RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°1297
N° RG 19/03913 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HQNX
YRD/ID
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE NIMES
23 septembre 2019 RG :F17/00094
[D]
C/
S.A.R.L. ACC
Grosse délivrée
le
Ã
COUR D'APPEL DE NÃŽMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NIMES en date du 23 Septembre 2019, N°F17/00094
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Leila DAFRE, Vice-présidente placée
M. Michel SORIANO, Conseiller
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 28 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 29 Novembre 2022.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANT :
Monsieur [Z] [D]
né le 18 Septembre 1978 à [Localité 9]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Jean-gabriel MONCIERO de la SELARL PARA FERRI MONCIERO, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉE :
S.A.R.L. ACC ACC LE BLE EN HERBE,
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Localité 1]
Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Cyril KUJAWA, avocat au barreau de MARSEILLE
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 13 Septembre 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 29 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
M. [Z] [D] a été engagé à compter du 21 avril 2011 jusqu'au 30 septembre 2011, suivant contrat à durée déterminée à caractère saisionnier, en qualité de vendeur par la SARL ACC.
M. [D] a signé un nouveau contrat à durée déterminée à caractère saisonnier du 1er avril 2012 au 30 septembre 2012.
M. [D] a enchaîné plusieurs contrat à durée déterminée à caractère saisonnier en 2014 et 2015.
M. [D] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement et d'une mise à pied conservatoire, le 3 septembre 2015.
M. [D] a été licencié pour faute grave, le 25 septembre 2015.
M. [Z] [D] a saisi le conseil de prud'hommes en requalification de contrat de travail en contrat à durée indéterminée.
Le conseil de prud'hommes, par jugement contradictoire du 23 septembre 2019, a :
- Dit que la demande de M.[D] en requalification en contrat à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2012 du contrat à durée déterminée conclu entre les parties est prescrite.
- Déclaré irrecevable la demande de M.[D] en requalification en contrat à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2012 du contrat à durée déterminée conclu entre les parties.
- Rejeté la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail du requérant.
- Déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour faute grave opéré par la SARL ACC à l'encontre de M.[D] [Z].
- Condamné la SARL ACC à payer à M.[D] les sommes suivantes :
-6736,20 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
-2245,40 euros au titre de l'indemnité compensatrice de prévis.
- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
- Débouté le requérant de ses autres demandes plus amples.
- Condamné la SARL ACC au paiement des entiers dépens.
- Condamné la défenderesse à payer au requérant la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par acte du 10 octobre 2019, M. [Z] [D] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 19 novembre 2020, M. [Z] [D] demande à la cour de :
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 23 septembre 2019 en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande au titre du rappel d'heures supplémentaires.
- constater que M. [D] étaye sa demande alors qu'à l'inverse, l'employeur ne fournit aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
- condamner la SARL ACC à payer à M. [D] la somme de 89.853,45 euros bruts à titre d'heures supplémentaires outre la somme de 8.985,34 euros bruts de congés payés y afférents.
- Subsidiairement, ordonner par voie d'enquête l'audition des auteurs des attestations et convoquer :
- Madame [M] [H], ancienne salariée, domiciliée [Adresse 6] ;
- Madame [E] [X], ancienne salariée, domiciliée [Adresse 4] ;
- Madame [Y] [T], travaillant dans le commerce situé à côté du magasin dont M. [D] avait la charge, domiciliée [Adresse 10].
- Très subsidiairement, apprécier l'importance des heures non rémunérées de M. [D] et condamner la SARL ACC en conséquence.
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 23 septembre 2019 en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande au titre du travail dissimulé.
- juger que M. [D] a fait l'objet de travail dissimulé et condamner la SARL ACC à lui payer la somme de 35.685,48 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 23 septembre 2019 en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande au titre du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires.
- condamner la SARL ACC à payer à M. [D] la somme de 31.580,32 euros bruts à titre de rappel de salaire au titre de 50% de la rémunération qu'il aurait perçue si il avait bénéficié de ses contreparties obligatoires en repos outre 3.158,03 euros bruts de congés payés y afférents
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 23 septembre 2019 en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande au titre du non-respect de la législation sur la durée du travail.
