RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°1298
N° RG 19/03915 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HQN5
YRD/ID
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON
10 septembre 2019 RG :F18/00309
[P]
C/
S.A.R.L. INSTITUT DE FORMATION EN OSTEOPATHIE DU GRAND AVIG NON - [5]
Grosse délivrée
le
à
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVIGNON en date du 10 Septembre 2019, N°F18/00309
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Leila DAFRE, Vice-présidente placée
M. Michel SORIANO, Conseiller
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 28 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 29 Novembre 2022.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANT :
Monsieur [L] [P]
né le 04 Janvier 1979 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me Skander DARRAGI de la SELAS FIDAL, avocat au barreau D'AVIGNON
INTIMÉE :
SARL INSTITUT DE FORMATION EN OSTEOPATHIE DU GRAND AVIG NON - [5]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par Me Delphine CO de la SELARL SELARL MANENTI & CO, avocat au barreau de MARSEILLE
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 13 Septembre 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 29 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
M. [L] [P] a été engagé à compter de septembre 2008 à mars 2013 en qualité d'enseignant libéral pour des cours d'anatomie et de radiologie par la SARL Institut de formation en ostéopathie du grand [Localité 3] ([5]).
M. [L] [P] a mis un terme à sa relation professionnelle avec l'Institut de formation en ostéopathie du grand [Localité 3] le 8 mars 2013.
M. [L] [P] a saisi le conseil de prud'hommes en demande de requalification de sa collaboration libérale avec l'Institut de formation en ostéopathie du grand [Localité 3] en un contrat de travail.
Le conseil de prud'hommes, par jugement contradictoire du 10 septembre 2019, a :
- dit que la relation entre M. [L] [P] et la société [5] ne peut pas être requalifiée en contrat de travail.
- débouté M. [L] [P] de l'integralité de ses demandes.
- condamné M. [L] [P] au paiement de la somme de 500 euros a la societé [5] au titre de l'article 32-l du code de procédure civile
- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire.
- débouté l'employeur du surplus de ses demandes.
- condamné M. [L] [P] aux entiers dépens.
Par acte du 10 octobre 2019, M. [L] [P] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 2 juillet 2020, M. [L] [P] demande à la cour de :
- Le déclarant recevable et bien fondé,
Y faisant droit,
- Dire n'y avoir lieu à péremption d'instance,
- Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
- Dit que la relation entre Monsieur [L] [P] et la Société [5] ne peut être requalifiée en contrat de travail,
- Débouté Monsieur [L] [P] de l'intégralité de ses demandes,
- Condamné Monsieur [L] [P] au paiement de la somme de 500 euros à la société [5] au titre de l'article 32-1 du Code de procédure civile,
- Condamné Monsieur [L] [P] aux entiers dépens.
Statuant à nouveau,
- Dire et juger la relation contractuelle ayant lié Monsieur [L] [P] à la société [5] en un contrat de travail.
En conséquence :
- Fixer le salaire mensuel brut à 1 970 euros
- Condamner la société [5] au paiement des sommes suivantes :
- 22 391, 68 euros au titre de rappel de salaire conventionnel
- 2 239, 16 euros au titre des congés payés y afférents
- 11 820 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé
- 11 820 euros à titre de dommages et intérêts
- 3 940 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (1 970 euros x 2 mois)
- 394 euros au titre des congés payés y afférents
- 1 707, 33 euros au titre de l'indemnité de licenciement.
- Ordonner la délivrance sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, des bulletins de salaire et documents légaux dûment rectifiés
- Condamner la société [5] aux entiers dépens
- Débouter la Sarl Institut de Formation en osteopathie du grand [Localité 3] - [5], de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires et de tout appel incident, à savoir :
«A titre liminaire
- constater la péremption de 1ère instance
- rejeter toutes les demandes de M. [P]
I. A titre principal :
- confirmer le jugement intervenu en ce qu'il a débouté M. [P] de sa demande de requalification des relations contractuelles en contrat de travail
- dire et juger que M. [P] ne rapporte pas d'élément utile à renverser la présomption de non-salariat édictée par l'article L.8221-6 du code du travail ;
En conséquence
- dire et juger que la relation entre M. [P] et la société [5] ne peut pas être requalifiée en contrat de travail ;
- Et en conséquence débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes,
fins et prétentions.
