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10/01/2023 | FRANCE | N°20/01324

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 10 janvier 2023, 20/01324


ARRÊT N°



N° RG 20/01324 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HW4E



CRL/DO



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON

25 mars 2020



RG :F18/00129





[H]



C/



S.A.S. TRANSDEV VAUCLUSE





































COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 10 JANVIER 2023




>

APPELANT :



Monsieur [O] [H]

né le 20 Mars 1971 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté par Me Thierry COSTE, avocat au barreau D'AVIGNON





INTIMÉE :



S.A.S. TRANSDEV VAUCLUSE

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Olivier BAGLIO de la SCP BAGLIO-ROIG-ALLIAUME-BLANCO, avoca...

ARRÊT N°

N° RG 20/01324 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HW4E

CRL/DO

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON

25 mars 2020

RG :F18/00129

[H]

C/

S.A.S. TRANSDEV VAUCLUSE

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 10 JANVIER 2023

APPELANT :

Monsieur [O] [H]

né le 20 Mars 1971 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Thierry COSTE, avocat au barreau D'AVIGNON

INTIMÉE :

S.A.S. TRANSDEV VAUCLUSE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Olivier BAGLIO de la SCP BAGLIO-ROIG-ALLIAUME-BLANCO, avocat au barreau D'AVIGNON

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 11 Octobre 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 Janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 Janvier 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 10 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [O] [H] a été engagé à compter du 2 janvier 2012 sous contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en qualité de responsable administratif par la société Sud Est Mobilités devenue la SASU TransdevVaucluse.

A compter de décembre 2017 et suite à des difficultés financières, la société Transdev Vaucluse décidait de se réorganiser, notamment en choisissant de traiter en interne la comptabilité et la paie, auparavant externalisées.

L'employeur convoquait M. [O] [H] à quatre entretiens les 8 décembre 2017, 19 décembre 2017, 5 janvier 2018 et 15 janvier 2018 afin de lui demander de réaliser les travaux comptables induits par cette internalisation. À la suite de ces différents entretiens, M. [H] refusait d'effectuer ces tâches.

Le 12 février 2018, le salarié était convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement.

Le 28 février 2018, il était licencié pour faute grave au motif que son refus réitéré d'exécuter les nouvelles tâches demandées constituait un acte d'insubordination.

Par requête du 22 mars 2018, M. [H] saisissait le conseil de prud'hommes d'Avignon afin de voir dire et juger qu'il a été victime de harcèlement moral à compter de décembre 2017, que son licenciement est par conséquent nul et subsidiairement infondé.

Par jugement en date du 25 mars 2020, le conseil de prud'hommes d'Avignon a:

- dit que le harcèlement moral à compter du mois de décembre 2017 n'est pas démontré,

- dit que le licenciement de M. [O] [H] en date du 28 février est intervenu pour une cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- débouté M. [O] [H] de l'intégralité de ses demandes,

- condamné M. [O] [H] à payer à la société Sud Est Mobilités la somme de 250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- mis les dépens de l'instance ainsi que les éventuels frais d'exécution à la charge de M. [H] y compris les frais d'huissier en cas d'exécution forcée.

Par acte du 05 juin 2020, M. [O] [H] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance en date du 12 juillet 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 11 octobre 2022 à 16 heures. L'affaire a été fixée à l'audience du 25 octobre 2022 à 14 heures.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 02 mai 2022, M. [O] [H] demande à la cour de :

- infirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions;

- condamner la société Transdev Vaucluse à lui verser :

* 7.500 euros en réparation du préjudice moral causé par le harcèlement moral ;

* 8.447,74 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 844,77 euros bruts à titre de rappel incident sur congés payés ;

* 4.517,18 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

* 50.000 euros en réparation des préjudices moral, économique et professionnel dont 16.895,49 euros à titre de minimum ;

* 2.500 euros au titre des frais irrépétibles.

- faire injonction à la citée d'établir et porter, sous astreinte de 15 euros par document et par jour de retard un mois après la notification de la décision à intervenir un bulletin de régularisation.

