle mutation au moins un mois à l'avance ».
Contrairement à ce que prétend l'appelante, le courrier du 5 février 2018 est bien une mutation au sein de la MAS Un toit pour moi située à [Localité 3] et non une simple « proposition de mutation ».
En effet, le courrier a pour objet : « Nouvelle affectation ».
En outre, l'indication « nous souhaitons vous muter » doit être replacée dans la phrase entière dont la suite est « Conformément à l'article 2bis de votre contrat de travail, au sein de la MAS un Toit pour moi ». Il est donc bien visé la clause de mobilité.
Il est ensuite indiqué «Nous vous invitons d'ailleurs à rencontrer Mme [O] et Mme [S] directrice du pôle qui comprend l'EEAP Les Calanques et la MAS Un toit pour moi afin de connaître les modalités pratiques de votre future prise de poste ».
La fin de lettre est certes ainsi rédigée : « En cas d'acceptation de votre part, nous vous demandons de bien vouloir nous remettre un exemplaire de ce courrier avec la mention bon pour accord précédée de votre signature. Nous vous adresserons alors un avenant à votre contrat de travail vous notifiant les éléments de cette mutation qui sera effective à compter du 12 mars 2018 ».
Pour autant, le fait de solliciter un accord pour la rédaction d'un avenant au contrat de travail ne fait pas de ce courrier une simple « proposition » de mutation.
Dès lors, au-delà des quelques termes relevés, le courrier du 5 février 2018 constitue bien la mise en oeuvre de la clause de mobilité et donc une mutation.
Par courrier du 7 mars 2018, Mme [D] [R] a refusé la nouvelle affectation au motif qu'elle procédait d'une volonté de l'évincer de la structure.
Par lettre du 26 mars 2018, la salariée a été licenciée pour faute grave ainsi rédigée :
' Vous avez été recrutée par l'ARI le 10 janvier 2011 en tant que chef de service.
Dans votre contrat figure une clause de mobilité qui prévoit que vous vous engagez à travailler dans les différents établissements de l'ARI au fur et à mesure des affectations qui vous seront données en fonction de l'intérêt de l'association. L'ensemble des établissements de l'ARI géographiquement dispersés sur la région PACA constitue le périmètre de mutation. Cette clause précise que cette mutation pourra entraîner le changement de résidence dans l'environnement proche de cette affectation et que nous devons notifier votre mutation au moins un mois à l'avance.
Nous vous avons donc indiqué par courrier du 5 février 2018 que nous vous mutions à la MAS Un Toit pour Moi à compter du 12 mars 2018. Cet établissement reçoit des adultes polyhandicapés et fonctionne de manière continue toute l'année. Son chef de service actuel a été muté sur un autre établissement, l'EEAP Les Calanques et son poste va donc être vacant. Comme vous êtes ergothérapeute de formation et avez déjà exercé en MAS avant d'intégrer l'ARI, que vous êtes actuellement chef de service, vous avez le profil requis pour ce poste. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il est extrêmement difficile de pourvoir par recrutement externe ce type de poste, peu de personnes étant qualifiées pour 'uvrer auprès de personnes polyhandicapées. Comme vous l'a indiqué Mme [F], actuellement, parmi les six chefs de service intervenant auprès d'enfants ou adultes polyhandicapés, seuls deux chefs de service ont été recrutés par voie externe.
Nous sommes restés sans réponse de votre part au courrier du 5 février, aussi voulant nous assurer que vous seriez bien présente à votre nouveau poste de travail, nous vous avons à nouveau écrit le 7 mars. Vous nous avez répondu par mail le vendredi 9 mars à 18h20 que vous refusiez cette mutation.
Nous avons bien noté vos arguments nous indiquant que, pour des raisons personnelles, vous ne pouviez accepter cette mutation qui constitue selon vous un retour en arrière, quand bien même vous avez connaissance de cette clause de mobilité, que vous avez acceptée lors de votre engagement.
Nous regrettons votre décision et par conséquent, ce refus d'exécuter votre contrat de travail constitue une faute grave'.
Mme [D] [R] fait valoir que l'employeur a fait un usage abusif de la clause de mobilité, de sorte qu'elle était en droit de refuser la mutation et que son licenciement est abusif.
L'examen de la chronologie des faits et celui des attestations et courriers produits témoignent bien du fait que l'employeur a souhaité se séparer de sa cheffe de service et ce, à partir du mois de juin 2017.
En effet, le 22 juin 2017, l'association ARI convoquait Mme [D] [R] pour évoquer ses «absences ».
Par courrier du 10 novembre 2017, l'employeur évoquait un entretien disciplinaire du 4 septembre 2017 destiné à entendre la salariée sur l'attitude qu'elle avait eu lors de la réunion du comité de direction de l'ITEP 84 le 28 juin 2017 « révélatrice d'une posture inapropriée pour un chef de service ». Le courrier mentionnait les différentes pistes envisageables pour sortir de la relation contractuelle : rupture conventionnelle, mutation sur un autre établissement de l'association, projet de formation mais pas avant octobre 2018.
