RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°1301
N° RG 19/03925 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HQO3
YRD/ID
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES
27 septembre 2019
RG:16/00865
[K]
C/
S.A.S. FRAMATOME
Grosse délivrée
le
à
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NIMES en date du 27 Septembre 2019, N°16/00865
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président,
Madame Leila DAFRE, Vice-présidente placée,
M. Michel SORIANO, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 28 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 29 Novembre 2022.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANT :
Monsieur [M] [K]
né le 18 Avril 1975 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Assisté de Me Eve SOULIER de la SELARL EVE SOULIER-JEROME PRIVAT-THOMAS AUTRIC, avocat au barreau D'AVIGNON
INTIMÉE :
SAS FRAMATOME venant aux droits de la société AREVA NP,
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Guilhem NOGAREDE de la SELARL GN AVOCATS, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Juliana KOVAC de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
Représentée par Me Johanna WEBERT, avocat au barreau de PARIS
Ordonnance de clôture du 13 Septembre 2022, révoquée sur le siège sur demande conjointe des parties et clôturée à nouveau au jour de l'audience avant l'ouverture des débats,
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 29 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
M. [M] [K] a été engagé à compter du 1er juillet 2007 en qualité d'ingénieur-cadre par la société Areva.
La société Areva a mis en place un plan de départ volontaire consécutif au projet de réorganisation de la société, suite à des difficultés économiques.
M. [M] [K] a déposé un dossier dans le cadre du départ volontaire, le 15 avril 2016.
M. [M] [K] s'est vu opposer un refus, le 27 avril 2016, en raison de l'application de critères de départage en sa défaveur.
M. [M] [K] a saisi le conseil de prud'hommes aux fins de voir condamner son employeur au paiement de dommages et intérêts.
Le conseil de prud'hommes, par jugement contradictoire du 27 septembre 2019, a :
- Débouté M. [M] [K] de l'ensemble de ses demandes,
-Condamné M. [M] [K] à payer la somme de 700 euros à titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-Débouté les parties des autres demandes.
-Condamné M. [M] [K] aux dépens,
Par acte du 11 octobre 2019, M. [M] [K] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 7 janvier 2020, M. [M] [K] demande à la cour de :
- Recevoir l'appel de M. [M] [K],
- Le dire bien fondé en la forme et au fond,
En conséquence,
- Réformer le jugement rendu en ce qu'il déboutait M. [K] de ses demandes,
En conséquence,
- Dire et juger que l'employeur a méconnu les dispositions applicables dans le cadre du plan de départ volontaire
En conséquence,
- Condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :
- 94 000 euros à titre de dommages et intérêts liés à la perte subie en lien
avec la non attribution du plan de départ
- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral consécutif
- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamner l'employeur aux entiers dépens
Il soutient que l'employeur a fait une application erronée du plan de départ volontaire en ce qu'il devait se voir attribuer le poste demandé en mobilité externe par préférence à une mobilité intervenue par le départ d'un salarié de niveau 2.
En l'état de ses dernières écritures en date du 27 mars 2020, la SAS Framatome, venue aux droits d'Areva, a sollicité :
A titre principal,
- Confirmer le jugement du 27 septembre 2019 du conseil de prud'hommes de Nîmes
dans toutes ses dispositions ;
- Débouter, en conséquence, M. [K] de l'ensemble de ses demandes ;
A titre subsidiaire,
- Condamner M. [K] à rembourser à Framatome, à titre reconventionnel, le montant net de la prime de mobilité (13.192,29 euros bruts) augmenté des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2016 ;
- Réduire à de plus justes proportions les dommages et intérêts sollicités par M. [K] ;
En tout état de cause,
- Condamner M. [K] à payer les dépens ainsi qu'à verser à Framatome 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle considère avoir fait une exacte application des dispositions du plan de départ volontaire qui privilégiait les mobilités internes plus sécurisées.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 26 avril 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 13 septembre 2022.
MOTIFS
Confronté à des difficultés économiques, le groupe Areva a entrepris une restructuration et six sociétés du groupe Areva, dont Areva NP, ont engagé la négociation d'un accord de groupe pour définir le cadre de référence des éventuels plans de sauvegarde de l'emploi que ces sociétés seraient contraintes de mettre en 'uvre.
L'accord conclu le 19 octobre 2015 définit un socle commun de mesures sociales d'accompagnement qui doivent être mises en 'uvre au sein des sociétés comprises dans son champ d'application dès lors que celles-ci seraient amenées à supprimer des emplois d'ici octobre 2017 sur la base d'un plan de départ volontaire.
Suite aux procédures d'information et de consultation de leurs instances représentatives du personnel au titre d'un projet de réorganisation et d'un projet de plan de départ volontaire, chaque société a conclu, avec ses organisations syndicales représentatives, un accord majoritaire définissant le contenu de son plan de départ volontaire en application des articles L. 1233-24-1 et suivants du code de travail et validés par la Direccte compétente le 25 mars 2016.
