Ordonnance N°22/717
N° RG 22/00779 - N° Portalis DBVH-V-B7G-ISY3
J.L.D. NIMES
10 octobre 2022
[F]
C/
LE PREFET DE L'HERAULT
COUR D'APPEL DE NÎMES
Cabinet du Premier Président
Ordonnance du 12 OCTOBRE 2022
Nous, Mme Chantal RODIER, Présidente de chambre à la Cour d'Appel de NÎMES, conseiller désigné par le Premier Président de la Cour d'Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assisté de Mme Emmanuelle PRATX, Greffière,
Vu l'arrêté de M. Le Préfet de l'Hérault portant obligation de quitter le territoire national assorti d'une interdiction de retour de deux ans en date du 07 octobre 2022 notifié le 08 octobre 2022, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 08 octobre 2022, notifiée le même jour à 10h30 concernant :
M. [D] [F]
né le 24 Octobre 1999 à [Localité 3] (MAROC)
de nationalité Marocaine
Vu la requête reçue au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes le 09 octobre 2022 à 16h15, enregistrée sous le N°RG 22/04490 présentée par M. le Préfet de l'Hérault ;
Vu l'ordonnance rendue le 10 Octobre 2022 à 15h25 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de NÎMES, qui a :
* Rejeté l' exception de nullité soulevée ;
* Ordonné pour une durée maximale de 28 jours commençant 48H après la notification de la décision de placement en rétention, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, de M. [D] [F];
* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l'expiration d'un délai de 28 jours à compter du 10 octobre 2022 à 10h30,
Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [D] [F] le 11 Octobre 2022 à 10h39 ;
Vu l'absence du Ministère Public près la Cour d'appel de NIMES régulièrement avisé ;
Vu la présence de Monsieur [I] [P], représentant le Préfet de l'Hérault, agissant au nom de l'Etat, désigné pour le représenter devant la Cour d'Appel en matière de Rétention administrative des étrangers, entendu en ses observations ;
Vu l'assistance de Monsieur [B] [W] interprète en langue arabe inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Nîmes,
Vu la comparution de Monsieur [D] [F], régulièrement convoqué ;
Vu la présence de Me Julie REBOLLO, avocat de Monsieur [D] [F] qui a été entendu en sa plaidoirie ;
MOTIFS
Monsieur [D] [F], alias [Y] [E], se disant né le 22 février 1995 à [Localité 3] au Maroc, de nationalité marocaine, déclare avoir quitté le Maroc en 2015 et avoir formé une demande d'asile en Allemagne en 2016.
Monsieur [D] [F] a été condamné le 27 août 2021 par le tribunal correctionnel de Montpellier sous l'identité [Localité 2] [Localité 5], notamment pour violences, rébellion, refus de relevés signalétiques et prélèvements biologiques, et écroué au centre pénitentiaire de [6].
L'administration dispose d'un courrier du Consulat Général du Maroc du 14 juin 2018 selon lequel, suite à la demande d'identification de [Localité 2] [Localité 5], l'intéressé a été identifié au fichier central des empreintes digitales du Maroc et qu'il est reconnu comme étant [F] [D], de nationalité Marocaine.
Le 24 août 2022, alors qu'il était en détention, il a refusé de se présenter au parloir avocat pour sa convocation devant l'UID.
À sa levée d'écrou le 8 octobre 2022, il a reçu notification de deux arrêtés du Préfet de l'Hérault, le premier en date du 7 octobre 2022 lui faisant obligation de quitter le territoire national sans délai avec interdiction de retour pendant deux ans et le second en date du 8 octobre 2022 portant placement en rétention administrative aux fins d'exécution de la mesure d'éloignement.
En effet, un vol était réservé pour Monsieur [D] [F] le 8 octobre 2022 et a dû être annulé en raison de son obstruction volontaire à son départ par auto-mutilation.
Par requête du 9 octobre 2022, le Préfet de l'Hérault a saisi le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes d'une demande en prolongation de la mesure.
