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29/11/2022 | FRANCE | N°19/03911

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 29 novembre 2022, 19/03911


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°1296



N° RG 19/03911 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HQNT



YRD/ID



CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON

19 septembre 2019 RG :18/00070



[T]



C/



S.A.R.L. ABELA



















Grosse délivrée

le

à











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE C

IVILE

5ème chambre sociale PH



ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2022





Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVIGNON en date du 19 Septembre 2019, N°18/00070



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, a entendu l...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°1296

N° RG 19/03911 - N° Portalis DBVH-V-B7D-HQNT

YRD/ID

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AVIGNON

19 septembre 2019 RG :18/00070

[T]

C/

S.A.R.L. ABELA

Grosse délivrée

le

à

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVIGNON en date du 19 Septembre 2019, N°18/00070

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Leila DAFRE, Vice-présidente placée

M. Michel SORIANO, Conseiller

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 28 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 29 Novembre 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [F] [T]

né le 08 Juillet 1967 à [Localité 4] (13)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Cathy DELGADO, avocat au barreau D'AVIGNON

INTIMÉE :

S.A.R.L. ABELA

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Candice DRAY de la SELEURL DRAY AVOCAT, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Ariane FONTANA, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 13 Septembre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 29 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [F] [T] a été engagé à compter du 1er septembre 2003, suivant contrat à durée indéterminée à temps complet en qualité d'ouvrier peintre (coefficient 185 niveau 2) par la SARL Abela.

Le 12 janvier 2016, il a été victime d'un accident de travail.

M. [F] [T] a été déclaré inapte à son emploi, le 1er décembre 2017, par le médecin du travail en ces termes : 'l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi'

M. [F] [T] a été licencié par courrier du 23 décembre 2017 aux motifs suivants :

'suite à l'entretien préalable du 13 décembre 2017, nous vous informons que nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour inaptitude en raison de l'avis d'inaptitude du médecin du travail, notifié le 1er décembre 2017 précisant que 'tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à son état de santé et que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi'.

Ces mentions figurant dans l'avis d'inaptitude nous obligent à rompre votre contrat de travail sans avoir à rechercher un poste de reclassement en application de l'article L1226-2-2 du code du travail.

Nous vous précisons que votre contrat de travail prend fin à la date d'envoie de cette lettre soit le 22 décembre 2017.

De ce fait, vous n'effectuerez pas de préavis et ne bénéficierez pas d'une indemnité compensatrice de préavis.

Votre indemnité de licenciement et les sommes vous restanr dues vous serez versées lors de l'établissement des documents obligatoires (certificat de travail, solde de tout compte, attestation Pole Emploi)'.

M. [F] [T] a saisi le conseil de prud'hommes en contestation de son licenciement.

Le conseil de prud'hommes, par jugement contradictoire du 19 septembre 2019, a :

- dit que le licenciement de M. [F] [T] pour inaptitude est une cause réelle et sérieuse

- condamné la SARL Abela à payer à M. [F] [T] les sommes suivantes :

- l440,00 euros correspondant à la facture de la société AGEC Provence,

- 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

- condamné la SARL Abela aux entiers dépens de l'instance.

Par acte du 10 octobre 2019, M. [F] [T] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 26 août 2022, M. [F] [T] demande à la cour de :

- Réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Avignon le 19 septembre 2019 en ce qu'il a considéré que le licenciement de M. [F] [T] repose sur une cause réelle et sérieuse

- Déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [T] par la société SARL Abela.

- Condamner la société SARL Abela, prise en la personne de son représentant légal au paiement des sommes suivantes :

- Dommage et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en réparation de la perte injustifiée de son emploi et en réparation du préjudice moral : 23 839,92 euros ( 13 mois de salaire bruts)

- Article 700 du code de procédure civile : 2000 euros

- Condamner la société Abela aux entiers dépens de l'instance

Il soutient que l'employeur n'a pas mis à sa disposition un matériel adapté aux travaux à effectuer manquant ainsi à son obligation de sécurité.

En l'état de ses dernières écritures en date du 7 juillet 2022 contenant appel incident la SARL Abela a sollicité de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que le licenciement de M. [T] reposait sur une cause réelle et sérieuse et maintenait sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et perte injustifiée de son emploi et en réparation de son préjudice moral à hauteur de 23.839,92 euros .

- débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes.

- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné la société aux dépens ainsi qu'à un article 700 du code de procédure civile à hauteur de 200 euros .

- condamner M. [T] à la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle soutient qu'elle avait mis à la disposition de son salarié une échelle répondant aux normes de sécurité, que M. [T] a mal positionné l'échelle ce qui est à l'origine de sa chute.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 26 avril 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 13 septembre 2022.

Motifs

Selon l'article L.4121-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, « l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.»

L'article L.4121-2 précisait que :

«L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral, tel qu'il est défini à l'article L. 1152-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.»

Il appartient à l'employeur de démontrer qu'il a pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié.

