RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 19/04222 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HRHU
MS/EB
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE D'AVIGNON
11 octobre 2019 RG :F 17/00352
[G]
C/
S.A.S. ARC EN CIEL
Association L'UNEDIC, DÉLÉGATION AGS ' CGEA D'[Localité 9]
S.E.L.A.R.L. ETUDE BALINCOURT
Grosse délivrée
le
à
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 10 JANVIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage d'AVIGNON en date du 11 Octobre 2019, N°F 17/00352
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Leila REMILI, Conseillère
M. Michel SORIANO, Conseiller
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 13 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 Janvier 2023.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Madame [B] [G] épouse [H]
née le 19 Mars 1989 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Nathalie BRUCHE, avocat au barreau de [Localité 13]
INTIMÉES :
SAS ARC EN CIEL
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, avocat au barreau de NIMES
Association L'UNEDIC, DÉLÉGATION AGS ' CGEA D'[Localité 9]
[Adresse 8]
[Localité 4]
Représentée par Me Delphine ANDRES de la SCP LOBIER & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES
S.E.L.A.R.L. ETUDE BALINCOURT Représentée par Maître [D] [I]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, avocat au barreau de NIMES
Ordonnance de clôture du 18 Août 2022, révoquée sur le siège sur demande conjointe des parties et clôturée à nouveau au jour de l'audience avant l'ouverture des débats,
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 10 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Mme [B] [G] épouse [H] a été engagée par la SAS Arc En Ciel suivant contrat à durée déterminée à temps complet, à compter du 10 juin 2013, en qualité de responsable marketing.
Par avenant du 23 novembre 2015, les relations contractuelles se poursuivaient par un contrat à durée indéterminée, à temps partiel.
Par courriel du 6 novembre 2016, Mme [H] informait son employeur de son arrêt de travail jusqu'au 20 novembre 2016.
Par courrier du 21 novembre 2016, la société Arc En Ciel convoquait Mme [H] à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 1er décembre 2016.
Par courrier recommandé du 9 décembre 2016, Mme [H] était licenciée pour faute grave dans les termes suivants :
"Vous avez été embauchée par notre entreprise le 10 juin 2013 où vous occupez actuellement les fonctions de Responsable Marketing.
Afin de renforcer nos équipes et de structurer notre développement, nous vous avons informé, dès le moi de mai 2016, de notre volonté de recruter une Directrice Marketing et Communication.
Le 3 novembre 2016, je vous ai informé personnellement que nous avions trouvé le profil recherché et que sa date d'intégration est prévue le 7 novembre 2016.
Le dimanche 6 novembre au soir, vous nous transmettez par courriel un arrêt maladie pour la période du 7 novembre 2016 au 20 novembre 2016.
Le 10 novembre 2016, Madame [P] [C] [U], votre nouvelle directrice de service vient nous alerter de messages reçus sur la boîte email professionnelle "[Courriel 12]".
Cette adresse de messagerie est celle qui est dédiée au service marketing, vous êtes la seule à l'utiliser. Les deux autres membres de votre service utilisant l'adresse "[Courriel 10]".
C'est lors de sa prise de fonction que naturellement Madame [P] [C] [U] a eu accès à la boîte email professionnelle du service.
L'étude des messages reçus nous stupéfait immédiatement. Douze accusés de réception détaillés démontrent que vous avez utilisé, sans nous en informer et sans notre accord, le site de transfert de fichiers en ligne "We Tranfer" afin d'envoyer sur votre adresse mail personnelle 47 fichiers comprenant l'ensemble des données stratégiques et commerciales de notre entreprise.
Les messages reçus nous précisent que vous avez téléchargé sur votre adresse mail personnelle, le mardi 8 novembre 2016 et le mercredi 9 novembre 2016, les données que vous aviez transférées précédemment de votre poste de travail.
Maître [K] [F], huissier de justice a constaté et répertorié le 14 novembre 2016, les fichiers envoyés sur votre adresse de messagerie "[Courriel 11]":
Mail du 8 novembre 2016 à 13h31 : "Analyse vente articles exe 2016".