Par ordonnance prononcée le 10 octobre 2022 à 15h25, le Juge des libertés et de la détention de [Localité 4] a rejeté l'exception de nullité soulevées ainsi que les moyens présentés par Monsieur [D] [F] et ordonné la prolongation de sa rétention administrative pour vingt-huit jours.
Monsieur [D] [F] a interjeté appel de cette ordonnance le 11 octobre 2022 à 10h39.
Sur l'audience,
Monsieur [D] [F] déclare qu'il est né le 22 février 1995 à [Localité 3] au Maroc, a fait obstruction à son départ car il ne veut pas être éloigné vers le Maroc, mais vers l'Allemagne où il a fait une demande d'asile.
Son avocat s'en rapporte à la déclaration d'appel s'agissant du moyen soulevé d'irrégularité de la requête et soutient qu'il y a une erreur sur sa date de naissance sur son avis d'audience et que son client souhaite qu'il soulève à nouveau la nullité résultant d'une date de naissance erronée.
Monsieur le Préfet pris en la personne de son représentant demande la confirmation de l'ordonnance dont appel, indiquant que l'arrêté de délégation de signature figure bien au dossier.
SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL :
L'appel interjeté le 11 octobre 2022 à 10h39 par Monsieur [D] [F] à l'encontre d'une ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Nîmes prononcée en sa présence le 10 octobre 2022 à 15h25, a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il est donc recevable.
SUR LES MOYENS NOUVEAUX ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D'APPEL:
L'article 563 du code de procédure civile dispose : « Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »
L'article 565 du même code précise : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».
Sauf s'ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l'article 74 du code de procédure civile, les moyens nouveaux sont donc recevables en cause d'appel.
A l'inverse, pour être recevables en appel, les exceptions de nullité relatives aux contrôle d'identité, conditions de la garde à vue ou de la retenue et d'une manière générale celles tenant à la procédure précédant immédiatement le placement en rétention doivent avoir été soulevées in « limine litis » en première instance.
Par ailleurs, le contentieux de la contestation de la régularité du placement en rétention (erreur manifeste d'appréciation de l'administration ou défaut de motivation) ne peut être porté devant la cour d'appel que s'il a fait l'objet d'une requête écrite au juge des libertés et de la détention dans les 48 heures du placement en rétention, sauf à vider de leur sens les dispositions légales de l'article R.741.3 du CESEDA imposant un délai strict de 48h et une requête écrite au Juge des libertés et de la détention.
En l'espèce, Monsieur [D] [F] soulève dans sa déclaration d'appel uniquement le moyen de l'irrégularité de la requête en seconde prolongation, moyen nouveau recevable.
SUR LES EXCEPTIONS DE NULLITÉ AU TITRE D'IRRÉGULARITÉS DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE A L'ARRÊTÉ :
L'article L.743-12 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose: « En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger »
Ainsi une irrégularité tirée de la violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation de formalités substantielles ne peut conduire à une mainlevée de la rétention que si elle a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.
En l'espèce, il a soulevé en première instance une nullité tendant à une erreur sur son identité, concernant sa date de naissance.
Pour rejeter ce moyen dit de nullité, le premier juge a justement relevé sur ce point qu'il ne pouvait utilement s'en prévaloir dès lors qu'il avait déclaré une fausse identité devant le tribunal correctionnel et qu'il ne justifiait pas de grief étant assisté d'un avocat dans la présente procédure.
Il y a lieu de constater qu'aucune irrégularité portant atteinte aux droits de la personne retenue n'est relevée et il convient dès lors de déclarer la procédure régulière, tout en prenant note de la date de naissance qu'il déclare, sans incidence sur la régularité de la procédure, celui-ci ayant été reconnu en 2018 par les autorités marocaines sous sa véritable identité.
SUR LA RECEVABILITE DE LA REQUETE EN PROLONGATION :
- sur l'exception d'irrégularité de la requête en seconde prolongation, en ce que son signataire n'aurait pas compétence pour ce faire :
Monsieur [D] [F] soutient qu'il appartient au juge judiciaire de vérifier la compétence du signataire de la requête en prolongation et la mention des empêchements éventuels des délégataires de signature. En l'espèce, le signataire de la requête ne serait pas compétent.
C'est à tort qu'il est argué de l'incompétence du signataire de la requête en prolongation signée pour le Préfet de l'Hérault le 9 octobre 2022 par Madame [T] [X], sous préfète, directrice du cabinet du Préfet, alors qu'est précisément joint à cette requête un arrêté préfectoral en date du 9 mars 2022 lui portant délégation de signature.
Le moyen d'irrecevabilité doit donc être rejeté.
SUR LE FOND :
L'article L.611-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose des cas dans lesquels un étranger peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et/ou l'article L.612-6 du même code d'une interdiction de retour sur le territoire français tandis que l'article L611-3 du même code liste de manière limitative les situations dans lesquelles de telles mesures sont exclues.
L'article L.741-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise qu'en tout état de cause «un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.»
Au motif de fond sur son appel, Monsieur [D] [F] soutient que l'administration française ne démontre pas avoir engagé les démarches utiles et nécessaires à son départ et avoir fait toutes diligences pour mettre à exécution la mesure d'éloignement, précisant qu'il demande à être éloigné vers l'Allemagne.
En l'espèce,
Le vol réservé pour Monsieur [D] [F] le 8 octobre 2022 a dû être annulé en raison de son obstruction volontaire résultant de son auto-mutilation. Un nouveau routing a été sollicité dès le 9 octobre 2022.
Monsieur [D] [F] a fait savoir qu'il a fait une demande d'asile en Allemagne, et par le Forum au centre de rétention et a demandé à passer à la borde EURODAC.
Il a été appelé hier pour ce faire, ainsi qu'une autre personne retenue, mais la prise d'empreintes via la borne EURODAC n'a pas été possible en raison d'une panne informatique.
Il sera probablement rappelé pour y procéder dès après les réparations informatiques.
Il s'en déduit qu'en l'état, l'administration n'a pas failli à ses obligations, son maintien au centre de rétention résultant que de son obstruction à l'embarquement par une automutilation et de son indication tardive de ce qu'il avait fait une demande d'asile en Allemagne.
Il est bien évident que sa demande d'asile en Allemagne, si elle est vérifiée par le passage prochain via la borne EURODAC du centre de rétention administrative ' ou à défaut de réparations de celle-ci par une autre borne Eurodac de l'administration - donnera lieu à une demande de réadmission aux autorités allemandes, et ce prioritairement à son renvoi au Maroc.
SUR LA SITUATION PERSONNELLE DE MONSIEUR [F] :
Monsieur [D] [F], présent irrégulièrement en France est dépourvu de passeport de telle sorte qu'une assignation à résidence judiciaire est en tout état de cause exclue par les dispositions de l'article L743-13 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il est l'objet d'une mesure d'éloignement en vigueur, telle que précitée, et qui fait obstacle à sa présence sur le sol français.
Il s'en déduit que la prolongation de sa rétention administrative demeure justifiée et nécessaire aux fins qu'il puisse être procédé effectivement à son éloignement, soit sous forme de transfert d'un demandeur d'asile vers l'Allemagne en cas de réadmission par les autorités allemandes, soit à défaut vers son pays d'origine.
Il convient par voie de conséquence de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,
Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9 ; R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
DÉCLARONS recevable l'appel interjeté par Monsieur [D] [F] ;
CONFIRMONS l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
RAPPELONS que, conformément à l'article R.743-20 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1].
Fait à la Cour d'Appel de NÎMES,
le 12 Octobre 2022 à
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
' Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 4] à M. [D] [F], par l'intermédiaire d'un interprète en langue arabe.
Le à H
Signature du retenu
Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :
- Monsieur [D] [F], par le Directeur du centre de rétention de NIMES,
- Me Julie REBOLLO, avocat
(de permanence),
- M. Le Préfet de l'Hérault
,
- M. Le Directeur du CRA de [Localité 4],
- Le Ministère Public près la Cour d'Appel de NIMES
- Mme/M. Le Juge des libertés et de la détention,