RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 20/01066 - N° Portalis DBVH-V-B7E-HWED
GLG/EB
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ORANGE
20 février 2020 RG :F 17/00183
[B]
C/
S.A.R.L. SOGETEL
Grosse délivrée
le
à
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 10 JANVIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ORANGE en date du 20 Février 2020, N°F 17/00183
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Monsieur Guénaël LE GALLO, Magistrat honoraire juridictionnel, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
M. Michel SORIANO, Conseiller
Monsieur Guénaël LE GALLO, Magistrat honoraire juridictionnel
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 16 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 22 Novembre 2022 prorogé à ce jour
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANT :
Monsieur [R] [B]
né le 01 Novembre 1975 à [Localité 3]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Guillaume GUTIERREZ de la SCP CHATELAIN GUTIERREZ, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me Christine SIHARATH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me MARION STURA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉE :
S.A.R.L. SOGETEL La société SOGETEL a pour activité la télésurveillance et la sécurité.
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Olivier BAGLIO de la SCP BAGLIO-ROIG-ALLIAUME-BLANCO, avocat au barreau d'AVIGNON
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 02 Septembre 2022
FAITS, PROCÉDURE,PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Embauché en qualité de technicien opérateur par la SARL Sogetel, dont il était l'associé, suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 1er novembre 2003, puis à temps complet à compter du 1er mars 2005, promu directeur d'exploitation, agent de maîtrise, coefficient 150 de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité, à compter du 1er août 2006, M. [R] [B] a saisi le conseil de prud'hommes d'Orange, par requête reçue le 6 novembre 2017, afin de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, avec les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, dire subsidiairement qu'il avait fait l'objet d'un licenciement verbal, et condamner l'employeur à lui payer plusieurs sommes à caractère salarial et indemnitaire.
Débouté de l'ensemble de ses demandes par jugement du 20 février 2020, le condamnant à payer à la société défenderesse la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le salarié a interjeté appel de cette décision par déclaration du 18 mars 2020.
Placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 12 décembre 2017, il a été licencié pour inaptitude le 2 novembre 2020.
Aux termes de ses dernières conclusions remises le 18 août 2021, l'appelant demande à la cour de :
'Réformer en sa totalité le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
' Condamner la Société SOGETEL au titre des graves manquements commis en termes de salaire (notamment sur heures supplémentaires non payées et violation des dispositions sur la contrepartie obligatoire en repos - COR) et en matière d'hygiène et sécurité (notamment en matière de temps de repos et du fait du harcèlement moral subi),
' Fixer le salaire de Monsieur [B] à la somme de 9 475,14 €,
' Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur,
' Fixer la date de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur au 2 novembre 2020,
' Condamner l'employeur à verser à Monsieur [B] les sommes suivantes :
' 24 678.38 € de Rappel de salaire sur coefficient,
' 2 467.83 € de Congés payés sur rappel de salaire sur coefficient,
' 205 661.46 € de Rappel de salaire sur heures supplémentaires effectuées et non payées,
' 20 566.14 € de Congés payés sur rappel de salaire sur heures supplémentaires,
' 126 317.91 € à titre d'indemnité de COR
' 12 311.79 € de congés payés sur COR
' 28 425.42 € d'Indemnité de préavis,
' 2 842.54 € de Congés payés sur préavis,
' 26 169.43 € d'Indemnité de congés payés (58 jours de CP),
' 45 796,51 € d'Indemnité de licenciement,
' 227 403.36 € de dommages et intérêts pour licenciement nul, ou subsidiairement 113 701.68 € pour licenciement nul, ou subsidiairement 113 701,68 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
' 56 850.84 € d'indemnité pour travail dissimulé,
' 18 000.00 € de dommages et intérêts pour préjudice distinct de violation du contrat de travail en matière de salaire,
' 10 000.00 € de dommages et intérêts pour préjudice distinct de harcèlement moral,
' 10 000.00 € de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat,
' 10 000.00 € de dommages et intérêts pour violation des dispositions conventionnelles,
' 10 000.00 € de dommages et intérêts pour violation des dispositions sur la contrepartie obligatoire en repos,
' 5 000.00 € au titre de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens
' le condamner à régulariser sa situation auprès de tous les organismes sociaux notamment la Caisse de retraite,
' le condamner à délivrer les documents de fins de contrat et bulletins de salaire modifiés, attestation de droits relative aux heures de DIF, documents relatifs à la portabilité, sous astreinte de 150 € par jour de retard et par document, la Cour se rservant le droit de liquider ladite astreinte.'