M. [O] [H] soutient que :

- l'acharnement de son employeur a vouloir lui confier de nouvelles tâches comptables constitue indéniablement un harcèlement moral,

- son employeur a exercé sur lui des actes de pression, des intimidations et des menaces afin de le contraindre à revoir sa position et même à quitter la société au travers des trois entretiens qu'il a passés, de la note de service du 8 janvier 2018 et du courrier du 8 février 2018,

- ces agissements de l'employeur ont porté atteinte à sa dignité, à ses droits mais également à sa santé,

- la société Transdev a cherché à lui imposer une modification de son contrat de travail, car si en tant que responsable administratif, il pouvait être amené à superviser le travail comptable, mais pas à le réaliser lui-même, et ne faisait en outre pas partie du service financier ; qu'ainsi la réalisation des nouvelles tâches comptables ne faisait pas partie de ses attributions et constituait même un déclassement ; que ces tâches n'étaient pas accessoires contrairement à ce que soutient l'employeur, car elles allaient lui prendre la majeure partie de son temps de travail,

- son licenciement n'est pas seulement injustifié, il est en outre nul car il s'inscrit dans ce contexte de harcèlement moral,

- en tant que travailleur handicapé, son préjudice est considérable, et il a perdu en outre des chances de promotions ; qu'il a été licencié pour avoir refusé de tenir un poste comptable alors que le poste de contrôleur de gestion qu'il ambitionnait a été promis à une comptable.

En l'état de ses dernières écritures en date du 16 novembre 2020, la SASU Transdev Vaucluse demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes,

En conséquence,

- débouter M. [O] [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

Y ajoutant,

- condamner M. [O] [H] à lui payer la somme de 2500,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens.

La SASU TransdevVaucluse fait valoir que :

- aucun des faits présentés par la SASU TransdevVaucluse n'est susceptible, pris isolément ou dans son ensemble, de laisser supposer des pratiques constitutives d'un harcèlement moral,

- contrairement à ce que le salarié prétend, les divers entretiens qui ont été organisés avaient pour seul objet de lui présenter les enjeux de la réorganisation devenue indispensable, de recueillir ses explications et tenter de trouver un terrain d'entente sur l'étendue de ses missions,

- aucune rétrogradation ne peut être valablement invoquée dans la mesure où les nouvelles tâches confiées à M. [H] n'étaient qu'accessoires aux fonctions principales et habituelles de ce dernier mais également temporaires,

- contrairement à ce que le salarié prétend, il n'y a pas eu d'embauche ultérieure en contrat à durée indéterminée à temps plein pour occuper ces fonctions accessoires,

- le licenciement de M. [O] [H] est parfaitement légitime car ce dernier a commis une faute grave en refusant de manière réitérée de réaliser les nouvelles tâches qu'elle lui imposait dans le cadre de son pouvoir de direction, et ce malgré les multiples échanges et explications qu'elle a apportés au salarié concernant les difficultés économiques qu'elle rencontrait et la nécessité d'internaliser les tâches comptables,

- l'appelant ne démontre pas avoir subi un préjudice moral, économique, et professionnel du fait de son licenciement, encore moins une perte de chances de promotion.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

Demandes relatives à l'exécution du contrat de travail

* harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l'article L. 1154-1 du Code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du Code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

Au soutien de sa demande, M. [O] [H] invoque un acharnement et des pressions au mépris de son refus clair en date du 11/12/2017 de voir modifier ses attributions, lesquelles ont été de plus en plus intimidantes et méprisantes, dans le dessein de le faire céder ou de l'amener à partir.

Il renvoie aux entretiens avec la direction en date des 19 décembre 2017, 5 et 15 janvier 2018 et verse aux débats les éléments suivants :

- un courriel en date du 15 janvier 2018, par lequel Mme [R] [I] diffuse la note interne du 8 janvier 2018 qui indique que ' depuis le 1er janvier 21018, [Y] [E] et [O] [H], personnels du service comptabilité, ont en charge le traitement et le suivi de la comptabilité générale de la société SEM avec la répartition suivante (...)

- Le cycle Trésorerie sera traité par [O] [H], soit la saisie d'encaissements et de décaissements des différents comptes bancaires, l'élaboration des états de rapprochement, les différents règlements, les traitement des campagnes fournisseurs.

- Le cycle billetique sera traité par [O] [H], soit le suivi des recettes via le logiciel TITAN, la saisie comptable des recettes

Les autres tâches restent inchangées.

Je remercie [Y] et [O] pour l'investissement professionnel dans ces nouvelles tâches',

- son courriel en réponse en date du 16 janvier 2018 ainsi formulé :

' Madame bonjour,

Suite à votre note, je tiens à vous préciser que pour rappel :

- en date du 08/12/2017, vous nous avez reçu [Y] [E] et moi-même dans les locaux de Sud Est Mobilités pour nous signifier votre projet d'internalisatio du service comptabilité au sein de notre établissement début 2018. Au cours de cet entretien, vous avez émis le souhait de nous confier à [Y] et à moi ces nouvelles missions en sus de notre travail actuel.