- condamner la SARL ACC à payer à M. [D] la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 23 septembre 2019 en ce qu'il a débouté Monsieur [D] de sa demande au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail et des conséquences y afférentes.
- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [D] aux torts de la SARL ACC et lui donner les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- fixer en tout état de cause, la date de la rupture du contrat de travail de M. [D] au 25 septembre 2015.
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 23 septembre 2019
en ce qu'il a jugé le licenciement pour faute grave de M. [D] sans cause réelle et sérieuse.
- réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 23 septembre 2019 en ce qu'il a condamné la SARL ACC à payer à M. [D] la somme de 6.736,20 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la somme de 2.245,40 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.
- Statuant de nouveau, condamner la SARL ACC à payer à M. [D] les sommes suivantes :
- 35.685,48 euros (6 mois de salaire) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Subsidiairement, si la cour ne faisait pas droit à la demande de rappel d'heures supplémentaires, elle fixerait le salaire brut mensuel de référence de M. [D] à la somme de 2.260,16 euros (moyenne des trois derniers mois de salaire) et condamnerait la SARL ACC à payer à M. [D] la somme de 13.561 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- 11.895,16 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1.189,51 euros bruts de congés payés y afférents ;
Subsidiairement, si la cour ne faisait pas droit à la demande de rappel d'heures supplémentaires, elle fixerait le salaire brut mensuel de référence de M. [D] à la somme de 2.260,16 euros (moyenne des trois derniers mois de salaire) et condamnerait la SARL ACC à payer à M. [D] la somme de 4.520,33 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis.
- 4.658,92 euros bruts à titre d'indemnité légale de licenciement ;
Subsidiairement, si la Cour ne faisait pas droit à la demande de rappel d'heures supplémentaires, elle fixerait le salaire brut mensuel de référence de Monsieur [D] à la somme de 2.260,16 euros (moyenne des trois derniers mois de salaire) et condamnerait la SARL ACC à payer à M. [D] la somme de 866,39 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis.
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 23 septembre 2019
en ce qu'il a condamné la SARL ACC à payer à M. [D] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles de 1ère instance.
- Statuant à nouveau condamner la SARL ACC à payer à M. [D] la somme de de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
- condamner la SARL ACC à délivrer à M. [D] des bulletins de paie
rectifiés pour toute la durée de la relation contractuelle, ainsi qu'un certificat de travail et
une attestation Pôle Emploi rectifiés, sous astreinte journalière de 50 euros.
Il soutient que :
- l'employeur n'a pas respecté ses temps de repos et temps de travail, lui a imposé l'accomplissement d' heures supplémentaires non payées ce qui justifie la demande de résiliation de son contrat de travail,
- les faits invoqués à l'appui de son licenciement ne sont pas établis.
En l'état de ses dernières écritures en date du 20 août 2020 contenant appel incident la SARL ACC a sollicité de :
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes n°RG17/000944 du 23 septembre 2019 en ce qu'il a :
- Dit que la demande de M. [Z] [D] tendant à la requalification de son contrat à durée déterminée saisonnier du 1er octobre 2012 en contrat à durée indéterminée est prescrite et irrecevable ;
Et en conséquence,
- Débouté M. [Z] [D] de cette demande de requalification ;
- Débouté M. [Z] [D] de sa demande en rappel de salaire au titre des périodes interstitielles ;
- En tout état de cause, et le cas échéant par substitution de motifs, dire et juger que
M. [D] doit être débouté de cette demande sur le fond dès lors qu'il ne s'est pas tenu à la disposition de l'employeur sur les périodes interstitielles alléguées ;
- Constaté M. [Z] [D] ne rapporte pas la preuve de l'accomplissement effectif des heures supplémentaires alléguées ;
- Débouté M. [Z] [D] de l'intégralité de ses demandes relatives à l'accomplissement de prétendues heures supplémentaires ;
- Débouté M. [Z] [D] de sa demande indemnitaire au titre du travail dissimulé ;
- Débouté M. [Z] [D] de ses demandes relatives à un prétendu dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires ;
- Débouté M. [Z] [D] de ses demandes relatives au non-respect du repos quotidien, du repos hebdomadaire et de la durée maximale hebdomadaire et quotidienne du travail ;
- Débouté M. [Z] [D] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ;
Faisant droit au seul appel incident de la concluante,
- le réformer pour le surplus
- constater que le licenciement de M. [Z] [D] est fondé sur une faute grave ;
- le cas echeant surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de l'instruction judiciaire en cours.