Ces plans de départ volontaire reposent sur cinq types de dispositifs de départ :
- la mobilité volontaire interne au sein du groupe Areva ;
- le départ volontaire dans le cadre d'une mobilité externe ;
- le départ volontaire à la retraite ;
- le dispositif Engagement Solidaire Senior ;
- la mobilité au sein de la filière nucléaire.
Un accord majoritaire sur le contenu du Plan de départ volontaire était conclu le 7 mars 2016, validé par la Direccte.
Le 15 avril 2016, M. [K] a déposé sa candidature pour un « départ volontaire dans le cadre d'une mobilité externe » dans le cadre du Plan afin de rejoindre la société De Viris.
Un consultant de l'Espace Emploi a rendu un avis favorable sur ce projet. Il était toutefois rappelé que cette candidature allait « être examinée par la Direction au regard des critères d'éligibilité prévues par le Plan et de la faisabilité du projet et que cette candidature ne vaut pas validation du départ »
En effet, le nombre de places attribuées en exécution de ce plan ne pouvait excéder le nombre d'agents, par catégorie, dont le départ était envisagé.
C'est ainsi que M. [K] s'est trouvé en concurrence sur un poste ouvert en mobilité externe pour sa catégorie avec M. [N] pour un départ en mobilité interne (dont le repositionnement avait été permis par une mesure d'âge dans la catégorie « Responsable installation générale »).
C'est la candidature pour une mobilité interne de M. [N] qui a été validée au motif que la mobilité interne qui n'entraîne pas de rupture du contrat de travail était plus sécurisante pour le salarié que la mobilité externe qui elle entraînait la rupture du contrat de travail.
Le 27 avril 2016, Areva NP a notifié ce refus à M. [K] en ces termes : « le nombre de candidats était supérieur au nombre résiduel de postes occupés supprimés ou modifiés au sein de la catégorie professionnelle à laquelle vous appartenez et votre candidature n'était pas prioritaire au regard des critères de départage prévus par le Plan »
C'est la décision contestée.
Par la suite, la candidature de M. [K] pour intégrer le Commissariat à l'énergie atomique était validée, ce dernier intégrant cet organisme dans le cadre d'« une mobilité au sein de la filière nucléaire » mais estime que cette affectation était moins intéressante que celle convoitée au sein de la société De Viris.
M. [K] discute les conditions d'application du plan de départ volontaire.
Le Plan prévoyait les conditions d'éligibilité suivantes :
- être titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée au sein d'Areva NP ;
- justifier une ancienneté groupe de deux ans révolus à la date de validation du Plan de départ volontaire ;
- faire acte formellement de candidature auprès de la Direction pendant la période autorisée de manifestation du volontariat après la date de validation du Plan, chaque candidature faisant l'objet d'un accusé de réception comprenant des références chronologiques du dépôt ;
- appartenir à une catégorie professionnelle concernée par des objectifs de suppression de poste (éligibilité de niveau 1) ou permettre, par son départ, le repositionnement d'un salarié éligible par « substitution » (éligibilité de niveau 2) ;
- ne pas être engagé dans un dispositif de fin de carrière ou de rupture du contrat de travail ;
- présenter les justificatifs.
Plus spécifiquement sur la définition des bénéficiaires de niveau 1 et de niveau 2 :
- les bénéficiaires de niveau 1 correspondent à des salariés qui relevaient d'une catégorie professionnelle concernée par des objectifs de suppression de poste ;
- les bénéficiaires de niveau 2 correspondent à des salariés qui ne relevaient pas ou plus d'une telle catégorie, mais dont le départ permettait le repositionnement d'un salarié occupant un poste susceptible d'être supprimé. Il s'agit du principe de « substitution »
A l'intérieur d'une même catégorie professionnelle, il n'était pas possible d'avoir à la fois des bénéficiaires de niveau 1 et des bénéficiaires de niveau 2. Les salariés sont tous bénéficiaires soit de niveau 1 soit de niveau 2 et viennent éventuellement en concurrence sur les choix de destination.
Si le nombre de volontaires dans une même catégorie professionnelle remplissant les conditions prévues par le Plan était supérieur au nombre de postes supprimés ou modifiés, les candidatures étaient alors départagées selon les critères prévus dans le Plan.
Ces conditions ne sont pas discutées par les parties et M. [K] répondait aux conditions d'éligibilité.
La discussion porte sur les critères d'attribution.
L'article 19 du plan énonce que « si le nombre de volontaires remplissant les conditions requises par le Plan était supérieur au nombre de postes occupés supprimés ou modifiés au sein d'une catégorie professionnelle de l'établissement, un départage serait appliqué en donnant la priorité aux projets les plus sécurisés présentés lors de cette séquence...»
Le plan poursuivait :
« Seront considérés comme étant du plus au moins sécurisé :
- départ volontaire à la retraite (y compris les candidatures au départ volontaire à la retraite dans le cadre de la permutabilité définie à l'article 16.3 du Plan) ;
- départ volontaire en DESS (y compris les candidatures au départ en DESS dans le cadre de la permutabilité définie à l'article 16.3 du Plan) ;
- mobilité volontaire au sein de la filière nucléaire dans le cadre d'une mutation concertée ;
- départ volontaire pour un Emploi Salarié dans le cadre d'un CDI ou CDD / contrat de travail temporaire d'au-moins 6 mois pouvant déboucher sur un CDI ;
- départ volontaire pour Création ou reprise d'entreprise ;
- départ volontaire pour un projet professionnel validé d'emploi ;
- départ volontaire pour une Formation de reconversion ou de longue durée ».
