Ordonnance n° 22/719
N° RG 22/00781 - N° Portalis DBVH-V-B7G-ISZG
J.L.D. NIMES
11 octobre 2022
[F]
C/
LE PREFET DE L'HERAULT
COUR D'APPEL DE NÎMES
Cabinet du Premier Président
Ordonnance du 12 OCTOBRE 2022
Nous, Mme Chantal RODIER, Présidente de chambre à la Cour d'Appel de NÎMES, conseiller désigné par le Premier Président de la Cour d'Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assisté de Mme Emmanuelle PRATX, Greffière,
Vu l'arrêté de M. Le Préfet de l'Hérault portant obligation de quitter le territoire national en date du 11 septembre 222 notifié le même jour, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 11 septembre 2022, notifiée le même jour à 14h00 concernant :
M. [V] [F]
né le 20 Juin 2001 à ORAN
de nationalité Algérienne
Vu l'ordonnance en date du XX septembre 2022 rendue par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes portant prolongation du maintien en rétention administrative de la personne désignée ci-dessus ;
Vu la requête reçue au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes le 10 octobre 2022 à 12h17, enregistrée sous le N°RG 22/04503 présentée par M. le Préfet de l'Hérault ;
Vu l'ordonnance rendue le 11 Octobre 2022 à 10h42 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de NÎMES sur seconde prolongation, qui a :
* Rejeté les exceptions de nullité soulevées ;
* Ordonné pour une durée maximale de 30 jours commençant à l'expiration du précédent délai de 28 jours déjà accordé, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, de M. [V] [F];
* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l'expiration d'un délai de 30 jours à compter du 11 octobre 2022 à 14h00,
Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [V] [F] le 11 Octobre 2022 à 15h08 ;
Vu l'absence du Ministère Public près la Cour d'appel de NIMES régulièrement avisé ;
Vu la présence de Monsieur [C] [W], représentant le Préfet de l'Hérault, agissant au nom de l'Etat, désigné pour le représenter devant la Cour d'Appel en matière de Rétention administrative des étrangers, entendu en ses observations ;
Vu l'assistance de Monsieur [M] [Y] interprète en langue arabe inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Nîmes,
Vu la comparution de Monsieur [V] [F], régulièrement convoqué ;
Vu la présence de Me Maud HAMZA, avocat de Monsieur [V] [F] qui a été entendu en sa plaidoirie ;
MOTIFS
Monsieur [V] [F], se disant de nationalité algérienne, serait entré en France en 2017 en qualité de mineur étranger isolé, dépourvu de passeport.
Interpellé pour défaut de permis de conduire, il a lui a été notifié le 11 septembre 2022 deux arrêtés du Préfet de l'Hérault du même jour, le premier lui faisant obligation de quitter le territoire national français avec interdiction de retour pendant un an, et le second portant placement en rétention administrative aux fins d'exécution de la mesure d'éloignement.
Sur requête du Préfet de l'Hérault en date du 13 septembre, le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes a, par ordonnance prononcée en présence de Monsieur [V] [F] le 14 septembre 2022 ordonné la prolongation de cette mesure de rétention pour vingt-huit jours.
Par jugement du 16 septembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête en annulation de l'arrêté du 11 septembre 2022 lui faisant obligation de quitter le territoire national avec interdiction de retour pendant un an.
Par requête en date du 10 octobre 2022, le Préfet de l'Hérault a sollicité que la mesure de rétention administrative de Monsieur [V] [F] soit de nouveau prolongée pour trente jours.
Par ordonnance du 11 octobre 2022, rendue hors sa présence à 10h42 le Juge des libertés et de la détention de Nîmes a fait droit à cette demande.
Monsieur [V] [F] a interjeté appel de cette ordonnance le 11 octobre 2022 à 15h08.
Sur l'audience,
Monsieur [V] [F] demande deux jours pour quiitter la France par ses propres moyens. Il explique qu'il est arrivé en France en tant que mineur isolé. Il a fait une formation. Mais il n'a pas été aidé dans les démarches avant sa majorité par les éducateurs pour obtenir un passeport. Il s'est trouvé démuni à l'âge adulte pour effectuer des démarches. Il a 21 ans et une compagne. Il voulait régulariser sa situation mais ne savait pas comment faire.
