RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/01582 - N° Portalis DBVH-V-B7G-INVR
AV
TRIBUNAL DE COMMERCE D'AVIGNON
27 avril 2022
RG:2022000350
S.A.R.L. GROUPE NPA
S.C.I. ANA
C/
S.E.L.A.R.L. [X] & [C]
Grosses envoyées le 07 décembre 2022 à :
- Me Fabrice SROGOSZ
+ MP
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 07 DECEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce d'AVIGNON en date du 27 Avril 2022, N°2022000350
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,
Madame Claire OUGIER, Conseillère,
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère.
GREFFIER :
Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 4ème chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiqué et qui a conclu le 11 octobre 2022. Absent à l'audience.
DÉBATS :
A l'audience publique du 17 Novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 07 Décembre 2022.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTES :
S.A.R.L. GROUPE NPA, au capital de 70 000 euros, inscrite au RCS d'Avignon sous le n° 437 505 159, agissant en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
Pôle d'activités de [Localité 4]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Fabrice SROGOSZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON
S.C.I. ANA, inscrite au RCS d'AVIGNON sous le N° 493 344 931, représentée par
son gérant domicilié en cette qualité au siège social sis,
[Adresse 5]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Fabrice SROGOSZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON
INTIMÉE :
S.E.L.A.R.L. [X] & [C] en sa qualité de Commissaire à l'exécution du plan
assignée à personne habilitée
[Adresse 1]
[Localité 2]
n'ayant pas constitué avocat
ARRÊT :
Arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 07 Décembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu l'appel interjeté le 5 mai 2022 par la SARL Groupe NPA et la SCI Ana à l'encontre du jugement prononcé le 27 avril 2022 par le tribunal de commerce d'Avignon, dans l'instance n°2022/000350,
Vu la signification en date du 21 juin 2022 de cette déclaration d'appel à la SELARL [X] & [C], en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan,
Vu l'avis du 14 juin 2022 de fixation de l'affaire à bref délai à l'audience du 17 novembre 2022,
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 12 juillet 2022 par les sociétés appelantes et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu la signification du 13 juillet 2022 de ces conclusions à l'intimée défaillante,
Vu les conclusions du Ministère public du 11 octobre 2022, notifiées aux parties constituées le 17 octobre 2022,
Vu l'ordonnance du 14 juin 2022 de clôture de la procédure à effet différé au 10 novembre 2022,
Par jugement du tribunal de commerce d'Avignon du 26 juin 2013, une procédure de sauvegarde a été ouverte au bénéfice de la société à responsabilité limitée Groupe NPA, exerçant une activité de négoce de pièces automobiles et vente de pièces détachées et accessoires.
Cette procédure a été étendue, par jugement du 5 novembre 2014, aux sociétés civiles immobilières dénommées Ana et Floda.
Un plan de sauvegarde a été présenté, prévoyant un remboursement comptant des créances inférieures à 500 euros et un remboursement du passif privilégié et chirographaires selon deux options :
- Option 1 : règlement à hauteur de 25% pour solde de tout compte, le paiement intervenant à la date anniversaire de l'adoption du plan par le tribunal de commerce
- Option 2 : règlement de 100% de la créance admise sur 9 ans en 9 dividendes annuels progressifs, le premier réglement intervenant à la date anniversaire de l'adoption du plan par le tribunal de commerce.
Par jugement du 27 mai 2015, le tribunal de commerce d'Avignon a homologué le plan de sauvegarde des trois sociétés et a désigné Maitre [M] [C] et Maitre [R] [X], associés de la SELARL [X] & [C], en qualité de commissaire à l'exécution du plan. Il a précisé que les créanciers qui n'avaient pas répondu ne pouvaient se voir imposer la proposition n°1 et devaient être remboursés à 100% sur 9 ans.
Par un arrêt du 15 décembre 2016, la cour d'appel de Nîmes a infirmé le jugement et a dit que le règlement des dettes, pour les créanciers n'ayant pas répondu à la consultation dans le délai de 30 jours, se ferait selon l'option n°1 du projet, à savoir le remboursement à hauteur de 25% de la créance pour solde de tout compte.
Par jugement du 25 octobre 2017, le tribunal de commerce d'Avignon a autorisé la modification substantielle du plan de sauvegarde commun aux trois sociétés, en reportant l'échéance fixée au 27 mai 2017 au 27 mai 2018, de même que pour les échéances suivantes de sorte que la durée du plan de sauvegarde a été portée à 10 ans.
Par un jugement du 20 novembre 2019, le tribunal de commerce d'Avignon a prononcé la disjonction du plan de sauvegarde des sociétés NPA, SCI Ana et SCI Floda et le redressement judiciaire de la SCI Floda.