Mail du 8 novembre 2016 à 13h40 : "Avis vérifiés présentation", "Conférence e-commerce la Poste 17-06-2014", "Devatics présentation intelligence artificielle", "Ecommerce Exact Target présentation", "Message Business 20 COMMANDEMENTS", "E COMMERCE de l'e mailing 2013", "présentation devatics", "présentation message business délivrabilité de l'emailing", "Présentation message business HTML pour l'emailing", "Présentation Serge Retowsky- Fidelisation Client- IBM", "Ecommerce- 2409".
Mail du 8 novembre 2016 à 13h42 : "Tarifs 2016"
Mail du 8 novembre 2016 à 13h53 : "entreprise 84 FICHIER 1", "entreprise 84 suite et fin",
Mail du 8 novembre 2016 à 13h56 : "PROCÉDURE"
Mail du 8 novembre 2016 à 13h59 : "STRATÉGIE 2014"
Mail du 8 novembre 2016 à 14h19 : "OFFRES-PROMOTIONS", "Plaquette Présentation Aptafêtes 2016 English version",
Mail du 8 novembre 2016 à 14h23 : "RETROPLANNING", "STRATÉGIE 2014", "tableaux de bord efficaces", "RAPPORT ANALYSE VENTE CIBLÉE",
Mail du 8 novembre 2016 à 15h07 : "astuces excel.doc", "BENCHMARK", "BRIEF", "COMPTES-MOT DE PASSE", "DOCUMENTATION REFERENCEMENT", "DOSSIER CATHY AUDIT", "ENQUÊTE DE SATISFACTION", "MAPING PRIX",
Mail du 8 novembre 2016 à 18h55 : "Revue commerciale Aptafêtes -document support 27112014", "revue commerciale Aptafêtes-conclusions 27112014",
Mail du 9 novembre 2016 à 10h01 : "RECAP GLOBAL IMPRESSION-ROUTAGE 2016", "COMPARATIF TARIFS IMPRIMEURS 2016", "COMPARATIF TARIFS IMPRIMEURS 2015", "COUT MAILING MESSAGE BUSINESS",
Mail du 9 novembre 2016 à 10h02 : "ANALYSE RENTABILITÉ MAILING", "RAPPORT MESSAGE BUSINESS".
En recherchant les dossiers "PROCÉDURE IMPRESSION ET ROUTAGE CATALOGUE", "PROCÉDURE MISE A JOUR FICHIER" et "PROCÉDURE RENCONTRE CATALOGUE", nous avons découvert qu'ils n'étaient plus présents sur notre serveur mais uniquement sur votre poste de travail dans un dossier "A SUP". Ce dernier regroupe aussi des dizaines de fichiers zippés.
Au regard de la nature des fichiers et de l'ampleur des transferts réalisés, nous n'avons pu que déplorer l'organisation minutieuse que vous avez mise en place afin de soustraire, à notre insu, les données les plus sensibles de l'entreprise.
Les "éléments supprimés" de la boîte email "[Courriel 12]" Auraient du faire apparaître les accusés de réception des envois de fichiers réalisés par vous. Maître [K] [F] a relevé que les "éléments supprimés" de la boîte email avaient été effacés avant le début de votre arrêt maladie.
Une telle attitude démontre avec certitude votre volonté manifeste de dissimuler les transferts que vous avez opérés.
Vous avez clairement violé votre obligation de loyauté envers votre employeur. Votre comportement est absolument inacceptable et inadmissible."
Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, le 19 juillet 2017, Mme [H] saisissait le conseil de prud'hommes d'Avignon en paiement d'indemnités de rupture et de diverses sommes.
Par jugement de départage du 11 octobre 2019, le conseil de prud'hommes d'Avignon a :
- condamné la société Arc En Ciel au paiement des sommes suivantes :
* 6000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture vexatoire
* 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- ordonné l'exécution provisoire de l'entier jugement,
- condamné la société Arc En Ciel aux entiers dépens de l'instance,
- rejeté les demandes plus amples ou contraires.