- le lundi 11/12/2017, soit trois jours après, j'ai tenu rapidement à vous notifier, par téléphone et par correction pour vous et la société qui m'emploie que je déclinais votre proposition. J'ai argumenté ce choix par un profond désir de progresser dans un des postes ouverts à candidature sur la plate-forme informatique de bourse d'emploi du groupe mais pour un poste au sein même de la société qui m'emploie actuellement et parce que je pense fermement en avoir les compétences. De plus, au cours de cet entretien téléphonique, j'ai également avancé l'argument que la comptabilité ne s'inscrivait plus du tout dans mes projets et perspectives de carrière professionnelle.

- Le mardi 19/12/2017 : j'ai été convoqué par vous ainsi que Madame [C], directrice des ressources humaines de la société TCRA dans le locaux de la société TCRA pour vous donner mon choix définitif dans le refus d'accepter ou non votre proposition de modification de mon contrat de travail. Au cours de cet entretien, l'éventualité de ma sortie de la société a été évoqué devant la persistance de mon refus d'accepter cette modification.

- Le 05/01/2018, j'ai alors été convoqué par Mme [C], directrice des ressources humaines de la société TCRA dans le locaux de cette même société pour discuter des modalités de ma sortie de la société Sud Est Mobilités devant la divergence d'intérêts professionnels mutuels.

- Le 15/01/2018, soit hier, vous avez tenu à vous entretenir avec moi, accompagnée de Monsieur [N], directeur de TCRA et récent président de Sud Est Mobilités, dans les locaux de Sud Est Mobilités pour tenter de me faire changer d'avis. La tournure de cette entrevue a rapidement tourné au pugilat. J'ai noté de votre part ainsi que de celle de Monsieur [N] un comportement quelque peu revendicatif qui m'a particulièrement déstabilisé et choqué.

Malgré tout, et en conséquence de quoi, je reste campé sur ma position initiale de refuser votre proposition d'effectuer ces nouvelles tâches en lien direct avec l'internalisation du service comptabilité de la société au sein de l'établissement.

Je vous informe donc que je m'en tiendrai à mes missions actuelles et contractuelles.

Bien cordialement',

- le courrier en date du 8 février qui lui a été adressé par la directrice des ressources humaines en réponse à son refus et qui indique

' Par courriel transmis le 26 janvier 2018, vous faites savoir que vous n'acceptez pas la 'proposition' de tache qui vous a été formalisée par note du 8 janvier 2018 et qui vous a été présentée par Madame [R] [I], DAF.

Vous motivez vos objections en invoquant votre souhait d'exercer d'autres fonctions qui puissent s'inscrire 'dans (vos) projets et perspectives de carrière professionnelle'. Nous avons ainsi bien noté votre profond désir désormais de progresser'. A cet effet, Madame [J] [C], DRH, vous a reçu pour s'entretenir avec vous des suites qui pouvaient être données à vos aspirations. Elle vous a invité à réfléchir aux modalités de l'accompagnement, notamment en terme de formation, que l'entreprise pouvait vous apporter sans parvenir à obtenir une quelconque réponse de votre part.

En parallèle, vous contestez la 'modification de (votre) contrat de travail' qu'entraînerait la note d'organisation précitée. Celle-ci a vocation à cadrer l'activité financière et comptable pour l'exercice 2018. Dans une démarche usuelle de planification visant à identifier les missions et anticiper les échéances, elle définit, au regard des enjeux annuels, la liste et la responsabilité des tâches qui vous sont confiées au service financier auquel vous collaborez. Elle n'affecte en rien vos attributs contractuels qui demeurent inchangés.

La démarche de management participatif, au titre de laquelle vous ont été apportées toutes les explications sur les objectifs de l'activité 2018, ne peut être assimilée à une 'proposition' qu'il serait loisible d'accepter ou non. La 'divergence d'intérêts professionnels' dont vous faites état, pas plus que la ' lassitude' que vous dites éprouver pour avoir ' fait le tour de votre poste' ne sauraient justifier des manquements dans l'exécution des obligations attachées à votre emploi.

Nous vous informons en conséquence que la position de refus sur laquelle vous entendez 'camper' est de nature à vous exposer à la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire. µ

Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de nos salutations distinguées'

- un décompte de la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse pour des versements d'indemnités journalières du 18 au 21 février 2018, dans le cadre d'un arrêt de travail au titre de l'assurance maladie à compter du 15 février 2018,

- une ordonnance médicale en date du 15 février 2018 prescrivant un traitement dermatologique, une complémentation en vitamine D et de l'alprazolam ' si anxiété'.

Les différents rendez-vous avec sa hiérarchie que M. [O] [H] reprend dans sa chronologie sont la conséquence logique de son refus de ses attributions supplémentaires qu'il va lui être demandé de confirmer suite à sa réponse téléphonique, puis pour le mettre en garde dans son propre intérêt sur les conséquences de son positionnement. Le dernier courrier n'est en rien menaçant mais au contraire particulièrement pédagogique sur les erreurs d'interprétation de sa part, et les conséquences de son refus de se soumettre à l'organisation décidée par son employeur dans le cadre de son pouvoir de direction.

En dehors de ces propres affirmations et interprétations, M. [O] [H] n'apporte aucun élément formulant une pression ou un mépris de la part de son employeur.

Par ailleurs, aucun élément médical produit ne permet d'établir l'existence d'un lien entre la pathologie présentée par M. [O] [H] et son travail.

En conséquence, les éléments invoqués par M. [O] [H] n'établissent pas une présomption de harcèlement moral.

En conséquence c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté M. [O] [H] de sa demande présentée de ce chef et leur décision sera confirmée sur ce point.

Demandes relatives à la rupture du contrat de travail

S'agissant d'un licenciement prononcé à titre disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs formulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l'employeur qui l'invoque d'en rapporter la preuve.

La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire.

La gravité du manquement retenu est appréciée au regard du contexte, de la nature et du caractère éventuellement répété des agissements, des fonctions exercées par le salarié dans l'entreprise, un niveau de responsabilité important étant le plus souvent un facteur aggravant, de son ancienneté, d'éventuels manquements antérieurs et des conséquences de ces agissements en résultant pour l'employeur.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 28 février 2018 qui fixe les limites du litige, a été rédigée dans les termes suivants :

' Monsieur,

Nous faisons suite à l'entretien préalable que nous avons effectué jeudi 22 février 2018, pour lequel vous vous êtes fait assister par Madame [U] [W].

Cet entretien était destiné à recueillir vos explications sur votre refus d'effectuer les tâches qui vous ont été confiées pour l'exercice 2018 par votre responsable hiérarchique, [R] [I], DAF.

Après nous avoir renvoyés aux termes de votre mail du 14 février 2018, vous avez répété que les travaux dévolus consistent en des tâches subalternes alors que vous aspirez à pouvoir occuper un poste de plus haute responsabilité, tel que celui de contrôleur de gestion. Vous avez fait part de votre déception que malgré vos années de bons et loyaux services, Sud Est Mobilité et la 'nouvelle Direction' n'aient pas pris la juste mesure de vos compétences pour vous permettre de jouer un rôle d'envergure que vous estimez pouvoir tenir dans l'entreprise.

Nous vous avons indiqué, comme mentionné dans notre précédent courrier du 8 février 2018, avoir bien entendu le sentiment de 'lassitude' que vous éprouviez après avoir 'fait le tour de votre poste', et votre souhait de pouvoir envisager une progression de votre carrière professionnelle. Dans cette éventuelle perspective, nous vous avons rencontré le 5 janvier 2018 pour évoquer avec vous les conditions selon lesquelles nous pouvions accompagner votre démarche, notamment en facilitant la mise en oeuvre d'une formation. Vous n'avez pas donné suite à cet échange ; vous avez affirmé, lors de notre entretien du 22 février 2018, ne pas avoir besoin de l'aide de l'entreprise.

Nous avons, une nouvelle fois, observé que les missions qui vous ont été affectées visent à décliner les objectifs définis pour l'année 2018 à laquelle vous n'ignorez pas que s'attachent de forts enjeux. Il vous est demandé d'y contribuer pleinement, à votre poste et dans le cadre de votre contrat de travail dont les prérogatives ne sont pas modifiées. Nous avons souligné les conséquences préjudiciables qui résultent de votre position, se traduisant par un retard accumulé depuis le 1er janvier 2018 des travaux non réalisés. Nous avons enfin, de nouveau, attiré votre attention sur les conséquences auxquelles votre posture était susceptible de vous exposer.

Vous nous avez répondu avoir bien compris notre lecture de vos agissements mais, pour autant, avez choisi de maintenir votre position que nous qualifions d'insubordination.

En effet, votre refus persistant, réfléchi et délibéré d'accomplir votre travail, pour un motif tenant au moindre intérêt qu'il vous inspire et corrélativement à votre désir d'une évolution professionnelle plus ambitieuse, nous apparaît revêtir un caractère fautif et dommageable. Il nous contraint, dès lors, à vous notifier par la présente notre décision de vous licencier pour faute grave.