En conséquence,
- débouter M. [Z] [D] de ses demandes relatives au prétendu caractère sans cause réelle et sérieuse de son licenciement pour faute grave ;
En tout état de cause,
- débouter M. [Z] [D] de toutes ses demandes indemnitaires et de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
Elle fait valoir que :
- elle a respecté les textes relatifs aux temps de travail et repos, elle conteste l'accomplissement d'heures supplémentaires,
- M. [D] a été licencié pour des faits dont la matérialité est établie.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 26 avril 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 13 septembre 2022.
MOTIFS
Sur les heures supplémentaires
Aux termes de l'article L3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
À défaut d'éléments probants fournis par l'employeur, les juges se détermineront au vu des seules pièces fournies par le salarié
Après analyses des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Il appartient à la juridiction de vérifier si les heures supplémentaires revendiquées ont été rendues nécessaires par le travail confié au salarié, l'opposition à l'exécution de celle-ci de l'employeur se trouvant alors indifférente.
Le salarié peut revendiquer le paiement d'heures supplémentaires à raison de l'accord tacite de l'employeur.
Cet accord tacite peut résulter de la connaissance par l'employeur de la réalisation d'heures supplémentaires par le biais de fiche de pointage et l'absence d'opposition de l'employeur à la réalisation de ces heures.
En l'espèce, M. [D] produit :
- l'attestation de Mme [H], ancienne salariée : « [..] j'atteste avoir toujours vu ce dernier en poste à l'ouverture (9heures) et faire des journées complètes sur les deux magasins pour enfin finir et fermer celui de la [Adresse 12] après nocturne soit vers 23h00/minuit » ;
- l'attestation de Mme [T], commerçante, qui déclare que « Monsieur [D] [Z] y travaille depuis 2 ans ['] J'ai toujours vu ce magasin ouvert de 9h00 le matin à 22h00 voire même jusqu'à minuit ou même 1h00 heure du matin quand je finissais mon service. Je voyais Monsieur [D] y effectuer des journées complètes, travaillant 7/7jours comprenant bien sûr les week-end et jours fériés » ;
- l'attestation de Mme [X], ancienne salariée qui relate « ['] Celui-ci n'a pas ménagé sa peine étant présent 7 jours sur 7, de l'ouverture à la fermeture du magasin sans compter ses déplacements continuels sur les autres boutiques. Son implication était totale, et je l'ai souvent vu être sous pression suite aux appels téléphoniques de Monsieur [P], qui lui demandait toujours plus d'heures, plus de travail, plus de chiffre et encore plus de chiffre» ;
- trois tableaux récapitulatifs de ses heures de travail comportant un chiffrage établi sur la base de 13 heures de travail effectuées quotidiennement, de 9 h à 22 h, soit un total de 91 heures de travail chaque semaine.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
La SARL ACC réplique que :
- M. [D] n'a jamais effectué la moindre déclaration d'heures supplémentaires auprès de son employeur,
- le tableau excel se répartit sur trois pages semblant chacune correspondre à une année, or les années concernées ne sont pas mentionnées de sorte qu'il est impossible de savoir quelles sont les saisons concernées par ces prétendues heures supplémentaires, le nombre de 56 heures supplémentaires par semaine est excessif alors même que les boutiques ne sont ouvertes que de 9h à 19h et que les nocturnes (jusqu'à 22h) n'existaient que pendant les 2 mois d'été,
- aucun élément de nature à expliquer un tel volume d'heures supplémentaires n'est produit au débat, ni que ces heures supplémentaires aient été demandées par l'employeur,
- les attestations des Mmes [X] et [H] proviennent de salariées en litige prud'homal avec leur ancien employeur, ces attestations ne sont pas conformes à l'article 202 du code de procédure civile,
- Mme [T] est une personne avec laquelle M. [D] avait sympathisé et chez laquelle il s'était fait héberger, elle ne peut avoir constaté que M. [D] travaillait 7 jours sur 7 sauf à ce qu'elle-même travaillait 7 jours sur 7,
- les heures supplémentaires effectuées ont été régulièrement payées,
- elle a toujours employé le personnel suffisant pour se relayer sur chaque boutique concernée, de façon à assurer la large amplitude horaire d'ouverture des boutiques, et ce dans le parfait respect des dispositions sur le temps de travail, sur la prise de pause quotidienne et sur le repos hebdomadaire ; elle produit les contrats de travail démontrant que : pour la saison 2011 sur la boutique d'[Localité 7] quatre personnes à temps plein à raison de 39h par semaine sur toute la saison ; pour la saison 2012, dix personnes ont travaillé sur la boutique d'[Localité 7], à raison de 39h par semaine ; pour la saison 2014, quatre personnes se sont relayées sur le petit magasin d'[Localité 5], à raison de 39h par semaine ; pour la saison 2015, du 26 mars 2015 au mois de juin 2015 M. [D] était affecté au magasin de [Localité 8] où il n'a effectué aucune heure supplémentaire selon les dires de sa collègue de travail, Madame [W], par la suite deux magasins étant ouverts à [Localité 5], au total, dix personnes étaient employées pour la saison sur les deux magasins, à raison de 39h par semaine.