Or, manifestement en l'absence d'accord sur les modalités d'une rupture conventionnelle et de départ en formation possible dans l'immédiat, l'employeur a fait le choix d'user de la clause de mobilité.
Ainsi, Mme [P] [Z] et M. [W] [T], respectivement président et vice -président du CVS SESSAD d'[Localité 4] indiquent dans un courrier du 22 mars 2018 que lors d'une réunion avec les dirigeants Mme [H] et M. [V], le 26 janvier 2018, ils ont été informés du départ de Mme [D] [R], en ces termes : Mme [R] avait émis le souhait de faire une formation mais d'autre part, elle ne répondait plus aux missions qui lui avaient été confiées principalement pour cause de retard administratif ».
Il ressort donc de cette lettre que les représentants des parents ont été informés du départ de Mme [D] [R] alors même qu'aucun courrier de mutation n'avait encore été envoyé et pour des motifs sans lien avec une nouvelle affectation comme cheffe de service dans l'établissement de [Localité 3].
En outre, le 15 mars 2018, une quinzaine de salariés de l'ARI font part de leurs inquiétudes quant au fonctionnement de la structure et évoquent le conflit entre la direction et la cheffe de service. Précédemment, lors d'une « réunion du droit d'expression des salariés du secteur d'[Localité 4], Nord [Localité 5] ITEP/SESSAD84 et SESSAD HM » du 28 novembre 2017, ils faisaient mention du climat de tensions depuis juin 2017 et d'une « discréditation de la cheffe de service ».
Mme [J] [U], agent administratif principal, atteste « le 12 décembre 2017, lors d'une réunion en présence des salariés des deux SESSAD et de Mme [R], la direction a annoncé à tous qu'il lui était devenu impossible de poursuivre sa collaboration avec Mme [R], chef de service compte tenu des difficultés relationnelles et professionnelles persistantes depuis plusieurs mois entre elles. La direction n'a pas exprimé les faits ou erreurs professionnelles de Mme [R], restant floue sur la question ».
Mme [L] [A], orthophoniste, déclare que ses collègues à leur retour de cette réunion lui ont rapporté qu'elle « avait été très difficile à vivre pour tout le monde, mais surtout pour Mme [R] et que la directrice avait annoncé qu'elle allait quitter le service. Les directeurs auraient dit qu'elle n'avait pas les compétences pour être chef de service des SESSAD, qu'elle n'était pas bonne en reporting, qu'avec elle, tout était compliqué, qu'ils avaient essayé de trouver des solutions mais que rien n'avait fonctionné ».
Mme [K] [B], Mme [L] [A], Mme [Y] [N], Mme [E] [C], Mme [X] [M], Mme [I] [G] décrivent la mise à l'écart progressive de Mme [D] [R] dont les compétences étaient remises en cause.
On comprend mal enfin que l'employeur mette en oeuvre la clause de mobilité avec une nouvelle affectation géographique alors même qu'il remet en cause les compétences de sa cheffe de service.
Il ressort suffisamment de l'ensemble de ces éléments, que l'employeur qui formulait divers reproches à sa salariée, dont d'ailleurs aucun élément au dossier ne permet de confirmer le fondement, a souhaité se séparer d'elle, en envisageant d'abord une rupture conventionnelle, puis une formation professionnelle mais qui ne pouvait être effective avant plusieurs mois, enfin en optant finalement pour une mutation d'[Localité 4] à [Localité 3].
Ainsi la clause de mobilité a été mise en oeuvre dans des conditions exclusives de toute bonne foi.
Dès lors, Mme [D] [R] était en droit de refuser la mutation à [Localité 3] et son licenciement pour faute grave est abusif.
Il convient donc d'infirmer le jugement déféré.
Sur les demandes indemnitaires
Sur la base d'une salaire mensuel brut de 3530 euros et de la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées (dispositions spéciales aux cadres annexe 6), il convient d'octroyer à Mme [D] [R]:
-une indemnité compensatrice de préavis de 4 mois (article 9), soit 14 120 euros brut
-une indemnité de 1412 euros brut au titre des congés payés afférents
-une indemnité conventionnelle de licenciement (article 10) de 25 052,50 euros
Mme [D] [R] est également en droit de réclamer des dommages et intérêts.
En application des dispositions de l'article L.1235-3 telles qu'issues de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 tenant compte du montant de la rémunération de Mme [D] [R] (3530 euros brut en moyenne) et de son ancienneté en années complètes ( 7 années), dans une entreprise comptant au moins onze salariés, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de Mme [D] [R] doit être évaluée à la somme de 14 120 euros correspondant à l'équivalent de 4 mois de salaire brut.
Par ailleurs, le licenciement est intervenu dans des conditions vexatoires, comme cela ressort des attestations de Mme [J] [U] et Mme [L] [A] notamment qui décrivent une situation dans laquelle la salariée a été sommée de quitter son poste sur le champ le 27 mars 2018.