Il expose que :
' il n'a pas engagé son action avec Mme [E], sa compagne, dans le but d'empêcher la vente de la société, comme le soutient l'employeur, ce dont ils n'avaient d'ailleurs nullement le pouvoir en leur qualité d'associés ultra-minoritaires ;
' il a bénéficié avec retard de l'augmentation salariale accordée par avenant du 29 juin 2006, à effet au 1er août 2006 ;
' ses fonctions réellement exercées justifient sa reclassification au niveau III-A et le rappel de salaire afférent ;
' il a accompli de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées sans avoir bénéficié des contreparties obligatoires en repos auxquelles il était en droit de prétendre, et il en est de même pour les heures mentionnées sur ses bulletins de paie ;
' l'omission de mentionner sur ses bulletins de paie toutes les heures de travail effectivement réalisées caractérise le travail dissimulé ;
' les durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail ont été dépassées et son droit à la déconnexion n'a pas été respecté ;
' il a subi le harcèlement moral du gérant dans le but de le pousser à quitter l'entreprise ;
' ces graves manquements justifient la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, avec les effets d'un licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse ;
' le gérant a manifesté à plusieurs reprises sa volonté de se séparer de lui, ce qui constitue un licenciement verbal.
La Société Sogetel présente les demandes suivantes au dispositif de ses conclusions du 9 septembre 2020 :
'Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes d'Orange du 20 février 2020, en ce qu'il a :
- Débouté Monsieur [B] de toutes ses demandes.
- Condamné Monsieur [B] à payer à la société SOGETEL 500 € au titre de l'article 700 du CPC
- Condamné Monsieur [B] à supporter les entiers dépens
Y ajoutant condamner Monsieur [B] à payer à la société SOGETEL :
- 3500 € au titre de l'article 700 du CPC en appel
Condamner Monsieur [B] aux entiers dépens d'appel'
Elle réplique que :
' M. [B] et Mme [E] ont tout mis en oeuvre pour paralyser la vente de la société décidée en 2017 et leur action prud'homale a été engagée dans ce seul but ;
' les fonctions de M. [B] étaient celles d'un agent de maîtrise et non d'un cadre position III-A et la preuve n'est pas rapportée du bien-fondé de la demande de reclassification ;
' toutes les heures supplémentaires accomplies par le salarié lui ont été réglées et l'appelant ne produit aucun élément précis au soutien de sa demande présentée de manière approximative et forfaitaire à raison de 378 heures supplémentaires par mois, ce qui représente un horaire mensuel total de 529,67 heures, soit plus de 24 heures par jour travaillé ;
' la demande relative aux contreparties obligatoires en repos n'est pas fondée ; aucune indemnité de congés payés n'est due à ce titre ; la prescription ne peut être contournée sous couvert d'une demande indemnitaire ; le préjudice n'est pas justifié ;
' les bulletins de paie mentionnent toutes les heures effectivement réalisées et en l'absence d'intention frauduleuse, le travail dissimulé n'est pas caractérisé ;
' le salarié prétend que les durées maximales de travail ont été dépassées et que son droit à la déconnexion n'a pas été respecté sans produire aucun élément probant ;
' ni M. [B], associé fondateur de la société, ni Mme [E] ne s'étaient jamais plaints d'aucune difficulté avant la décision de cession et le harcèlement moral invoqué ne repose sur aucun élément objectif ;
' les manquements allégués n'étant pas établis, la demande de résiliation judiciaire doit être rejetée ;
' le salarié dit avoir été licencié verbalement à une date qu'il ne précise pas, tout en sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail, de sorte que sa demande sur ce fondement ne peut être accueillie ;
' M. [B] percevant un salaire brut mensuel de 3 000 euros, l'indemnité de licenciement ne saurait en tout état de cause excéder 10 000 euros, l'indemnité de préavis 6 000 euros, l'indemnité de congés payés 5 800 euros, et les dommages et intérêts 9 000 euros, soit 3 mois de salaire.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 11 juillet 2022, à effet au 2 septembre 2022.