La SARL ACC relève que sur l'ensemble des saisons, aucun autre salarié ne prétend avoir été contraint d'effectuer d'innombrables heures supplémentaires, à l'exception de deux autres salariées également en procédure contre la Société ACC, qui sont les deux salariés, parmi tous les salariés qui ont pourtant côtoyé M. [D] à attester en sa faveur.
Ainsi, la SARL ACC, si elle ne justifie pas des horaires exacts effectués par M. [D], démontre qu'elle disposait d'un personnel amplement suffisant pour couvrir les horaires d'ouverture sans qu'il soit nécessaire de recourir à des heures supplémentaires surtout dans les proportions exposées par le salarié. Les attestations sujettes à caution que ce dernier produit ne peuvent être prises en considération, les témoins, à suivre leurs déclarations, étaient présents parfois dans les deux magasins simultanément, de 7 h00 à minuit, parfois même la nuit, et ce sept jours sur sept ce qui ôte toute crédibilité à leurs déclarations. Enfin, la circonstance que M. [D] affirme avoir quotidiennement travaillé de 9 h à 22 h alors que les nocturnes jusqu'à 22 h n'étaient réalisées que deux mois par saison décridibilise les mentions portées dans son tableau excel.
Il convient tant pour les motifs qui précèdent que ceux non contraires des premiers juges de confirmer de ce chef le jugement déféré.
Le rejet de la demande concernant le paiement des heures supplémentaires entraîne le rejet des demandes en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé de rappel de salaire au titre des contreparties obligatoires en repos.
Sur le non-respect par l'employeur du repos quotidien, du repos hebdomadaire, de la durée maximale hebdomadaire et quotidienne du travail
M. [D] prétend qu'il travaillait 91 heures chaque semaine, de 9 heures à 22 heures (à minima) et du lundi au dimanche, qu'il a, chaque jour, travaillé plus de 10 heures et chaque semaine plus de 48 heures et n'a jamais bénéficié d'un repos hebdomadaire de 24 heures, qu'en moins de 3 années, il a effectué pas moins de 4.286 heures supplémentaires, que le non-respect des dispositions relatives au repos et à la durée maximale de travail à de très nombreuses reprises lui a nécessairement causé un préjudice, ce d'autant que la pression que la direction mettait sur lui a eu notamment pour conséquence un arrêt de travail de plusieurs jours.
Or, dès lors que les prétentions de M. [D] fondées sur les horaires qu'il prétend avoir pratiqués sont rejetées, ses demandes concernant les repos et durées de travail sont nécessairement en voie de rejet.
Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
Les manquements auquel se réfère M. [D] sont ceux examinés plus avant lesquels ne sont pas constitués.
La demande de résiliation est donc en voie de rejet.
Sur le licenciement
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l'employeur qui l'invoque d'en apporter la preuve.
La lettre de licenciement est ainsi libellée :
«Suite à l'entretien du 14 septembre 2015, auquel vous avez été régulièrement convoqué en date du 3 septembre 2015, et auquel vous ne vous êtes pas présenté, nous avons le regret de vous informer que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave pour les motifs ci-après :
-Détournement de marchandises appartenant à la société.