II. A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la relation venait à être requalifiée en contrat de travail :
- constater que la durée du travail de M. [P] est à temps partiel
- constater que M. [P] n'occupait pas un poste de classification niveau 9 mais niveau 4 et qu'en tout état de cause, la totalité de ses heures de travail ont été rémunérées.
- débouter M. [P] de ses demandes de paiement de salaire et congés payés y afférents.
- constater que l'élément intentionnel de la dissimulation d'emploi n'est pas constitué.
- dire et juger que le délit de travail dissimulé n'est pas constitué.
- débouter M. [P] de ses demandes indemnitaires au titre du travail dissimulé
- constater que M. [P] a démissionné sans préavis
- condamner M. [P] au paiement de 2.340,64 euros au titre de l'indemnité de préavis non effectué.
III. En tout état de cause et à titre reconventionnel
- condamner M. [P] au paiement de la somme de 3.000 euros à l'institut [5] au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile .
- Condamner M. [P] sur le fondement de l'art 700 du code de procédure civile à régler à la société [5] la somme de 5.000 euros ainsi qu'aux entiers dépens. »
- Condamner la SARL Institut de formation en osteopathie du grand [Localité 3] - [5], à payer à M. [L] [P] , la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile , ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.
Il soutient avoir été lié par un contrat de travail avec l'intimée se caractérisant par une subordination juridique en raison de l'absence d'autonomie et en raison des contraintes diverses qui lui étaient imposées, n'étant pas libre de fixer sa rémunération, ses heures et lieux d'intervention.
En l'état de ses dernières écritures en date du 17 avril 2020 contenant appel incident la SARL Institut de formation en ostéopathie du grand [Localité 3] ([5]) a sollicité :
A titre liminaire
- constater la péremption de 1ère instance
- rejeter toutes les demandes de M. [P]
I. A titre principal :
- confirmer le jugement intervenu en ce qu'il a débouté M. [P] de sa demande de requalification des relations contractuelles en contrat de travail
- dire et juger que M. [P] ne rapporte pas d'élément utile à renverser la présomption de non-salariat édictée par l'article L.8221-6 du code du travail ;
En conséquence
- dire et juger que la relation entre M. [P] et la société [5] ne peut pas être requalifiée en contrat de travail ;
- Et en conséquence débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes,
fins et prétentions.
II. A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la relation venait à être requalifiée en contrat de travail :
- constater que la durée du travail de M. [P] est à temps partiel
- constater que M. [P] n'occupait pas un poste de classification niveau 9 mais niveau 4 et qu'en tout état de cause, la totalité de ses heures de travail ont été rémunérées.
- débouter M. [P] de ses demandes de paiement de salaire et congés payés y afférents.
- constater que l'élément intentionnel de la dissimulation d'emploi n'est pas constitué.
- dire et juger que le délit de travail dissimulé n'est pas constitué.
- débouter M. [P] de ses demandes indemnitaires au titre du travail dissimulé
- constater que M. [P] a démissionné sans préavis
- condamner M. [P] au paiement de 2.340,64 euros au titre de l'indemnité de préavis non effectué.
III. En tout état de cause et à titre reconventionnel
- condamner M. [P] au paiement de la somme de 3.000 euros à l'institut [5] au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile .
- Condamner M. [P] sur le fondement de l'art 700 du code de procédure civile à régler à la société [5] la somme de 5.000 euros ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle fait valoir que M. [P] est intervenu en qualité d'intervenant extérieur, s'agissant d'un professionnel déjà immatriculé pour son activité, qu'il était libre de choisir ses plages d'intervention, que les honoraires étaient préalablement discutés, qu'elle n'exerçait aucun pouvoir disciplinaire, que si elle a par la suite exigé des intervenants la signature d'un contrat de travail c'était pour éviter d'être à nouveau confrontée à un départ sans préavis comme l'a fait M. [P].