Par acte du 31 octobre 2019, Mme [H] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par jugement du tribunal de commerce d'Avignon du 15 juillet 2020, la liquidation judiciaire d'office de la société Arc En ciel était prononcée et la SELARL Etude Balincourt représentée par Me [D] [I] était désignée ès qualité de mandataire liquidateur.
Par acte du 15 décembre 2020, une assignation en intervention forcée devant la cour d'appel de Nîmes était délivrée à la SELARL Etude Balincourt et à l'UNEDIC délégation AGS CGEA d'[Localité 9].
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 19 septembre 2022, Mme [B] [G] épouse [H] demande à la cour de :
* sur la rupture du contrat de travail
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a considéré que le licenciement reposait sur une faute grave
Ce faisant, statuant à nouveau
- juger que le licenciement repose sur une cause qui n'est ni réelle ni sérieuse ;
En conséquence,
- fixer au passif de la société Arc En Ciel, à son bénéfice les sommes de :
° 1 189,58 euros nets à titre d'indemnité de licenciement
° 4 684,23 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
° 468,42 euros à titre de congés payés afférents
° 20000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
- ordonner en application des dispositions de l'article L1235-4 du code du travail le remboursement à Pôle emploi des allocations servies au salarié dans la limite de 6 mois
* sur la rupture brutale et vexatoire
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que la rupture était intervenue dans des conditions brutales et vexatoires
- infirmer le jugement déféré quant au quantum de la condamnation prononcée,
En conséquence,
- fixer au passif de la société Arc En Ciel, au bénéfice de Mme [G] la somme de 10 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour rupture vexatoire
En tout état de cause,
- fixer au passif de la société Arc En Ciel la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens
- condamner la société Arc En Ciel aux entiers dépens de l'instance
- dire la décision à intervenir opposable aux AGS CGEA de [Localité 13] "lequel" devra garantir l'ensemble des condamnations prononcées.
Elle soutient que :
- son licenciement pour faute grave repose sur une cause qui n'est ni réelle ni sérieuse car le délai restreint exigé par la cour de cassation pour engager une procédure de licenciement n'a nullement été respecté par l'employeur. La société qui reconnaît avoir eu immédiatement connaissance des faits fautifs dès l'arrivée de la nouvelle directrice marketing a attendu une semaine avant de dresser un constat d'huissier, deux semaines avant de la convoquer à un entretien préalable et trois jours pour s'apercevoir de la nécessité de déposer une plainte pénale.
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, l'engagement d'une procédure de licenciement dans le délai restreint n'implique pas une prise de décision hâtive et irréfléchie puisque l'employeur dispose de tout le temps nécessaire pendant le temps précédant l'entretien préalable pour apprécier les éléments dont il dispose et décider de la mesure disciplinaire. Par ailleurs, le fait qu'elle se trouvait en arrêt maladie durant cette période est indifférent.
- l'employeur ne prouve pas le caractère confidentiel des données transférées mais se borne à procéder par voie de simples allégations. Elle rappelle que l'activité de la société n'est pas au nombre de celles que l'on pourrait qualifier de "sensibles" requérant un niveau de confidentialité, protection et secrets professionnels. Elle est simplement tournée vers le commerce d'articles de fêtes et de déguisements.
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que le constat d'huissier de justice produit par l'employeur suffisait à prouver la violation de la clause de confidentialité insérée dans son contrat.
Les faits qui lui sont reprochés n'entrent pas dans les comportements prescrits par son contrat de travail et les clauses de confidentialité.
- aucun manquement de confidentialité ne saurait lui être reproché du seul fait d'avoir transféré sur sa boîte mail personnelle et privée les documents de la société.
- l'employeur n'a subi aucun préjudice du fait des transferts des fichiers sur sa boîte mail. De surcroît les fichiers étaient toujours accessibles dans l'entreprise.