La rupture de nos relations contractuelles, censée intervenir à la date d'envoi du présent courrier, est fixée au 3 mars 2018. En parallèle de sa transmission par RAR, une copie de ce courrier vous est adressée par voie postale ordinaire afin d'assurer votre information effective dans le délai précité.

A titre d'information, vous avez la possibilité d'utiliser les heures créditées sur votre CPF (...)

Nous vous demandons de restituer les éventuels clés et matériels qui vous auraient été confiés pour l'exercice de votre activité professionnelle.

Le service de la paie tiendra à votre disposition votre solde de tout compte ainsi que les documents afférents à la cessation de votre contrat, notamment votre certificat de travail.

Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de nos salutations distinguées.'

* nullité du licenciement en raison de harcèlement moral

Si par application des dispositions de l'article L 1152-3 du code du travail toute rupture du contrat de travail qui résulte d'un harcèlement moral est nulle de plein droit, M. [O] [H] sera débouté de la demande aux fins de nullité de son licenciement présentée au visa de ce texte, dès lors que les faits de harcèlement moral ne sont pas établis, et de sa demande pécuniaire subséquente d'indemnité pour licenciement nul .

* faute grave

En l'espèce, la matérialité du refus de M. [O] [H] de se soumettre aux nouvelles tâches qui lui ont été confiées à compter de janvier 2018 est établie.

Pour justifier de la légitimité de son refus, M. [O] [H] soutient que ces nouvelles attributions constituaient une modification substantielle de son contrat de travail puisqu'elles auraient pris une place prépondérante dans son activité et qu'elle constituent un déclassement alors qu'il avait manifesté son souhait de progresser et d'être promu à un poste de contrôleur de gestion.

Il résulte du contrat de travail de M. [O] [H] qu'il a été engagé en qualité de responsable administratif, qu'il s'engage ( article 2.10) à ' observer toutes les instructions et consignes particulières de travail qui lui seront données' ; et de la fiche de poste annexée à ce contrat qu'il est notamment en charge de la mise à jour des bases de données du logiciel de facturation, du suivi de la facturation, du suivi des caisses et des statistiques.

Les tâches auxquelles il s'est opposé concernent la prise en charge du cycle trésorerie et du cycle billetique, qui entrent dans son champ de compétence. Le fait qu'il lui soit demandé pour l'année 2018, et non pas à compter de l'année 2018, de procéder également à des saisies de données dans son champ de compétence, ne constitue ni une rétrogradation, ni un déclassement professionnel, et ce d'autant moins qu'il ne lui a été retiré aucune de ses attributions antérieures et que sa rémunération n'a pas été modifiée.

Force est de constater que d'une part M. [O] [H] soutient sans le démontrer que ces nouvelles tâches auraient constitué l'essentiel de son activité, et que d'autre part il extrapole en considérant que ce qui est présenté au titre de l'organisation pour 2018 avait vocation à durer au -delà de cette période étant observé que la note de service mentionne que cette organisation est prévue 'pour 2018" et non pas 'à compter de 2018" .

Le fait que la SASU TransdevVaucluse ait ultérieurement publié une offre concernant un poste en comptabilité qui reprend les tâches qui lui étaient confiées ponctuellement ne remet pas en cause les développements précédents et confirme le caractère ponctuel de l'organisation définie par l'employeur au titre de son pouvoir de direction par la note du 8 janvier 2018.

Enfin, M. [O] [H] ne justifie pas qu'il aurait informé son employeur de son statut de travailleur handicapé depuis 2014, statut étant en tout état de cause sans incidence sur la faute grave qui lui est reprochée.

Dès lors le refus par M. [O] [H] d'effectuer, sur une période déterminée, des tâches supplémentaires entrant dans son domaine de compétence de responsable administratif constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle, eu égard aux fonctions exercées et au niveau de responsabilité du salarié, qu'elle rend impossible le maintien de celui-ci dans l'entreprise et la poursuite du contrat.

Il en résulte que la faute grave reprochée à M. [O] [H] est caractérisée et le licenciement fondé sur cette faute grave régulier.

En conséquence c'est par des motifs pertinents auxquels il convient également de se référer que les premiers juges ont considéré que la faute grave reprochée à M. [O] [H] était démontrée et qu'ils l'ont débouté de ses demandes indemnitaires. Leur décision sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 25 mars 2020 par le conseil de prud'hommes d'Avignon,

Condamne M. [O] [H] à verser à la SASU TransdevVaucluse la somme de 800 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne M. [O] [H] aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 20/01324
Date de la décision : 10/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-10;20.01324 ?
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