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 26 avril 2022 , le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 13 septembre 2022.
MOTIFS
Sur la péremption d'instance
L'article R.1452-8 du code du travail, abrogé par le décret 2016-660 du 20 mai 2016 mais seulement pour les instances introduites après le 1er août 2016, applicable en l'espèce, disposait : « En matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction. »
Il n'est pas soutenu que des diligences particulières aient été expressément mises à la charge des parties en l'espèce et rien de tel n'apparaît à la consultation du dossier.
M. [P] observe par ailleurs que suite à la radiation prononcée le 22 septembre 2015, il avait deux ans pour réinscrire l'affaire au rang des affaires en cours en produisant ses écritures ce qu'il a fait le 07 juillet 2017, dans le délai qui lui était imparti, en prenant de nouvelles conclusions.
Une nouvelle radiation a été prononcée 12 juin 2018, et M. [P] a procédé au réenrôlement de l'affaire le 12 juillet 2018 en respectant les termes de la décision du 12 juin 2018, interrompant ainsi le délai de péremption.
Aucune péremption n'est donc intervenue.
Sur l'existence d'un contrat de travail
L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait, dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements et l'intégration dans un service organisé constitue un indice du lien de subordination lorsque les conditions de travail sont unilatéralement déterminées par le cocontractant.
Selon l'article L8221-6 du code du travail : «-Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :
1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales ;
(...)
II.-L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci...»
Il appartient à M. [P] qui était immatriculé en qualité d'ostéopathe libéral de démontrer qu'il se trouvait soumis à un lien de subordination juridique vis-à-vis de la SARL Institut de formation en ostéopathie du grand [Localité 3]
M. [P] soutient que :
- il exécutait ses prestations dans les locaux de l'Institut et au bénéfice des étudiants de l'école de formation ;
- il ne décidait pas du planning de ses interventions ;
- il n'avait pas, sur ces horaires, la possibilité de s'occuper de personnes extérieures à l'Institut et ne pouvait donc pas développer sa clientèle personnelle ;
- il a ainsi intégré un service structuré où il devait se conformer à un programme précis que la société [5] était contrainte de respecter et faire respecter afin de pouvoir continuer à bénéficier de l'agrément nécessaire aux établissements pour dispenser une formation en ostéopathie ;
- il ne conservait son indépendance qu'au niveau de sa technique et n'avait pas la liberté de fixer ses honoraires.
Il ajoute que l'existence d'un lien de subordination a été reconnue par Mme [N] [T] au cours d'une réunion d'enseignants le jeudi 14 mars 2013, que l'Institut lui a imposé la tarification de ses prestations à 350 euros TTC par journée, les factures émises portant toutes ce montant (sauf périodes d'examen), il ne pouvait donc facturer selon ses propres tarifs. La SARL Institut de formation en ostéopathie du grand [Localité 3] soutient sans le démontrer que ces tarifs sont issus de négociations.
Il indique qu'il devait se plier aux exigences de l'Institut concernant les horaires de travail et ne pouvait imposer ses choix de planning. Il démontre que ceux-ci pouvaient être unilatéralement modifiés sans que ses contraintes professionnelles soient prises en considération. Il précise que les dates et lieux de réunions étaient également fixés unilatéralement par l'Institut. La SARL Institut de formation en ostéopathie du grand [Localité 3] verse des attestations d'enseignants tendant à démontrer qu'ils étaient libres du choix de leurs interventions et que M. [P] émettait ses préférences. Il n'en demeure pas moins que les enseignants devaient intégrer leurs interventions dans les créneaux offerts par la SARL Institut de formation en ostéopathie du grand [Localité 3]
Il produit des documents confirmant le caractère impératif des consignes et orientations données. Ainsi, à titre d'exemple, le 30 avril 2013, lui est notifiée une convocation pour la soutenance d'un mémoire, en ces termes : « En tant que Tuteur de Mémoire, vous êtes de fait membre du Jury lors de la soutenance des étudiants que vous avez accompagnées. Vous aurez ainsi voix lors de la délibération pour une éventuelle attribution de mention.