- elle procédait de manière régulière à ce type de transferts, pour des dossiers parfois bien plus "sensibles" et son employeur en avait parfaitement connaissance. Il savait notamment qu'elle travaillait à domicile sur ce type de fichiers et n'a jamais rien vu à y redire.
- elle n'a pas supprimé ses mails de transfert et l'employeur n'apporte aucun élément matériel permettant d'affirmer avec certitude que la suppression des traces des envois litigieux a bien été réalisée par elle. Une semaine s'est écoulée entre les faits incriminés et le constat d'huissier de sorte que dans cet intervalle n'importe qui avait accès à son ordinateur et à la boîte mail du service marketing et pouvait ainsi supprimer ces mails.
- le motif invoqué dans la lettre de licenciement est purement fallacieux. La rupture était décidée depuis de nombreux mois lors du recrutement d'un directeur marketing.
- elle a été particulièrement meurtrie par les accusations mensongères dont elle a fait l'objet, elle a eu toutes les peines à se replacer sur le marché du travail et est demeurée plusieurs mois au chômage.
- c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que la rupture de son contrat était intervenue dans des conditions brutales et vexatoires, mais ils ont cependant minimisé son préjudice.
En l'état de ses dernières écritures en date du 15 février 2021, contenant appel incident, la SELARL Etude Balincourt en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Arc En Ciel, demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme [B] [G] épouse [H] reposait bien sur une faute grave,
- déclarant recevable et bien fondé son appel incident, infirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement était intervenu dans le cadre d'une procédure vexatoire et réformer les condamnations à hauteur de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture vexatoire et 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter Mme [B] [G] épouse [H] de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires,
- condamner Mme [B] [G] épouse [H] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.
Elle fait valoir que :
- le licenciement pour faute grave de Mme [H] est légitime car cette dernière a transféré sur son adresse mail de nombreux fichiers de l'entreprise à caractère confidentiel, tels qu'énumérés par l'article 10 et 11 de son contrat de travail et ce sans l'accord de son employeur.
- contrairement à ce qu'affirme Mme [H], l'employeur n'a pas tardé à engager la procédure de licenciement. Entre la découverte des faits fautifs et l'engagement de la procédure de licenciement, il s'est écoulé un délai d'un peu plus d'une semaine, de sorte que la notion de délai restreint posé par la jurisprudence a été respecté par l'employeur.
- Mme [H] n'apporte aucun élément justifiant son préjudice, notamment au titre de sa situation professionnelle postérieure à la rupture.
- l'employeur a respecté en tous points la procédure de licenciement pour faute grave et n'a procédé à aucune mesure vexatoire.
Même si des dommages et intérêts ont été octroyés à la salariée au titre des méthodes employées par la gendarmerie suite à la plainte déposée par la société, cette dernière n'a commis aucun abus dans le cadre du dépôt de cette plainte mais a simplement fait usage de son droit au regard des manquements constatés.
Par conséquent, il ne peut être condamné au titre de l'action d'autrui.
L'UNEDIC délégation AGS CGEA d'[Localité 9], reprenant ses conclusions transmises le 10 mars 2021, demande à la cour de :
- prendre acte de ce qu'elle reprend et fait sienne l'argumentation soutenue par la société Arc En Ciel et la SELARL Etude Balincourt, ès qualité de mandataire liquidateur de la société Arc En Ciel,
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Avignon du 11 octobre 2019 en ce qu'il a condamné le société Arc En Ciel au paiement des sommes de 6000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture vexatoire et de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Avignon du 11 octobre 2019 en toutes ses autres dispositions.
En conséquence,
- débouter Mme [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- la condamner aux entiers dépens.
En tout état de cause
- dire et juger que l'A.G.S ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-6 et L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-17, L.3253-19 et suivants du code du travail ;
- dire et juger que l'obligation du C.G.E.A de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement ;
- faire application des dispositions du code de commerce et du décret
- donner acte à L'UNEDIC et l'AGS de ce qu'ils revendiquent le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et décrets réglementaires applicables, tant au plan de la mise en oeuvre du régime d'assurance des créances des salariés, que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément les articles L.3253-8, L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 30 mai 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 18 août 2022. L'affaire a été fixée à l'audience du 01 septembre 2022.