Par requête datée du 28 décembre 2021 et déposée le 29 décembre 2021, la SELARL [X] & [C], en qualité de commissaire à l'exécution du plan, a demandé au tribunal de commerce d'Avignon la modification du plan arrêté le 27 mai 2015, et modifié par le jugement du 25 octobre 2017, par le report des échéances du 5 mai 2021 et du 5 mai 2022 au 5 mai 2023 et au 5 mai 2024, soit à deux ans, de même que pour les échéances suivantes, sur le fondement de l'article 5 I de l'ordonnance n°2020-596 du 20 mai 2020.
Par jugement du 27 avril 2022, le tribunal de commerce d'Avignon a :
-Dit que la SELARL [X] & [C], ès qualités, a déposé sa requête tardivement et a rejeté, en conséquence, celle-ci
-Laissé à la charge du Groupe NPA SARL les entiers dépens de l'instance.
Le 5 mai 2022, la SARL Groupe NPA et la SCI Ana ont interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en toutes ses dispositions.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique, les appelantes demandent à la cour, au visa de l'article L. 626-26 du code de commerce, de l'article 5 de l'ordonnance n°2020-596 du 20 mai 2020 et de l'article 1343-5 du code civil, de :
-Infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions
-Dire que la modification sollicitée entre dans les dispositions d'urgence pour faire face à l'épidémie de la Covid-19
-Autoriser la modification du plan de sauvegarde
-Prolonger la durée du plan de deux ans
-Ordonner la modification du plan de sauvegarde de la société Groupe NPA et de la SCI Ana
-Reporter les échéances du 5 mai 2021 et du 5 mai 2022 au 5 mai 2023 et au 5 mai 2024, soit deux ans, et ainsi de suite, de sorte que les dividendes soient réglés de manière suivante :
Echéances
Au
27/05/2021 gelée
Au
27/05/2022
gelée
Au
27/05/2023
Au
27/05/2024
Au
27/05/2025
%
0
0
10
10
15
CUMUL %
32.5
32.5
42.5
52.5
67.5
K.€
0
0
109
109
163
-Dire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêts à un taux réduit égal aux taux légal
-Dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure.
Les appelantes font grief aux premiers juges d'avoir fait une mauvaise application de la loi aux faits de l'espèce, en considérant que le délai qui va jusqu'au 31 décembre 2021 était rattaché à la décision du tribunal et, qu'en conséquence, il ne pouvait être retenu la date du dépôt de la requête pourtant enrôlée dans ce délai.
Au soutien de leurs prétentions, les appelantes font valoir :
-que l'allongement sur décision judiciaire de la durée du plan, prévue par l'article 5 de l'ordonnance n°2020-596 du 20 mai 2020, initialement pour durer jusqu'au 31 décembre 2020, a été prorogé jusqu'au 31 décembre 2021 inclus par l'article 124 de la loi ASAP n° 2020-1525 du 7 décembre 2020
-qu'au visa de ces dispositions, la requête du commissaire à l'exécution du plan a été déposée avant le 31 décembre 2021 de sorte qu'elle est recevable
-que la lecture des dites dispositions permet de dire que celles-ci sont applicables jusqu'au 31 décembre 2021 inclus, sans que ne soit fixée de date de limite de prononcé de jugement à cette date
-qu'en outre, les dispositions transitoires sont applicables aux instances en cours et pendantes avant la date du 31 décembre 2021
-qu'interpréter autrement lesdites dispositions serait contraire aux dispositions d'ordre public
-que c'était la position du commissaire à l'exécution du plan.
L'affaire a été communiquée au ministère public qui a conclu le11 octobre 2022 à la confirmation par la cour de la décision entreprise, au vu des motifs pertinents des premiers juges, sur l'application des dispositions de l'article 5 de l'ordonnance 2020-596 du 20 mai 2020, la décision du tribunal en matière de modification du plan ayant dû intervenir avant le 31 décembre 2021.
MOTIFS
1) Sur la recevabilité de la demande de prolongation de la durée du plan
Aux termes de l'article 5- I de l'ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles aux conséquences de l'épidémie de covid-19, sur requête du ministère public ou du commissaire à l'exécution du plan, le tribunal peut prolonger la durée du plan arrêté en application des dispositions de l'article L. 626-12 ou de l'article L. 631-19 du code de commerce pour une durée maximale de deux ans, s'ajoutant, le cas échéant, à la ou aux prolongations prévues au III de l'article 1 et au II de l'article 2 de l'ordonnance du 27 mars 2020 susvisée.
L'article 10- III précise que les dispositions des articles 2, 4, 5 à l'exception de celles du IV, 7 et 8 de la présente ordonnance sont applicables aux procédures en cours.