Vous êtes donc convoqué le samedi 15 juin 2013 à 9h pour la soutenance de M. [F] [X] » ou le 27 août 2009 était adressée aux « enseignants » une « convocation à la réunion du vendredi 18 septembre 2009 » pour « une journée de travail de 9h à 17h30 » pour laquelle il compte « sur la présence de tous ».
Il démontre qu'il devait respecter un programme de formation bien déterminé et remplir une fiche d'évaluation individuelle préparée par l'Institut, qu'il devait également établir et remettre à l'Institut des sujets d'examens selon le programme prédéfini par [5], ce dernier l'informait des dates d'examens, des rattrapages et des affichages des résultats, il devait remettre au plus tôt un sujet d'examen d'une heure ainsi que les corrections, il devait également remettre des sujets de rattrapage.
Il expose également que l'Institut lui imposait la mise en place et le suivi d'un contrôle continu selon des règles spécifiques établies par l'Institut de formation qui imposait régulièrement la remise de sujets d'évaluation, qu'il devait également être membre du jury de soutenance des mémoires avec des directives imposées par [5] à respecter comme ne pas « influencer, diriger ou interrompre la consultation » sauf en cas de danger pour le patient, de « noter la prestation de l'étudiant après la discussion et la justification de la consultation » disposant pour cela « d'une grille de correction permettant d'évaluer chaque temps de la consultation »
M. [P] démontre par ailleurs qu'il s'est vu attribuer une adresse e-mail dédiée de l'[5], et imposé l'utilisation de « Moodle », le logiciel professionnel de l'école, pour lequel l'Institut l'a formé, qu'il a dû s'inscrire pour suivre un D.U. de Science de l'Education organisé dans les locaux de l'Institut et financé par ce dernier, de même pour la formation continue.
Concernant le pouvoir disciplinaire dont les enseignants seraint l'objet de la part de l'Institut, M. [P] produit les attestations de :
- Mme [G] [V] : « ... le 5 février 2013 à 19 heures au restaurant « LE LYS » [Adresse 6], s'est tenu un dîner informel réunissant des personnes enseignant à [5], école d'Ostéopathie d'[Localité 3], dîner auquel n'étaient pas conviés le corps directeur d'[5]. Cependant la gérante et le directeur pédagogique ont imposé leur présence en prétextant le droit d'interdire cette « réunion » ou de la diriger, alors qu'il n'était question que d'un dîner. Des pressions morales voire des menaces d'exclusion ont été effectuées sur certains participants » elle ajoute que suite à cette réunion, son cours du 11 février 2013 a été annulé par l'école, et qu'elle a été convoquée à un entretien le 25 février 2013 lequel a débouché sur « une rupture de contrat pour divergences pédagogiques et malveillance envers les élèves » ; ses journées de cours prévues ont été immédiatement annulées,
- M. [I] déclare : « J'atteste que le 5 février 2013 au restaurant « LE LYS » [Adresse 6], s'est tenue une réunion entre enseignants exerçant à [5], [Adresse 2] à laquelle n'était pas conviée la direction. Cependant à mon arrivée vers 19 h 15 à la réunion, j'ai constaté la présence d'[N] [T] (gérante d'[5]). Cette dernière a tenté de nous expliquer que la réunion était illégale et que nous devions l'informer de tout rassemblement en tant qu'enseignant d'[5] »,
- M. [D] confirme que : « Une réunion a été organisée par les enseignants à l'IFOGA afin de mieux se connaître et de partager notre expérience au sein de cet institut. Des réunions avaient été organisées précédemment par l'IFOGA afin de mieux donner les consignes professionnelles du moment pour le bon fonctionnement de l'établissement. Notre réunion était donc confraternelle et pas administrative.