MOTIFS
À la demande conjointe des parties, l'ordonnance de clôture rendue le 18 août 2022 a été révoquée et la procédure a été à nouveau clôturée ce jour, 13 octobre 2022, afin de recevoir les écritures déposées par Mme [G] le 19 septembre 2022.
Sur le licenciement
La faute grave résulte de tout fait ou ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail et des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise et exige son départ immédiat, ce, même pendant la durée du préavis. Il incombe à l'employeur qui l'invoque d'en rapporter la preuve.
La gravité d'une faute n'est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est résulté.
Mme [G] ne conteste pas les faits qui lui sont reprochés mais soutient dans un premier temps que la faute grave ne saurait être retenue eu égard à la réaction tardive de l'employeur, puis que les fichiers transférés sur sa messagerie personnelle n'ont aucun caractère confidentiel.
La faute grave implique une réaction immédiate de l'employeur qui doit engager la procédure de licenciement dans un délai restreint, dès lors qu'il a connaissance des fautes et qu'aucune vérification n'est nécessaire.
En l'espèce, l'employeur soutient avoir eu connaissance des faits le 10 novembre 2016 par l'intermédiaire de la nouvelle directrice marketing, Mme [U], laquelle a été recrutée à compter du 7 novembre 2016, ce qui n'est pas contesté par l'appelante.
Le 11 novembre étant un vendredi, l'employeur a diligenté un huissier de justice, en la personne de Me [F], lequel est intervenue dès le lundi suivant, 14 novembre 2016, afin de dresser un procès-verbal de constat de l'ensemble des fichiers litigieux.
La salariée sera ensuite convoquée à un entretien préalable par courrier du 21 novembre suivant, précision faite que Mme [G] était en arrêt de travail depuis le 5 novembre 2016, la reprise devant intervenir le 21 novembre 2016.
C'est ainsi fort justement que les premiers juges ont considéré que l'employeur n'a eu connaissance de l'ampleur des faits qu'à compter du procès-verbal en date du 14 novembre 2016 et qu'en convoquant la salariée le 21 novembre 2016, le délai restreint exigé ci-dessus a été respecté par l'employeur.
Mme [G] a été engagée en qualité de responsable marketing, ses tâches recouvrant le marketing mais également la communication.
Le contrat de travail comporte en son article 10 (informations de la société) une clause de confidentialité quant aux activités de la société, aux informations scientifiques, aux données techniques, aux secrets de fabrique, au savoir-faire, à l'organisation, aux inventions, au marketing, aux finances, à la stratégie de la société, au développement, aux contrats existants ou futurs, aux clients, aux partenaires commerciaux, aux affaires actuelles ou futures de la société ou du groupe auquel elle appartient. L'article 11 vise la même obligation de confidentialité pour les informations appartenant à des tiers.
Il résulte de la lecture du procès-verbal de constat du 14 novembre 2016 que l'appelante a transféré sur sa messagerie personnelle des fichiers portant notamment sur la clientèle, la stratégie et l'activité de la société, à savoir, des comptes, mots de passe des clients, du Benchmark, de la procédure, de la stratégie 2014, des tarifs 2016, de l'audit de l'entreprise sur son positionnement, du rapport analyses vente ciblée.
C'est ainsi que les premiers juges ont fort justement considéré par des motifs que la cour adopte que :
« Quand bien même les données litigieuses n'ont pas été utilisées, ou n'ont pu l'être,
par l'intéressée, à des fins personnelles ou en vue de les remettre à des sociétés
concurrentes et que la société n'a subi aucun préjudice, il est suffisamment établi par
l'ensemble de ce qui précède que Mme [H] s'est envoyé à son adresse personnelle
un certain nombre de fichiers à caractère confidentiel, sans l'accord de son employeur,
dans le contexte rappelé ci-dessus, à savoir l'embauche d'un directeur marketing mal
ressenti par la salariée, ce qui caractérise un manquement suffisamment grave de cette
dernière à son obligation de loyauté, rendant impossible la poursuite du contrat de
travail et justifiant par conséquence son licenciement pour faute grave ».