Son avocat soutient :
- le moyen nouveau d'irrégularité de la requête en prolongation, insufisamment motivée en droit au regard de l'erreur d'article du CESEDA dans le visa de la requête, puisqu'il est visé l'article L.742-1 qui concerne les premières prolongations, alors qu'il aurait du être visé l'article L.742-4 qui concerne les secondes prolongations. Ce moyen nouveau est recevable en application de l'article 123 CPC.
- Le défaut de diligences, puisque l'administration ne justifie d'aucun motif du report du rendez-vous consulaire qui devait avoir lieu le 14 septembre et a été reporté sans raison au 21 septembre, ce qui décale toute la procédure d'une semaine et lui ajoute donc inutilement une semaine supplémentaire de privation de liberté.
Monsieur le Préfet de l'Hérault pris en la personne de son représentant demande la confirmation de l'ordonnance dont appel.
Il précise que l'ordonnance reprend le même article que la requête. Cela n'a pas été soulevé en première instance. Si le premier rendez-vous consulaire a été reporté au 21 septembre, c'est en raison de l'audience devant le Juge des libertés et de la détention, le temps de le ramener au Centre de rétention après l'audience ne laissait pas temps suffisant pour le conduire au CRA de [Localité 2] pour le rendez-vous consulaire qui a donc été repoussé à la semaine suivante puisque les rendez-vous consulaires y sont fixés de façon hebdomadaire. L'administration n'a pas manqué de diligences.
SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL :
L'appel interjeté le 11 octobre 2022 à 15h08 par Monsieur [V] [F] à l'encontre d'une ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Nîmes prononcée hors sa présence le même jour a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il est donc recevable.
SUR LES MOYENS ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D'APPEL:
L'article L.743-11 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose: « A peine d'irrecevabilité, prononcée d'office, aucune irrégularité antérieure à une audience à l'issue de laquelle le juge des libertés et de la détention a prolongé la mesure ne peut être soulevée lors d'une audience ultérieure »
L'article 563 du Code de Procédure Civile ajoute encore que « pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »
En l'espèce, Monsieur [V] [F] soulève dans sa déclaration d'appel uniquement des moyens de fond tirés du défaut de diligences de l'administration et de l'absence de perspectives d'éloignement qui sont recevables. A l'audience, il soulève également par la voix de son conseil l'irrégularité de la requête qui serait insuffisamment motivée en droit. Ce moyen nouveau est recevable en application de l'article 123 CPC et des articles susvisés.
SUR LA RECEVABILITE DE LA REQUETE EN PROLONGATION :
en ce que cette requête ne serait pas suffisamment motivée en droit selon l'exigence de l'article R.743-2 du Ceseda à peine d'irrecevabilité :
Le conseil de Monsieur [V] [F] soutient l'irrégularité de la requête au visa de l'article R. 743-2 du CESADA, en ce que la requête est insufisamment motivée en droit, au regard de l'erreur d'article du CESEDA dans le visa de la requête, puisqu'il est visé l'article L.742-1 qui concerne les premières prolongations, alors qu'il aurait du être visé l'article L.742-4 qui concerne les secondes prolongations. Ce moyen nouveau est recevable en application de l'article 123 CPC.
Le défaut de motivation en droit ne peut utilement être retenue en l'espèce. En effet, c'est par une erreur de plume manifeste que la préfecture a visé l'article L.742-1 qui concerne les premières prolongations, alors qu'il aurait dû être visé l'article L.742-4 qui concerne les secondes prolongations. Il n'y a pour autant aucune ambiguité puisque l'objet de la requête est explicitement une « Demande de deuxième prolongation de maintien au centre de rétention administrative » et que par ailleurs, la préfecture y expose toutes les démarches effectuées en vue de son identification, décrivant ses diligences et motifs d'une demande de deuxième prolongation.
Dès lors, il ne peut s'agir d'une irrégularité qui entâcherait la procédure de nullité, d'autant que l'intéressé ne peut utilement se prévaloir d'un quelconque grief résultant de cette erreur de plume.
Le moyen sera donc rejeté.
SUR LE FOND :
Au motif de fond sur son appel, Monsieur [V] [F] soutient que l'administration française ne démontre pas avoir engagé les démarches utiles et nécessaires à son départ, et que par voie de conséquence sa rétention ne se justifie plus ; il expose qu'il n'existe à son sujet aucune perspective d'éloignement en l'absence de réponse à la demande d'identification et en l'absence de routing. De sorte que sa rétention ne se justifie donc plus. Il fait valoir que si la procédure d'identification est longue, elle a été inutilement allongée d'une semaine concernant le report de rendez-vous consulaire du 14 au 21 septembre, sans justification d'un motif valable.
Selon l'article L.742-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après la première période de prolongation de 28 jours depuis l'expiration du délai de quarante-huit heures mentionné à l'article L.742-1, le juge peut être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours dans les cas suivants:
« 1° en cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public,
2° lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement,
3° lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement,
b) de l'absence de moyens de transport. »
La prolongation de la rétention court alors « à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours ».
Ces dispositions doivent s'articuler avec celles de l'article L.741-3 du même code, selon lesquelles il appartient au juge judiciaire d'apprécier la nécessité du maintien en rétention et de mettre fin à la rétention administrative lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient, un étranger ne pouvant être placé ou maintenu en rétention « que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet ».
En l'espèce, il ressort des éléments communiqués que Monsieur [V] [F] n'a communiqué aucun justificatif d'identité de sorte que son indentification par les autorités consulaires correspondant à ses déclarations est une démarche incontournable.
En effet, la délivrance d'un laissez-passer ou tout autre document de voyage ne peut être délivré que dès lors que la nationalité et donc l'identité de l'intéressé a été formellement établie. En l'état d'une personne dépourvue de pièces d'identité et de droit au séjour, les recherches propres à identifier l'origine et la nationalité de celle-ci sont incontournables et retardent d'autant la délivrance du titre de voyage.
La préfecture justifie en l'espèce de ce que suite à l'audience de première prolongation devant le Juge des libertés et de la détention et la notification de sa décision après midi ne permettait pas qu'il soit présent le même jour à 14h30 à [Localité 2] pour le rendez-vous consulaire, compte-tenu du temps de trajet de retour au Centre de rétention d'environ ¿ d'heure des personnes de l'audience du matin après rendu de toutes les décisions de la matinée, de constitution d'une autre escorte et du temps de trajet prévisible de [Localité 1] à [Localité 2].
Les rendez-vous consulaires étant organisés de façon hebdomadaires au Centre de rétention de [Localité 2], il n'apparait pas possible de contraindre les autorités consulaires à lui accorder un rendez-vous consulaire à une date spécifique pour lui avant la date du 21 septembre.
Le 23 septembre, les autorités consulaires ont informé la préfecture qu'à la suite de ce rendez-vous consulaire, une procédure d'identification par enquête a été diligentée à Alger.
Le Préfet n'ayant aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires étrangères, il ne peut lui être reproché le temps pris par celles ci pour leur réponse.
A ce stade, il faut donc patienter pour permettre aux autorités algériennes d'effectuer cette enquête et attendre le moment utile pour les relancer en conservant la diplomatie qu'il convient.
Il ne peut donc pas être reproché à l'administration de ne pas avoir fait de relance alors que l'enquête n'a débuté que le 23 septembre.
Force est de constater que malgré les diligences démontrées par l'administration,la mesure d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et que les délais nécessaires ne sont ici pas imputables à un défaut de diligence de l'administration.
Les circonstances et conditions exigées par l'article L742-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont donc satisfaites et la requête en prolongation de la rétention administrative de Monsieur [V] [F] fondée en droit.
SUR LA SITUATION PERSONNELLE DE MONSIEUR [F] :
Monsieur [V] [F], présent irrégulièrement en France est dépourvu de passeport de telle sorte qu'une assignation à résidence judiciaire est en tout état de cause exclue par les dispositions de l'article L743-13 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il est l'objet d'une mesure d'éloignement en vigueur, telle que précitée, et qui fait obstacle à sa présence sur le sol français.
Il s'en déduit que la prolongation de sa rétention administrative demeure justifiée et nécessaire aux fins qu'il puisse être procédé effectivement à son éloignement.
Il convient par voie de conséquence de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9, R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
DÉCLARONS recevable l'appel interjeté par Monsieur [V] [F] ;
CONFIRMONS l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
RAPPELONS que, conformément à l'article R.743-20 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation 5 quai de l'Horloge 4ème étage, 75055 PARIS CEDEX 05.
Fait à la Cour d'Appel de NÎMES,
le 12 Octobre 2022 à
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
' Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 1] à [V] [F].
Le à H
Signature du retenu
Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :
Monsieur [V] [F], pour notification au CRA
Me Maud HAMZA, avocat
M. Le Préfet de l'Hérault
M.Le Directeur du CRA de NIMES
Le Ministère Public près la Cour d'Appel de NIMES
M. / Mme Le Juge des libertés et de la détention