Madame [T] s'y est présentée et a monopolisé l'attention des présents afin de nous avertir des retombées possiblement néfastes de cette réunion qu'elle percevait plus comme un complot qu'il fallait démonter et dont il fallait identifier les meneurs. Le ton de cet entretien inopportun n'était pas amical, plutôt lourd et menaçant. Monsieur [R] est ensuite arrivé, énervé et contrarié par l'existence de ce regroupement d'enseignants pacifiques et le ton est rapidement monté entre lui et Monsieur [P] qui revendiquait le droit de se réunir entre collègues, hors du cadre imposé par l'IFOGA. Cette scène s'est déroulée au restaurant LE LYS, le 5 février 2013 après 19 heures. »
M. [P] rappelle qu'au terme d'une jurisprudence, sont titulaires d'un contrat de travail les professeurs tenus d'assurer leurs cours selon les impératifs des plannings et les horaires fixés par la société, de recueillir les coupons délivrés aux élèves par la société lors de leur règlement et de vérifier la présence de ceux-ci.
Il relève qu'après son départ, la société [5] a cherché à régulariser la situation des intervenants extérieurs, par l'élaboration de CDD à compter du mois de septembre 2013.
Il observe que la seule véritable liberté dont il disposait concernait sa technique d'enseignement, ce qui n'est pas de nature à remettre en cause le lien de subordination à l'égard de l'employeur
Enfin, il précise que peu importe la part de revenus tirés de cette activité d'enseignement dans l'ensemble de ses revenus professionnels.
La SARL Institut de formation en ostéopathie du grand [Localité 3] après avoir rappelé que M. [P] bénéficie d'une présomption de non-salariat, indique que ce dernier exerçait en qualité d'intervenant extérieur comme les autres enseignants et précise que si elle a proposé à ses intervenants la conclusions d'un contrat de travail ce n'est pas à compter de la saisine de la juridiction prud'homale par M. [P], le 6 février 2014, ni même à compter de la demande de M. [P] pour solliciter la requalification de son contrat en septembre 2013, mais dès le 14 mars 2013, soit dès le départ de M. [P] et ce, afin de ne plus être confrontée à un départ brutal sans aucun préavis ce que lui ménageait la rédaction d'un contrat de travail.
La SARL Institut de formation en ostéopathie du grand [Localité 3] conteste l'existence d'une contrat de travail et fait valoir que :
- concernant la rémunération, celle-ci était fixée en concertation avec les intervenants ce que démontrent : l'établissement de factures, l'attestation de M. [I] qui avoue avoir obtenu une augmentation de sa rémunération après négociation, M. [P] présentait des factures d'un montant différent (mars 2009 : 3,5 jours à 400 euros soit 1400 euros et juin 2010 : deux demi-journées à 390 euros soit 780 euros) ce qui ne correspond pas à des tarifs uniformes, pour les examens il facturait soit par heure (25 euros de l'heure en janvier 2009, 45 ou 46,15 euros de l'heure en juin 2011), soit de manière forfaitaire pour la préparation d'examens et la correction de copies (850 euros en février 2013). Elle ajoute qu'elle ne demandait aucun compte sur les heures ainsi facturées. Ainsi, seuls les honoraires des heures de cours étaient préalablement fixés entre les parties.
- concernant les horaires et les plannings : l'intimée verse aux débats des attestations d'intervenants confirmant qu'ils choisissaient leurs dates et heures d'intervention en concertation avec les services pédagogiques. Sont versés par ailleurs plusieurs courriels de M. [P] dans lesquels il indique ses disponibilités pour assurer des cours et un courriel du 12 novembre 2012, par lequel il prévient la Direction qu'il ne pourra pas assurer le cours d'anatomie
pour «des raisons perso » sans plus d'explication.
Dans un courriel du 5 janvier 2012 il donnait ses instructions pour le déroulement des examens «Si je calcule bien ça fait 9 h d'examen. Donc commencer à 8h le matin pour avoir 1 h de pause 1e midi pour manger c'est bien ». Dans un courriel du 20 février 2012 M. [P] donnait ses instructions pour le déroulement des examens. L'établissement des planning conjointement avec l'institut résulte également d'un courriel du 21 septembre 2011, dans lequel M. [P] indiquait : «on a déjà vu tout le planning de l'année ensemble en août pendant une matinée».