La salariée a en effet contrevenu à ses obligations telles que prévues dans le contrat de travail, faisant courir un risque à l'employeur, aucune justification n'étant apportée par l'appelante sur les raisons l'ayant poussée à transférer massivement les données litigieuses sur sa messagerie personnelle, et ce, entre les 2 et 4 novembre, juste avant son arrêt de travail le 5 novembre 2016, démontrant que cette manoeuvre avait été planifiée à l'annonce de l'arrivée de la nouvelle directrice marketing, Mme [U] prévue le 7 novembre 2016.
Les courriels produits par l'appelante faisant état de transferts de données sur sa messagerie personnelle ou de sa messagerie personnelle sur sa messagerie professionnelle ne contiennent aucun fichier confidentiel de ceux visés aux articles 10 et 11 du contrat de travail.
En outre, il appartenait à la salariée de solliciter l'autorisation de son employeur pour ce faire, ce qu'elle ne démontre pas avoir fait.
Enfin, l'huissier instrumentaire a constaté qu'aucun message d'envoi ou d'accusé d'envoi par "We transfer" desdits fichiers n'était présent dans les "éléments envoyés" ni dans les "éléments supprimés", démontrant une volonté de dissimulation de la salariée.
Le jugement déféré devra dans ces circonstances être confirmé en ce qu'il a retenu que le licenciement était fondé sur une faute grave, déboutant la salariée de ses demandes financières subséquentes.
Sur les dommages et intérêts pour procédure vexatoire
La salariée licenciée peut obtenir le versement d'une indemnité en cas de préjudice résultant de procédés vexatoires dans la mise en 'uvre ou les circonstances du licenciement.
L'employeur a déposé plainte contre Mme [G] le 23 novembre 2016, en faisant état de ses craintes légitimes que les fichiers transférés "tombent dans de mauvaises mains".
L'employeur n'a fait ainsi qu'user de son droit de déposer plainte et il n'est en aucune manière responsable du choix de l'heure d'interpellation par les agents de police, quelle que soit la manière dont il a décrit la salariée et les faits reprochés.
Enfin, le déroulement de l'enquête de police a été postérieur au licenciement comme conséquence de la plainte de l'employeur pour des faits avérés.
Le jugement encourt dès lors la réformation en ce qu'il a condamné la SAS Arc En Ciel
au paiement de la somme de 6000 euros à ce titre.
Sur les demandes accessoires
Le jugement critiqué sera réformé concernant les frais irrépétibles et les dépens.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'intimée.
Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de l'appelante.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort,
Ordonne le rabat de l'ordonnance de clôture au 13 octobre 2022,
Réforme le jugement rendu le 11 octobre 2019 par le conseil de prud'hommes d'Avignon en ce qu'il a condamné l'employeur à verser à Mme [B] [G] épouse [H] les sommes de 6000 euros de dommages et intérêts pour rupture vexatoire et de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Le confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés;
Déboute Mme [B] [G] épouse [H] de ses demandes de dommages et intérêts pour rupture vexatoire et au titre des frais irrépétibles,
Condamne Mme [B] [G] épouse [H] à payer à la SELARL Etude Balincourt représentée par Me [D] [I], désignée ès qualité de mandataire liquidateur de la SAS Arc En Ciel la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rappelle en tant que de besoin que le présent arrêt infirmatif tient lieu de titre afin d'obtenir le remboursement des sommes versées en vertu de la décision de première instance assortie de l'exécution provisoire,
Condamne Mme [B] [G] épouse [H] aux dépens de première instance et d'appel,
Arrêt signé par le président et par le greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,