MOTIFS DE L'ARRÊT
' sur la violation du contrat de travail en matière de rémunération
Selon l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
Il est de principe qu'en application de ces dispositions et de celles de l'article 2277 du code civil, le salarié ne peut, sous couvert de dommages et intérêts, réclamer le paiement de salaires prescrits.
L'article L. 1471-1 dans sa version applicable prévoit que toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
Au soutien de sa demande en paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts, M. [B] expose, d'une part, qu'en méconnaissance de l'avenant contractuel signé le 29 juin 2006, portant sa rémunération mensuelle brute à 3 000 euros à compter du 1er août 2006, son salaire n'a été que tardivement et partiellement revalorisé à compter d'octobre 2006, et que l'augmentation prévue ne lui a été accordée en totalité qu'à compter du mois d'août 2007, ce qui représente un manque à gagner de 17 896,20 euros, et d'autre part, que son nouveau poste de directeur d'exploitation n'a été mentionné sur ses bulletins qu'à partir du mois de décembre 2006.
Il résulte ainsi de ses propres dires que le salarié connaissait les premiers faits dès le mois suivant l'entrée en vigueur de l'avenant et au plus tard fin août 2007, et les seconds, fin décembre 2006.
Le conseil de prud'hommes ayant été saisi le 6 novembre 2017, l'employeur soutient dès lors à bon droit que la demande est irrecevable dans son ensemble.
Le jugement sera réformé en ce sens.
' sur la reclassification conventionnelle et le rappel de salaire afférent
La qualification professionnelle d'un salarié dépend des fonctions réellement exercées. Il appartient au salarié qui revendique une classification différente de celle qui lui est reconnue de rapporter la preuve des fonctions qu'il exerce réellement.
En l'espèce, il est stipulé à l'avenant signé le 29 juin 2006, à effet au 1er août 2006, que M. [B] exercera l'emploi de directeur d'exploitation moyennant une rémunération mensuelle brute de 3 000 euros.
Sa classification n'est pas précisée dans l'avenant, mais ses bulletins de paie mentionnent qu'il avait la qualification d'agent de maîtrise coefficient 150, correspondant, selon l'accord du 1er décembre 2006 abrogé, relatif aux qualifications professionnelles, au poste d'agent de sécurité opérateur filtrage, et selon le nouvel accord du 26 septembre 2016, au poste d'agent de sécurité opérateur SCT 2.
Il résulte des mêmes dispositions conventionnelles que la position III est celle de l'ingénieur ou du cadre qui assume dans des domaines soit technique, soit administratif, soit commercial, soit de la gestion, soit dans plusieurs d'entre eux, des responsabilités exigeant une large autonomie de jugement et d'initiative dans le cadre de ses attributions.
La position III-A revendiquée correspond plus précisément à celle de l'ingénieur ou du cadre qui met en 'uvre non seulement des connaissances équivalentes à celles sanctionnées par un diplôme mais aussi des connaissances fondamentales et une expérience étendue dans une spécialité.
Outre que le courriel de M. [K], gérant de la société, daté du 25 août 2017, prouve que M. [B] bénéficiait d'une large autonomie de jugement et d'initiative dans le cadre de ses fonctions de directeur d'exploitation, puisqu'il avait 'l'initiative d'intervenir et de prendre toutes les mesures' concernant les interventions opérationnelles liées au PC Sogetel, sa fiche de fonctions non exhaustive versée aux débats ' qu'il a certes lui-même établie à la demande du gérant au mois de novembre 2017, comme le souligne l'employeur, mais que ce dernier n'a aucunement rectifiée ' fait ressortir que ses missions ne se cantonnaient pas à celles d'un opérateur de télésurveillance de niveau 2, chargé de gérer et contrôler les activités des opérateurs de niveau 1 au sein d'une station centrale de télésurveillance dans le cadre de consignes prédéfinies, mais également qu'il participait aux recrutements, assurait les formations et organisait les plannings, qu'il intervenait à la fois dans les domaines administratif, commercial et technique, qu'il était en lien avec les fournisseurs de matériel ainsi qu'avec les clients auxquels il prodiguait ses conseils, qu'il faisait office de référent pour la maintenance et la programmation technique des installations, qu'il supervisait les comptes et équipements des réseaux informatiques et des installations techniques, et qu'il en assurait le bon fonctionnement.