L'article 10-I de l'ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 prévoyait que les dispositions de l'article 5, à l'exception de celles du IV, étaient applicables jusqu'au 31 décembre 2020 inclus. Toutefois, l'article 124 de la loi ASAP n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 a étendu les dispositions des articles 1er à 6 de l'ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 jusqu'au 31 décembre 2021 inclus.
En application de l'article 53 du code de procédure civile, l'instance s'ouvre par la saisine de la juridiction appelée à trancher le point litigieux qui lui est soumis.
Une importance toute particulière est accordée par le législateur à la demande en justice, l'article 2241 du code civil prévoyant qu'elle interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion, y compris lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure.
La recevabilité d'une action en justice s'apprécie au regard du délai dans lequel elle a été introduite et donc de la date de la saisine de la juridiction. A défaut de précision suffisante des dispositions de l'ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020, il n'est pas démontré que le pouvoir réglementaire ait entendu expressément déroger à ce principe, pendant la période d'état d'urgence sanitaire.
De plus, soumettre la recevabilité de la demande de prolongation de plan, fondée sur l'article 5 I de l'ordonnance 2020-596 du 20 mai 2020, au prononcé d'une décision de justice intervenant avant le 31 décembre 2021, reviendrait à faire dépendre le succès de l'action du justiciable de la capacité matérielle de la juridiction dont il relève, de traiter son dossier dans le délai imparti. Cette solution conduirait inévitablement à des chances inégales d'obtenir gain de cause, sur le territoire français, en fonction de la fréquence des audiences de la juridiction en question. De plus, le justiciable serait privé du double degré de juridiction dans l'hypothèse où il se trouverait confronté à une décision de rejet de sa demande, rendue sans que la cour d'appel ne soit en mesure d'examiner son recours, pendant le délai d'application de l'article 5 I de l'ordonnance 2020-596 du 20 mai 2020.
Par conséquence, la demande de prolongation du plan des SARL Groupe NPA et SCI Ana, qui a été présentée par le commissaire à l'exécution du plan, avant le 31 décembre 2021, est recevable.
2) sur le bien fondé de la demande de prolongation de la durée du plan
Après avoir obtenu le report de l'échéance exigible le 27 mai 2017, les SARL Groupe NPA et SCI Ana ont réglé les trois échéances suivantes exigibles les 27 mai 2018, 2019 et 2020, outre celle antérieure du 27 mai 2016.
En l'espèce, le bilan de l'exercice clos le 30 juin 2020 de la SARL Groupe NPA fait apparaître un résultat d'exploitation de 3 883 euros, en baisse de 31,47% par rapport à celui de l'exercice précédant clos le 30 juin 2019 qui était de 5 666 euros.
Les appelantes justifient donc être dans l'incapacité de faire face au règlement de l'échéance du plan du 27 mai 2021 en raison d'une baisse d'activité liée à la crise sanitaire.
En revanche, le bilan de l'exercice clos le 30 juin 2021 fait apparaître un résultat d'exploitation de 23 832 euros, en hausse de 513,75 % par rapport à celui clos le 30 juin 2020 et de 320,61 % par rapport à celui clos le 30 juin 2019.
Dès lors, l'impossibilité de régler l'échéance du plan du 27 mai 2022 n'est pas avérée.
Par conséquent, il ne sera fait droit que partiellement, dans la limite d'une année, à la demande de prolongation de plan de sauvegarde.
3) Sur les frais du procès
La modification de plan a été sollicitée dans l'intérêt exclusif de la SARL Groupe NPA et de la SCI Ana qui supporteront les dépens de l'instance d'appel, employés en frais privilégiés de sauvegarde.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a laissé à la charge de la SARL Groupe NPA les dépens de la première instance
Statuant à nouveau,
Déclare recevable et partiellement fondée la demande de prolongation de plan de sauvegarde
Prolonge la durée du plan d'une année, comme se terminant le 27 mai 2026
Dit que l'échéance du 27 mai 2021 sera reportée au 27 mai 2022, et que chacune des échéances postérieures à celle du 27 mai 2021 sera également décalée d'une année
Y ajoutant
Condamne la SARL Groupe NPA et la SCI Ana aux dépens d'appel
Dit qu'ils seront employés en frais privilégiés de sauvegarde.
Dit qu'une copie de la présente décision sera adressée à, au directeur départemental des Finances Publiques du Vaucluse, conformément aux dispositions de l'article R..621-7 3°du code de commerce,
Dit qu'une copie de la présente décision sera transmise dans les huit jours de son prononcé au greffier du tribunal pour l'accomplissement des mesures de publicité prévues à l'article R.621-8 du code du commerce.
Arrêt signé par Mme Christine CODOL, Présidente de chambre, et par Mr Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE