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09/11/2022 | FRANCE | N°21/00128

France | France, Cour d'appel de Nîmes, 4ème chambre commerciale, 09 novembre 2022, 21/00128


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











ARRÊT N°



N° RG 21/00128 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H44W



AV



TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES

17 décembre 2020 RG :19/00451



S.A.S. EUROVIA LANGUEDOC ROUSSILLON



C/



S.A.R.L. SUDINVEST



































Grosses envoyées le 09 novembre 2022 à :



- Me Per

rine CORU

- Me Philippe RECHE











COUR D'APPEL DE NÎMES



CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale



ARRÊT DU 09 NOVEMBRE 2022





Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de NIMES en date du 17 Décembre 2020, N°19/00451



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :



M...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/00128 - N° Portalis DBVH-V-B7F-H44W

AV

TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES

17 décembre 2020 RG :19/00451

S.A.S. EUROVIA LANGUEDOC ROUSSILLON

C/

S.A.R.L. SUDINVEST

Grosses envoyées le 09 novembre 2022 à :

- Me Perrine CORU

- Me Philippe RECHE

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale

ARRÊT DU 09 NOVEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de NIMES en date du 17 Décembre 2020, N°19/00451

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Agnès VAREILLES, Conseillère, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Christine CODOL, Présidente de chambre,

Madame Claire OUGIER, Conseillère,

Madame Agnès VAREILLES, Conseillère.

GREFFIER :

Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 4ème chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l'audience publique du 13 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 09 Novembre 2022.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

S.A.S. EUROVIA LANGUEDOC ROUSSILLON, SAS au capital de 654.795,50 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Montpellier sous le n°428 613 525, prise en la personne de son Président en exercice représentant la personne morale ;

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Perrine CORU de la SARL PERRINE CORU, Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

Représentée par Me Stéphane ENGELHARD, substituant Me Cyril DE CAZALET de la SELARL BLUM-ENGELHARD-DE CAZALET, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉE :

S.A.R.L. SUDINVEST, société par actions simplifiée au capital de 924 euros, immatriculée sous le numéro 483 172 177, auprès du Registre du Commerce et des Sociétés de Nîmes, prise en la personne de son représentant légal en exercice,

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Philippe RECHE de la SELARL GUALBERT RECHE BANULS, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Valérie VALEUX de la SELARL EIDJ-ALISTER, Plaidant, avocat au barreau de LYON

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Agnès VAREILLES, Conseillère, pour la Présidente empêchée, le 09 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Vu l'appel interjeté le 7 janvier 2021 par la société par actions simplifiée Eurovia Languedoc Roussillon à l'encontre du jugement prononcé le 17 décembre 2020 par le tribunal de commerce de Nîmes, dans l'instance n°19/00451

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 30 mars 2021 par l'appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé,

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 3 juin 2021 par la société par actions simplifiée Sudinvest, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé,

Vu l'ordonnance du 24 mars 2022 de clôture de la procédure à effet différé au 29 septembre 2022.

Dans le cadre de la construction d'une résidence à [Localité 5] (84), la société Sudinvest (le maître d'ouvrage) a confié, le 24 mars 2017, le lot VRD à la société LEA TP (l'entrepreneur principal) pour un montant de 728 900 euros HT.

La société LEA TP a sous-traité les travaux à la société Eurovia Languedoc Roussillon (le sous-traitant ) qui a émis les trois factures suivantes :

-facture n°675 du 21 juin 2019 d'un montant total de 43 209,50 euros pour la fourniture et mise en oeuvre d'enrobés sur le parking

-facture n°683 du 25 juin 2019 d'un montant total de 50 640 euros concernant la chaussée du lotissement

-facture n°809 du 25 juillet 2019 d'un montant total de 18 814,36 euros pour la fourniture et mise en oeuvre d'enrobés sur la chaussée du lotissement.

Le maître d'ouvrage a réglé au sous-traitant la facture n°683 du 25 juin 2019 pour un montant total de 50 640 euros concernant la chaussée du lotissement.

L'entrepreneur principal a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, ouverte par jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 26 juin 2019.

Par courrier daté du 29 août 2019, le sous-traitant a fait savoir au maître d'ouvrage que les factures n°675 du 21 juin 2019 d'un montant de 43 209,50 euros et n°809 du 25 juillet 2019 d'un montant de 18 814,36 euros étaient en attente de paiement.

Par courrier daté du 24 septembre 2019, le sous-traitant a indiqué au maître d'ouvrage que l'entrepreneur principal ne répondait pas favorablement à ses demandes de paiement et il l'a mis en demeure de régler les dites factures.

Par jugement du 15 octobre 2019, le redressement judiciaire de l'entrepreneur principal a été converti en liquidation judiciaire.

Par courrier daté du 21 octobre 2019, le maître d'ouvrage a informé le sous-traitant qu'il ne pouvait donner une suite favorable à sa demande.

A la requête du sous-traitant, le président du tribunal de commerce de Nîmes a rendu le 14 octobre 2019 une ordonnance faisant injonction au maître d'ouvrage de payer la somme de 62 023,86 euros au titre des factures impayées ainsi que la somme de 80 euros au titre des frais accessoires et les dépens.

Le 31 octobre 2019, le maître d'ouvrage a formé opposition à cette ordonnance qui lui a été signifiée le 28 octobre 2019.

Par jugement du 17 décembre 2020, le tribunal de commerce de Nîmes

a :

-Déclaré l'opposition formée par le maître d'ouvrage recevable,

-Constaté la renonciation du sous-traitant au bénéfice des dispositions de l'action directe instituée par la loi 75-1334 du 31 décembre 1975,

-Débouté le sous-traitant de l'ensemble de ses prétentions,

-Ordonné l'exécution provisoire du jugement,

-Condamné le sous-traitant à payer au maître d'ouvrage la somme de 2 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-Rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires

-Condamné le sous-traitant aux dépens de l'instance, liquidés et taxés à la somme de 107,98 euros, en ce non compris le coût de la citation introductive d'instance, le coût de la signification de la décision ainsi que tous autres frais accessoires.

Le 7 janvier 2021, le sous-traitant a interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en toutes ses dispositions.

Par ordonnance du 24 mars 2022, la clôture a été prononcée avec effet au 29 septembre 2022.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 30 mars 2021, l'appelante demande à la cour, au visa des dispositions de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, de l'article 1240 du code civil et de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975, de :

-Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nîmes le 5 novembre 2020 en toutes ses dispositions,

Et rejuger à nouveau :

-Dire et juger que l'appelante ne renonce pas au bénéfice des dispositions de l'action directe instituée par la loi 75-1334 du 31 décembre 1975

-Dire et juger que le maître d'ouvrage avait connaissance de l'intervention de l'appelante sur son chantier en qualité de sous-traitant de l'entrepreneur principal

-Dire et juger que le maître d'ouvrage a commis une faute en ne mettant pas en demeure l'entrepreneur principal de faire procéder à l'agrément de son sous-traitant et de ses conditions de paiement, et en ne ratifiant pas la déclaration de sous-traitant qui lui avait été notifiée

-Confirmer l'ordonnance portant injonction de payer du 14 octobre 2019

-Condamner le maître d'ouvrage au paiement de la somme de 62 023,86 euros à titre de dommages et intérêts, outre application du taux d'intérêt légal à compter du 29 août 2019

-Condamner le maître d'ouvrage au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir :

-qu'elle n'a jamais renoncé au bénéfice de l'action directe

-que cette renonciation serait en tout état de cause nulle et non avenue, en application de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975

-que si le maître d'ouvrage est tenu de s'assurer que le sous-traitant a été accepté ainsi que ses conditions de paiement, le sous-traitant n'est pas pour autant obligé de se manifester auprès du maître d'ouvrage

-que le maître d'ouvrage qui n'a pas rempli ses obligations légales doit indemniser le sous-traitant pour le solde impayé du prix de ses travaux

-que le maître d'ouvrage avait parfaitement connaissance de l'intervention du sous-traitant sur le chantier et qu'il procédait à la réalisation des enrobés inclus dans le marché de l'entrepreneur principal

-qu'il le savait d'autant plus qu'il avait réglé directement le sous-traitant pour au moins l'une de ses factures pour ce chantier

-que la déclaration de sous-traitance a été adressée au maître d'ouvrage le 19 juin 2016, soit seulement quelques jours avant qu'il reçoive et procède au règlement de la facture du 25 juin 2019

-que par sa négligence blâmable, le maître d'ouvrage a privé le sous-traitant de l'agrément auquel il avait droit

-que rien n'établit que la déclaration de sous-traitance ait été communiquée au maître d'ouvrage après la réalisation des travaux

-que le maître d'ouvrage reste tenu à l'égard du sous-traitant alors même qu'il aurait eu connaissance de l'intervention de ce dernier après la fin de sa prestation

-que la réception des travaux n'est intervenue qu'au mois de novembre 2019

-que les travaux n'étaient donc pas terminés à cette date

-que le maître d'ouvrage n'a pu régler les travaux d'enrobés en janvier 2019 alors qu'ils ont été réalisés en juin et juillet 2019

-que le maître d'ouvrage n'avait pas réglé l'entrepreneur principal au 12 juin 2019, ni de l'ensemble de son marché, ni des travaux sous-traités, puisqu'il n'a réglé le sous-traitant de sa facture de 50 640 euros que le 25 juin 2019

-que la perte de chance est certaine car le sous-traitant a été agréé par le maître d'ouvrage pour les travaux ayant donné lieu à la facture de 50 640 euros

-que le maître d'ouvrage a commis une faute en réglant l'entrepreneur principal de son marché alors qu'il savait qu'il avait sous-traité une partie de son lot et que les factures du sous-traitant restaient en souffrance.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 3 juin 2021, l'intimée demande à la cour, au visa des articles 3 et 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, de :

-Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nîmes en date du 17 décembre 2020 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

-Condamner l'appelante à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens.

L'intimée réplique :

-que les conditions d'acceptation et d'agrément prévues à l'article 3 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 sont nécessaires à l'exercice de l'action directe du sous-traitant à l'encontre du maître d'ouvrage et sont cumulatives

-qu'en l'espèce, l'entrepreneur principal n'a pas procédé à une demande d'agrément pour les travaux afférents à la facture de 18 814,36 euros

-que lorsqu'il a fait parvenir une demande d'agrément, le sous-traitant avait déjà réalisé les travaux afférents à la facture de 43 209,50 euros

-que l'action directe n'a vocation à fonctionner que sur le solde dû par la maîtrise d'ouvrage à l'entreprise principale

-que l'agrément que produit le sous-traitant pour les travaux ayant donné lieu à la facture de 43 209,50 euros n'est pas signé par le maître d'ouvrage

-que les messages du 19 juin 2019 ne sauraient étayer la réalité d'un agrément antérieur à la réalisation des travaux d'enrobés, lesquels étaient achevés à la date du 12 juin 2019

-que l'engagement de la responsabilité du maître d'ouvrage, sur le fondement de l'article 14-1, suppose que le sous-traitant ait été identifié par le maître d'ouvrage et que cette connaissance soit antérieure à la réalisation des travaux concernés et en tous les cas, antérieure au règlement de l'entrepreneur principal

-qu'en l'espèce, le maître d'ouvrage n'a eu connaissance de l'intervention du sous-traitant que pour les travaux facturés le 25 juin 2019 dont il s'est acquitté entre les mains de ce dernier

-que les prestations d'enrobés ont été payées à l'entrepreneur principal les 4 et 31 janvier 2019 et que le dernier règlement de son marché est intervenu le 12 juin 2019

-que l'établissement d'un décompte général définitif n'a pas été possible du fait de la liquidation judiciaire de l'entrepreneur principal

-que la réception des travaux n'est intervenue que le 8 novembre 2019, hors la présence de l'entrepreneur principal dûment convoqué

-que les opérations préalables à la réception ont eu lieu le 12 juin 2019, ce qui n'aurait pas été possible si les travaux n'avaient pas été terminés

-que le fait que le maître d'ouvrage ait agréé le sous-traitant pour sa première intervention sur le marché à 50 640 euros ne saurait valoir preuve de sa connaissance de l'intervention pour les deux autres marchés

-que le préjudice causé par l'inaction du maître d'ouvrage ne réside pas dans le défaut de paiement mais dans la perte d'une chance d'être agréé ou d'avoir pu bénéficier d'une garantie de paiement

-que s'agissant du défaut d'agrément, il n'est nullement certain que l'entrepreneur mis en demeure aurait déféré à son obligation, ni que l'agrément aurait été donné par le maître d'ouvrage, ni même que l'action directe aurait prospéré

-que le sous-traitant a commis une faute personnelle en ne se manifestant pas auprès du maître d'ouvrage et a pris le risque de poursuivre l'exécution du contrat, sans avoir été agréé, ni avoir reçu de caution.

MOTIFS

1) Sur la renonciation de l'appelante au bénéfice de l'action directe

L'article 12 de la loi du 31 décembre 1975 dispose que:

' Le sous-traitant a une action directe contre le maître de l'ouvrage si l'entrepreneur principal ne paie pas, un mois après en avoir été mis en demeure, les sommes qui sont dues en vertu du contrat de sous-traitance ; copie de cette mise en demeure est adressée au maître de l'ouvrage.

Toute renonciation à l'action directe est réputée non écrite.

Cette action directe subsiste même si l'entrepreneur principal est en état de liquidation des biens, de règlement judiciaire ou de suspension provisoire des poursuites.

Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1799-1 du code civil sont applicables au sous-traitant qui remplit les conditions édictées au présent article.'

L'appelante a indiqué, dans ses conclusions n°6 de première instance, qu'elle fondait son action sur les dispositions de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 et que dès lors, l'intimée essayait vainement de déplacer le débat sur l'impossibilité du sous-traitant de se prévaloir d'une action directe à l'encontre du maître d'ouvrage, en l'absence d'agrément donné par ce dernier.

Ce faisant, l'appelante n'a pas renoncé, de manière non équivoque, au bénéfice de l'action directe mais a seulement précisé qu'elle n'entendait pas se prévaloir de ce moyen de droit, dans le cadre de la première instance.

Le jugement déféré sera, par conséquent, infirmé en ce qu'il a constaté la renonciation de la société EUROVIA LANGUEDOC ROUSSILLON au bénéfice des dispositions de l'action directe instituée par la loi 75-1334 du 31 décembre 1975.

2) Sur la responsabilité du maître d'ouvrage

L'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 dispose que : « Pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics :

- le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3 ou à l'article 6, ainsi que celles définies à l'article 5, mettre l'entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s'acquitter de ces obligations. Ces dispositions s'appliquent aux marchés publics et privés ;

- si le sous-traitant accepté, et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat, ne bénéficie pas de la délégation de paiement, le maître de l'ouvrage doit exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni la caution. »

Il incombe à l'appelante qui se prévaut d'une faute commise par le maître d'ouvrage de faire la démonstration de ce qu'elle avait connaissance de sa présence sur le chantier pour la partie des travaux qui conduit à l'action en indemnisation (Cass., 3e civ., 12 juin 2002 n°00-21.553).

Le maître de l'ouvrage est tenu des obligations instituées par l' article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 dès qu'il a connaissance de l'existence du sous-traitant, nonobstant son absence sur le chantier et l'achèvement de ses travaux ou la fin du chantier. (Cass. 3e civ., 11 sept. 2013, n° 12-21.077).

S'agissant de la réalisation des enrobés sur la chaussée ayant donné lieu au paiement de la facture d'un montant de 50 640 euros, la déclaration de sous-traitance datée du 26 novembre 2018 n'a été signée par le maître d'ouvrage que le 25 juin 2019.

En revanche, la déclaration du sous-traitant par l'entrepreneur principal en ce qui concerne la réalisation des enrobés sur le parking pour un montant de 43 209,50 euros, qui est datée du 6 juin 2009, n'a pas été signée par l'entrepreneur principal.

Les factures litigieuses concernent pour l'une, la fourniture et mise en oeuvre d'enrobés sur le parking ( facture n°675 du 21 juin 2019 d'un montant total de 43 209,50 euros), et pour l'autre, la fourniture et mise en oeuvre d'enrobés sur la chaussée du lotissement

( facture n°809 du 25 juillet 2019 d'un montant total de 18 814,36 euros).

Les courriers électroniques échangés le 19 juin 2019 entre le sous-traitant et l'entrepreneur principal dont le maître d'ouvrage a été rendu destinataire font état de la transmission 'du contrat ci-joint'. Ces messages sont trop succints pour qu'il puisse en être déduit qu'ils avaient pour objet le contrat de sous-traitance relatif à la réalisation d'enrobés sur le parking pour un montant de 43 209,50 euros alors qu'ils pouvaient tout aussi bien concerner le contrat d'un montant de 50 640 euros relatif la réalisation d'enrobés sur la chaussée du lotissement, pour lequel le maître d'ouvrage a donné son agrément le 25 juin 2019.

Il s'en suit qu'il n'est pas démontré que le maître d'ouvrage ait eu connaissance de l'existence du contrat de sous-traitance pour la fourniture et mise en oeuvre d'enrobés sur le parking, avant le courrier daté du 29 août 2019 qui lui a été adressé par le sous-traitant.

S'agissant des travaux complémentaires de fourniture et mise en oeuvre d'enrobés sur la chaussée, qui ne figurent pas dans la décomposition du prix global et forfaitaire, arrêtée le 15 mars 2017 par l'entrepreneur principal et qui sont l'objet de la facture n°809 du 25 juillet 2019 d'un montant total de 18 814,36 euros, il n'est pas démontré que le maître d'ouvrage ait eu connaissance de l'intervention du sous-traitant pour leur réalisation.

Le maître d'ouvrage ne saurait engager sa responsabilité que si, à la date de la découverte de l'existence du sous-traitant, il n'avait pas intégralement réglé l'entrepreneur principal, faisant ainsi perdre au sous-traitant la chance de se faire agréer ou d'obtenir une caution en garantie de paiement.

En l'occurrence, il résulte des factures datées des 20 décembre 2018 et 28 janvier 2019 et de l'état des règlements opérés par le maître d'ouvrage auprès de l'entrepreneur principal, certifiés par expert-comptable, que le maître d'ouvrage s'est acquitté de la somme de 7 800 euros hors taxes, pour la réalisation de 390 M² d'enrobés et le 4 février 2019 de la somme de 38 100 euros hors taxes, pour la réalisation de 1 905 M² d'enrobés. Ce règlement de la somme totale de 45 900 euros hors taxes pour 2 295 M² d'enrobés correspond au poste 9.6.4, d'après les mentions figurant dans les factures datées des 20 décembre 2018 et 28 janvier 2019, ce qui est cohérent avec la décomposition du prix global et forfaitaire, arrêtée le 15 mars 2017 par l'entrepreneur principal qui fait état d'une surface d'enrobés de 2645 M², ramenée à 2295 M² au prix unitaire de 20 euros hors taxes pour ce poste 9.6.4.

Il en résulte que le maître d'ouvrage a réglé à l'entrepreneur principal, les 7 janvier et 4 février 2019, les travaux d'enrobés afférents à la chaussée, faisant l'objet du poste 9.6.4. de la décomposition du prix global et forfaitaire, et non les travaux d'enrobés afférents au parking faisant l'objet du poste 10.2.3 pour une surface de 2 500 M² au prix unitaire de 20 euros.

Ainsi, il n'est pas démontré qu'à la date du 29 août 2019 à laquelle il a été informé de la réalisation par le sous-traitant des enrobés sur le parking ayant donné lieu à l'émission de la facture n°675 du 21 juin 2019 d'un montant total de 43 209,50 euros, le maître d'ouvrage avait réglé l'entrepreneur principal de ces derniers travaux.

Cependant, l'entrepreneur principal a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, ouverte par jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 26 juin 2019, soit avant même que le maître de l'ouvrage ait eu connaissance certaine de la sous-traitance des travaux litigieux de réalisation des enrobés sur le parking. Il s'en suit qu'aucune faute ne saurait être reprochée au maître d'ouvrage qui n'a pas alors été utilement en mesure de mettre en demeure l'entrepreneur principal de s'acquitter des obligations définies à l'article 3 de la loi du 31 décembres 1975. (En ce sens Cass. 3e civ., 22 juin 2011, n° 10-18.573).

Par conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté le sous-traitant de l'ensemble de ses prétentions, condamné le sous-traitant à payer au maître d'ouvrage la somme de 2 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires et condamné le sous-traitant aux dépens de l'instance.

3) Sur les frais du procès

L'appelante qui succombe sera condamnée aux dépens.

L'équité commande d'allouer à l'intimée une indemnité de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a a constaté la renonciation de la société Eurovia Languedoc Roussillon au bénéfice des dispositions de l'action directe instituée par la loi 75-1334 du 31 décembre 1975 ;

Y ajoutant,

Condamne la société Eurovia Languedoc Roussillon aux entiers dépens d'appel ;

Condamne la société Eurovia Languedoc Roussillon à payer à la société Sudinvest une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Arrêt signé par Madame Agnès VAREILLES, Conseillère, pour la Présidente empêchée, et par Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier.

LE GREFFIER, LA CONSEILLERE,

POUR LA PRESIDENTE

EMPÊCHÉE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nîmes
Formation : 4ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21/00128
Date de la décision : 09/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-09;21.00128 ?
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