La SAS Framatome considère que ce texte ne vise que les départs externes à l'exclusion des départs internes lesquels ne présentent aucune insécurité.
L'accord majoritaire du 7 mars 2016 sur le Plan de départ volontaire précisait « Afin de limiter l'impact social du Plan et permettre, autant que possible, le maintien au sein du groupe AREVA des salariés, la Société entend favoriser la mobilité volontaire interne sur les postes vacants, les postes créés aux termes de l'organisation cible envisagée ou sur les postes qui pourraient être libérés du fait du départ volontaire de salariés bénéficiaires de niveau 2, en mettant en place un dispositif particulier d'accompagnement à la mobilité volontaire interne, destiné à renforcer les chances de succès du repositionnement interne »
La Communication du CE du 17 novembre 2015 expliquait « La priorité à la mobilité interne permet :
- au salarié concerné de :
o Continuer sa carrière au sein du groupe tout en développant de nouvelles compétences dans un environnement différent,
o Bénéficier d'un accompagnement de carrière renforcé par les espaces « Initiatives Emploi/Mobilité »,
o Bénéficier de mesures spécifiques identiques au sein des six Sociétés concernées par le [Plan de départ volontaire],
o Considérer sa mobilité dans le cadre d'une mutation concertée reposant exclusivement sur du volontariat.
- à Areva de :
o Préserver et capitaliser les compétences,
o Renforcer les mobilités internes vers les entités du groupe ayant des besoins en compétences,
o Privilégier la mobilité interne au recrutement externe »
La SAS Framatome rappelle que M. [K] a déposé sa candidature pour un « départ volontaire dans le cadre d'une mobilité externe », ce qui était moins sécurisé qu'une mobilité interne.
M. [K] ne peut soutenir que M. [N] était un bénéficiaire de niveau 2 qui ne pouvait donc venir en concurrence avec lui alors que M. [L], négociateur pour le compte de la CGT AREVA des mesures d'accompagnement mises en 'uvre dans le cadre du Plan de départ Volontaire atteste que «... le salarié de niveau 1 en repositionnement interne ne bénéficie d'aucun bénéfice effectif des dispositifs décrits dans le plan et son repositionnement par mutation interne», reconnaissant ainsi à M. [N] le niveau 1 défini ainsi « Occuper un poste relevant d'une catégorie professionnelle concernée, au périmètre d'un établissement, par des objectifs de suppressions de poste occupé au sein de la Société». M. [N] en sa qualité d'« ingénieur installation générale » au même titre que M. [K] occupait un poste d'une catégorie professionnelle concernée par un objectif de suppression de poste. Du reste, M. [K] n'explique pas la raison pour laquelle M. [N] relèverait d'un niveau 2.
M. [K] soutient que selon la SAS Framatome, la candidature au départ de M. [N] pour un départ en mobilité interne aurait été permise par une mesure d'âge dans la catégorie responsable installation générale ' catégorie 2. Il en déduit que le repositionnement permis par le départ de niveau II n'est pas un repositionnement prioritaire puisqu'en amont, devaient être validées les demandes de départ de la catégorie I. Il considère que M. [N] n'a pas profité des bénéfices effectifs du plan de départ puisqu'il est toujours dans la société et que celui qui en a profité est le candidat de niveau II.
Pour autant les deux candidats qui se présentaient pour occuper ce poste étaient tous deux de niveau 1. Les critères de départage à appliquer étant ceux donnant la priorité aux projets les plus sécurisés.
Or, les projets les plus sécurisés étaient assurément ceux permettant une mobilité interne sans rupture du contrat de travail comme celui présenté par M. [N].
La société Framatome rappelle justement que la mobilité interne est permise par le Plan sur l'ensemble des postes disponibles au sein de la société ou du groupe, et notamment, sur ceux rendus disponibles du fait du départ volontaire de bénéficiaires de niveau 2, ce qui a été le cas en l'espèce, M. [N] ayant demandé à bénéficier d'une mobilité interne sur le poste libéré par un salarié, bénéficiaire de niveau 2 dans une autre catégorie professionnelle, qui a souhaité partir à la retraite.
Aussi est-ce à bon droit qu'entre un départ externe et une mobilité interne, la société a validé cette dernière conformément aux règles de priorité fixées dans le Plan ; une mobilité interne (sans rupture du contrat de travail) étant plus sécurisée qu'un départ externe (avec rupture du contrat de travail).
Au demeurant la Commission paritaire de suivi, composée de représentants de la Direction, mais aussi de représentants du personnel et de représentants des organisations syndicales ainsi que d'un membre de l'Espace Emploi, a confirmé la décision du Comité de validation.
Il convient tant pour les motifs qui précèdent que ceux non contraires des premiers juges de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en l'espèce.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
- Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
- Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne M. [K] aux dépens d'appel.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,