Si l'employeur relève que l'intéressé ne justifie d'aucun diplôme, les dispositions conventionnelles prévoient que les connaissances requises par référence aux niveaux de formation définis par l'Education nationale pourront également être acquises par l'expérience professionnelle.
Il est ainsi établi que M. [B], qui avait participé à la création de la société dont il était l'associé et qui exerçait depuis août 2006 les fonctions de directeur d'exploitation, disposait d'une longue expérience professionnelle et de connaissances étendues, ce qui ressort non seulement de sa fiche de poste détaillant ses missions mais également des autres pièces versées aux débats.
Au demeurant, le gérant n'apparaît pas avoir protesté suite à son courriel du 4 décembre 2017, dans lequel il faisait part de son inquiétude sur son avenir professionnel 'à l'aube de la cession de la société', alors qu'il était 'le seul à détenir le savoir de l'entreprise.'
La reclassification professionnelle sollicitée étant ainsi justifiée au regard des fonctions réellement exercées, il sera fait droit à la demande en paiement de la somme de 24 678,38 euros brut à titre de rappel de salaire, outre 2 467,83 euros de congés payés afférents, pour la période non prescrite courant de novembre 2014 à novembre 2017, tandis que la demande de dommages et intérêts pour violation des dispositions conventionnelles sera rejetée faute pour le salarié de justifier de la mauvaise foi de l'employeur et d'un préjudice distinct conformément à l'article 1231-6 du code civil.
Le jugement sera ainsi infirmé de ce chef.
' sur les heures supplémentaires
Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
En l'espèce, M. [B] expose au soutien de sa demande en paiement de la somme de 205 661,46 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre 20 566,14 euros de congés payés afférents, accomplies à ses dires pendant la période de novembre 2014 à octobre 2017 et non rémunérées, qu'il était 'corvéable à merci et n'était rémunéré que partiellement des heures supplémentaires effectuées', selon le bon vouloir du gérant qui modifiait et validait à sa guise les plannings de travail afin de ne payer qu'une partie des heures effectivement réalisées, qu'il travaillait ainsi 'en moyenne 84 heures par semaine (soit 378h par mois)', afin d'effectuer les interventions nécessaires, de remplacer les techniciens absents et d'assurer la continuité de l'activité de l'entreprise qui était ouverte 7j/7 et 24h/24, et qu'il n'a donc 'pas besoin de produire de décompte détaillé de son temps travail'.
Outre ses bulletins de paie, des plannings de travail, des courriels échangés avec l'employeur, et les attestations de deux opérateurs témoignant de son implication et de sa disponibilité au sein de l'entreprise, il produit un tableau sommaire mentionnant mois par mois le nombre d'heures qui lui ont été réglées, le nombre d'heures qu'il dit avoir réellement accomplies, la différence représentant un total de 6 931,70 heures supplémentaires non rémunérées, et la somme restant due.
La demande étant ainsi présentée de manière forfaitaire, sur la base d'un horaire moyen, hors toute comptabilisation des heures de travail réellement effectuées, ces éléments ne sont pas suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
' sur les contreparties obligatoires en repos
Aux termes de l'article D. 3121-14 devenu D. 3121-23 du code du travail, le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu'il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu'il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis.
Le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de contrepartie obligatoire en repos a droit à l'indemnisation du préjudice subi qui comporte à la fois le montant de l'indemnité calculée comme s'il avait pris son repos et le montant des congés payés afférents.
En l'espèce, il résulte de ses bulletins de paie et des tableaux intégrés à ses conclusions que M. [B] a accompli, pendant la période non prescrite, un nombre d'heures supplémentaires dépassant le contingent annuel de 329 heures fixé par la convention collective sans avoir bénéficié des contreparties obligatoires en repos auxquelles il pouvait prétendre, ce que l'intimée ne discute pas sérieusement, se bornant à observer que l'appelant ne produit pas le rapport d'audit de la société Critel dont il se prévaut, sans justifier qu'il a effectivement bénéficié des contreparties obligatoires en repos qui lui étaient dues.
L'existence de son préjudice étant vainement contestée, la somme de 1 725,99 euros sera donc allouée au salarié à ce titre, outre celle de 172,59 euros correspondant au montant des congés payés afférents, tandis que ses demandes seront déclarées prescrites et irrecevables pour le surplus en ce qu'elles tendent, sous couvert notamment de dommages et intérêts supplémentaires pour violation des obligations légales et conventionnelles en la matière, à obtenir l'indemnisation d'un préjudice subi depuis 2008.
Le jugement sera ainsi infirmé de ce chef.
' sur le travail dissimulé
Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait notamment de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
L'article L. 8223-1 du code du travail prévoit qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié dont l'emploi a été dissimulé a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
En l'espèce, la demande en paiement d'heures supplémentaires accomplies en sus de celles mentionnées sur les bulletins de paie étant rejetée, le travail dissimulé n'est pas caractérisé.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
' sur les manquements à l'obligation de sécurité
Au soutien de sa demande de dommages et intérêts de ce chef, le salarié fait grief à l'employeur, d'une part, de ne pas avoir respecté les durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail prévues par les articles L. 3121-18 et L. 3121-20 (anciens articles L. 3121-34 et 35) du code du travail, et d'autre part, d'avoir méconnu son droit à la déconnexion.
M. [B] reconnaissant que l'entreprise n'était pas soumise à l'obligation de négociation annuelle prévue par l'article L. 2242-8 du code du travail dans sa rédaction applicable au 1er janvier 2017, le second grief n'est pas justifié.
Il reste que ses plannings et bulletins de paie versés aux débats prouvent qu'il accomplissait de nombreuses heures supplémentaires, au point que sa durée mensuelle de travail a parfois dépassé 200 heures. En outre, il mentionne pour exemples plusieurs journées et semaines durant lesquelles il dit avoir dépassé les durées maximales de travail.
Alors qu'il lui appartient d'établir qu'il a respecté ses obligations en la matière, l'employeur se borne pour l'essentiel à critiquer l'attestation de M. [C], salarié de la société filiale ATI jusqu'à sa démission en 2014, déclarant que M. [B] était 'disponible à tout moment' dans le cadre du 'service dit d'astreinte technique', afin d'intervenir en cas de défaillance de la station de surveillance ou en cas de panne matérielle chez un abonné, sans rapporter la preuve qui lui incombe.
Le préjudice subi par le salarié à ce titre sera réparé par une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts et le jugement infirmé sur ce point.
' sur le harcèlement moral
Selon l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En cas de litige, l'article L.1154-1 du même code prévoit que le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l'espèce, M. [B] dit avoir subi la pression constante, la malveillance et le dénigrement du gérant, M. [K], dans le but de l'inciter à quitter l'entreprise préalablement à sa cession.
Se référant essentiellement à ses propres correspondances, notamment à sa lettre du 27 novembre 2017, également signée par Mme [E], secrétaire administrative au sein de l'entreprise, sa compagne, il verse par ailleurs le courriel de M. [N], ancien comptable démissionnaire, daté du 5 octobre 2007, se plaignant d'avoir été insulté par M. [K] devant le personnel, l'attestation de M. [C], dénonçant les 'pratiques managériales discutables' du gérant et ajoutant que M. [B] et Mme [E] ont subi des brimades, des humiliations et des insultes, sans que le témoin n'évoque des faits précis auxquels il aurait personnellement assisté, les éléments relatifs au licenciement de Mme [E] pour faute grave, notifié par lettre du 27 juillet 2018, au motif que, le 4 juillet 2018, la salariée avait connecté un disque dur personnel sur l'ordinateur de l'entreprise, ce que l'intéressée n'a pas contesté même si elle a réfuté toute intention malveillante, divers certificats médicaux et prescriptions en lien avec son arrêt de travail ininterrompu à compter du 12 décembre 2017, un extrait de son dossier médical auprès de la médecine du travail mentionnant qu'il a subi un 'épisode dépressif sévère avec symptomes psychotiques', et l'avis d'inaptitude définitive du 12 octobre 2020, indiquant que son état de santé fait obstacle à tout reclassement.
Ces éléments, pris dans leur ensemble, n'établissant pas la matérialité de faits précis laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ce chef.
' sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
La résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée à la demande du salarié lorsque l'employeur commet un ou plusieurs manquements d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite dudit contrat.
En cas de licenciement postérieur, le juge doit rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée. Dans l'affirmative, il fixe la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement. La résiliation judiciaire produit les effets soit d'un licenciement nul soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, la sous-classification conventionnelle du salarié, le non-respect des durées maximales de travail et l'inobservation des dispositions légales et conventionnelles relatives aux contreparties obligatoires en repos, ces manquements ayant été commis dans les conditions et avec les conséquences exposées ci-dessus, constituent des faits d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
Il sera donc fait droit à la demande de résiliation judiciaire de ce contrat produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 2 novembre 2020, date du licenciement pour inaptitude.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
' sur l'indemnisation
Agé de 45 ans au moment de la rupture, M. [B] était titulaire d'une ancienneté de 17 ans dans l'entreprise employant au moins onze salariés. Son salaire brut mensuel de base était de 3 036 euros et son salaire mensuel brut moyen de 3 887,82 euros, compte tenu des heures supplémentaires accomplies de manière habituelle. Aucun élément n'est fourni sur sa situation postérieure.
L'indemnité de préavis s'établit ainsi à 11 663,46 euros bruts, outre 1 166,35 euros de congés payés afférents, le solde d'indemnité de licenciement à 2 397,23 euros net, déduction faite de la somme de 16 393,90 euros déjà versée, et le solde d'indemnité compensatrice de congés payés pour 46 jours de congés payés non pris, au vu des bulletins de paie versés aux débats et en l'absence de tout décompte contraire, à la somme de 4 056,94 euros, déduction faite de la somme de 3 096,64 euros déjà versée.
Le préjudice subi du fait de la résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse sera réparé par une indemnité de 40 000 euros sur le fondement des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-2 du code du travail dans leur rédaction applicable au jour de la rupture.
' sur les autres demandes
L'employeur devra régulariser la situation du salarié auprès des organismes sociaux et lui remettre un bulletin de paie récapitulatif ainsi que les documents de fin de contrat conformes dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 20 euros par jour de retard pendant une durée de trois mois.
Le droit individuel à la formation ayant cessé d'exister au 31 décembre 2014 et le transfert des droits acquis n'étant plus possible depuis le 30 juin 2021, il n'y a pas lieu d'ordonner la remise de l'attestation afférente.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,
Infirme partiellement le jugement déféré,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare prescrites et irrecevables les demandes à caractère salarial et indemnitaire portant sur la période antérieure au 6 novembre 2014 au titre de la violation du contrat de travail en matière de rémunération, du coefficient conventionnel, des heures supplémentaires et des contreparties obligatoires en repos,
Prononce la résiliation judiciaire dudit contrat aux torts de l'employeur, avec les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, au 2 novembre 2020,
Condamne la société Sogetel à payer à M. [B] les sommes suivantes :
' rappel de salaire (position III-A) 24 678,38 euros brut
' congés payés afférents 2 467,83 euros brut
' contreparties obligatoires en repos 1 725,99 euros net
' congés payés afférents 172,59 euros net
' non-respect des durées maximales de travail 3 000,00 euros net
' indemnité compensatrice de préavis 11 663,46 euros brut
' congés payés afférents 1 166,35 euros brut
' solde d'indemnité légale de licenciement 2 397,23 euros net
' solde d'indemnité de congés payés 4 056,94 euros brut
' dommages et intérêts (art. L. 1235-3 C.T.) 40 000,00 euros net
' frais irrépétibles (art. 700 CPC) 3 000,00 euros net
Déboute M. [B] du surplus de ses demandes à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions conventionnelles relatives à la classification, de rappel d'heures supplémentaires, d'indemnité pour travail dissimulé et de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
Dit que l'employeur devra régulariser la situation du salarié auprès des organismes sociaux et lui remettre un bulletin de paie récapitulatif ainsi que les documents de fin de contrat conformes dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 20 euros par jour de retard pendant une durée de trois mois,
Condamne l'intimée aux entiers dépens.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,