-Détournement des caisses des magasins.
-perte de confiance.
-suspicion de vol.
Plus précisément, nous avons pu constater les faits suivants, qui sont incontestablement constitutifs des manquements graves susvisés :
- En date du 31 juillet 2015, dans le magasin d'[Adresse 12], une cliente prend un polo blanc (modèle Brando) , et se présente a la caisse pour régler son achat .Elle sort un billet de 20.00 euros pour payer ledit article. Vous refusez toutefois de prendre son règlement (par un signe de la main) mais remettez tout de même à la cliente le polo blanc, dans un sac sérigraphie (le blé en herbe).Vous suivez alors cette cliente hors du magasin, hors du champ des caméras. Ladite transaction n'apparaît pas dans le journal de caisse. De plus, les photos issues des cameras permettent de remarquer que la caisse n'est pas en mode «caisse 'encaissements », mais sur une page de navigation internet.
- En date du 3 août 2015, vous réalisez une « vente » en deux temps qui vous conduit notamment à sortir 4 articles de notre boutique située [Adresse 3], qui avait été essayés par une cliente n'ayant rien acheté, pour les porter dans notre seconde boutique située [Adresse 12]. La même cliente se présente ensuite dans cette seconde boutique ; il s'ensuit une nouvelle période de nombreux essayages qui se termine par une vente constituée d'une partie seulement de la marchandise essayée dans la boutique du [Adresse 3]. Les articles restants provenant de la boutique du [Adresse 3], ne seront pas rapportés dans cette dernière boutique, et nous ne trouverons pas trace d'une transaction dans le joual de caisse afferente auxdits articles.
-En date du 8/08/2015, lors de la fermeture de la boutique [Adresse 3], après avoir éteint toutes les lumières, vous ressortez de la réserve avec en mains 2 articles. Après avoir récupéré votre chargeur téléphone dans le meuble caisse, vous reprenez les 2 articles et vous dirigez vers la sortie de la boutique que vous fermez. A ce jour nous n'avons aucune trace ni vente de la marchandise que vous avez prise dans le stock. Enfin, il est à noter que ce jour-la, vous n'êtes pas allé travailler dans notre 2eme magasin de la [Adresse 12].
-En outre, vous n' effectuez pas les dépôts d'espèces régulièrement comme les autres vendeurs, et la comptabilité doit vous relancer inlassablement. Lorsque, contraint et forcé, vous êtes dans l'obligation de déposer, c'est souvent jusqu'a 8 000, 00 euros qui sont accumulés. De plus, lors de vos dépôts, vous ne remettez jamais la totalité des caisses. Vous conservez ainsi souvent jusqu'à 3000 euros, ce qui évidemment permet de penser que vous utilisez les caisses des magasins à des fins personnelles.
-Il est surtout avéré et patent, qu'en date du 11 août 2015, vous avez emporté la caisse du magasin de [Adresse 3] contenant 847.92 euros en espèces + 227,50 euros de chèques. De plus, ce même jour, vous avez pris les caisses du magasin de la [Adresse 12] pour un montant de 753,79 euros + 353 .00 euros de chèques. Le montant total des caisses s'élève à la somme de 2182,71 euros. Vous avez récupéré les caisses de la [Adresse 12], alors qu'un autre responsable était déjà en place.
-Vous avez pris la somme de 15.00 euros dans le fonds de caisse du magasin de la [Adresse 12] et 20.00 euros dans le fonds de caisse du magasin [Adresse 3].
-Nous vous rappelons également, qu'en plus du règlement régulier de votre salaire votre solde dans nos livres est débiteur de la somme de 5866,32 euros correspondant à diverses avances que vous nous avez réclamées.
- Nous avons effectué un inventaire precis en date du 19 août 2015, celui-ci laisse apparaitre des différences considérables. Le détail vous sera communiqué si besoin est.
-Nous avons pu également constater que vous vous habillez quotidiennement avec des vêtements de la boutique destinés à la vente, par la suite soit vous gardez les vêtements sans les régler (nous vous rappelons que nos collaborateurs bénéficient d'une remise de 40%) soit vous les jetez dans les cartons de «défectueux» après les avoir portés (articles retrouvés lors de l'inventaire de la boutique) ;
-Vous n'êtes pas souvent dans le magasin (y compris lorsque les clients y rentrent).Vous n'y faites que des apparitions furtives en cours de journée. La plupart du temps, vous êtes assis sur votre moto stationnée devant le magasin.