Il convient d'accorder à Mme [D] [R] la somme de 3000 euros au titre du préjudice subi.
Sur le harcèlement moral
Selon l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Il sera rappelé qu'une situation de harcèlement se déduit ainsi essentiellement de la constatation d'une dégradation préjudiciable au salarié de ses conditions de travail consécutive à des agissements répétés de l'employeur révélateurs d'un exercice anormal et abusif par celui-ci de ses pouvoirs, d'autorité, de direction, de contrôle et de sanction.
En cas de litige, l'article L.1154-1 du même code prévoit que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, Mme [D] [R] fait état d'un harcèlement moral dans les conditions suivantes, produisant diverses pièces :
-elle a été mise à l'écart par l'employeur à partir du mois de juin 2017 après l'arrivée du nouveau directeur adjoint,
-les salariés ont pointé le comportement de l'employeur lors de la réunion du 28 novembre 2017 comme cela ressort du compte rendu,
-lors d'une réunion du 12 décembre 2017, ses compétences ont à nouveau été remises en cause,
-les attestations produites confirment la violence de la situation subie ainsi que la discréditation dont elle a été victime, la direction annonçant également de manière brutale son départ.
Ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail.
Face à ces éléments, l'employeur fait valoir :
-du fait de ses relations avec les deux directeurs d'établissement et d'une définition selon elle imprécise des fonctions de chacun, Mme [R] se plaint de ce que l'association ARI lui aurait fait subir un harcèlement moral,
-or l'employeur ne manque pas à son obligation de sécurité dès lors qu'il justifie avoir pris toutes les mesures de prévention et, le cas échéant, s'il justifie avoir pris les mesures propres à faire cesser le harcèlement dès l'instant où il a eu connaissance des faits,
-en l'espèce, il n'est en aucun cas rapporté la preuve que la direction avait entrepris d'écarter Mme [R],
-la seule discussion sur une éventuelle rupture conventionnelle ne peut être assimilée à la volonté de l'écarter,
-si ce harcèlement avait existé , il aurait été selon Mme [R] dirigé contre elle par Mme [H] [S] et M. [V],
-or, en affectant Mme [R] sur [Localité 3], la proximité avec ces deux personnes aurait de toute façon cessé,
-enfin l'association s'explique dans le courrier du 5 février 208 sur le choix de Mme [R] pour le poste de [Localité 3] et l'affectation ne peut en aucun cas être assimilée elle non plus à du harcèlement.
Or, par cette argumentation l'employeur ne démontre en rien que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs de harcèlement moral et justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Plus encore, l'employeur paraît même ne pas exclure un harcèlement de la part des deux directeurs, en indiquant que la mutation aurait permis d'éloigner la salariée.
En tout état de cause, la cour relève suffisamment, à la lecture du compte rendu du 28 novembre 2017 et des nombreuses attestations de salariés, que Mme [D] [R] a été victime d'une mise à l'écart progressive à partir de juin 2017 (ainsi notamment des compétences hiérarchiques qui lui étaient jusqu'alors reconnues en tant que cheffe de service vont lui être retirées : validation des projets, demandes de congés ou récupérations d'heures, frais, formation) mais également d'une discréditation devant ses équipes, de critiques brutales et vexantes, de reproches infondés.
Les salariés décrivent bien la dégradation des conditions de travail de leur cheffe service, l'un d'entre eux se demandant même comment elle a fait pour tenir dans ces conditions.
Il ressort donc suffisamment de l'ensemble des éléments précédents que les griefs invoqués par la salariée sont fondés, non objectivement justifiés par l'employeur et suffisamment graves et répétés et ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Il convient donc d'infirmer le jugement déféré et de faire droit à la demande de dommages et intérêts à hauteur d'une somme de 3000 euros.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de l'association ARI.
L'équité justifie d'accorder à l'appelante la somme réclamée de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
-Infirme le jugement rendu le 5 juin 2020 par le conseil de prud'hommes d'Orange en toutes ses dispositions,
- Dit que le licenciement de Mme [D] [R] pour faute grave est abusif,
- Dit que Mme [D] [R] a été victime de harcèlement moral,
- Condamne l'association ARI (association régionale pour l'intégration des personnes en situation de handicap ou en difficulté) à payer à Mme [D] [R] les sommes suivantes :
- 14 120 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
- 1412 euros brut au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis
- 25 052,50 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
- 14 120 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif
- 3000 euros pour licenciement vexatoire
- 3000 euros pour harcèlement moral
- Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, que s'agissant des créances salariales à venir au moment de la demande, les intérêts moratoires courent à compter de chaque échéance devenue exigible, et qu'ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire, à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus ;
- Rejette le surplus des demandes,
- Condamne l'association ARI à payer à Mme [D] [R] la somme de 3000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne l'association ARI aux dépens de première instance et d'appel.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,