M. [T] demande que son licenciement soit déclaré dénué de cause réelle et sérieuse au motif que son employeur a manqué à son obligation de sécurité

Il expose que le 12 janvier 2016, il a été victime d'un accident de travail alors qu'il devait enduire de peinture un plafond, que pour l'accomplissement de cette tâche, l'employeur avait mis à sa disposition une simple échelle en bois, de type échelle parisienne dont les deux parties n'étaient maintenues que par une fine corde pour maintenir l'écartement, que l'échelle a glissé et que la corde s'est cassée entraînant sa chute.

Il considère que l'employeur avait conscience du danger encouru par son salarié et qu'il n'a pris aucune précaution pour préserver sa sécurité, ce qui est caractérisé par :

- l'absence de formation du salarié au travail sur échelle ;

- l'absence de port des éléments de sécurité (casque) ;

- échelle non réglementaire ( échelle en bois dont les deux pans ne sont maintenus que par une corde) ;

- manquement élémentaire aux règles de sécurité et de prudence. 

Il sera observé que le non port du casque est sans rapport avec les blessures occasionnées ( fracture fermée de la rotule gauche).

M. [T] cite les dispositions de l'article R.4323-63 du code du travail selon lequel « Il est interdit d'utiliser les échelles, escabeaux et marchepieds comme poste de travail.

Toutefois, ces équipements peuvent être utilisés en cas d'impossibilité technique de recourir à un équipement assurant la protection collective des travailleurs ou lorsque l'évaluation du risque a établi que ce risque est faible et qu'il s'agit de travaux de courte durée ne présentant pas un caractère répétitif.» Il soutient que l'employeur n'a pas mis à sa disposition un matériel sécurisé.

Il en conclut que son inaptitude trouve son origine dans les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité en sorte que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

Répondant à l'argumentation de l'employeur selon laquelle celui-ci disposait de deux échafaudages type «gazelle» mis à la disposition de ses salariés, l'un acheté après l'accident mais un autre dès 2015, M. [T] relève que :

- la pièce n°20 produite par la société Abela n'est pas une facture mais un document établi pour les besoins de la cause sur un papier à l'en-tête de la société Nuances et Décoration,

- ce document n'est accompagné d'aucun bon de livraison ni d'aucun document comptable pouvant permettre de se convaincre que la société Abela a bien fait l'acquisition de ce type d'échafaudage à une date antérieure à l'accident,

- rien si ce n'est l'affirmation de la société Abela ne permet de se convaincre que ce type d'échafaudage était bien à sa disposition le jour de l'accident soit le 12 janvier 2016. 

Effectivement, ces éléments ne permettent pas de soutenir que la société Abela avait acquis ce matériel antérieurement à l'accident.

La société intimée soutient qu'à l'évidence, M. [T] avait simplement adossé l'échelle-escabeau sur le mur sans l'ouvrir. Or, elle ne fait ainsi que confirmer que M. [T] aurait utilisé cette échelle comme poste de travail ce que prohibe l'article R.4323-63 sus visé.

Elle ajoute que «C'est en s'appuyant sur celle-ci que l'échelle a glissé, a heurté le carrelage, a arraché la protection posée au sol et a provoqué sa chute. L'outil n'a pas été utilisé dans les règles de l'art. En agissant de la sorte, M. [T] s'est lui-même placé dans une situation de danger, en ne respectant pas l'utilisation appropriée, dont il avait connaissance de longue date, d'une telle échelle.»  

Si dans le cadre du contentieux relatif à la recherche d'une faute inexcusable de l'employeur il incombe effectivement au salarié de rapporter la preuve que ce dernier connaissait le risque auquel il était exposé et que l'employeur n'a mis en oeuvre aucun dispositif destiné à l'éviter, en droit du travail il incombe à l'employeur d'établir qu'il a satisfait à son obligation de sécurité notamment en démontrant qu'il a mis à la disposition du salarié un matériel adéquat avec les tâches à réaliser.

L'employeur avance vainement avoir mis à la disposition de M. [T] une échelle dont les pans sont reliés par des tiges métalliques, ce que conteste au demeurant le salarié, et rien ne permet de savoir quel était le matériel exactement utilisé, alors qu'une échelle ne peut servir de poste de travail notamment pour peindre un plafond.

Il en résulte que faute pour l'employeur de rapporter la preuve qu'il a mis à disposition de M. [T] pour les travaux qu'il devait effectuer le 12 janvier 2016 un matériel adapté destiné à préserver sa sécurité, le manquement à l'obligation de sécurité est établi.

Par conséquent, l'inaptitude ayant pour origine un manquement de la part de l'employeur à son obligation de sécurité, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise (moins de 10), des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de M. [T] ( 1833,84 euros), de son âge (49 ans), de son ancienneté (14 ans), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement son préjudice doit être évaluée à la somme de 22.000,00 euros.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la SARL Abela à payer à M. [T] la somme de 2.000,00 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

- Réforme le jugement déféré dans la limite des chefs attaqués et statuant à nouveau,

- Condamne la SARL Abela à payer à M. [T] la somme de 22.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

- Condamne la SARL Abela à payer à M. [T] la somme de 2.000,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la SARL Abela aux dépens d'appel.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 5ème chambre sociale ph
Numéro d'arrêt : 19/03911
Date de la décision : 29/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-29;19.03911 ?
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