- Suite à votre absence, le magasin a été récupéré dans un état d'entretien déplorable. Sens dessus dessous les vêtements étant amoncelés les uns sur les autres, en vrac, sans être pliés. Dans la réserve, les vêtements jonchaient le sol. La vendeuse qui vous a succédé a mis 3 jours pour remettre le magasin en état.
- Enfin, vous n'avez pas respecté le délai de 48 heures pour nous avertir de votre absence et bien sur, vous n'avez pas daigné nous en informer oralement afin que nous puissions y pallier sans délai. Ce n'est qu'après 3 jours d'absence que nous vous avons reçu par courrier un arrêt de travail.
Aussi, nous nous voyons contraints de vous licencier car vous ne remplissez plus votre contrat de travail.
La gravité de vos actes rend votre présence sur les lieux de travail impossible. C'est pourquoi la présente est prononcée sans préavis.
Nous vous rappelons que vous faites l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire. Par conséquent la période non travaillée du 3 septembre 2015 au 25 septembre, necessaire pour effectuer la procédure de licenciement, ne sera pas rémunérée...»
M. [D] qui conteste la matérialité de ces faits rappelle que la plainte déposée par M. [A], responsable de la SARL ACC a été classée sans suite.
L'enquête ayant conclu ainsi : « Questionnés au sujet de la provenance de ces vêtements, ils déclarent conjointement que de par leur contrat de travail, ils se doivent de porter sur leur lieu d'emploi, des vêtements de l'enseigne et qu'à cet effet, ils ont la possibilité de prendre, sous certaines conditions, des vêtements dans le magasin.
De par leur ancienneté dans l'enseigne, ['] 5 ans ['], les quantités retrouvées correspondent
à ces conditions et les explications quant à l'origine de ces vêtements est cohérente.
Au sujet du vol de numéraire, sur les faits du 20 juin 2015, ils ne peuvent expliquer la disparition
des recettes du magasin et les investigations réalisées par nos services n'ont pu en déterminer l'origine, la plainte étant intervenue quatre mois plus tard. Sur les faits de vol des caisses des deux magasins par Monsieur [D], aucun élément probant relatif aux faits ne nous a été apporté par la victime et ces faits ne sont pas avérés. »
La SARL ACC a qui incombe la charge de la preuve, soutient que :
- le visionnage des images de la vidéo protection laisse apparaître que :
- le 31 juillet 2015 M. [D] a vendu un polo blanc à une cliente qui l'a réglé en espèce sans que la transaction n'apparaisse dans le journal de caisse ;
- le 3 août 2015, M. [D] a réalisé une vente en deux temps au cours de laquelle une partie des articles essayés par une cliente dans un magasin puis dans le second, mais non achetée par cette dernière, ne se trouvera plus dans aucune des deux boutiques ;
- le 8 août 2015, M. [D] part de la boutique en emportant deux articles qui ne se retrouveront plus ni en stock ni dans le journal de caisse.
La matérialité de ces faits est établie par la production du procès-verbal de constat rédigé par un huissier de justice à partir des enregistrements effectués par la caméra de vidéo-surveillance installée dans le magasin, preuve dont la recevabilité n'est nullement discutée. M. [D] n'apporte aucune observation sur cette pièce et ne fournit aucune explication.
Elle ajoute que lors de son dernier jour de travail, M. [D] est parti en emportant la caisse des deux magasins pour un montant total de 2.182,71 euros ce qui résulte des mentions portées dans le livre de caisse. M. [D] n'oppose aucun démenti se bornant à dénier les faits dont la matérialité est également constatée.
La Société ACC ajoute qu'elle a effectué de nombreuses avances au bénéfice de M. [D] s'élevant à la somme de 5.866,32 euros au jour de son licenciement, somme que ce dernier n'a jamais remboursée à son employeur ce qui ne résulte d'aucune pièce produite au débat et ne saurait en tout état de cause constituer une faute grave.