Les plannings étaient publiés sur le site Aurion mais cette publication ne démontrait pas que ces plannings étaient unilatéralement fixés par l'employeur, ce qui au demeurant était impossible compte tenu du nombre de professions libérales qui intervenaient. Les quelques modifications de plannings notamment le report de cours après les vacances découlaient de circonstances justifiées.
Les intervenants attestent que les réunions ne présentaient aucun caractère obligatoire même si leur présence était hautement souhaitable.
La participation aux jurys s'inscrivait dans le processus pédagogique auquel M. [P] était associé. Aucune obligation ne lui a été faite d'y participer.
Les calendriers annuels étaient remis aux étudiants et ne présentaient aucun caractère contraignant pour les intervenants qui décidaient de leur date d'intervention.
Enfin, la SARL Institut de formation en ostéopathie du grand [Localité 3] observe que M. [P] a mis fin à la collaboration sans aucun préavis démontrant l'absence de toute contrainte.
- sur l'organisation des cours, la SARL Institut de formation en ostéopathie du grand [Localité 3] précise que M. [P] était libre du contenu de son enseignement ce qu'il ne conteste au demeurant pas. La circonstance que la SARL Institut de formation en ostéopathie du grand [Localité 3] mette à la disposition des enseignants des instruments pédagogiques ( grille de notation, l'outil Moodle, messagerie professionnelle avec comme nom du domaine celui de l'institut ) ne traduit pas une subordination juridique et les instructions d'ordre général données pour le déroulement des examens n'avaient d'autre objet que de soumettre les étudiants à des règles uniformes au sein de l'établissement.
- concernant le dîner du 5 février 2013, qui constitue au demeurant un événement isolé et unique, la SARL Institut de formation en ostéopathie du grand [Localité 3] produit des attestations de participants niant l'existence de menaces quelconques de la part de la direction. Du reste, les développements de M. [P] sur le déroulement de ce dîner ne peuvent en aucun cas établir l'existence d'une subordination juridique.
- concernant la dépendance économique, bien qu'il ne s'agisse pas là d'un critère essentiel de nature à caractériser l'existence d'un contrat de travail, il n'est pas discuté que M. [P] tirait une part essentielle de ses revenus de son activité professionnelle libérale ce qui résulte au demeurant des liasses fiscales produites.
- concernant l'exercice d'un pouvoir disciplinaire et sur le contrôle opéré par l'employeur sur l'activité de M. [P], il est incontournable que l'appelant ne produit aucun élément de nature à établir qu'il faisait l'objet d'un quelconque pouvoir disciplinaire, l'obligation de faire remplir par les étudiants des feuilles d'émargement n'ayant qu'une vocation de contrôle de la part de l'institut sur ces seuls étudiants.
Enfin, pour soutenir que la direction de l'institut aurait reconnu lors d'une réunion la qualité de salarié des intervenants, la SARL Institut de formation en ostéopathie du grand [Localité 3] relève que le document produit par l'appelant, intitulé «compte rendu de réunion IFOGA», n'est ni daté, ni signé et ne présente aucun garantie d'authenticité permettant de soutenir qu'il émane de l'institut.
Il résulte de tout ce qui précède que M. [P] échoue à établir l'existence d'un contrat de travail.
Il convient tant pour les motifs qui précèdent que ceux non contraires des premiers juges de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré.
Sur la procédure abusive
La SARL Institut de formation en ostéopathie du grand [Localité 3] sollicite le paiement de dommages et interêts pour procédure abusive. Or la mauvaise foi ne saurait découler du seul rejet des prétentions adverses. La réticence de M. [P] à produire les documents fiscaux ne concernait que l'étendue du préjudice allégué et non le fondement de son action. Il ne peut être non plus fait grief à l'appelant de n'avoir produit que des éléments venant au soutien de ses prétentions.
La demande est en voie de rejet.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner M. [P] à payer à la SARL Institut de formation en ostéopathie du grand [Localité 3] la somme de 3.000,00 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
- Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
- Déboute les parties de toutes autres demandes,
- Condamne M. [P] à payer à la SARL Institut de formation en ostéopathie du grand [Localité 3] la somme de 3.000,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne M. [P] aux dépens d'appel.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,