La SARL ACC indique également que M. [D] ne déposait jamais les espèces régulièrement, au contraire des autres vendeurs et que ce n'est que contraint à l'issue de nombreuses relances que ce dernier remettait les fonds mais jamais en totalité, accumulant parfois jusqu'à 8.000 euros de trésorerie.
Au soutien de ce grief l'employeur produit les attestations de Mmes [C] et [V] dont le premier juge a relevé que leurs déclarations ne permettaient pas d'établir que des consignes avaient été données à M [D].
Mme [E] [C] déclare : «Comptable au siège social de la société ACC Le blé en herbe, j'ai constaté que sur la période ou M [D] [Z] était responsable des 2 boutiques d'[Localité 5], ce dernier n'effectuait pas les versements des caisses à dates régulières (soit toutes les semaines) et que de plus il ne versait jamais la totalité des espèces en caisse. Voir tableau excel surligné en rose les sommes restants à verser après le dépôt en banque. On constate aussi que sur la caisse de la boutique [Localité 5] 22 en date du 26 juillet 2015, les espèces non versées s'élèvent au montant de 7941,79 € .En même date sur la boutique [Localité 5] 24 le montant des espèces non versées est de 3263,29 euros soit plus de 10000 au cumul des 2 boutiques. Au bilan au 30/09/2015, nous avons solde le compte rémunérateur dues de M [D] car nous le savons insolvable.»
Mme [K] [B] [V] relate : « Une de mes fonctions au sein de l'entreprise est de vérifier les dépôts en banques (des espèces, chèques et cartes bleues) des boutiques. La procédure établie est de faire au moins un dépôt d'espèces et de chèques par semaine. Mr [D] ne respectait pas la procédure, je devais en permanence le relancer soit par téléphone, soit par mail.»
Il en résulte que M. [D] était parfaitement informé des consignes qu'il persistait à enfreindre.
Par ailleurs la SARL ACC reproche à M. [D] de se servir quotidiennement des vêtements vendus en boutique pour s'habiller, sans jamais acheter le moindre article. Or les services enquêteurs ont constaté que « Questionnés au sujet de la provenance de ces vêtements, ils déclarent conjointement que de par leur contrat de travail, ils se doivent de porter sur leur lieu d'emploi, des vêtements de l'enseigne et qu'à cet effet, ils ont la possibilité de prendre, sous certaines conditions, des vêtements dans le magasin.
De par leur ancienneté dans l'enseigne, ['] 5 ans ['], les quantités retrouvées correspondent à ces conditions et les explications quant à l'origine de ces vêtements est cohérente».
Enfin, l'employeur fait grief à M. [D] de ne pas l'avoir informé de son arrêt de travail en août 2015, lui adressant un courrier trois jours plus tard, soit au-delà du délai légal de 48h ce qui ne saurait fonder un licenciement pour faute grave.
Il résulte de ce qui précède que les griefs relatifs aux comportements constatés les 31 juillet 2015, 3 août 2015 et 8 août 2015 sont établis de même qu'est rapporté le non respect des consignes concernant les dépôts d'espèces.
Ces fautes commises délibérément emportant rupture de la confiance que pouvait avoir l'employeur en son salarié faisaient obstacle au maintien de ce dernier dans l'entreprise. Le jugement encourt réformation de ce chef et M. [D] sera débouté de ses prétentions à ce titre.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner M. [D] à payer à la SARL ACC la somme de 1.500,00 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort,
- Réforme le jugement déféré en ce qu'il a :
- Déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour faute grave opéré par la SARL ACC à l'encontre de M.[D] [Z].
- Condamné la SARL ACC à payer à M.[D] les sommes suivantes :
-6736,20 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
-2245,40 euros au titre de l'indemnité compensatrice de prévis.
- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
- Condamné la SARL ACC au paiement des entiers dépens.
- Condamné la défenderesse à payer au requérant la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- Statuant à nouveau de ces chefs réformés, dit le licenciement de M. [D] fondé sur une faute grave et déboute M. [D] de ses demandes relatives à la rupture de son contrat de travail,
- Confirme pour le surplus le jugement déféré,
- Y ajoutant,
- Condamne M. [D] à payer à la SARL ACC la somme de 1.500,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne M. [D] aux dépens d'appel.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,